Le citoyen français s’est déplacé trois fois aux urnes, pour que rien ne change ?!
Nul besoin d’être Persan ou martien pour n’y rien comprendre. Il aura suffi en effet pour cela, aux gens de la vraie vie, d’un petit mois de distraction ou d’indifférence pour les détails de la chose publique et les cheminements labyrinthiques du fonctionnement parlementaire à la française.
Admettons que ce citoyen occupé de tout autre chose – du tour de France plutôt que des tours de passe-passe politicards, par exemple, ou de son boulot, ou encore des soucis du quotidien – rallume sa télé pour voir un peu ce qu’il pourrait bien y avoir de nouveau du côté du Palais Bourbon. Il s’attend à découvrir des bouilles différentes, dont il est assez friand par nature. Surprise ! De nouveautés, guère. La dame qui présidait et qui était annoncée comme devant dégringoler du perchoir pour céder la place s’y trouve toujours bel et bien installée, en majesté. Rien n’aurait donc changé. Deux dimanches de pêche à la ligne gâchés pour si peu. Se foutrait-on du citoyen-électeur ?
🇫🇷📷 EN IMAGE | Les 4 députés du NFP : Aly Diouara, Sébastien Delogu, Raphaël Arnault et Carlos Martens Bilongo. pic.twitter.com/eG56Tz9efH
Rien de neuf non plus côté dignité, décence, courtoisie républicaine. La foire des deux années dernières en passe de recommencer, en plus tagada-boum-boum sans doute, vu que les amateurs de ce cirque seraient cette fois en plus grand nombre que précédemment. On l’a bien vu, ostensiblement ils ne consentent toujours pas à serrer la main de ceux qui ne font pas délire commun avec eux.
Comme quoi, oui, rien n’a changé. Pour le naïf qui vient de rallumer le poste, il y a de quoi être perplexe. Ne pas se saluer alors qu’on occupe la même chambre, certes ce n’est pas ce qu’il y a de plus poli, de plus élégant, mais surtout voilà qui ne présage rien de bon. Dans un couple, c’est le divorce à plus ou moins brève échéance. Parfois à l’amiable, parfois avec castagne, au moins juridique. Là, on ne sait pas encore. Pour le divorce c’est fait depuis le premier jour, donc là aussi, pas de changement. Pour l’ampleur de la castagne, on verra. La foire assurée, revenant en force, disais-je. Un nouveau chamboule tout décidé là-haut s’imposerait-il alors ? Histoire pour le chef suprême de remettre un peu d’ordre dans sa chambre ? Un chamboule tout comme à la foire, à la fête foraine ? Ce à quoi, d’ailleurs, nous venons d’assister. Le boss en son Palais – toujours un peu gamin d’esprit – a renversé toutes les boîtes. Et tout comme à la foire, elles se sont ensuite retrouvées placées presque exactement à la même place et dans le même ordre qu’auparavant. Sans que personne apparemment n’y ait gagné au passage l’ours en peluche ou la poupée Barbie. Surtout pas le pauvre citoyen un moment distrait qui, affligé, se dit qu’il n’y peut pas grand-chose. Sauf éteindre son poste et, la prochaine fois, choisir la pêche à la ligne plutôt que la franche couillonnade des urnes.
Seuls quelques pays ont une ambassade à Ramallah. Et si Madrid, Oslo et Dublin ont reconnu en mai la Palestine comme un État à part entière, ces capitales ne semblent pas décidées à ouvrir une mission diplomatique dans la ville.
Nicaragua, Oman, Uruguay, Venezuela… Seule une poignée de pays ont une ambassade à Ramallah, la capitale de fait de l’Autorité palestinienne. Car c’est à Tel-Aviv, au Caire ou à Amman que sont basés la quasi-totalité des diplomates de rang plénipotentiaires chargés de représenter leur gouvernement auprès du régime de Mahmoud Abbas, le plus souvent dans le cadre d’une résidence « régionale » englobant plusieurs pays. On a cru toutefois que les choses allaient changer quand, le 22 mai dernier, Oslo, Dublin et Madrid ont annoncé reconnaître officiellement la Palestine comme un État-nation à part entière, brisant là la règle tacite appliquée par la plupart des pays occidentaux en vertu de laquelle la reconnaissance bilatérale entre Israël et Palestine devait être un préalable. Dans les chancelleries, il se murmurait alors que, pour marquer le coup, l’Espagne ouvrirait dans la foulée une mission diplomatique à Ramallah.
À la tête d’une coalition de gauche assez comparable au Nouveau Front populaire français, le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez mène en effet une stratégie très offensive vis-à-vis de Benyamin Nétanyahou. Le 8 mai, son ministre des droits sociaux, Pablo Bustinduy, avait ainsi envoyé une lettre aux entreprises espagnoles installées dans l’État hébreu pour les prier de ne pas contribuer au « génocide en cours en Palestine ». Au même moment, le ministre des Affaires étrangères, José Manuel Albares, essayait de convaincre, en vain, la Belgique, le Portugal et le Luxembourg de reconnaître eux aussi l’État de Palestine. On s’attendait donc à ce que Madrid installe dès le mois de juin un ambassadeur à Ramallah. Il n’en fut rien ! Invoquant des raisons de « niveau de vie et de sécurité », le personnel du consulat général d’Espagne à Jérusalem, pressenti pour créer la nouvelle représentation diplomatique, a refusé de quitter la ville sainte, pourtant située à seulement 15 kilomètres. Piquante ironie. Alors qu’en France de nombreux fonctionnaires du Quai d’Orsay n’hésitent pas à critiquer Emmanuel Macron, pas assez pro-arabe à leur goût, la situation est inversée au sud des Pyrénées, où beaucoup de diplomates espagnols ne font pas mystère de leurs idées néoconservatrices et de leur malaise à servir un pouvoir marqué par la pensée décoloniale. Vous avez dit « État profond » ?
«La courtoisie est importante en politique, avec ce besoin d’apaiser les tensions. Je tendrai la main à chacun des députés mais je m’attends à ce que certains refusent de me saluer», avait prédit le député Flavien Termet devant des journalistes, avant le vote pour l’élection du président de l’Assemblée nationale. Il ne s’est pas trompé, et nombre de parlementaires – essentiellement issus du NFP – ne se sont pas pliés à cette tradition, hier.
Correctif : Postérieurement à la parution de cet article, je découvre qu’après avoir serré la main de Flavien Termet, Clémentine Autain a en revanche refusé de serrer celle de Hanane Mansouri. Sans doute s’est-elle pliée à un rappel à l’ordre de son parti. Reste qu’il est savoureux de constater que le féminisme de gauche consiste désormais, pour parler comme la gauche elle-même, à serrer la main d’un homme blanc mais à refuser de serrer celle d’une femme racisée. Heureusement, étant de droite je suis pour ma part libre de considérer que l’adhésion à notre décence commune et la volonté de servir la France comptent plus que le sexe ou l’origine. Je redis donc ici mon égale sympathie à ces deux jeunes députés, ainsi que ma gratitude pour leur engagement • AM
Lors de l’élection du président (en l’occurrence, de la présidente) de l’Assemblée nationale, certains élus de gauche ont ostensiblement refusé de serrer la main du benjamin de l’Hémicycle, Flavien Termet, qui était chargé de tenir l’urne lors du vote. L’un d’eux, le LFI Sébastien Delogu, y a même ajouté une pathétique imitation d’intimidation physique. Pourquoi ? Parce que Flavien Termet, 22 ans, député des Ardennes, fait partie du Rassemblement national.
LFI et ses méthodes staliniennes.
Les intimidations physiques du député Delogu sont indignes de l’Assemblée nationale.
Face à l’extrême-gauche qui transforme l’hémicycle en ZAD, les députés du @groupeRN_off seront respectueux de leur mandat et de la confiance des électeurs. pic.twitter.com/jtNgE4BMFb
LFI n’était pas seule à la manœuvre. On citera, par exemple, le PS Joël Aviragnet, l’inénarrable EELV Sandrine Rousseau, François Ruffin qu’on a souvent présenté comme un parangon de la « gauche républicaine », et même la macroniste Agnès Pannier-Runacher ! On notera en revanche que Clémentine Autain, elle, a fait preuve d’une courtoisie de bon aloi envers son collègue. On notera enfin que certains d’entre eux ont eu la même attitude de mépris envers la jeune députée Hanane Mansouri, membre du groupe LR d’Éric Ciotti allié au RN.
Gamineries ?
Simples gamineries, pitoyable attitude de harceleurs de cour d’école ? Pas seulement. Les symboles sont importants.
Refuser de serrer la main à quelqu’un, ce n’est pas juste l’insulter. C’est lui signifier qu’on refuse d’avoir avec lui des rapports sociaux normaux. Sauf à ce qu’il s’agisse d’une inimitié purement personnelle, c’est donc lui dire qu’on le juge indigne de participer à la vie normale de la société. Et c’est bien ce qu’ont voulu manifester ces députés de gauche, dont beaucoup ont ensuite explicitement revendiqué poursuivre le fameux et fumeux Front républicain au sein même de l’Assemblée, bien décidés à exclure le premier parti de France et ses millions d’électeurs de toute véritable participation à la vie démocratique. Ces députés, bien sûr, n’ont pas toujours les mêmes pudeurs lorsqu’il s’agit de serrer la main de ceux qui peuvent défendre les terroristes du Hamas, ou lorsqu’il s’agit de serrer la main de ceux qui refusent de serrer la main des femmes… Avec ceux-là, ils n’ont aucun problème pour « faire société » ou « vivre-ensemble » ! C’est là d’ailleurs finalement l’essence même du Front républicain : préférer les islamo-gauchistes et les soutiens du Hamas au RN.
Sectarisme inquiétant
On peut rapprocher cet incident à l’Assemblée d’une autre anecdote rapportée sur X, ou plus exactement des réactions qu’elle suscite. Que l’histoire soit vraie ou non importe peu ici, ce qui compte dans ce cadre c’est le succès qu’elle remporte : 47 mille « likes » pour quelqu’un qui affirme avoir refusé de céder sa place assise à une dame âgée parce que celle-ci a dit ne pas avoir voté à gauche. 47 mille « likes », c’est révélateur.
Bahahahahah jl'ai enfin fait !!! J'ai demandé à la vieille qui voulait ma place assise si elle a voté à gauche elle a répondu "alors là surtout pas". Ça fait 5 min que le fossile est debout pendant que mes guiboles de 21piges se reposent
— Amateur de lait maternel trois fois filtré 🚩🏴 (@hermaniktor) July 16, 2024
Et je n’oublie pas Aymeric Caron écrivant au sujet de ceux qui défendent la riposte israélienne à Gaza: « Nous n’appartenons pas à la même espèce humaine ». Ni Jean-Luc Mélenchon proclamant que les Français se déclarant « de souche » seraient un problème pour la cohésion nationale. Alors, je me demande: n’est-il pas grand temps que les dix millions et demi d’électeurs du RN refusent de serrer la main à l’extrême-gauche et à ses alliés ?
Après deux ans de bataille, la statue de Voltaire a fait son retour square Honoré-Champion. À l’origine de sa disparition, la Mairie de Paris s’accapare le mérite de sa réapparition.
Il y a exactement deux ans, en juillet 2022, René Monié, un lecteur de Causeur, nous a alertés sur le sort de la statue de Voltaire, square Honoré-Champion, dans le 6e arrondissement de Paris. Visé par des jets de peinture à de multiples reprises par des militants Black Lives Matter (Voltaire étant un esclavagiste sanguinaire bien connu), le philosophe avait été exfiltré par la Mairie de Paris en 2020. Mais après sa restauration, la statue de Drivier n’avait pas été replacée sur son socle. Explication officielle : la pierre est trop fragile.
On l’attendrait peut-être encore si nous n’avions lancé, puis soutenu la pétition de M. Monié pour « Le retour de Voltaire ». La première surprise a été le nombre de signataires. Plusieurs milliers de personnes, anonymes et personnalités, chauffeurs de bus et académiciens, étudiants et retraités, Français et étrangers de dix-sept nationalités ont réclamé le retour de l’unique statue de Voltaire dans l’espace public parisien. La deuxième surprise n’en a pas été une. La demande s’est heurtée à la méconnaissance du dossier et à la mauvaise foi de l’Hôtel de Ville. Face à la détermination de tant de voltairiens, la Mairie a fini par découvrir que la statue n’était pas sa propriété, mais celle du CNAP (Centre national des arts plastiques). Occasion inespérée de renvoyer la responsabilité aux petits copains. Voltaire se serait amusé de la langue de bois de la plupart de nos interlocuteurs et de la valse des ministres de la Culture ; il se serait agacé des temps morts imposés par d’obscurs calculs politiques – défendre Voltaire, en France, pose problème – et se serait scandalisé de la très sérieuse proposition de le placer dans une niche de la cour de l’école de Médecine, derrière des barreaux. Puis, il y a eu une troisième surprise, une vraie. Après des mois de silence, le CNAP a fait savoir qu’il avait réalisé une copie de la statue, l’originale étant réellement trop fragile, et qu’il attendait le feu vert du ministère et de la Ville pour la mettre en place.
Karen Taïeb, adjointe en charge du patrimoine auprès d’Anne Hidalgo, a clôturé la cérémonie d’inauguration. Dans son discours, elle n’a pas une fois prononcé le nom de M. Monié – pourtant à ses côtés et avec qui elle a échangé durant des mois – ni évoqué l’émouvant soutien populaire qui a accompagné cette aventure. À l’entendre, seule la Mairie a présidé au retour des Lumières dans ce coin de Paris… Splendide contre-exemple du seigneur de Ferney qui écrit : « On doit des égards aux vivants ; on ne doit aux morts que la vérité. »
Ancien directeur financier dans des sociétés prestigieuses telles que Danone et LVMH, Francis Coulon est l’auteur du révélateur Sortir de la société en crise, paru chez VA Éditions. Il y propose ses solutions pour mettre fin à notre croissance stagnante et aux inégalités croissantes, grâce à l’utilitarisme. Cette philosophie, peu connue en France mais très influente dans le monde anglo-saxon, a en réalité contribué à forger le monde global dans lequel nous vivons…
Marc Alpozzo et Francis Coulon. DR.
Marc Alpozzo.Votre livre porte sur la philosophie utilitariste. Pourtant, ce n’est pas le livre d’un philosophe mais plutôt d’un économiste. Vous êtes en effet l’ancien directeur financier d’entités prestigieuses telles que Danone et LVMH. L’endettement de la France atteint des chiffres record. Votre souci, dans ce livre, c’est d’y répondre mais de manière inhabituelle puisque vous allez dépêcher des philosophes anglais et utilitaristes comme Bentham ou Stuart Mill. Pourquoi choisir cette voie ?
Francis Coulon. Très tôt j’ai été attiré par la philosophie utilitariste. N’étant ni philosophe, ni politique, ni économiste, mais j’espère un peu tout à la fois, j’ai apprécié cette pensée pluridisciplinaire. Bentham et John Stuart Mill m’ont enthousiasmé car ils savaient croiser ces trois approches et jeter un regard philosophique global sur ce qui touche à l’individu mais également à l’État, au gouvernement, à la justice et au bien commun.
La rationalité est mon ADN, et cette approche dénuée d’idéologie m’a paru très appropriée pour analyser nos problèmes aujourd’hui. Pour reprendre la distinction très pertinente de Max Weber, la philosophie utilitariste est plus « une éthique de responsabilité, qu’une éthique de conviction ». C’est-à-dire que ce qui importe dans une décision politique, ce sont les conséquences positives ou négatives pour les citoyens, quels que soient les motifs invoqués.
Confronter les idées au réel, voilà ce qui me passionne et c’est ce que j’ai voulu faire dans ce livre.
La philosophie utilitariste que vous proposez est une philosophie pragmatique, à l’anglo-saxonne : on ne se paie pas de mots ; des actes ! Bien. Si pourtant l’on se tient bien loin des carcans idéologiques que vous dénoncez, on ne voit pas comment vous allez résoudre les problèmes concrets des gens, en recourant à l’utilitarisme qui soutient que « l’action est bonne si elle tend à promouvoir le bonheur ». Mais de quel bonheur parlons-nous ici ? Est-ce le bonheur au sens philosophique, ou le bien-être des citoyens, et dans ce cas, en quoi l’utilitarisme serait supérieur à toute autre méthode ?
L’utilitarisme est une philosophie anglo-saxonne, pragmatique, récente car conçue à la fin du XVIIIe, mais elle s’est exprimée dans le prolongement des philosophes grecs. Aristote, Platon, Épicure affirmaient que le « souverain bien » était l’objectif final recherché par tout être humain et qu’il n’y avait rien au-dessus du bonheur puisque toutes les autres actions n’étaient que des moyens d’atteindre cet objectif.
Les philosophes utilitaristes ont renouvelé cette approche et pour eux quand ils parlent de bonheur, il s’agit du souverain bien. C’est très déconcertant, car les philosophes utilitaristes n’ont jamais défini leur conception du bonheur avec précision. Reprenant le constat d’Emmanuel Kant « Le bonheur est un idéal de l’imagination », ils considèrent que le bonheur est une donnée individuelle, que mon bonheur n’est pas le même que le vôtre et surtout que personne ne peut se mettre à ma place pour me dire quel est mon bonheur et ce que je dois faire pour l’atteindre. John Stuart Mill est le grand penseur de « La liberté » et dans son livre au titre éponyme, il affirme que « personne n’est mieux placé que moi pour dire ce qui me convient ». Nous sommes ici au cœur de la pensée anglo-saxonne où la liberté est la valeur fondamentale.
Comment définir le bonheur au niveau du bien commun ? Il y a un premier niveau, le bien-être, et l’État-providence se doit d’assurer aux citoyens la santé, l’éducation et la sécurité. Mais les utilitaristes demandent aux pouvoirs publics d’aller plus loin et de permettre à chacun d’être capable de réaliser son choix de vie selon ses préférences.
Un exemple, celui du Covid. Lors d’une recrudescence de la pandémie, le gouvernement chinois a isolé la population de manière autoritaire, dans un souci d’efficacité, pour éviter une propagation du virus. Mais les Chinois ont manifesté contre cette politique « zéro covid » qui ne prenait pas en compte un droit humain fondamental, la liberté, fondement du bonheur. C’est à propos du Covid que le philosophe André Comte-Sponville, dans une forme d’utilitarisme de préférence, a affirmé que « ne pas tomber malade n’est pas un but suffisant dans l’existence ».
« Le plus grand bien pour le plus grand nombre de personnes. » N’est-ce pas plutôt un slogan qu’un projet réaliste ?
La force de la philosophie utilitariste c’est sa « simplexité », sa capacité à rendre simples des choses complexes. Le risque est de considérer ses affirmations comme des évidences ou des slogans. En réalité, le principe d’utilité « Le plus grand bien, pour le plus grand nombre » est fondateur d’une véritable méthodologie de l’action comprenant une articulation efficacité/justice. Sur le plan économique, John Stuart Mill parle d’une articulation production/répartition : Nous devons dans un premier temps créer le maximum de richesses qui permettront de donner du pouvoir d’achat et des biens sociaux à la population. Dans un deuxième temps se pose la question de la répartition qui doit être la plus juste possible, ne laissant personne au bord de la route.
Lorsque le gouvernement veut réaliser une réforme, il devrait respecter cette méthodologie. Par exemple, lors de la réforme Macron des retraites, il y avait un souci d’efficacité : assurer la pérennité du système de pension confronté à une baisse du nombre d’actifs et une augmentation de la durée de vie des retraités. Le résultat a été en demi-teinte, mais la solution proposée a surtout été critiquée sur le plan de la justice, car ne prenant pas en compte les carrières longues de ceux qui ont commencé à travailler tôt et les carrières hachées des mères de famille. La solution envisagée en 2020 de retraite à points me semblait plus pertinente sur le plan de l’efficacité et de la justice.
Je n’ai pas été surpris de voir en vous un européiste convaincu. Pourtant, l’Europe peine à demeurer crédible aujourd’hui aux yeux du plus grand nombre. L’Europe dans sa forme actuelle en tout cas. La preuve en est que partout en Europe les « populistes » ont le vent en poupe, et on a le vif sentiment que l’Union européenne repose sur le pouvoir de technocrates déconnectés du terrain. Votre philosophie utilitariste est-elle en opposition avec les décisions de la commission de Bruxelles ? Pourquoi donc continuez-vous à être attaché à l’Union européenne sous sa forme actuelle ?
Ce qui m’importe en priorité, c’est le plus grand bien pour les Français. Nous sommes les mieux placés pour dire ce qui nous convient, mais la France ne représente que 1% de la population mondiale et il y a des domaines où la mutualisation des 27 pays européens peut apporter un avantage. C’est le cas chaque fois que la taille est importante : dans la transition énergétique où il faut créer des « giga factories » de batteries, de panneaux solaires, dans le domaine financier et celui de la monnaie pour avoir du poids face au dollar, dans la défense et l’armement… Dans ces sujets, jouons la globalisation. En revanche, en ce qui concerne le détail, les normes notamment agricoles, la dimension de la nation me parait, sauf exception, préférable.
Grand spécialiste de l’euro, vous avez assuré la transition de la monnaie nationale vers l’euro dans plusieurs sociétés du groupe Danone et dans différents pays. Considérez-vous que l’euro nous protège davantage que les monnaies nationales ?
Une monnaie commune à 20 pays est plus forte car adossée à une économie de près de 17 000 milliards d’euros. Cette mutualisation apporte de la stabilité et des taux d’intérêt bas. L’euro n’a jamais été vraiment attaqué par la finance internationale depuis sa création contrairement aux monnaies de pays en difficulté. Les groupes multinationaux comme Danone ont de la visibilité et sont dans la zone euro à l’abri des dévaluations compétitives qui auparavant fragilisaient leurs politiques commerciales. L’inconvénient est que les pays perdent leur autonomie monétaire et ne peuvent plus utiliser la dévaluation pour retrouver de la compétitivité. Mais est-ce un mal si l’on se souvient de la période 1944-1987 où la France dévaluait tous les trois ans et où le franc était considéré comme une monnaie faible ?
L’Union européenne semblait jusqu’aux élections avancer dans la voie du fédéralisme, participant à la démarche de globalisation souhaitée par les mondialistes comme Jacques Attali. Croyez-vous le sentiment d’appartenance à l’Union européenne plus fort que celui d’appartenance aux nations qui la composent ? Doit-il prédominer ?
Il y a un aspect économique dont nous venons de parler, mais il y a aussi un aspect civilisationnel. Les différentes nations européennes ont toutes leurs spécificités. La philosophie utilitariste parle du plus grand bonheur pour les personnes concernées. Plus la population sera homogène avec une histoire, une culture, une langue, des traditions communes, plus le bonheur sera facile à atteindre au sein d’un État-nation.
D’un autre côté, Samuel Huntington, l’auteur du livre clé Le choc descivilisations, affirme que « les distinctions majeures entre les peuples ne sont pas idéologiques, politiques ou économiques. Elles sont culturelles. » De son point de vue, l’Europe (que l’on peut étendre à l’Occident) constituerait une des huit civilisations majeures, marquée fortement par la religion chrétienne et ayant en commun su tirer profit des révolutions industrielles depuis le XVIIIème siècle.
Quant à la « civilisation universelle » des mondialistes, elle est plutôt en recul du fait de la contestation des valeurs de la civilisation occidentale par le « Sud global ».
Bruno Le Maire affirme avoir « sauvé l’économie française » alors que notre note vient d’être dégradée par l’agence Standard & Poor’s. A-t-il quelques raisons de dire ce qu’il dit ? Le « quoi qu’il en coûte » et l’assistanat ne sont-ils pas radicalement opposés aux principes de l’utilitarisme ?
Le « quoi qu’il en coûte » a diminué les peines lors de la pandémie en évitant des faillites d’entreprises, mais nous a fragilisés. C’était une mesure d’exception qui a probablement duré trop longtemps et qui est en partie responsable de notre déficit et d’une explosion de la dette publique.
Il y a 150 ans, John Stuart Mill affirmait déjà : « Si la condition de l’individu secouru est aussi bonne que celle du travailleur qui se suffit par son travail, l’assistance saperait par la base l’activité et l’indépendance personnelle ». Je crois que dans un pays où le travail est valorisé, le peuple est plus heureux car il trouve dans le travail à la fois une satisfaction personnelle et un enrichissement du bien commun. C’est le pari du libéralisme, que les forces individuelles aillent dans le même sens et participent au bonheur de tous.
Ceci suppose de supprimer les « bullshit jobs » et de donner du sens au travail en valorisant la créativité, l’autonomie. Les utilitaristes disent que le travail doit être « utile », c’est-à-dire bon pour l’individu et pour la société.
Que pensez-vous du score historique du Rassemblement national aux dernières élections européennes ? Quelle conséquence croyez-vous que cela aura sur l’Union européenne dans un avenir proche ?
Les gouvernements des 30 dernières années ont refusé de voir les problèmes liés à l’immigration et à la sécurité. Ils n’ont pas écouté les Français et ce déni a eu des répercutions très négatives sur le « vivre ensemble ». C’est un problème civilisationnel qui explique la montée des partis populistes au niveau français et au niveau européen.
Le Rassemblement national et le Nouveau Front populaire proposent aujourd’hui une « politique de demande » alors que l’Europe et encore plus la France ont à l’inverse besoin d’une « politique d’offre », de réarmement industriel pour faire face à la concurrence mondiale, notamment chinoise. Je pense que le RN, plus réaliste que le NFP, abandonnera ses propositions électoralistes pour revenir à plus de rationalité et que l’éthique de responsabilité prendra le pas sur l’éthique de conviction.
Après la tentative d’assassinat de Donald Trump, la presse américaine, qui a diabolisé à outrance le 45e président des États-Unis, est priée de faire son examen de conscience.
Chaque époque donne au mal absolu un visage. Un visage facilement reconnaissable et symboliquement fort. Le diable a délaissé ses cornes, ses oreilles pointues et sa barbiche de bouc pour la petite moustache à la Chaplin et une large mèche bien gominée. Le brassard à la swastika, marque du démon de l’ère moderne, n’est jamais bien loin. Malgré leurs efforts répétés, la faucille et le marteau n’arrivent pas à la cheville de la croix gammée quand il s’agit de diabolisation. Le bruit des bottes sera toujours celui de la peste plus brune que rouge, tapie dans l’ombre des heures les plus sombres, prête à jaillir du ventre fécond si l’on n’y prend garde.
L’anathème est facile mais redoutablement efficace ; l’actualité récente chez nous peut en témoigner. D’ailleurs, il y a peu de dirigeants dans le monde qui n’ont vu leur faciès affublé de la petite moustache pangermanique. Donald Trump, Angela Merkel, Marine Le Pen, Emmanuel Macron, Giorgia Meloni, Justin Trudeau… Progressistes, populistes : tous en prennent pour leur grade. Tout le monde s’y est habitué et trouve le procédé éculé et assez banal, dorénavant. Sauf que cela n’a rien de banal d’assimiler une personnalité politique au mal incarné. Il n’y a rien de banal à exagérer le danger d’une élection. Hurler à qui veut l’entendre que quiconque rejoindra un certain camp politique sera à jamais marqué du sceau de l’infamie n’a absolument rien de banal. Pas d’amalgame, pas d’amalgame, s’époumonent certains. Alors qu’on n’en a jamais cultivé autant.
L’ultra-polarisation de la société, dans son goût macabre pour le sensationnel, encourage la violence ad hominem sans le moindre scrupule. La presse elle-même, en relayant la stigmatisation excessive du camp qu’elle méprise, se rend complice de cette incitation. Plusieurs couvertures de journaux et de magazines grand public, américains et européens, ont clairement comparé le quarante-cinquième président des États-Unis à Adolf Hitler. Et on le surnomme le Hitler Orange dans certaines émissions de talk-show.
Comment ne pas imaginer que le jeune auteur de l’attentat contre Donald Trump était persuadé d’être sur le point de réaliser un acte héroïque, un acte de résistance à la menace fasciste que représente, pour une grande partie de la gauche américaine, l’ancien président ? Convaincu par des organes de propagande que sa cause était juste, il était prêt à devenir un martyr en se sacrifiant. Comme la plupart des terroristes, toutes causes confondues. La presse américaine démocrate ne paiera probablement jamais le fait d’avoir inculqué ces idées délirantes à tous ces jeunes militants. Le Reductio ad Hitlerum auquel elle s’est adonnée à cœur joie depuis des années fait dorénavant partie du jeu politique, de ce côté de l’Atlantique comme de l’autre. Elle ne paiera probablement jamais la radicalisation de la jeunesse d’extrême gauche dont elle est pourtant en partie responsable par son incitation implicite à la violence. Elle a pourtant contribué à rendre cette violence hystérique en entretenant la haine du camp adverse. Aux États-Unis, la folie haineuse irrationnelle développée contre Donald Trump est même surnommée le Trump Derangement Syndrome (Syndrome d’aversion à Trump). Les mêmes qui nous alertent sans cesse sur des risques de guerre civile s’amusent à souffler sur les braises et jubilent de voir que cela fonctionne. Le sang devait bien commencer à couler un jour et n’allons pas croire naïvement que personne ne l’a souhaité.
À la tête du Figaro Vox, il anime les pages Idées les plus pluralistes et les plus lues de la presse française. Mais Alexandre Devecchio est aussi un homme de convictions sans fausse pudeur. Avec une telle franchise – et un tel pouvoir–, pas étonnant qu’il soit respecté à droite comme à gauche.
Causeur. Vous êtes le représentant et le chroniqueur d’une nouvelle génération politique et intellectuelle de droite qui a produit d’éminents journalistes et changé le rapport de forces, notamment en intervenant sur CNews. Peut-on parler de « génération Bolloré » ?
Alexandre Devecchio. C’est la thèse de la gauche. Pour elle, cette nouvelle génération est le produit d’un écosystème médiatique (CNews, Figaro Vox, C8), donc du combat culturel – et de la Manif pour tous. Dans L’Extrême Droite, nouvelle génération, Marylou Magal et Nicolas Massol insistent beaucoup sur les réseaux. On dirait un livre d’extrême droite qui voit la main des francs-maçons partout. Pour moi, c’est l’Histoire qui a accouché de cette génération. Elle a vécu très jeune le 11-Septembre, les émeutes de banlieue, puis les attentats de 2015. Moi qui suis un peu plus âgé, j’ai connu la fin de l’illusion black-blanc-beur et La Marseillaise sifflée lors du match France-Algérie de 2001. J’ai vu monter la pression identitaire. Après le 11-Septembre, j’ai entendu « Vive Ben Laden » au lycée, j’ai vu les voiles apparaître. Bardella n’est pas l’enfant de Maurras, mais celui des émeutes de 2005 en Seine-Saint-Denis, de la haine des Blancs. La réislamisation de la jeunesse des banlieues et, à gauche, le tournant Terra Nova, qui aboutira à l’islamo-gauchisme, engendrent en réaction une jeunesse nationaliste, patriote, qui réclame la protection de la nation. C’est la génération de l’« identité malheureuse » ou de la mondialisation malheureuse. Et aussi celle du basculement démographique. À Épinay, où j’ai grandi, dans la galerie commerciale, il n’y a plus que des boucheries halal et des types qui vendent des burqas.
C’est aussi une génération eurosceptique…
En effet, le référendum sur la Constitution européenne de 2005 est la première campagne dont se souviennent les jeunes que j’ai interrogés dans mon livre. Le clivage sur la souveraineté et l’identité devient structurant.
Mais à gauche, ce tournant ne produit ni journalistes ni penseurs brillants…
C’est vrai, rappelez-vous la une du Nouvel Obs sur « les intellos 100 % sans Finkielkraut et Zemmour » : il n’y avait que des inconnus sans œuvre et sans pensée. Cependant, il y a un courant woke. On peut le trouver très pauvre, mais il existe…
Des sous-chercheurs appointés. Revenons à la jeune garde de droite. Elle se forme dans le combat contre l’hégémonie culturelle.
Hégémonie qui se mesure au fossé entre l’opinion médiatique et l’opinion populaire. En 2012, je suis au CFJ, on organise un vote présidentiel : Sarkozy et Le Pen n’ont aucune voix, Dupont-Aignan en a une, la mienne, et tout le monde pense que c’est une blague. Il y a une chape de plomb sur le journalisme. Quand j’arrive au Figaro Vox, je découvre de jeunes intellectuels qui n’ont aucun complexe, se moquent du politiquement correct : Eugénie Bastié, qui est ma stagiaire, Bellamy, etc., il y a une émulation, on se voit le soir. Et puis, il y a la génération précédente, ceux qu’on appelés les néo-réacs, avec Zemmour qu’on a tous regardé dans « On n’est pas couché ». Il a eu une influence considérable. Moi, je ne voulais pas être journaliste, je voulais être Zemmour ou Polony.
Finalement, votre génération fait exploser le plafond de verre idéologique.
Ne surestimons pas notre rôle. Nous accompagnons un vaste mouvement populaire et historique. Il y a aussi internet et les réseaux sociaux qui changent la donne. Je me souviens d’un match Algérie-Russie, pendant la Coupe du monde au Brésil, où des supporters ont tout cassé. L’AFP parlait de « quelques petits incidents », alors que des images de voitures brûlées et de destructions circulaient. Le système médiatique, même de gauche, est obligé d’être un peu plus proche de la réalité des Français.
Il faudrait aussi évoquer le réveil des catholiques.
Ils étaient méprisés, hors des écrans radar médiatiques, mais ils étaient déjà là, je vous signale ! La Manif pour tous a fait émerger des cadres. Il y a aussi la jeunesse de la France rurale et périphérique qui a vu ses usines et ses services publics disparaître et qui a le sentiment d’être invisible pour Paris. Cela fabrique moins de cadres, mais beaucoup d’électeurs pour le RN.
Alors qu’un parti plus proche de vos idées pourrait accéder au pouvoir, craignez-vous de vous retrouver « embedded » ?
Je me bats pour des idées, pas pour un parti. L’important, c’est le pluralisme. On accuse le Figaro de « droitisation », un crime odieux, mais nous n’avons jamais été aussi ouverts aux auteurs de gauche. C’est dans nos pages que Mélenchon s’est exprimé après les européennes…
Donc, vous ne craignez pas que le politiquement correct passe à droite ?
C’est un risque, mais nous n’en sommes pas là ! Il reste France TV, le Festival d’Avignon, les intermittents du spectacle. Il faut travailler et ne jamais penser par slogans.
Verrez-vous la fin de l’hégémonie culturelle de la gauche ?
Je ne sais pas si la Manif pour tous a été le Mai 68 des conservateurs, mais nous assistons à un basculement culturel et historique. Aujourd’hui, les baby-boomers tiennent les grands médias, mais ils vont prendre leur retraite. L’alternance qui s’annonce va aussi se traduire par davantage de pluralisme. Le pays médiatique rejoindra le pays réel…
La gauche accuse CNews d’exciter les gens. Est-ce qu’au contraire, cela ne les apaise pas d’avoir un média qui parle de ce qu’ils vivent ?
Entièrement d’accord. C’est cathartique. Ce qui rend les gens fous, c’est qu’on leur dise qu’ils ne vivent pas ce qu’ils vivent. Si on voulait créer une réaction violente, on ne ferait pas autrement.
Après Les Nouveaux Enfants du siècle, j’ai écrit un autre livre, Recomposition : le nouveau monde populiste, dans lequel je présentais le populisme comme la possibilité d’un sursaut démocratique. Je crois à une forme de populisme décent pour combler le fossé actuel entre les élites et le peuple. On a besoin d’une élite davantage connectée aux préoccupations populaires. Je ne veux pas d’une République des technos.
Beaucoup de Français pensent que tout est foutu. Et vous ?
Non, sinon je ne ferais pas ce métier. Le paysage médiatique change, le paysage politique aussi. Une recomposition portée par les classes populaires s’opère dans la plupart des démocraties occidentales. Il ne s’agit pas d’un repli « fascisant », mais au contraire d’une demande de démocratie. Nous devons en finir avec la pensée unique qui s’est érigée en cercle de la raison. Les mouvements « populistes » qui ont pris le pouvoir ces dernières années n’ont pas forcément trouvé leur forme aboutie. Mais la bonne nouvelle, c’est que les peuples occidentaux ne veulent pas mourir et ont décidé de prendre leur destin.
Les Nouveaux Enfants du siècle, « Lexio », Le Cerf, 2024.
Alors que la naïveté collective du Nouveau Front populaire empêche pour l’instant la désignation d’un candidat de gauche pour Matignon, le communiste Chassaigne est proposé au perchoir à l’Assemblée, et c’est l’heure des grandes manœuvres politiciennes autour de Attal, Darmanin, Bertrand ou Philippe…
On n’a jamais connu une période politique comme celle-ci. De tous côtés, c’est l’inquiétude, la sarabande, les ambitions enfin délivrées de leur gangue présidentielle, le progressisme affiché volant en éclats, le président de la République continuant à parler comme s’il était écouté, Gabriel Attal et Gérald Darmanin s’ébrouant dans des sens différents et avec des stratégies opposées, le Nouveau Front Populaire (NFP), bas du front, pas du tout nouveau et absolument pas populaire, confronté, après l’exaltation factice, à la dure loi des rapports de force, le Rassemblement national volé hier, électoralement parlant, par des désistements contre-nature et sans doute spolié à l’Assemblée nationale par un cordon prétendu sanitaire, une démocratie globalement mise à mal…
Gabriel Attal se rappelle qu’il était socialiste
Il est intéressant de voir comme Gabriel Attal et Gérald Darmanin en effet, prennent le large. Le premier, à la hussarde selon le président, étant candidat unique s’est fait élire à la tête du Groupe parlementaire « Ensemble » dont, durant la campagne, grâce à son énergie et à son talent, il a sauvé une part importante de députés.
Le second, enlevant sa cravate de manière ostentatoire à la sortie du Conseil des ministres et manifestant ainsi que c’en était fini du Gérald sous la coupe de quiconque, s’oppose à M. Attal en soutenant qu’avant toute chose il faut décider si le projet politique – le futur du macronisme – sera ancré à droite ou à gauche. Pour lui, il est clair que son avenir est à droite dans une alliance avec la droite républicaine dont le « pacte législatif » est inspiré par le même esprit.
C’est évidemment une pierre jetée dans le jardin de Gabriel Attal qui, durant la campagne des législatives, s’est souvenu de ses origines socialistes en préférant LFI au RN et, Premier ministre chargé des affaires courantes, a validé un cordon sanitaire excluant LFI et le RN à l’Assemblée nationale. On peut regretter ces fluctuations démocratiques qui n’admettent pas que tous les députés présents dans l’hémicycle, sont, en principe et en dignité, égaux et que c’est une insupportable discrimination que d’en ostraciser certains.
Au-delà de cette bataille qui les confrontera directement en 2027, ou par rivaux interposés, il est passionnant de comparer leur personnalité et leur rapport à la politique. Le paradoxe est que, si Gabriel Attal s’est émancipé vite et assez brutalement d’Emmanuel Macron, il a sans doute plus à voir avec certains aspects de ce dernier que Gérald Darmanin.
Gabriel Attal est un séducteur, un vibrion brillant sûr de ses dons et de ses facilités, constituant sa rapidité et son efficacité comme l’opportunité d’autant de coups d’éclat. Tandis que Gérald Darmanin qui n’est pas non plus dénué de verve et de brio est sérieux, travailleur, réaliste, pragmatique, enraciné quand l’autre s’est fait élire dans une circonscription imperdable. Gabriel Attal, malgré les apparences, est un solitaire soutenu par un quatuor d’inconditionnels. Il semble si désireux de donner de lui-même l’impression la plus favorable, la plus immédiatement active et réactive, que je ne l’imagine pas en charge d’un courant populaire qui impose au moins de feindre de s’oublier et d’approuver ce à quoi on ne croit pourtant pas: que le pluriel est plus efficace que le singulier et le collectif que l’élan individuel et créatif.
En ordre dispersé
À peine ai-je esquissé cette analyse que je me souviens de l’accueil qui lui avait été réservé comme ministre de l’Éducation nationale et encore plus comme Premier ministre, après qu’il avait été un excellent porte-parole du gouvernement : une attente sympathique mais un peu inquiète face à de possibles risques de légèreté et de superficialité. Depuis la dissolution et son rapport abîmé avec le président – il n’a pas supporté de n’en avoir pas été informé -, on ne peut contester qu’il a pris une densité ne le rendant plus du tout ridicule pour 2027 s’il se mettait, lui aussi, sur les rangs.
MM. Attal et Darmanin ne vont pas emprunter les mêmes chemins. En tout cas ils s’éloignent, le premier en mettant la main sur le groupe et en s’assurant des fidèles pour demain, le second en s’appuyant sur un bilan estimable – il a fait tout ce qu’il a pu au sein d’une mansuétude régalienne – et en proposant une droite populaire « à la Sarkozy ».
Et Édouard Philippe et Bruno Le Maire sont déjà loin, eux aussi. Et Laurent Wauquiez, absent quand son parti avait besoin de lui mais présent quand il a besoin du parti. Et David Lisnard qu’on n’oubliera pas à Cannes. Et Xavier Bertrand aspirant à être le Premier ministre compatible avec le président et avec la situation d’aujourd’hui. Il faudra juste, s’il le devient, qu’il cesse d’insulter les 11 millions de citoyens ayant voté pour le RN qui n’est ni fasciste ni nazi mais largement aussi républicain que LFI…
Du rififi sans fin dans la bande des quatre
Le Nouveau Front Populaire prend l’eau chaque jour davantage. Malgré les cris d’effroi de Marine Tondelier et de Sandrine Rousseau. On a enfin – le 17 juillet – son candidat unique pour la présidence de l’Assemblée nationale : le communiste André Chassaigne. On n’a toujours pas le nom du Premier ministre qui doit être validé par la bande des quatre ! Entre LFI et le PS, c’est à qui montrera le plus ses muscles avec de surcroît une divergence fondamentale : Olivier Faure et le PS veulent gouverner tandis que Jean-Luc Mélenchon et les Soumis à Mélenchon (SAM, sigle suggéré par Gilles-William Goldnadel) n’y tiennent pas, désireux de garder au chaud le premier pour 2027 !
Je n’ai pas envie de me moquer de la naïveté collective de ce NFP. Qui pouvait lucidement croire que ces quatre structures, ces personnalités, ces rivalités, ces rapports de force, ces divergences, ces inégalités de courage et de caractère n’allaient pas faire éclater en morceaux le succès artificiel, relatif, dû aux voltes indécentes de leurs opposants de toujours ! Comme l’a très bien dit François Ruffin, ce désordre et ces atermoiements valident ce que le président de la République attendait du NFP : la démonstration d’un chaos et d’une impuissance.
Il ne pouvait pas être plus clair, Jonas Vingegaard, L’Humble mais aussi L’Obstiné du peloton. A peine remis de ses graves blessures sur le Tour du Pays basque (fracture de la clavicule, côtes cassées, contusions pulmonaires dont rien de moins qu’un pneumothorax – ce qui aurait valu à n’importe quel quidam une longue convalescence), il ne s’est pas aligné sur 111ème édition de la Grande boucle pour faire de la figuration, montrer son maillot et susciter la compassion. Logiquement, sa saison aurait dû s’arrêter de l’autre côté des Pyrénées…
Mais la vie n’ayant pas été tendre avec lui avant de remporter deux Tours consécutifs, la compassion à son endroit l’indiffère. Quatre ans avant de remporter son premier Tour, en 2022, il travaillait encore à dépecer de nuit des poissons dans une conserverie dans son pays natal, le Danemark, pour se consacrer le jour au vélo. S’il a pris le départ à Florence, c’est pour la gagne, et rien que pour ça, n’a-t-il eu de cesse de dire et redire.
« Je ne suis pas venu ici pour viser la deuxième place, a-t-il répété sans ambages, lundi dernier, deuxième jour de repos. Je ferai tout ce qui est possible et je continuerai à me battre avec l’objectif d’essayer de gagner ». Dès lors, les trois ultimes étapes s’annoncent cruciales. Debout le forçat de la route, c’est la lutte finale qu’il a proclamée. Du passé, des 18 étapes précédentes à celle de demain vendredi (Embrun-Isola 2000, 144,6 km), qui conduira le peloton bigarré à franchir le point culminant de cette édition, le col de la Bonette (2802 m, 22,9 km d’ascension à 6,9% de moyenne), hors catégorie, il compte bien faire table rase… « Ce sera l’éruption de la fin »… Debout, debout sur les pédales, ce sera tout ou rien, le triomphe ou la déroute.
L’étape de samedi (Nice-Col de la Couillole, 12,8km), si la guillotine n’a pas fait son œuvre fatale la veille, peut trancher dans le vif dans la tête du général. « Aussi courte que difficile », selon un coureur du coin, Clément Champoussin (Arkéa-BBhôtels), plus directement dit « courte mais assassine ». La défaillance monumentale peut s’abattre sur l’un des deux rivaux (et pourquoi pas sur les deux à la fois, ce qui serait une sacrée première), s’ils sont toujours en lice. Ce fut ce qui advint au Flamboyant, parfois inutilement arrogant, tout en restant tout-sourire, Pogacar, quand il avait été laminé, l’an dernier, lors de la 17ème à l’issue de laquelle il s’était retrouvé relégué à 7 mn de Vingegaard au général et avait concédé déjà la veille dans un contre la montre de 22,4 km 1’36.
Si ce final très rude de trois étapes totalisant un dénivelé de 15 000 m (deux fois l’altitude de l’Himalaya, en gros), ne sonne pas le glas pour l’un des deux grands aspirants à la victoire finale, si un troisième larron ne profite pas de leur rivalité qui les conduirait à se neutraliser, ce sera donc le chrono individuel des 33,7 km qui se terminera sur la Promenade des Anglais à Nice qui jettera son dévolu : le vainqueur du Tour 2024 est… est…
Certes, dans les deux étapes pyrénéennes, Pogacar a été dominateur mais pas impérial. Une avance de 3’09, « ce n’est rien en montagne », comme l’ont dit et redit Laurent Jalabert et Thomas Voeckler, tous deux ayant une expérience de l’art cycliste et du coup de pompe qui vous laisse sans jambes, et reconvertis dans l’expertise cyclopédiste. Ils ne manquent de compétences, n’en déplaise à d’aucuns à l’humeur toujours grincheuse…
Néanmoins, si Pogacar « reste à ce niveau, il sera difficile à battre, admet Frans Maassen, directeur sportif de l’épique de Vingegaard, Visma-lease a bike, ainsi que l’a rapporté Armel Le Bescon, l’envoyé spécial du Figaro. Mais, je reste persuadé qu’il a encore une chance de gagner le Tour. Ce n’est pas terminé car ces deux dernières années, Tadej (Pogacar) a eu des mauvais jours ». Et ces mauvais jours ne sont pas encore manifestés, si tant est qu’ils aient l’intention de se manifester.
Précision : la démonstration de Pogacar et Vingegaard sur les pentes du Plateau de Bielle, le 14 juillet, a relancé la récurrente et sempiternelle suspicion de dopage qui n’a pas toujours été infondée, donc est légitime. Le cas Armstrong, septuple vainqueur, qui avait déjoué tous les – pourtant très stricts – contrôles (aucun sport n’est soumis à pareille rigueur, pourtant, et pourtant… ???) nourrit ce doute. Les apparences sont souvent trompeuses, dans les deux sens : on peut paraître coupable et être innocent et vice-versa. Nous y reviendrons, en racontant l’histoire du dopage qui est consubstantiel au cyclisme, même si le premier dopé qui s’est fait pincer a été un nageur. Le premier dopage dans le vélo a été le vin Mariani, un gros rouge, lui, dopé à la cocaïne, et qui a inspiré un pharmacien américain pour créer le plus fameux soda du monde, le Coca Cola, dont le premier composant qui a fait sa gloire provenait de la feuille de… Coca, plante andine stimulante.
Cybersécurité. Les soupçons se multiplient contre le site e-commerce qui dépense des fortunes pour vous envoyer des articles bas de gamme à vil prix. Une petite jupe à prix cassé ou le gros lot d’une tombola méritent-ils vraiment de partager ses données personnelles avec les Chinois?
Le fracas médiatique des campagnes européennes, puis législatives a éclipsé une bien étrange nouvelle, d’intérêt national. Le classement des sites de e-commerce les plus visités en France, publié le 5 mai, a vu un nouveau nom y faire son apparition : Temu. Encore inconnue il y a un an, la marque se hisse pourtant à la 5e place et couvrirait 26,4% de la population française, gagnant deux places par rapport au trimestre précédent. L’audience du site chinois de e-commerce dépasse désormais celle des enseignes à bas prix tricolores Cdiscount et Lidl, mais également celle des champions du hard discount comme Shein ou encore Aliexpress. Comment expliquer ce succès aussi foudroyant, dans un secteur qui semblait saturé par des marques toujours plus discount, aux panels d’articles toujours plus étendu, répondant à tous les désirs du consommateur dans la minute ?
Bienvenue sur Temu, où les prix cassés défient toute concurrence
Des grilles de barbecue à 1,77 euros, un jean’s à 16,63 euros, ou un tapis de bain à 2,27 euros… on trouve de tout sur Temu. S’ajoutent à cela des réductions, soldes (- 90 %), primes au parrainage et tirages au sort quotidien pour obtenir encore plus de réductions.
Des prix jamais vus jusqu’alors, et des techniques de vente qui donnent au client l’impression de faire l’affaire du siècle à chaque clic. Leur slogan : « shop like a billionaire » cherche à provoquer les achats compulsifs des consommateurs aux plus petits budgets. Pour couronner le tout, la livraison des articles est gratuite depuis la Chine. Trop beau pour être vrai ?
Temu : un mauvais acteur économique qui s’offre le luxe de ne pas être rentable
Chez Temu le client est pourtant très loin d’être roi. Produits de qualité médiocre, photos parfois mensongères, mauvaise réception des colis, roue de loterie douteuse, refus de remboursement… de très nombreux consommateurs sont déçus lorsqu’ils découvrent leurs achats. En témoignent les nombreux commentaires de clients mécontents sur le site Trustpilot : « Les délais de livraison peuvent aller jusqu’à 3 semaines voire plus. Argent gaspillé pour de la pacotille (…) » écrit Dabih Albireo dans un commentaire en date du 28 mai. Ou encore « J’ai gagné 120 euros sur la roue, temu dit que suite à 3 achats vous aurez 120 euros sur déductions malheureusement mon achat de 220 euros n’a pas été déduit » témoignait Mehmet Coskun quatre jours plus tard. Les clients ne sont pas les seuls à pointer du doigt la qualité des marchandises et des services de Temu. De plus en plus d’associations de consommateurs portent plainte contre les pratiques du géant chinois. C’est le cas d’UFC-Que Choisir, qui a déposé une plainte conjointe avec le Bureau européen des unions de consommateurs et seize autres associations auprès de la Commission européenne, dénonçant notamment des « pratiques commerciales déloyales » et alertant sur la non-conformité de nombreux produits vendus sur la plate-forme chinoise.
Malgré l’explosion du nombre de ses ventes, cette stratégie ultra-low-cost se révélerait pourtant… déficitaire. En effet, selon la société financière China Merchants Securities, Temu perdrait entre 588 et 954 millions de dollars par an. Une analyse des coûts de la chaîne d’approvisionnement de l’entreprise réalisée par le magazine Wired en mai 2023 révèle que Temu perdrait en moyenne 30 dollars par commande ! À l’origine de ce modèle déficitaire, des campagnes de publicité onéreuses et un coût du transport élevé, à la charge des prestataires de la marque. Où se trouvent alors les bénéfices de Temu ?
Le prix de Temu : nos données personnelles ?
Si le modèle économique de la marque chinoise est structurellement déficitaire, Temu se paierait avec nos données personnelles. L’hypothèse d’une captation massive et d’une utilisation frauduleuse des données personnelles des clients de Temu a été documentée.
La plate-forme chinoise possèderait en effet toutes les caractéristiques des formes les plus agressives de logiciels malveillants ou spywares. L’application disposerait de fonctions cachées permettant une exfiltration étendue de données à l’insu des utilisateurs, donnant potentiellement aux acteurs malveillants un accès à presque toutes les données sur les appareils mobiles des clients. C’est ce que révèlait le rapport du think tank américain Grizzly Research publié en septembre 2023. Aux États-Unis, plusieurs voix s’élèvent pour protéger les utilisateurs des vols de données. Il y a quelques semaines, le procureur général de l’Arkansas a même accusé l’entreprise chinoise de « vol de données ». Ces pratiques de collecte de données personnelles ont fait l’objet d’un procès intenté aux Etats-Unis par des utilisateurs de Temu l’année dernière, les plaignants affirmant que l’application avait accès à l’intégralité du contenu de leurs téléphones et soupçonnant le transfert de leurs données au gouvernement chinois. Une inquiétude légitime, quand on sait que les entreprises chinoises ne peuvent fonctionner que si l’intégralité de leurs bases de données est accessible aux agences gouvernementales chinoises.
Temu, le nouveau cheval de Troie ?
Le 8 avril, cybeshack.com rapportait ces propos du professeur Asha Rao, expert en cybersécurité à la School of Science du RMIT, à propos de Temu : « Il est important de se demander si nous souhaitons que nos données soient utilisées dans des lieux et par des entités que nous n’avons pas autorisées. Sommes-nous en train de sacrifier notre vie privée pour une trancheuse d’avocat bon marché ? ».
Une première réponse a été apportée, moins d’un mois plus tard. Le 14 mai, le gouverneur Greg Gianforte a été le premier homme politique à inclure Temu dans une liste de technologies « liées à des adversaires étrangers » et à demander son interdiction dans le Montana. On peut légitimement s’interroger sur les réelles intentions de Temu à l’égard de ses clients. Si les coûts des articles y sont si bas, quand et comment en paierons-nous le prix ? Face à cet instrument soupçonné d’espionnage de masse déguisé en plate-forme de commerce en ligne que serait Temu, qu’attend le Vieux Continent pour réagir ?
Le citoyen français s’est déplacé trois fois aux urnes, pour que rien ne change ?!
Nul besoin d’être Persan ou martien pour n’y rien comprendre. Il aura suffi en effet pour cela, aux gens de la vraie vie, d’un petit mois de distraction ou d’indifférence pour les détails de la chose publique et les cheminements labyrinthiques du fonctionnement parlementaire à la française.
Admettons que ce citoyen occupé de tout autre chose – du tour de France plutôt que des tours de passe-passe politicards, par exemple, ou de son boulot, ou encore des soucis du quotidien – rallume sa télé pour voir un peu ce qu’il pourrait bien y avoir de nouveau du côté du Palais Bourbon. Il s’attend à découvrir des bouilles différentes, dont il est assez friand par nature. Surprise ! De nouveautés, guère. La dame qui présidait et qui était annoncée comme devant dégringoler du perchoir pour céder la place s’y trouve toujours bel et bien installée, en majesté. Rien n’aurait donc changé. Deux dimanches de pêche à la ligne gâchés pour si peu. Se foutrait-on du citoyen-électeur ?
🇫🇷📷 EN IMAGE | Les 4 députés du NFP : Aly Diouara, Sébastien Delogu, Raphaël Arnault et Carlos Martens Bilongo. pic.twitter.com/eG56Tz9efH
Rien de neuf non plus côté dignité, décence, courtoisie républicaine. La foire des deux années dernières en passe de recommencer, en plus tagada-boum-boum sans doute, vu que les amateurs de ce cirque seraient cette fois en plus grand nombre que précédemment. On l’a bien vu, ostensiblement ils ne consentent toujours pas à serrer la main de ceux qui ne font pas délire commun avec eux.
Comme quoi, oui, rien n’a changé. Pour le naïf qui vient de rallumer le poste, il y a de quoi être perplexe. Ne pas se saluer alors qu’on occupe la même chambre, certes ce n’est pas ce qu’il y a de plus poli, de plus élégant, mais surtout voilà qui ne présage rien de bon. Dans un couple, c’est le divorce à plus ou moins brève échéance. Parfois à l’amiable, parfois avec castagne, au moins juridique. Là, on ne sait pas encore. Pour le divorce c’est fait depuis le premier jour, donc là aussi, pas de changement. Pour l’ampleur de la castagne, on verra. La foire assurée, revenant en force, disais-je. Un nouveau chamboule tout décidé là-haut s’imposerait-il alors ? Histoire pour le chef suprême de remettre un peu d’ordre dans sa chambre ? Un chamboule tout comme à la foire, à la fête foraine ? Ce à quoi, d’ailleurs, nous venons d’assister. Le boss en son Palais – toujours un peu gamin d’esprit – a renversé toutes les boîtes. Et tout comme à la foire, elles se sont ensuite retrouvées placées presque exactement à la même place et dans le même ordre qu’auparavant. Sans que personne apparemment n’y ait gagné au passage l’ours en peluche ou la poupée Barbie. Surtout pas le pauvre citoyen un moment distrait qui, affligé, se dit qu’il n’y peut pas grand-chose. Sauf éteindre son poste et, la prochaine fois, choisir la pêche à la ligne plutôt que la franche couillonnade des urnes.
Seuls quelques pays ont une ambassade à Ramallah. Et si Madrid, Oslo et Dublin ont reconnu en mai la Palestine comme un État à part entière, ces capitales ne semblent pas décidées à ouvrir une mission diplomatique dans la ville.
Nicaragua, Oman, Uruguay, Venezuela… Seule une poignée de pays ont une ambassade à Ramallah, la capitale de fait de l’Autorité palestinienne. Car c’est à Tel-Aviv, au Caire ou à Amman que sont basés la quasi-totalité des diplomates de rang plénipotentiaires chargés de représenter leur gouvernement auprès du régime de Mahmoud Abbas, le plus souvent dans le cadre d’une résidence « régionale » englobant plusieurs pays. On a cru toutefois que les choses allaient changer quand, le 22 mai dernier, Oslo, Dublin et Madrid ont annoncé reconnaître officiellement la Palestine comme un État-nation à part entière, brisant là la règle tacite appliquée par la plupart des pays occidentaux en vertu de laquelle la reconnaissance bilatérale entre Israël et Palestine devait être un préalable. Dans les chancelleries, il se murmurait alors que, pour marquer le coup, l’Espagne ouvrirait dans la foulée une mission diplomatique à Ramallah.
À la tête d’une coalition de gauche assez comparable au Nouveau Front populaire français, le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez mène en effet une stratégie très offensive vis-à-vis de Benyamin Nétanyahou. Le 8 mai, son ministre des droits sociaux, Pablo Bustinduy, avait ainsi envoyé une lettre aux entreprises espagnoles installées dans l’État hébreu pour les prier de ne pas contribuer au « génocide en cours en Palestine ». Au même moment, le ministre des Affaires étrangères, José Manuel Albares, essayait de convaincre, en vain, la Belgique, le Portugal et le Luxembourg de reconnaître eux aussi l’État de Palestine. On s’attendait donc à ce que Madrid installe dès le mois de juin un ambassadeur à Ramallah. Il n’en fut rien ! Invoquant des raisons de « niveau de vie et de sécurité », le personnel du consulat général d’Espagne à Jérusalem, pressenti pour créer la nouvelle représentation diplomatique, a refusé de quitter la ville sainte, pourtant située à seulement 15 kilomètres. Piquante ironie. Alors qu’en France de nombreux fonctionnaires du Quai d’Orsay n’hésitent pas à critiquer Emmanuel Macron, pas assez pro-arabe à leur goût, la situation est inversée au sud des Pyrénées, où beaucoup de diplomates espagnols ne font pas mystère de leurs idées néoconservatrices et de leur malaise à servir un pouvoir marqué par la pensée décoloniale. Vous avez dit « État profond » ?
«La courtoisie est importante en politique, avec ce besoin d’apaiser les tensions. Je tendrai la main à chacun des députés mais je m’attends à ce que certains refusent de me saluer», avait prédit le député Flavien Termet devant des journalistes, avant le vote pour l’élection du président de l’Assemblée nationale. Il ne s’est pas trompé, et nombre de parlementaires – essentiellement issus du NFP – ne se sont pas pliés à cette tradition, hier.
Correctif : Postérieurement à la parution de cet article, je découvre qu’après avoir serré la main de Flavien Termet, Clémentine Autain a en revanche refusé de serrer celle de Hanane Mansouri. Sans doute s’est-elle pliée à un rappel à l’ordre de son parti. Reste qu’il est savoureux de constater que le féminisme de gauche consiste désormais, pour parler comme la gauche elle-même, à serrer la main d’un homme blanc mais à refuser de serrer celle d’une femme racisée. Heureusement, étant de droite je suis pour ma part libre de considérer que l’adhésion à notre décence commune et la volonté de servir la France comptent plus que le sexe ou l’origine. Je redis donc ici mon égale sympathie à ces deux jeunes députés, ainsi que ma gratitude pour leur engagement • AM
Lors de l’élection du président (en l’occurrence, de la présidente) de l’Assemblée nationale, certains élus de gauche ont ostensiblement refusé de serrer la main du benjamin de l’Hémicycle, Flavien Termet, qui était chargé de tenir l’urne lors du vote. L’un d’eux, le LFI Sébastien Delogu, y a même ajouté une pathétique imitation d’intimidation physique. Pourquoi ? Parce que Flavien Termet, 22 ans, député des Ardennes, fait partie du Rassemblement national.
LFI et ses méthodes staliniennes.
Les intimidations physiques du député Delogu sont indignes de l’Assemblée nationale.
Face à l’extrême-gauche qui transforme l’hémicycle en ZAD, les députés du @groupeRN_off seront respectueux de leur mandat et de la confiance des électeurs. pic.twitter.com/jtNgE4BMFb
LFI n’était pas seule à la manœuvre. On citera, par exemple, le PS Joël Aviragnet, l’inénarrable EELV Sandrine Rousseau, François Ruffin qu’on a souvent présenté comme un parangon de la « gauche républicaine », et même la macroniste Agnès Pannier-Runacher ! On notera en revanche que Clémentine Autain, elle, a fait preuve d’une courtoisie de bon aloi envers son collègue. On notera enfin que certains d’entre eux ont eu la même attitude de mépris envers la jeune députée Hanane Mansouri, membre du groupe LR d’Éric Ciotti allié au RN.
Gamineries ?
Simples gamineries, pitoyable attitude de harceleurs de cour d’école ? Pas seulement. Les symboles sont importants.
Refuser de serrer la main à quelqu’un, ce n’est pas juste l’insulter. C’est lui signifier qu’on refuse d’avoir avec lui des rapports sociaux normaux. Sauf à ce qu’il s’agisse d’une inimitié purement personnelle, c’est donc lui dire qu’on le juge indigne de participer à la vie normale de la société. Et c’est bien ce qu’ont voulu manifester ces députés de gauche, dont beaucoup ont ensuite explicitement revendiqué poursuivre le fameux et fumeux Front républicain au sein même de l’Assemblée, bien décidés à exclure le premier parti de France et ses millions d’électeurs de toute véritable participation à la vie démocratique. Ces députés, bien sûr, n’ont pas toujours les mêmes pudeurs lorsqu’il s’agit de serrer la main de ceux qui peuvent défendre les terroristes du Hamas, ou lorsqu’il s’agit de serrer la main de ceux qui refusent de serrer la main des femmes… Avec ceux-là, ils n’ont aucun problème pour « faire société » ou « vivre-ensemble » ! C’est là d’ailleurs finalement l’essence même du Front républicain : préférer les islamo-gauchistes et les soutiens du Hamas au RN.
Sectarisme inquiétant
On peut rapprocher cet incident à l’Assemblée d’une autre anecdote rapportée sur X, ou plus exactement des réactions qu’elle suscite. Que l’histoire soit vraie ou non importe peu ici, ce qui compte dans ce cadre c’est le succès qu’elle remporte : 47 mille « likes » pour quelqu’un qui affirme avoir refusé de céder sa place assise à une dame âgée parce que celle-ci a dit ne pas avoir voté à gauche. 47 mille « likes », c’est révélateur.
Bahahahahah jl'ai enfin fait !!! J'ai demandé à la vieille qui voulait ma place assise si elle a voté à gauche elle a répondu "alors là surtout pas". Ça fait 5 min que le fossile est debout pendant que mes guiboles de 21piges se reposent
— Amateur de lait maternel trois fois filtré 🚩🏴 (@hermaniktor) July 16, 2024
Et je n’oublie pas Aymeric Caron écrivant au sujet de ceux qui défendent la riposte israélienne à Gaza: « Nous n’appartenons pas à la même espèce humaine ». Ni Jean-Luc Mélenchon proclamant que les Français se déclarant « de souche » seraient un problème pour la cohésion nationale. Alors, je me demande: n’est-il pas grand temps que les dix millions et demi d’électeurs du RN refusent de serrer la main à l’extrême-gauche et à ses alliés ?
Après deux ans de bataille, la statue de Voltaire a fait son retour square Honoré-Champion. À l’origine de sa disparition, la Mairie de Paris s’accapare le mérite de sa réapparition.
Il y a exactement deux ans, en juillet 2022, René Monié, un lecteur de Causeur, nous a alertés sur le sort de la statue de Voltaire, square Honoré-Champion, dans le 6e arrondissement de Paris. Visé par des jets de peinture à de multiples reprises par des militants Black Lives Matter (Voltaire étant un esclavagiste sanguinaire bien connu), le philosophe avait été exfiltré par la Mairie de Paris en 2020. Mais après sa restauration, la statue de Drivier n’avait pas été replacée sur son socle. Explication officielle : la pierre est trop fragile.
On l’attendrait peut-être encore si nous n’avions lancé, puis soutenu la pétition de M. Monié pour « Le retour de Voltaire ». La première surprise a été le nombre de signataires. Plusieurs milliers de personnes, anonymes et personnalités, chauffeurs de bus et académiciens, étudiants et retraités, Français et étrangers de dix-sept nationalités ont réclamé le retour de l’unique statue de Voltaire dans l’espace public parisien. La deuxième surprise n’en a pas été une. La demande s’est heurtée à la méconnaissance du dossier et à la mauvaise foi de l’Hôtel de Ville. Face à la détermination de tant de voltairiens, la Mairie a fini par découvrir que la statue n’était pas sa propriété, mais celle du CNAP (Centre national des arts plastiques). Occasion inespérée de renvoyer la responsabilité aux petits copains. Voltaire se serait amusé de la langue de bois de la plupart de nos interlocuteurs et de la valse des ministres de la Culture ; il se serait agacé des temps morts imposés par d’obscurs calculs politiques – défendre Voltaire, en France, pose problème – et se serait scandalisé de la très sérieuse proposition de le placer dans une niche de la cour de l’école de Médecine, derrière des barreaux. Puis, il y a eu une troisième surprise, une vraie. Après des mois de silence, le CNAP a fait savoir qu’il avait réalisé une copie de la statue, l’originale étant réellement trop fragile, et qu’il attendait le feu vert du ministère et de la Ville pour la mettre en place.
Karen Taïeb, adjointe en charge du patrimoine auprès d’Anne Hidalgo, a clôturé la cérémonie d’inauguration. Dans son discours, elle n’a pas une fois prononcé le nom de M. Monié – pourtant à ses côtés et avec qui elle a échangé durant des mois – ni évoqué l’émouvant soutien populaire qui a accompagné cette aventure. À l’entendre, seule la Mairie a présidé au retour des Lumières dans ce coin de Paris… Splendide contre-exemple du seigneur de Ferney qui écrit : « On doit des égards aux vivants ; on ne doit aux morts que la vérité. »
Ancien directeur financier dans des sociétés prestigieuses telles que Danone et LVMH, Francis Coulon est l’auteur du révélateur Sortir de la société en crise, paru chez VA Éditions. Il y propose ses solutions pour mettre fin à notre croissance stagnante et aux inégalités croissantes, grâce à l’utilitarisme. Cette philosophie, peu connue en France mais très influente dans le monde anglo-saxon, a en réalité contribué à forger le monde global dans lequel nous vivons…
Marc Alpozzo et Francis Coulon. DR.
Marc Alpozzo.Votre livre porte sur la philosophie utilitariste. Pourtant, ce n’est pas le livre d’un philosophe mais plutôt d’un économiste. Vous êtes en effet l’ancien directeur financier d’entités prestigieuses telles que Danone et LVMH. L’endettement de la France atteint des chiffres record. Votre souci, dans ce livre, c’est d’y répondre mais de manière inhabituelle puisque vous allez dépêcher des philosophes anglais et utilitaristes comme Bentham ou Stuart Mill. Pourquoi choisir cette voie ?
Francis Coulon. Très tôt j’ai été attiré par la philosophie utilitariste. N’étant ni philosophe, ni politique, ni économiste, mais j’espère un peu tout à la fois, j’ai apprécié cette pensée pluridisciplinaire. Bentham et John Stuart Mill m’ont enthousiasmé car ils savaient croiser ces trois approches et jeter un regard philosophique global sur ce qui touche à l’individu mais également à l’État, au gouvernement, à la justice et au bien commun.
La rationalité est mon ADN, et cette approche dénuée d’idéologie m’a paru très appropriée pour analyser nos problèmes aujourd’hui. Pour reprendre la distinction très pertinente de Max Weber, la philosophie utilitariste est plus « une éthique de responsabilité, qu’une éthique de conviction ». C’est-à-dire que ce qui importe dans une décision politique, ce sont les conséquences positives ou négatives pour les citoyens, quels que soient les motifs invoqués.
Confronter les idées au réel, voilà ce qui me passionne et c’est ce que j’ai voulu faire dans ce livre.
La philosophie utilitariste que vous proposez est une philosophie pragmatique, à l’anglo-saxonne : on ne se paie pas de mots ; des actes ! Bien. Si pourtant l’on se tient bien loin des carcans idéologiques que vous dénoncez, on ne voit pas comment vous allez résoudre les problèmes concrets des gens, en recourant à l’utilitarisme qui soutient que « l’action est bonne si elle tend à promouvoir le bonheur ». Mais de quel bonheur parlons-nous ici ? Est-ce le bonheur au sens philosophique, ou le bien-être des citoyens, et dans ce cas, en quoi l’utilitarisme serait supérieur à toute autre méthode ?
L’utilitarisme est une philosophie anglo-saxonne, pragmatique, récente car conçue à la fin du XVIIIe, mais elle s’est exprimée dans le prolongement des philosophes grecs. Aristote, Platon, Épicure affirmaient que le « souverain bien » était l’objectif final recherché par tout être humain et qu’il n’y avait rien au-dessus du bonheur puisque toutes les autres actions n’étaient que des moyens d’atteindre cet objectif.
Les philosophes utilitaristes ont renouvelé cette approche et pour eux quand ils parlent de bonheur, il s’agit du souverain bien. C’est très déconcertant, car les philosophes utilitaristes n’ont jamais défini leur conception du bonheur avec précision. Reprenant le constat d’Emmanuel Kant « Le bonheur est un idéal de l’imagination », ils considèrent que le bonheur est une donnée individuelle, que mon bonheur n’est pas le même que le vôtre et surtout que personne ne peut se mettre à ma place pour me dire quel est mon bonheur et ce que je dois faire pour l’atteindre. John Stuart Mill est le grand penseur de « La liberté » et dans son livre au titre éponyme, il affirme que « personne n’est mieux placé que moi pour dire ce qui me convient ». Nous sommes ici au cœur de la pensée anglo-saxonne où la liberté est la valeur fondamentale.
Comment définir le bonheur au niveau du bien commun ? Il y a un premier niveau, le bien-être, et l’État-providence se doit d’assurer aux citoyens la santé, l’éducation et la sécurité. Mais les utilitaristes demandent aux pouvoirs publics d’aller plus loin et de permettre à chacun d’être capable de réaliser son choix de vie selon ses préférences.
Un exemple, celui du Covid. Lors d’une recrudescence de la pandémie, le gouvernement chinois a isolé la population de manière autoritaire, dans un souci d’efficacité, pour éviter une propagation du virus. Mais les Chinois ont manifesté contre cette politique « zéro covid » qui ne prenait pas en compte un droit humain fondamental, la liberté, fondement du bonheur. C’est à propos du Covid que le philosophe André Comte-Sponville, dans une forme d’utilitarisme de préférence, a affirmé que « ne pas tomber malade n’est pas un but suffisant dans l’existence ».
« Le plus grand bien pour le plus grand nombre de personnes. » N’est-ce pas plutôt un slogan qu’un projet réaliste ?
La force de la philosophie utilitariste c’est sa « simplexité », sa capacité à rendre simples des choses complexes. Le risque est de considérer ses affirmations comme des évidences ou des slogans. En réalité, le principe d’utilité « Le plus grand bien, pour le plus grand nombre » est fondateur d’une véritable méthodologie de l’action comprenant une articulation efficacité/justice. Sur le plan économique, John Stuart Mill parle d’une articulation production/répartition : Nous devons dans un premier temps créer le maximum de richesses qui permettront de donner du pouvoir d’achat et des biens sociaux à la population. Dans un deuxième temps se pose la question de la répartition qui doit être la plus juste possible, ne laissant personne au bord de la route.
Lorsque le gouvernement veut réaliser une réforme, il devrait respecter cette méthodologie. Par exemple, lors de la réforme Macron des retraites, il y avait un souci d’efficacité : assurer la pérennité du système de pension confronté à une baisse du nombre d’actifs et une augmentation de la durée de vie des retraités. Le résultat a été en demi-teinte, mais la solution proposée a surtout été critiquée sur le plan de la justice, car ne prenant pas en compte les carrières longues de ceux qui ont commencé à travailler tôt et les carrières hachées des mères de famille. La solution envisagée en 2020 de retraite à points me semblait plus pertinente sur le plan de l’efficacité et de la justice.
Je n’ai pas été surpris de voir en vous un européiste convaincu. Pourtant, l’Europe peine à demeurer crédible aujourd’hui aux yeux du plus grand nombre. L’Europe dans sa forme actuelle en tout cas. La preuve en est que partout en Europe les « populistes » ont le vent en poupe, et on a le vif sentiment que l’Union européenne repose sur le pouvoir de technocrates déconnectés du terrain. Votre philosophie utilitariste est-elle en opposition avec les décisions de la commission de Bruxelles ? Pourquoi donc continuez-vous à être attaché à l’Union européenne sous sa forme actuelle ?
Ce qui m’importe en priorité, c’est le plus grand bien pour les Français. Nous sommes les mieux placés pour dire ce qui nous convient, mais la France ne représente que 1% de la population mondiale et il y a des domaines où la mutualisation des 27 pays européens peut apporter un avantage. C’est le cas chaque fois que la taille est importante : dans la transition énergétique où il faut créer des « giga factories » de batteries, de panneaux solaires, dans le domaine financier et celui de la monnaie pour avoir du poids face au dollar, dans la défense et l’armement… Dans ces sujets, jouons la globalisation. En revanche, en ce qui concerne le détail, les normes notamment agricoles, la dimension de la nation me parait, sauf exception, préférable.
Grand spécialiste de l’euro, vous avez assuré la transition de la monnaie nationale vers l’euro dans plusieurs sociétés du groupe Danone et dans différents pays. Considérez-vous que l’euro nous protège davantage que les monnaies nationales ?
Une monnaie commune à 20 pays est plus forte car adossée à une économie de près de 17 000 milliards d’euros. Cette mutualisation apporte de la stabilité et des taux d’intérêt bas. L’euro n’a jamais été vraiment attaqué par la finance internationale depuis sa création contrairement aux monnaies de pays en difficulté. Les groupes multinationaux comme Danone ont de la visibilité et sont dans la zone euro à l’abri des dévaluations compétitives qui auparavant fragilisaient leurs politiques commerciales. L’inconvénient est que les pays perdent leur autonomie monétaire et ne peuvent plus utiliser la dévaluation pour retrouver de la compétitivité. Mais est-ce un mal si l’on se souvient de la période 1944-1987 où la France dévaluait tous les trois ans et où le franc était considéré comme une monnaie faible ?
L’Union européenne semblait jusqu’aux élections avancer dans la voie du fédéralisme, participant à la démarche de globalisation souhaitée par les mondialistes comme Jacques Attali. Croyez-vous le sentiment d’appartenance à l’Union européenne plus fort que celui d’appartenance aux nations qui la composent ? Doit-il prédominer ?
Il y a un aspect économique dont nous venons de parler, mais il y a aussi un aspect civilisationnel. Les différentes nations européennes ont toutes leurs spécificités. La philosophie utilitariste parle du plus grand bonheur pour les personnes concernées. Plus la population sera homogène avec une histoire, une culture, une langue, des traditions communes, plus le bonheur sera facile à atteindre au sein d’un État-nation.
D’un autre côté, Samuel Huntington, l’auteur du livre clé Le choc descivilisations, affirme que « les distinctions majeures entre les peuples ne sont pas idéologiques, politiques ou économiques. Elles sont culturelles. » De son point de vue, l’Europe (que l’on peut étendre à l’Occident) constituerait une des huit civilisations majeures, marquée fortement par la religion chrétienne et ayant en commun su tirer profit des révolutions industrielles depuis le XVIIIème siècle.
Quant à la « civilisation universelle » des mondialistes, elle est plutôt en recul du fait de la contestation des valeurs de la civilisation occidentale par le « Sud global ».
Bruno Le Maire affirme avoir « sauvé l’économie française » alors que notre note vient d’être dégradée par l’agence Standard & Poor’s. A-t-il quelques raisons de dire ce qu’il dit ? Le « quoi qu’il en coûte » et l’assistanat ne sont-ils pas radicalement opposés aux principes de l’utilitarisme ?
Le « quoi qu’il en coûte » a diminué les peines lors de la pandémie en évitant des faillites d’entreprises, mais nous a fragilisés. C’était une mesure d’exception qui a probablement duré trop longtemps et qui est en partie responsable de notre déficit et d’une explosion de la dette publique.
Il y a 150 ans, John Stuart Mill affirmait déjà : « Si la condition de l’individu secouru est aussi bonne que celle du travailleur qui se suffit par son travail, l’assistance saperait par la base l’activité et l’indépendance personnelle ». Je crois que dans un pays où le travail est valorisé, le peuple est plus heureux car il trouve dans le travail à la fois une satisfaction personnelle et un enrichissement du bien commun. C’est le pari du libéralisme, que les forces individuelles aillent dans le même sens et participent au bonheur de tous.
Ceci suppose de supprimer les « bullshit jobs » et de donner du sens au travail en valorisant la créativité, l’autonomie. Les utilitaristes disent que le travail doit être « utile », c’est-à-dire bon pour l’individu et pour la société.
Que pensez-vous du score historique du Rassemblement national aux dernières élections européennes ? Quelle conséquence croyez-vous que cela aura sur l’Union européenne dans un avenir proche ?
Les gouvernements des 30 dernières années ont refusé de voir les problèmes liés à l’immigration et à la sécurité. Ils n’ont pas écouté les Français et ce déni a eu des répercutions très négatives sur le « vivre ensemble ». C’est un problème civilisationnel qui explique la montée des partis populistes au niveau français et au niveau européen.
Le Rassemblement national et le Nouveau Front populaire proposent aujourd’hui une « politique de demande » alors que l’Europe et encore plus la France ont à l’inverse besoin d’une « politique d’offre », de réarmement industriel pour faire face à la concurrence mondiale, notamment chinoise. Je pense que le RN, plus réaliste que le NFP, abandonnera ses propositions électoralistes pour revenir à plus de rationalité et que l’éthique de responsabilité prendra le pas sur l’éthique de conviction.
Après la tentative d’assassinat de Donald Trump, la presse américaine, qui a diabolisé à outrance le 45e président des États-Unis, est priée de faire son examen de conscience.
Chaque époque donne au mal absolu un visage. Un visage facilement reconnaissable et symboliquement fort. Le diable a délaissé ses cornes, ses oreilles pointues et sa barbiche de bouc pour la petite moustache à la Chaplin et une large mèche bien gominée. Le brassard à la swastika, marque du démon de l’ère moderne, n’est jamais bien loin. Malgré leurs efforts répétés, la faucille et le marteau n’arrivent pas à la cheville de la croix gammée quand il s’agit de diabolisation. Le bruit des bottes sera toujours celui de la peste plus brune que rouge, tapie dans l’ombre des heures les plus sombres, prête à jaillir du ventre fécond si l’on n’y prend garde.
L’anathème est facile mais redoutablement efficace ; l’actualité récente chez nous peut en témoigner. D’ailleurs, il y a peu de dirigeants dans le monde qui n’ont vu leur faciès affublé de la petite moustache pangermanique. Donald Trump, Angela Merkel, Marine Le Pen, Emmanuel Macron, Giorgia Meloni, Justin Trudeau… Progressistes, populistes : tous en prennent pour leur grade. Tout le monde s’y est habitué et trouve le procédé éculé et assez banal, dorénavant. Sauf que cela n’a rien de banal d’assimiler une personnalité politique au mal incarné. Il n’y a rien de banal à exagérer le danger d’une élection. Hurler à qui veut l’entendre que quiconque rejoindra un certain camp politique sera à jamais marqué du sceau de l’infamie n’a absolument rien de banal. Pas d’amalgame, pas d’amalgame, s’époumonent certains. Alors qu’on n’en a jamais cultivé autant.
L’ultra-polarisation de la société, dans son goût macabre pour le sensationnel, encourage la violence ad hominem sans le moindre scrupule. La presse elle-même, en relayant la stigmatisation excessive du camp qu’elle méprise, se rend complice de cette incitation. Plusieurs couvertures de journaux et de magazines grand public, américains et européens, ont clairement comparé le quarante-cinquième président des États-Unis à Adolf Hitler. Et on le surnomme le Hitler Orange dans certaines émissions de talk-show.
Comment ne pas imaginer que le jeune auteur de l’attentat contre Donald Trump était persuadé d’être sur le point de réaliser un acte héroïque, un acte de résistance à la menace fasciste que représente, pour une grande partie de la gauche américaine, l’ancien président ? Convaincu par des organes de propagande que sa cause était juste, il était prêt à devenir un martyr en se sacrifiant. Comme la plupart des terroristes, toutes causes confondues. La presse américaine démocrate ne paiera probablement jamais le fait d’avoir inculqué ces idées délirantes à tous ces jeunes militants. Le Reductio ad Hitlerum auquel elle s’est adonnée à cœur joie depuis des années fait dorénavant partie du jeu politique, de ce côté de l’Atlantique comme de l’autre. Elle ne paiera probablement jamais la radicalisation de la jeunesse d’extrême gauche dont elle est pourtant en partie responsable par son incitation implicite à la violence. Elle a pourtant contribué à rendre cette violence hystérique en entretenant la haine du camp adverse. Aux États-Unis, la folie haineuse irrationnelle développée contre Donald Trump est même surnommée le Trump Derangement Syndrome (Syndrome d’aversion à Trump). Les mêmes qui nous alertent sans cesse sur des risques de guerre civile s’amusent à souffler sur les braises et jubilent de voir que cela fonctionne. Le sang devait bien commencer à couler un jour et n’allons pas croire naïvement que personne ne l’a souhaité.
À la tête du Figaro Vox, il anime les pages Idées les plus pluralistes et les plus lues de la presse française. Mais Alexandre Devecchio est aussi un homme de convictions sans fausse pudeur. Avec une telle franchise – et un tel pouvoir–, pas étonnant qu’il soit respecté à droite comme à gauche.
Causeur. Vous êtes le représentant et le chroniqueur d’une nouvelle génération politique et intellectuelle de droite qui a produit d’éminents journalistes et changé le rapport de forces, notamment en intervenant sur CNews. Peut-on parler de « génération Bolloré » ?
Alexandre Devecchio. C’est la thèse de la gauche. Pour elle, cette nouvelle génération est le produit d’un écosystème médiatique (CNews, Figaro Vox, C8), donc du combat culturel – et de la Manif pour tous. Dans L’Extrême Droite, nouvelle génération, Marylou Magal et Nicolas Massol insistent beaucoup sur les réseaux. On dirait un livre d’extrême droite qui voit la main des francs-maçons partout. Pour moi, c’est l’Histoire qui a accouché de cette génération. Elle a vécu très jeune le 11-Septembre, les émeutes de banlieue, puis les attentats de 2015. Moi qui suis un peu plus âgé, j’ai connu la fin de l’illusion black-blanc-beur et La Marseillaise sifflée lors du match France-Algérie de 2001. J’ai vu monter la pression identitaire. Après le 11-Septembre, j’ai entendu « Vive Ben Laden » au lycée, j’ai vu les voiles apparaître. Bardella n’est pas l’enfant de Maurras, mais celui des émeutes de 2005 en Seine-Saint-Denis, de la haine des Blancs. La réislamisation de la jeunesse des banlieues et, à gauche, le tournant Terra Nova, qui aboutira à l’islamo-gauchisme, engendrent en réaction une jeunesse nationaliste, patriote, qui réclame la protection de la nation. C’est la génération de l’« identité malheureuse » ou de la mondialisation malheureuse. Et aussi celle du basculement démographique. À Épinay, où j’ai grandi, dans la galerie commerciale, il n’y a plus que des boucheries halal et des types qui vendent des burqas.
C’est aussi une génération eurosceptique…
En effet, le référendum sur la Constitution européenne de 2005 est la première campagne dont se souviennent les jeunes que j’ai interrogés dans mon livre. Le clivage sur la souveraineté et l’identité devient structurant.
Mais à gauche, ce tournant ne produit ni journalistes ni penseurs brillants…
C’est vrai, rappelez-vous la une du Nouvel Obs sur « les intellos 100 % sans Finkielkraut et Zemmour » : il n’y avait que des inconnus sans œuvre et sans pensée. Cependant, il y a un courant woke. On peut le trouver très pauvre, mais il existe…
Des sous-chercheurs appointés. Revenons à la jeune garde de droite. Elle se forme dans le combat contre l’hégémonie culturelle.
Hégémonie qui se mesure au fossé entre l’opinion médiatique et l’opinion populaire. En 2012, je suis au CFJ, on organise un vote présidentiel : Sarkozy et Le Pen n’ont aucune voix, Dupont-Aignan en a une, la mienne, et tout le monde pense que c’est une blague. Il y a une chape de plomb sur le journalisme. Quand j’arrive au Figaro Vox, je découvre de jeunes intellectuels qui n’ont aucun complexe, se moquent du politiquement correct : Eugénie Bastié, qui est ma stagiaire, Bellamy, etc., il y a une émulation, on se voit le soir. Et puis, il y a la génération précédente, ceux qu’on appelés les néo-réacs, avec Zemmour qu’on a tous regardé dans « On n’est pas couché ». Il a eu une influence considérable. Moi, je ne voulais pas être journaliste, je voulais être Zemmour ou Polony.
Finalement, votre génération fait exploser le plafond de verre idéologique.
Ne surestimons pas notre rôle. Nous accompagnons un vaste mouvement populaire et historique. Il y a aussi internet et les réseaux sociaux qui changent la donne. Je me souviens d’un match Algérie-Russie, pendant la Coupe du monde au Brésil, où des supporters ont tout cassé. L’AFP parlait de « quelques petits incidents », alors que des images de voitures brûlées et de destructions circulaient. Le système médiatique, même de gauche, est obligé d’être un peu plus proche de la réalité des Français.
Il faudrait aussi évoquer le réveil des catholiques.
Ils étaient méprisés, hors des écrans radar médiatiques, mais ils étaient déjà là, je vous signale ! La Manif pour tous a fait émerger des cadres. Il y a aussi la jeunesse de la France rurale et périphérique qui a vu ses usines et ses services publics disparaître et qui a le sentiment d’être invisible pour Paris. Cela fabrique moins de cadres, mais beaucoup d’électeurs pour le RN.
Alors qu’un parti plus proche de vos idées pourrait accéder au pouvoir, craignez-vous de vous retrouver « embedded » ?
Je me bats pour des idées, pas pour un parti. L’important, c’est le pluralisme. On accuse le Figaro de « droitisation », un crime odieux, mais nous n’avons jamais été aussi ouverts aux auteurs de gauche. C’est dans nos pages que Mélenchon s’est exprimé après les européennes…
Donc, vous ne craignez pas que le politiquement correct passe à droite ?
C’est un risque, mais nous n’en sommes pas là ! Il reste France TV, le Festival d’Avignon, les intermittents du spectacle. Il faut travailler et ne jamais penser par slogans.
Verrez-vous la fin de l’hégémonie culturelle de la gauche ?
Je ne sais pas si la Manif pour tous a été le Mai 68 des conservateurs, mais nous assistons à un basculement culturel et historique. Aujourd’hui, les baby-boomers tiennent les grands médias, mais ils vont prendre leur retraite. L’alternance qui s’annonce va aussi se traduire par davantage de pluralisme. Le pays médiatique rejoindra le pays réel…
La gauche accuse CNews d’exciter les gens. Est-ce qu’au contraire, cela ne les apaise pas d’avoir un média qui parle de ce qu’ils vivent ?
Entièrement d’accord. C’est cathartique. Ce qui rend les gens fous, c’est qu’on leur dise qu’ils ne vivent pas ce qu’ils vivent. Si on voulait créer une réaction violente, on ne ferait pas autrement.
Après Les Nouveaux Enfants du siècle, j’ai écrit un autre livre, Recomposition : le nouveau monde populiste, dans lequel je présentais le populisme comme la possibilité d’un sursaut démocratique. Je crois à une forme de populisme décent pour combler le fossé actuel entre les élites et le peuple. On a besoin d’une élite davantage connectée aux préoccupations populaires. Je ne veux pas d’une République des technos.
Beaucoup de Français pensent que tout est foutu. Et vous ?
Non, sinon je ne ferais pas ce métier. Le paysage médiatique change, le paysage politique aussi. Une recomposition portée par les classes populaires s’opère dans la plupart des démocraties occidentales. Il ne s’agit pas d’un repli « fascisant », mais au contraire d’une demande de démocratie. Nous devons en finir avec la pensée unique qui s’est érigée en cercle de la raison. Les mouvements « populistes » qui ont pris le pouvoir ces dernières années n’ont pas forcément trouvé leur forme aboutie. Mais la bonne nouvelle, c’est que les peuples occidentaux ne veulent pas mourir et ont décidé de prendre leur destin.
Les Nouveaux Enfants du siècle, « Lexio », Le Cerf, 2024.
Alors que la naïveté collective du Nouveau Front populaire empêche pour l’instant la désignation d’un candidat de gauche pour Matignon, le communiste Chassaigne est proposé au perchoir à l’Assemblée, et c’est l’heure des grandes manœuvres politiciennes autour de Attal, Darmanin, Bertrand ou Philippe…
On n’a jamais connu une période politique comme celle-ci. De tous côtés, c’est l’inquiétude, la sarabande, les ambitions enfin délivrées de leur gangue présidentielle, le progressisme affiché volant en éclats, le président de la République continuant à parler comme s’il était écouté, Gabriel Attal et Gérald Darmanin s’ébrouant dans des sens différents et avec des stratégies opposées, le Nouveau Front Populaire (NFP), bas du front, pas du tout nouveau et absolument pas populaire, confronté, après l’exaltation factice, à la dure loi des rapports de force, le Rassemblement national volé hier, électoralement parlant, par des désistements contre-nature et sans doute spolié à l’Assemblée nationale par un cordon prétendu sanitaire, une démocratie globalement mise à mal…
Gabriel Attal se rappelle qu’il était socialiste
Il est intéressant de voir comme Gabriel Attal et Gérald Darmanin en effet, prennent le large. Le premier, à la hussarde selon le président, étant candidat unique s’est fait élire à la tête du Groupe parlementaire « Ensemble » dont, durant la campagne, grâce à son énergie et à son talent, il a sauvé une part importante de députés.
Le second, enlevant sa cravate de manière ostentatoire à la sortie du Conseil des ministres et manifestant ainsi que c’en était fini du Gérald sous la coupe de quiconque, s’oppose à M. Attal en soutenant qu’avant toute chose il faut décider si le projet politique – le futur du macronisme – sera ancré à droite ou à gauche. Pour lui, il est clair que son avenir est à droite dans une alliance avec la droite républicaine dont le « pacte législatif » est inspiré par le même esprit.
C’est évidemment une pierre jetée dans le jardin de Gabriel Attal qui, durant la campagne des législatives, s’est souvenu de ses origines socialistes en préférant LFI au RN et, Premier ministre chargé des affaires courantes, a validé un cordon sanitaire excluant LFI et le RN à l’Assemblée nationale. On peut regretter ces fluctuations démocratiques qui n’admettent pas que tous les députés présents dans l’hémicycle, sont, en principe et en dignité, égaux et que c’est une insupportable discrimination que d’en ostraciser certains.
Au-delà de cette bataille qui les confrontera directement en 2027, ou par rivaux interposés, il est passionnant de comparer leur personnalité et leur rapport à la politique. Le paradoxe est que, si Gabriel Attal s’est émancipé vite et assez brutalement d’Emmanuel Macron, il a sans doute plus à voir avec certains aspects de ce dernier que Gérald Darmanin.
Gabriel Attal est un séducteur, un vibrion brillant sûr de ses dons et de ses facilités, constituant sa rapidité et son efficacité comme l’opportunité d’autant de coups d’éclat. Tandis que Gérald Darmanin qui n’est pas non plus dénué de verve et de brio est sérieux, travailleur, réaliste, pragmatique, enraciné quand l’autre s’est fait élire dans une circonscription imperdable. Gabriel Attal, malgré les apparences, est un solitaire soutenu par un quatuor d’inconditionnels. Il semble si désireux de donner de lui-même l’impression la plus favorable, la plus immédiatement active et réactive, que je ne l’imagine pas en charge d’un courant populaire qui impose au moins de feindre de s’oublier et d’approuver ce à quoi on ne croit pourtant pas: que le pluriel est plus efficace que le singulier et le collectif que l’élan individuel et créatif.
En ordre dispersé
À peine ai-je esquissé cette analyse que je me souviens de l’accueil qui lui avait été réservé comme ministre de l’Éducation nationale et encore plus comme Premier ministre, après qu’il avait été un excellent porte-parole du gouvernement : une attente sympathique mais un peu inquiète face à de possibles risques de légèreté et de superficialité. Depuis la dissolution et son rapport abîmé avec le président – il n’a pas supporté de n’en avoir pas été informé -, on ne peut contester qu’il a pris une densité ne le rendant plus du tout ridicule pour 2027 s’il se mettait, lui aussi, sur les rangs.
MM. Attal et Darmanin ne vont pas emprunter les mêmes chemins. En tout cas ils s’éloignent, le premier en mettant la main sur le groupe et en s’assurant des fidèles pour demain, le second en s’appuyant sur un bilan estimable – il a fait tout ce qu’il a pu au sein d’une mansuétude régalienne – et en proposant une droite populaire « à la Sarkozy ».
Et Édouard Philippe et Bruno Le Maire sont déjà loin, eux aussi. Et Laurent Wauquiez, absent quand son parti avait besoin de lui mais présent quand il a besoin du parti. Et David Lisnard qu’on n’oubliera pas à Cannes. Et Xavier Bertrand aspirant à être le Premier ministre compatible avec le président et avec la situation d’aujourd’hui. Il faudra juste, s’il le devient, qu’il cesse d’insulter les 11 millions de citoyens ayant voté pour le RN qui n’est ni fasciste ni nazi mais largement aussi républicain que LFI…
Du rififi sans fin dans la bande des quatre
Le Nouveau Front Populaire prend l’eau chaque jour davantage. Malgré les cris d’effroi de Marine Tondelier et de Sandrine Rousseau. On a enfin – le 17 juillet – son candidat unique pour la présidence de l’Assemblée nationale : le communiste André Chassaigne. On n’a toujours pas le nom du Premier ministre qui doit être validé par la bande des quatre ! Entre LFI et le PS, c’est à qui montrera le plus ses muscles avec de surcroît une divergence fondamentale : Olivier Faure et le PS veulent gouverner tandis que Jean-Luc Mélenchon et les Soumis à Mélenchon (SAM, sigle suggéré par Gilles-William Goldnadel) n’y tiennent pas, désireux de garder au chaud le premier pour 2027 !
Je n’ai pas envie de me moquer de la naïveté collective de ce NFP. Qui pouvait lucidement croire que ces quatre structures, ces personnalités, ces rivalités, ces rapports de force, ces divergences, ces inégalités de courage et de caractère n’allaient pas faire éclater en morceaux le succès artificiel, relatif, dû aux voltes indécentes de leurs opposants de toujours ! Comme l’a très bien dit François Ruffin, ce désordre et ces atermoiements valident ce que le président de la République attendait du NFP : la démonstration d’un chaos et d’une impuissance.
Il ne pouvait pas être plus clair, Jonas Vingegaard, L’Humble mais aussi L’Obstiné du peloton. A peine remis de ses graves blessures sur le Tour du Pays basque (fracture de la clavicule, côtes cassées, contusions pulmonaires dont rien de moins qu’un pneumothorax – ce qui aurait valu à n’importe quel quidam une longue convalescence), il ne s’est pas aligné sur 111ème édition de la Grande boucle pour faire de la figuration, montrer son maillot et susciter la compassion. Logiquement, sa saison aurait dû s’arrêter de l’autre côté des Pyrénées…
Mais la vie n’ayant pas été tendre avec lui avant de remporter deux Tours consécutifs, la compassion à son endroit l’indiffère. Quatre ans avant de remporter son premier Tour, en 2022, il travaillait encore à dépecer de nuit des poissons dans une conserverie dans son pays natal, le Danemark, pour se consacrer le jour au vélo. S’il a pris le départ à Florence, c’est pour la gagne, et rien que pour ça, n’a-t-il eu de cesse de dire et redire.
« Je ne suis pas venu ici pour viser la deuxième place, a-t-il répété sans ambages, lundi dernier, deuxième jour de repos. Je ferai tout ce qui est possible et je continuerai à me battre avec l’objectif d’essayer de gagner ». Dès lors, les trois ultimes étapes s’annoncent cruciales. Debout le forçat de la route, c’est la lutte finale qu’il a proclamée. Du passé, des 18 étapes précédentes à celle de demain vendredi (Embrun-Isola 2000, 144,6 km), qui conduira le peloton bigarré à franchir le point culminant de cette édition, le col de la Bonette (2802 m, 22,9 km d’ascension à 6,9% de moyenne), hors catégorie, il compte bien faire table rase… « Ce sera l’éruption de la fin »… Debout, debout sur les pédales, ce sera tout ou rien, le triomphe ou la déroute.
L’étape de samedi (Nice-Col de la Couillole, 12,8km), si la guillotine n’a pas fait son œuvre fatale la veille, peut trancher dans le vif dans la tête du général. « Aussi courte que difficile », selon un coureur du coin, Clément Champoussin (Arkéa-BBhôtels), plus directement dit « courte mais assassine ». La défaillance monumentale peut s’abattre sur l’un des deux rivaux (et pourquoi pas sur les deux à la fois, ce qui serait une sacrée première), s’ils sont toujours en lice. Ce fut ce qui advint au Flamboyant, parfois inutilement arrogant, tout en restant tout-sourire, Pogacar, quand il avait été laminé, l’an dernier, lors de la 17ème à l’issue de laquelle il s’était retrouvé relégué à 7 mn de Vingegaard au général et avait concédé déjà la veille dans un contre la montre de 22,4 km 1’36.
Si ce final très rude de trois étapes totalisant un dénivelé de 15 000 m (deux fois l’altitude de l’Himalaya, en gros), ne sonne pas le glas pour l’un des deux grands aspirants à la victoire finale, si un troisième larron ne profite pas de leur rivalité qui les conduirait à se neutraliser, ce sera donc le chrono individuel des 33,7 km qui se terminera sur la Promenade des Anglais à Nice qui jettera son dévolu : le vainqueur du Tour 2024 est… est…
Certes, dans les deux étapes pyrénéennes, Pogacar a été dominateur mais pas impérial. Une avance de 3’09, « ce n’est rien en montagne », comme l’ont dit et redit Laurent Jalabert et Thomas Voeckler, tous deux ayant une expérience de l’art cycliste et du coup de pompe qui vous laisse sans jambes, et reconvertis dans l’expertise cyclopédiste. Ils ne manquent de compétences, n’en déplaise à d’aucuns à l’humeur toujours grincheuse…
Néanmoins, si Pogacar « reste à ce niveau, il sera difficile à battre, admet Frans Maassen, directeur sportif de l’épique de Vingegaard, Visma-lease a bike, ainsi que l’a rapporté Armel Le Bescon, l’envoyé spécial du Figaro. Mais, je reste persuadé qu’il a encore une chance de gagner le Tour. Ce n’est pas terminé car ces deux dernières années, Tadej (Pogacar) a eu des mauvais jours ». Et ces mauvais jours ne sont pas encore manifestés, si tant est qu’ils aient l’intention de se manifester.
Précision : la démonstration de Pogacar et Vingegaard sur les pentes du Plateau de Bielle, le 14 juillet, a relancé la récurrente et sempiternelle suspicion de dopage qui n’a pas toujours été infondée, donc est légitime. Le cas Armstrong, septuple vainqueur, qui avait déjoué tous les – pourtant très stricts – contrôles (aucun sport n’est soumis à pareille rigueur, pourtant, et pourtant… ???) nourrit ce doute. Les apparences sont souvent trompeuses, dans les deux sens : on peut paraître coupable et être innocent et vice-versa. Nous y reviendrons, en racontant l’histoire du dopage qui est consubstantiel au cyclisme, même si le premier dopé qui s’est fait pincer a été un nageur. Le premier dopage dans le vélo a été le vin Mariani, un gros rouge, lui, dopé à la cocaïne, et qui a inspiré un pharmacien américain pour créer le plus fameux soda du monde, le Coca Cola, dont le premier composant qui a fait sa gloire provenait de la feuille de… Coca, plante andine stimulante.
Cybersécurité. Les soupçons se multiplient contre le site e-commerce qui dépense des fortunes pour vous envoyer des articles bas de gamme à vil prix. Une petite jupe à prix cassé ou le gros lot d’une tombola méritent-ils vraiment de partager ses données personnelles avec les Chinois?
Le fracas médiatique des campagnes européennes, puis législatives a éclipsé une bien étrange nouvelle, d’intérêt national. Le classement des sites de e-commerce les plus visités en France, publié le 5 mai, a vu un nouveau nom y faire son apparition : Temu. Encore inconnue il y a un an, la marque se hisse pourtant à la 5e place et couvrirait 26,4% de la population française, gagnant deux places par rapport au trimestre précédent. L’audience du site chinois de e-commerce dépasse désormais celle des enseignes à bas prix tricolores Cdiscount et Lidl, mais également celle des champions du hard discount comme Shein ou encore Aliexpress. Comment expliquer ce succès aussi foudroyant, dans un secteur qui semblait saturé par des marques toujours plus discount, aux panels d’articles toujours plus étendu, répondant à tous les désirs du consommateur dans la minute ?
Bienvenue sur Temu, où les prix cassés défient toute concurrence
Des grilles de barbecue à 1,77 euros, un jean’s à 16,63 euros, ou un tapis de bain à 2,27 euros… on trouve de tout sur Temu. S’ajoutent à cela des réductions, soldes (- 90 %), primes au parrainage et tirages au sort quotidien pour obtenir encore plus de réductions.
Des prix jamais vus jusqu’alors, et des techniques de vente qui donnent au client l’impression de faire l’affaire du siècle à chaque clic. Leur slogan : « shop like a billionaire » cherche à provoquer les achats compulsifs des consommateurs aux plus petits budgets. Pour couronner le tout, la livraison des articles est gratuite depuis la Chine. Trop beau pour être vrai ?
Temu : un mauvais acteur économique qui s’offre le luxe de ne pas être rentable
Chez Temu le client est pourtant très loin d’être roi. Produits de qualité médiocre, photos parfois mensongères, mauvaise réception des colis, roue de loterie douteuse, refus de remboursement… de très nombreux consommateurs sont déçus lorsqu’ils découvrent leurs achats. En témoignent les nombreux commentaires de clients mécontents sur le site Trustpilot : « Les délais de livraison peuvent aller jusqu’à 3 semaines voire plus. Argent gaspillé pour de la pacotille (…) » écrit Dabih Albireo dans un commentaire en date du 28 mai. Ou encore « J’ai gagné 120 euros sur la roue, temu dit que suite à 3 achats vous aurez 120 euros sur déductions malheureusement mon achat de 220 euros n’a pas été déduit » témoignait Mehmet Coskun quatre jours plus tard. Les clients ne sont pas les seuls à pointer du doigt la qualité des marchandises et des services de Temu. De plus en plus d’associations de consommateurs portent plainte contre les pratiques du géant chinois. C’est le cas d’UFC-Que Choisir, qui a déposé une plainte conjointe avec le Bureau européen des unions de consommateurs et seize autres associations auprès de la Commission européenne, dénonçant notamment des « pratiques commerciales déloyales » et alertant sur la non-conformité de nombreux produits vendus sur la plate-forme chinoise.
Malgré l’explosion du nombre de ses ventes, cette stratégie ultra-low-cost se révélerait pourtant… déficitaire. En effet, selon la société financière China Merchants Securities, Temu perdrait entre 588 et 954 millions de dollars par an. Une analyse des coûts de la chaîne d’approvisionnement de l’entreprise réalisée par le magazine Wired en mai 2023 révèle que Temu perdrait en moyenne 30 dollars par commande ! À l’origine de ce modèle déficitaire, des campagnes de publicité onéreuses et un coût du transport élevé, à la charge des prestataires de la marque. Où se trouvent alors les bénéfices de Temu ?
Le prix de Temu : nos données personnelles ?
Si le modèle économique de la marque chinoise est structurellement déficitaire, Temu se paierait avec nos données personnelles. L’hypothèse d’une captation massive et d’une utilisation frauduleuse des données personnelles des clients de Temu a été documentée.
La plate-forme chinoise possèderait en effet toutes les caractéristiques des formes les plus agressives de logiciels malveillants ou spywares. L’application disposerait de fonctions cachées permettant une exfiltration étendue de données à l’insu des utilisateurs, donnant potentiellement aux acteurs malveillants un accès à presque toutes les données sur les appareils mobiles des clients. C’est ce que révèlait le rapport du think tank américain Grizzly Research publié en septembre 2023. Aux États-Unis, plusieurs voix s’élèvent pour protéger les utilisateurs des vols de données. Il y a quelques semaines, le procureur général de l’Arkansas a même accusé l’entreprise chinoise de « vol de données ». Ces pratiques de collecte de données personnelles ont fait l’objet d’un procès intenté aux Etats-Unis par des utilisateurs de Temu l’année dernière, les plaignants affirmant que l’application avait accès à l’intégralité du contenu de leurs téléphones et soupçonnant le transfert de leurs données au gouvernement chinois. Une inquiétude légitime, quand on sait que les entreprises chinoises ne peuvent fonctionner que si l’intégralité de leurs bases de données est accessible aux agences gouvernementales chinoises.
Temu, le nouveau cheval de Troie ?
Le 8 avril, cybeshack.com rapportait ces propos du professeur Asha Rao, expert en cybersécurité à la School of Science du RMIT, à propos de Temu : « Il est important de se demander si nous souhaitons que nos données soient utilisées dans des lieux et par des entités que nous n’avons pas autorisées. Sommes-nous en train de sacrifier notre vie privée pour une trancheuse d’avocat bon marché ? ».
Une première réponse a été apportée, moins d’un mois plus tard. Le 14 mai, le gouverneur Greg Gianforte a été le premier homme politique à inclure Temu dans une liste de technologies « liées à des adversaires étrangers » et à demander son interdiction dans le Montana. On peut légitimement s’interroger sur les réelles intentions de Temu à l’égard de ses clients. Si les coûts des articles y sont si bas, quand et comment en paierons-nous le prix ? Face à cet instrument soupçonné d’espionnage de masse déguisé en plate-forme de commerce en ligne que serait Temu, qu’attend le Vieux Continent pour réagir ?