Accueil Édition Abonné Avril 2024 Quand les ministres ne sont pas là…

Quand les ministres ne sont pas là…

Ma vie à l'Assemblée, la chronique mensuelle d'Emmanuelle Ménard


Quand les ministres ne sont pas là…
Jacques Witt/SIPA

Dur, dur d’être ministre ! Qu’ils soient en exercice ou en reconversion, les parlementaires ne les ratent jamais. Et s’il n’y avait que nous…


Salon de l’agriculture

Un salon assurément haut en couleur. Vous avez encore tous en tête l’inauguration mouvementée (et pleine de CRS) d’Emmanuel Macron, suivie des deux jours de « perches à selfies » avec Jordan Bardella. Puis, le Premier ministre et sa visite surprise avant, le mercredi, le tour de Marine Le Pen. Il lui fallait évidemment pouvoir rivaliser avec le jeune président de son parti, qui avait reçu, deux jours plus tôt, un accueil chaleureux. La veille au soir, selon les dires de Libération, un message avait donc été adressé aux adhérents du parti pour les « convier » à « rejoindre » le salon et « accompagner » Marine Le Pen porte de Versailles. Message qui se terminait ainsi : « Veuillez noter que les frais d’entrée ainsi que les repas seront à votre charge. » Il n’y a pas de petites économies…

Dur d’être ministre…

Parmi les obligations des ministres, être présent aux séances de « Questions », les mardi et mercredi à l’Assemblée nationale et au Sénat…Et de préférence, y répondre ! Le 28 février dernier, la députée LR Nathalie Serre a interrogé le gouvernement sur la possible installation du village olympique saoudien, dès le 10 mai et pour quatre mois, dans l’enceinte de l’Hôtel national des Invalides. Quel ministre va donc répondre ? Amélie Oudéa-Castéra, ministre des Sports, semble bien placée, mais elle refuse. Déjà eu son compte de polémiques… Les ministres de la Défense et de l’Intérieur sont alors pressentis. Mais Sébastien Lecornu et Gérald Darmanin sont absents, et la tâche retombe sur leurs secrétaires d’État, Patricia Mirallès pour Lecornu et Sabrina Agresti-Roubache pour Darmanin. Pendant que la députée Serre pose sa question, la décision est prise : ce sera Agresti-Roubache. Mais elle ne l’entend visiblement pas de cette oreille, se lève et sort de l’hémicycle en faisant semblant de téléphoner… C’est donc la secrétaire d’État aux Anciens combattants–pas de chance ! –qui s’y colle, mais sans avoir en main la « bonne » fiche préparée par le cabinet du ministre. D’où son famélique « aujourd’hui, rien n’est concret et rien n’est fait. Je comprends vos interrogations, mais je ne répondrai pas sur des choses qui ne sont pas faites ni signées. » Une non-réponse qui a visiblement agacé jusqu’à la présidente de l’Assemblée, puisque celle-ci a jugé bon de rappeler « qu’il faudrait vraiment que les ministres répondent aux questions que lui pose le Parlement. » Ce n’est pas moi qui l’ai dit !

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Clause de conscience

Le 4 mars, le Congrès s’est réuni à Versailles pour inscrire l’IVG dans la Constitution. Je fais partie des 72 élus qui ont voté contre. J’ai eu l’occasion d’expliquer pourquoi je trouvais cette inscription « inutile et dangereuse », notamment pour la clause de conscience du personnel médical. Ça n’a pas traîné. Dès le lendemain, le député insoumis Manuel Bompard plaidait pour supprimer cette clause de conscience des médecins qui constitue selon lui « un obstacle, une entrave » à l’effectivité du droit à l’IVG. Même chose du côté du Planning familial qui, dans son plan stratégique pour 2023-2025, milite pour la suppression de la « double clause de conscience » des médecins pour combattre « la stigmatisation de l’avortement ». Et souhaite une « harmonisation des délais européens à vingt-quatre semaines d’aménorrhée [délai le plus long actuellement en vigueur dans l’UE, soit un bébé d’environ cinq mois dans le ventre de sa mère] », les délais actuellement en vigueur étant jugés « trop courts » et porteurs « d’inégalités ». Inutile et dangereux, vous disais-je…

Discrimination capillaire

Le mercredi 27 mars, une proposition de loi sera examinée à l’Assemblée visant à « reconnaître et à sanctionner la discrimination capillaire »… Vous avez bien lu. Si vous l’ignorez, il s’agit de voler au secours des femmes noires qui se défrisent, paraît-il, pour être dans la norme. Dans l’exposé des motifs, une sociologue, Juliette Sméralda, explique que « le défrisage change l’image corporelle et l’apparence. On aplatit un cheveu qui mérite de vivre, on l’assassine, on le dénature… » En Grande‑Bretagne, une étude réalisée en 2009 a également montré qu’une femme blonde sur trois se colorait les cheveux en brun afin d’augmenter ses chances professionnelles et « avoir l’air plus intelligente » en milieu professionnel. Eh oui, à l’Assemblée aussi on coupe les cheveux en quatre !

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Panique

À Bercy, l’heure n’est pas à la rigolade. Au lieu des 4,9 % attendus (contre les 4,4 % espérés), on se rapprocherait finalement plutôt des 5,6 % de déficit, un chiffre jamais atteint sous la Ve République hors récession et hors crise ! Un véritable tremblement de terre ! Avec, à la clef, une dégradation de la note de la dette française… De quoi faire paniquer Bruno Le Maire ? Pensez-vous… Le 19 mars dernier, lors des questions au gouvernement, il répond en effet ceci : « Nous rétablissons calmement, fermement et sereinement les comptes publics. » À l’Élysée en revanche, on est un peu moins serein. Alors que le ministre de l’Économie sort son sixième livre en sept ans, dans lequel il appelle à la « fin de l’État providence », il paraît qu’Emmanuel Macron a peu goûté la chose. Considérant que son ministre « a raison sur la relance économique et les réformes à faire », il aurait ajouté : « Il devrait en parler à celui qui est ministre de l’Économie et des Finances depuis sept ans. » Sans blague…

Reconversion

Olivier Véran, neurologue de formation, ancien ministre de la Santé connu pour ses déclarations sur les masques « inutiles » en pleine crise du Covid, a repris le chemin de l’université pour s’orienter vers « la médecine esthétique ». Dans le but d’intégrer la clinique parisienne privée des Champs-Élysées, fief des stars de téléréalité, apprend-on. Un choix qui n’a pas manqué de faire réagir, tant l’ancien ministre était connu pour ses perpétuelles leçons de morale. Certains de ses confrères ont ainsi pointé du doigt son manque d’exemplarité, d’autres dénoncé un « choix financier ». Un petit détour vers le site de ladite clinique permet de se rendre compte des actes et tarifs pratiqués : augmentation des fessiers, 2 800 à 8 900 euros ; amplification du point G,700 à 1 500 euros ; épaississement du pénis, 2 500 à 4 500 euros, etc. « Quoi que je fasse, il y aurait eu des critiques », s’agace-t-il. À force de tendre le bâton…

Avril2024 – Causeur #122

Article extrait du Magazine Causeur




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Députée, non-inscrite, de la 6ème circonscription de l’Hérault.

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