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«La politique est l’ennemie du peuple»

Pour le président de Reconquête, la stratégie de dédiabolisation poursuivie par le RN revient à se soumettre à la gauche. L’urgence, c’est de mener le combat identitaire car « la France est assiégée par une civilisation étrangère » qui a notamment ravivé l’antisémitisme. Pour lui, la politique est une affaire trop belle et trop grande pour être confiée à des politiciens obsédés par les sondages.


On l’avait vu, au lendemain des européennes, passablement abattu par les trahisons. On le retrouve souriant, reposé, gourmand de rencontres et d’idées nouvelles. Après une dizaine de jours en Californie, où le gotha conservateur américain avait invité Sarah Knafo, son lieutenant et sa compagne, à une session de formation, j’ai rejoint le patron de Reconquête en Camargue, une région où il compte de fidèles partisans devenus de bons amis. Deux heures de natation par jour, des livres en pagaille, la presse dégustée dans la solitude matinale face aux vignes, la famille et les copains : alors que la dernière séquence a largement confirmé son diagnostic, il est prêt à en découdre, plus que jamais convaincu que la France est en danger. Il lui reste à prouver qu’il est celui qui peut la sauver. À supposer qu’elle veuille être sauvée •

Causeur. Avez-vous été touché par la grâce olympique ?

Éric Zemmour. Depuis mon enfance, j’aime le sport – je le regarde et je le pratique. Depuis 1968, je n’ai jamais raté les JO, ni la Coupe du monde de football. Je pourrais vous parler pendant des heures des JO de Mexico en 1968 avec la victoire de Colette Besson ! Je ne suis pas de ces gens qui méprisent « le pain et les jeux » qu’on donnerait « au peuple ». Comme tous les gens du peuple, je suis heureux quand les Français gagnent. Et cette année, j’ai été servi ! Léon Marchand nous a tous enchantés. Je suis très chauvin en sport, je n’en ai pas honte.

Vous êtes chauvin en tout !

Pas faux ! Le sport, c’est aussi le patriotisme. Quand on dit que le sport, c’est uniquement « le vivre-ensemble, la convivialité, la sororité », on dénature complètement les valeurs du sport. Le sport, c’est l’effort, la méritocratie, la sélection, la compétition. Le sport, ce sont des valeurs de droite. Pour être jockey, il faut être petit et léger. Il y a ceux qui arrivent les premiers et qu’on respecte, et ceux qui arrivent en dernier et qu’on plaint. Tout le contraire de l’école d’aujourd’hui ! On accepte que les qualités des hommes et des femmes soient différentes ; ils ne combattent pas ensemble. On est content quand son compatriote gagne. Tout ce que la gauche et l’époque détestent !

Peut-on se contenter de crier « Vive la France ! » uniquement dans les stades ?

Et pourquoi les peuples européens ne manifestent-ils leur patriotisme que dans les stades ? Car, c’est désormais le seul endroit où les élites le tolèrent. Prenez l’Allemagne. Après 1945, le patriotisme allemand est devenu suspect, alors le football fut son seul refuge. Aujourd’hui, nous sommes tous Allemands. Tous les peuples européens ont été mis au pain sec et à l’eau patriotiques.

La « communion », célébrée jusqu’à l’écœurement par les commentateurs, n’est-elle pas factice ?

Bien sûr. C’est exactement l’histoire de la Coupe du monde de football en 1998. Les politiciens et les intellectuels de tous bords, qui ne manifestaient jusque-là que mépris pour ce « sport de beauf », exaltèrent avec des trémolos dans la voix la victoire de la France « black-blanc-beur ». Cette victoire que tout un peuple attendait depuis des années, que notre peuple fêta dans la liesse – cette victoire fut dérobée, subtilisée, transformée et devint un fantastique objet de propagande. Nos trois couleurs n’étaient plus bleu, blanc, rouge, mais black-blanc-beur.  Ce n’était plus la victoire de la meilleure équipe du monde, mais celle du métissage. La réalité a vite rattrapé cette légende. Car trois ans plus tard, il y eut un match entre la France et l’Algérie. Et là, ce sont les supporters des banlieues françaises qui applaudirent l’Algérie, sifflèrent La Marseillaise et conspuèrent Zidane « le traître » dès qu’il touchait le ballon. Avant d’envahir le terrain, parce que la France humiliait l’Algérie dans le jeu. L’illusion de la France black-blanc-beur était déchirée.

Léon Marchand, après sa quatrième médaille d’or aux Jeux olympiques de Paris 2024, dans une Paris La Défense Arena galvanisée, le 2 août 2024 © CHRISTOPHE SAIDI/SIPA

Quoi qu’il en soit, les JO ont été une réussite organisationnelle.

Paris a vécu sous une bulle pendant quinze jours. On a mis dix fois plus de policiers que d’habitude, on a démantelé les points de deal, on a sorti les migrants de la ville. On a fait marcher le métro, il arrivait à l’heure, il était propre. Bref, un avant-goût de la France que je veux ! Ce n’était pas le Paris d’Hidalgo…

Le sport est-il un critère valable pour juger de la supériorité des nations ? La hiérarchie issue du sport n’est-elle pas contestable par rapport à celle des scientifiques, ou des grands artistes ?

L’un n’exclut pas l’autre. Après les JO de Rome de 1960, qui avaient été une catastrophe pour les sportifs français, le général de Gaulle a réuni un Conseil des ministres spécial pour développer le sport de compétition en France. C’est ainsi qu’on a organisé la formation du football qui nous a amenés à l’équipe de Platini dans les années 1970. À l’époque, Jacques Faizant a publié un dessin hilarant du général de Gaulle courant en survêtement avec cette légende : « Dans ce pays, il faut que je m’occupe de tout. » Dans tous les sports, l’État a donné une impulsion. Donc, même au temps du général de Gaulle, on considérait que le sport était un élément du prestige français. En temps de paix, dès qu’un pays sort du sous-développement, il s’efforce d’organiser son sport de haute compétition. Les deux pays qui raflent le plus de médailles sont les États-Unis et la Chine : la hiérarchie olympique épouse assez fidèlement celle de la puissance. Pour moi, les sportifs, en particulier olympiques, sont les chevaliers de notre époque, ils portent haut les couleurs de leur pays.

Que retenez-vous de la cérémonie d’ouverture ? Les provocations, la Marie-Antoinette gore arborant sa tête coupée ou les monuments de Paris sublimés ?

Je retiens que la gauche n’arrête jamais de mener le combat idéologique et trouve toutes les occasions pour faire avancer ses pions. Ce que vous appelez « provocation », c’est simplement la mise en scène de ses idées qui doivent s’imposer à tous. C’est la grande force de la gauche. Elle est fondamentalement gramscienne. Et c’est la grande faiblesse de la droite, qui ne mène pas le combat culturel. Il faut affronter la gauche sur ce terrain culturel. C’est ce que j’ai fait pendant des années. C’est ce que nous faisons avec Reconquête.

Le droit au blasphème fait partie de notre culture. Peut-on demander aux musulmans d’accepter les caricatures de leur prophète et pousser des hurlements pour une transgression pour enfants, déjà vue 500 fois, autour de la Cène ? Faut-il s’énerver contre « les mutins de Panurge » (Muray) ou se payer leur tête ?

Le droit au blasphème, la transgression et la caricature font partie de l’esprit français. Mais justement, quand cette provocation a été vue 500 fois, alors ce n’est plus une provocation : c’est l’idéologie dominante qui, par définition, s’impose à nous. En 1900, se moquer du christianisme dans une société encore catholique, c’est se moquer du pouvoir. En 2024, se moquer du christianisme, c’est faire partie du pouvoir, de l’idéologie dominante. Nous devons la combattre, car il ne s’agit plus de transgresser un ordre qui tient debout, mais d’effacer complètement une civilisation devenue fragile : les racines chrétiennes de la France.

Vous voulez recommencer la guerre froide idéologique dans l’autre sens, en fait. Et pourquoi ne pas essayer le pluralisme culturel ? Le débat à la loyale ?

C’est exactement ce que je fais ! Mais ne soyons pas naïfs : il y a toujours une culture dominante. Quand la gauche gagne les élections, elle gagne. Mais quand elle les perd, elle gagne aussi, parce que la droite n’applique pas ses idées et se soumet à la gauche. Chez Reconquête, nous contestons sans cesse cette hégémonie, par exemple avec les Parents vigilants, notre réseau de 75 000 parents, présents dans la France entière pour alerter des dérives au sein de l’école. Je veux que Reconquête reprenne le flambeau de l’éducation des jeunes générations. Je compte m’y investir personnellement dès nos universités d’été à Orange, le 7 septembre.

Pardon, mais on n’a pas envie de voir un politiquement correct de droite supplanter celui de gauche. Ni de voir le retour de la persécution des homosexuels…

Vous tombez dans ce panneau ? Depuis 1789, date à laquelle elle a été dépénalisée, l’homosexualité n’est plus persécutée en France. Moi, je déteste le politiquement correct, et je me fiche de ce que font les gens, j’ai grandi dans les années 1970. Ce que je combats, c’est le militantisme LGBT. On nous raconte que le refus de l’agenda woke serait de l’homophobie. C’est un peu gros.

Donc, contrairement à vos amis ou ex-amis de la « droite des valeurs », vous êtes libéral sur les mœurs ?

Je ne suis pas un puritain. Je trouve que nous vivons une triste époque de réaction puritaine, après l’explosion libertaire des années 1970. Regardez la sexualité des jeunes : elle est quasiment réduite à néant ! Sauf que ce n’est plus l’Église, mais le féminisme à la MeToo qui inhibe les désirs et contraint à l’abstinence.

Diriez-vous qu’avec Marion Maréchal, Reconquête a perdu sa branche la plus catholique ?

Vous avez trouvé son attitude très catholique ?

Les trahisons semblent derrière vous. Vous avez encaissé ?

Oui, les vacances m’ont fait du bien. Je me suis posé des questions simples : Est-ce que l’intérêt de la France serait mieux défendu si j’arrêtais la politique ? Si Reconquête cessait le combat ? Je pense avoir trouvé la réponse. Je regarde devant moi. J’ai des troupes déterminées. Je sais qu’il nous faut continuer le combat. Sans Reconquête, nos idées ne vaincront jamais. Nul autre que nous ne les portera.

On a été contents d’oublier la crise politique pendant ces trois semaines. Elle est toujours là. Fin juin, il y avait une quasi-unanimité pour dénoncer la dissolution : choix irresponsable, scandaleux… Était-ce votre avis ?

Ce n’était pas scandaleux, c’étaitstupide. La dissolution permet, en principe, au président de la République d’améliorer son rapport de forces avec les autres pouvoirs. Or, en l’occurrence, Macron a dissous à un moment où il ne pouvait que s’affaiblir. Personne n’a gagné : ni la gauche, ni la Macronie, ni le RN. Et surtout pas la France ! Désormais, peu importe le gouvernement, il n’aura pas de majorité solide. Les immigrés vont continuer à arriver, l’école, à s’effondrer, la dette, à grossir. Tous les problèmes qui doivent être réglés ne le seront pas. Les Français le voient et sont écœurés de la politique pour cette raison. C’est pour cela que plus de 80 % d’entre eux viennent de dire que les partis politiques n’étaient ni crédibles, ni honnêtes, ni utiles (Odoxa).

Quand vous jouez, vous n’êtes jamais sûr de gagner !

Macron avait-il vraiment un objectif rationnel ?

Oui, celui d’user le RN pour ne pas amener Marine Le Pen à l’Élysée.

Dans ce cas, il fallait le laisser gagner, et non s’allier avec LFI. Quoi qu’il en soit, le résultat, c’est le chaos.

Si la France n’est pas politiquement partagée en deux mais en trois, c’est le chaos ?

Le problème n’est pas la tripartition parlementaire, mais le décalage entre la réalité du pays et les débats des politiciens. Tous les Français le disent : on ne comprend plus rien à la vie politique, c’est le chaos ! Pourquoi ? Car la politique ne correspond plus aux clivages de la société. On a connu dans l’histoire des moments où la politique ne correspondait plus aux réalités sociologiques et démographiques d’un pays. Regardez la fin du xixe siècle, en France. La vie politique oppose alors les républicains et les monarchistes, alors que le conflit qui agite la société, c’est déjà la lutte des classes. Le socialisme tarde à être représenté, d’où la déconnexion entre la société et la politique, et l’instabilité qui va avec. Même chose en Angleterre à la même époque : la compétition politique oppose les conservateurs et les libéraux, alors que la classe ouvrière naissante cherche son expression politique. Le chaos politique anglais dure cinquante ans avant d’accoucher du Parti travailliste qui s’opposera aux conservateurs et aux libéraux enfin réunis. Vous connaissez la définition d’une crise : c’est quand le vieux monde tarde à mourir et le nouveau tarde à naître. Aujourd’hui, les uns veulent ressusciter les années 1960 avec un clivage droite/gauche à l’ancienne, les autres les années 1990 avec le clivage populistes contre mondialistes. Ces clivages sont désuets. La vie politique française n’est pas encore entrée au xxie siècle. Le nouveau clivage est identitaire. La politique est en retard sur la société. Moi je viens de la société. C’est pour cela que j’ai quelque chose à apporter.

Si je vous vois venir, Reconquête est le Labour party du xxie siècle ! Mais pour représenter quel clivage qui ne le serait pas aujourd’hui ?

La question est simple : qui veut continuer de vivre dans la France de toujours, et qui veut la balayer pour vivre dans la France islamisée de Jean-Luc Mélenchon ? Aujourd’hui, nous sommes le seul parti à le formuler. Il s’imposera aux autres. D’ailleurs, j’ai noté un aveu dans l’intervention d’Emmanuel Macron, fin juillet. Il dit : « J’ai cru que la baisse massive du chômage allait entraîner la réconciliation des Français entre eux, je me suis trompé. » Il lui aura fallu sept ans pour comprendre, et il va encore passer trois ans à ne rien faire !

Si je vous comprends bien, même le RN ne représente pas les aspirations identitaires de ses électeurs.

En effet, ses dirigeants ne le souhaitent pas. À chaque élection, le RN range soigneusement le sujet de l’identité pour opposer les Français sur d’autres questions : sur l’euro en 2017, sur le pouvoir d’achat en 2022 et sur plus grand-chose, il faut bien le dire, en 2024. Le RN ne veut pas affronter les médias sur ce sujet. La grande leçon de ces législatives, c’est qu’il faut sortir de la tactique politicienne pour revenir aux idées et aux caractères ! Comme disait Philippe Séguin, « la politique n’est pas une course de petits chevaux », où chacun fait son petit pari en fonction des sondages, en oubliant ses convictions profondes.

Un peu, si ! Elle n’est même souvent que cela !

C’est ce qui la tue. C’est ce qui nous tue. Keynes a une jolie métaphore pour critiquer le caractère moutonnier des marchés financiers. Il les compare à un concours de beauté, au cours duquel on ne demanderait pas au public quelle est la fille la plus belle, mais quelle fille va être désignée comme la fille la plus belle. C’est exactement notre vie politique. J’aimerais qu’on revienne à la désignation de la fille la plus belle, et non pas de celle que l’on croit que les autres vont désigner comme la fille la plus belle c’est le mécanisme des sondages, qui crée le vote utile. Cela fausse complètement le jeu démocratique.

Lire la 2e partie

Il faut savoir terminer une trêve

L’éditorial de septembre d’Elisabeth Lévy


Je me suis trompée et j’en suis ravie. Les JO n’ont pas été la catastrophe que je craignais. En termes d’organisation et de sécurité, ils ont même été une réussite remarquable. On croyait notre État impuissant, juste bon à persécuter les honnêtes citoyens : non seulement, il a permis au comité d’organisation et aux entreprises impliquées d’exécuter un projet aussi pharaonique qu’éphémère – la parade d’ouverture sur la Seine –, mais pendant quinze jours, il a assuré aux Parisiens les services que des contribuables dociles sont en droit d’attendre – propreté, sécurité, transports. À vrai dire, une ville quadrillée par la police, aussi sympathique soit celle-ci, ce n’est pas vraiment mon idéal d’urbanité. N’empêche, pour nombre de citadins, qui ont redécouvert le plaisir de flâner sans être emmerdés par des vendeurs de rue, des mendiants, des consommateurs de crack ou de vrais voyous, cela signifie que quand on veut on peut. Sauf qu’on ne peut pas affecter indéfiniment à Paris un tiers de nos forces de l’ordre, ni refiler de façon permanente à nos belles provinces les multiples patates chaudes générées par nos politiques suicidaires.

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J’ai aussi eu grand tort de penser que, sur le plan sportif, les Jeux ressembleraient au cirque habituel du sport-business, quand, entre deux scandales financiers ou sexuels, on est priés de s’extasier sur les valeurs du sport et sur nos footballeurs, jamais à court d’un tweet idiot (songeons au petit ange parti trop tôt de MBappé). Pour le coup, on les a vues à l’œuvre, ces valeurs, et comme l’observe Zemmour dans l’entretien qu’il nous accorde, ce sont celles que la société et les médias s’emploient généralement à combattre, en particulier à l’école – effort, surpassement, singularité, hiérarchie, compétition, méritocratie. Les athlètes et leurs exploits insensés nous ont en prime offert les seules émotions esthétiques de la quinzaine – et les paralympiques qui commencent au moment où j’écris devraient en offrir d’autres. À ce niveau, le sport s’apparente parfois à l’art. En revanche, au-delà du prêchi-prêcha woke pour les nuls et des provocations à deux balles, la cérémonie d’ouverture a surtout consacré le triomphe planétaire du kitsch. Il était difficile d’enlaidir les monuments de Paris. Pour le reste, ce show à ciel ouvert prouve qu’on appelle aujourd’hui beauté la conjugaison d’une musique de sourds, de costumes acidulés et de beaucoup d’agitation. Donnez-nous du bruit et de la couleur, on criera au miracle.

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Certes, la « marque France » cote à la hausse. Tant mieux, même si on peut se demander si ce monde où la puissance se mesure au nombre de téléspectateurs ou de touristes est sérieux. En attendant, la propagande olympique qui ne désarme pas, bien au contraire, commence à me courir sur le haricot. Quand j’entends les mots « parenthèse enchantée », j’ai furieusement envie de sortir mon revolver. Pour les commentateurs de tout poil et de tout bord, rien ne sera plus comme avant. Paris 2024 marquera la déconfiture des grincheux, des réacs et de tous ceux qui ne s’enthousiasment pas pour le monde tel qu’il va. Après une « séquence politique dominée par les passions tristes du déclin et de la xénophobie, nous apprend Le Monde, les Jeux de Paris ont offert à la capitale et à la France entière plus de deux semaines de ferveur et de bonheur ». Toute la France aurait, paraît-il, « communié » dans la joie olympique. En réalité, l’écrasante majorité des Parisiens avait fui. Et en dehors des sites olympiques, où régnait véritablement une belle ambiance, la plupart des Français ont suivi l’événement de loin, heureux de voir des athlètes tricolores triompher et de chanter La Marseillaise. Du reste, les ravis de la crèche olympique, ceux qui hier s’émerveillaient de l’ambiance tricolore lors des compétitions, se pincent généralement le nez devant toute manifestation de patriotisme. Demain, ils brailleront que La Marseillaise est un chant guerrier et « Vive la France ! » un slogan raciste. À en croire Le Monde, « l’héritage » des Jeux « devrait être d’affaiblir les discours exploitant les colères et les peurs, les stratégies misant sur la haine des autres ». Dommage que la niaiserie médiatique ne soit pas une discipline olympique, on aurait raflé toutes les médailles.

Le Grand Barnier

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« Nom, prénom, date et lieu de naissance? » « Barnier Michel le 09.01.51 à La Tronche! » « Où? » « A La Tronche!!! » « Soyez poli jeune homme! Personne suivante! » Mais je suis né à La Tronche!!! » Barnier! Le Barn’s! Et si c’était lui?…


Dès son enfance à La Tronche donc, près de Grenoble, Michel développe une précocité à fatiguer autrui remarquable. Lors des repas de famille il a pris l’habitude, au moment du dessert, de se lever et d’entonner une Marseillaise prépubère qui fait le bonheur de ses parents mais qui gonfle prodigieusement le reste de la tribu. « Un café l’addition » c’est devenu la règle chez les Barn’s et apparentés, afin de s’éviter le stress de fin de banquet.

Sur sa lancée, les semelles bien fartées, il prend sa carte à l’UDR, le parti gaulliste, à 14 ans. Au lieu de l’amener illico chez le psy, papa et maman applaudissent des deux mains. Ce sera le seul et unique triomphe public de sa carrière politique.

Tous les témoignages des survivants et rescapés des meetings et réunions politiques du Grand Barnier convergent: le bougre est un serial killer qui pratique, dans ses discours, involontairement l’hypnose. Beaucoup n’ont pas pu ou voulu se réveiller. Malgré ce lourd handicap à l’oral, le Barn’s par lui-même convaincu de lui-même, entame une ascension fulgurante. Il y a les politiques brillants dont on dit : « ils ont fait une belle carrière ». Pour le Grand Barnier, c’est selon que l’on soit catho (comme lui) ou mécréant. Le catho dira que le Michou aurait battu le record de la traversée de la mer Morte avec ses pieds comme des planches, le mécréant aurait joué les chiffres de sa naissance à l’Euro millions.

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D’une enfance sans histoire, le Miche ne garde que de bons souvenirs à l’exception d’un cauchemar. Le cauchemar de la crêperie. Petit, Barnier était déjà grand. Beaucoup plus que ses copains. La bande avait pris l’habitude de se rendre dans une crêperie de Grenoble, et les gamins attendaient le moment de la commande. Quand la serveuse demandait: « les crêpes ? Sucre ou Grand Marnier? », à l’unanimité moins une, « au Grand Barnier!!! ». Les enfants sont cruels. Depuis quel que soit le lieu, le sujet, dès que Michou entend au détour d’une phrase « le grand… » il ne peut s’empêcher de hurler « au sucre, au sucre! » C’est devenu, avec le temps, sa manière de crier « au secours »! Ce qui, selon le contexte, peut provoquer un malaise certain. Invité par un de ses soutiens, le maire du Touquet Daniel Fasquelle, au salon du livre de la commune, il tombe sur un débat littéraire autour de l’œuvre d’Alain Fournier. Quand l’intervenant va citer Le Grand M…, le Barn’s s’égosille « au sucre, au sucre ». Pendant qu’on exfiltre Barnier, un militant demande au maire si Michou n’abuse pas du bicarbonate…

L’autre obsession du Grand Barnier s’appelle Pierre Mazeaud. Rares sont les hommes politiques à avoir un parcours d’homme aussi charpenté. Mazeaud a pour lui une vie incroyable, jalonnée par les exploits, le gout du risque, les drames et les plus grandes épopées. Il a affronté à mains nues la fureur des éléments. La foudre a percuté sa cordée emportant quatre de ses compagnons. Il est l’un des premiers à planter son piolet au sommet de l’Everest. Son nom est associé au pic des montagnes les plus dévoreuses de chair humaine, gravies à la force des phalanges et du poignet. Il est une légende de l’alpinisme. Professeur de droit le jour, il est le fruit d’une longue dynastie de juristes, il s’encanaille la nuit dans les vapeurs d’alcool, drague les filles sur des notes de jazz et fait la java sous les pavés de Saint-Germain, tout en rêvant des Dolomites. Il s’oppose à la politique coloniale, écrit des brulots sous pseudo dans Le Libertaire, journal anarchiste. Michel Debré le convainc de s’engager dans le parti gaulliste. A ce moment-là, il devient l’insoumis de droite menant de front plusieurs vies, mêlant politique, droit, beuveries avec ses potes pour toujours finir dans son paradis blanc. Alors, en ce jour de 1973, quand le Barnier de 22 ans, en mission auprès du Secrétaire d’Etat chargé de la Jeunesse et des Sports, Pierre Mazeaud himself, le choc des cultures est en marche. Si la fumée monte au ciel, les volutes du cigare de Mazeaud s’accumulent sous le plafond de son bureau. Juste ou le grand Barnier ouvre ses naseaux. Ces deux Savoyards ne sont pas de la même planète. Entre le furet de la vallée et le grizzli des sommets, absolument rien ni personne ne peut établir la connexion.

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Le 30 octobre 2021, Mazeaud, 92 ans, donne une interview au Point. L’hebdo lui décline le casting des candidats à la primaire des LR. Quand vient le tour du Barnier, la sentence du vieux lion est sans appel: un nul, un imbécile. Son coup de griffe est une récidive. Retour en 96. Barnier est président du Conseil général de Savoie. Dans une interview publiée par l’Evènement du Jeudi, le Président de la Commission des Lois de l’Assemblée nationale Pierre Mazeaud (RPR) s’en prend vertement à plusieurs membres du gouvernement et de la majorité. Le pire, déclare-t-il, après avoir évoqué la situation en Corse, c’est quand j’entends cet imbécile de Barnier parler de fusionner les deux Savoie. Il incite au séparatisme, accuse Mazeaud ! Que s’est-il passé pour que le Barn’s qui ne passe pas pour être un franc-tireur se retrouve dans cette aventure ? Le leader de la Ligue savoisienne, mouvement indépendantiste, un certain Patrice Abeille, qui deviendra le premier chef du gouvernement provisoire de la Savoie, en exil à Genève, passe un accord avec le Miche. Si tu milites pour la fusion nous t’apportons nos suffrages. Ni une ni deux, lancé comme un frelon, Barnier se range à l’injonction de l’Abeille. 7% d’intention de vote, ce n’est pas rien. Las, le vieux lion du haut de sa tanière a anticipé la gesticulation du précieux de La Tronche. Et quand le fauve déverse dans la vallée une avalanche de quolibets, le Grand Barnier qui n’a jamais eu la conviction chevillée au corps, se réfugie dans son chalet. En attendant des jours meilleurs…

Une sclérose française

Habitué aux joutes médiatiques, hier comme dirigeant communiste, aujourd’hui comme chroniqueur politique, Olivier a des tripes et du cœur quand il s’agit de défendre ses idées. «J’aime qu’on me contredise!» pourrait être sa devise.


Et de deux. Le bouclage du précédent numéro de Causeur a eu lieu entre les deux tours – donc avant les résultats – des élections législatives. Pour cette rentrée, je vous écris sans savoir qui sera nommé à Matignon par Emmanuel Macron. Dissolution, pas de clarification, puis cette procrastination élyséenne qui a obtenu un record, celui de la longévité d’un gouvernement démissionnaire. Mieux que les trente-huit jours qui se sont écoulés entre le cabinet René Mayer et celui de Joseph Laniel en mai-juin 1953 ! Alors que le premier message des urnes a exprimé l’aspiration à un vrai changement, le président Macron est en marche sur les pas d’Edgar Faure (« Voici que s’avance l’immobilisme et nous ne savons pas comment l’arrêter. ») et d’Henri Queuille (« Il n’est pas de problème dont une absence de solution ne finisse par venir à bout. »). Décidément, sous ses faux airs de modernité, le macronisme est un succédané de la IVe République.

Nous vivons le temps du retour du Parlement. Tant mieux ! C’est pourquoi Emmanuel Macron devrait d’abord nommer à Matignon la représentante du Nouveau Front populaire, coalition arrivée en tête le 7 juillet. Son gouvernement pourrait être aussitôt censuré par une majorité à l’Assemblée nationale, mais cela se déciderait précisément au Palais-Bourbon, non à l’Élysée. Le pays profond détourne son regard et se dit que, décidément, « rien ne change ».

C’est ce même pays qui s’est enthousiasmé pour les Jeux olympiques, qui s’est pris au jeu. Et pourtant, il n’a pas manqué de voix tonitruantes, politiques et médiatiques, pour nous dire que nous allions à coup sûr au désastre, que la France allait connaître une véritable humiliation, qu’il n’y aurait pas de public dans une capitale grillagée et désertée. Jusqu’à la toute fin, alors que nous apprenions que Léon Marchand ne serait pas l’un des deux porte-drapeau tricolores pour la cérémonie de clôture, j’ai pu lire : « Que cache cette élimination pour d’obscures raisons non avouables ? » Puis l’athlète aux ondulations de dauphin, héros de ces superbes olympiades, est apparu à l’écran pour ouvrir cette cérémonie. Il avait rendez-vous avec la vasque-montgolfière dans le jardin des Tuileries. Beauté.

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C’est ce même pays qui pleure la disparition d’Alain Delon, la dernière étoile cinématographique. « Nul ne guérit de son enfance », disait Ferrat. Delon en a fait Tancrède, Roger Sartet, Jef Costello, Rocco Parondi, Roch Siffredi, Robert Klein, Choucas, Verlot, Xav, Niox, Pierre Larcher et tant d’autres personnages…

Je n’aime pas les injonctions. Notamment celles qui consistent à nous dire ce qu’il faut aimer, ce qu’il convient de détester, et nous somment d’appartenir à une majorité, relative ou absolue, en matière artistique ou sur le terrain des idées. Mais j’avoue ne pas bien comprendre comment ces deux moments français, la ferveur populaire pour les JO, ce patriotisme joyeux, puis cette tristesse, cette douce nostalgie, quand Delon s’en est allé rejoindre ses parents (et Gabin !) ne peuvent pas nous réunir. Et de trois ? On bouclera certainement encore le mois prochain dans des conditions incertaines. Faisons confiance aux événements, ils ne manqueront pas de se produire.

Rabelais, au Théâtre de Poche Montparnasse

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« Le plus grand esprit de l’humanité moderne : Pythagore, Hippocrate, Aristophane et Dante réunis » (Honoré de Balzac, à propos de Rabelais)

« La grande fontaine des lettres françaises (où) les plus forts ont puisé à pleine tasse » (Gustave Flaubert, à propos de Rabelais)


C’est la rentrée théâtrale. Et comme souvent, le Théâtre de Poche invite à réviser les classiques : Gargantua de Rabelais – après Yourcenar en juillet, reprise en janvier 2025 à ne pas manquer, merveilleux seul en scène autour des Mémoires d’Hadrien, par Jean-Paul Bordes.

Beau programme – pour un écrivain (Rabelais) si classique et culte qu’on en oublierait de le lire, à tort bien sûr. Certes Malherbe et la Contre-Réforme l’ont combattu, mais Chateaubriand et Hugo l’ont réhabilité et fêté – comme Jarry (le Père Ubu – évidence), Claudel, Céline, Cocteau, voire aujourd’hui Valère Novarina (un de nos classiques contemporains, et vivants). Et il fut un temps pas si lointain (1968) – où Jean-Louis Barrault lui consacrait un spectacle : Rabelais. Musique ? Michel Polnareff. Le saviez-vous ? Nous non plus.

Parenthèse : je me souviens de mon vieux professeur de latin en khâgne. Il distinguait deux catégories de personnes, et seulement deux. Ceux qui lisaient Rabelais (1483 ou 1494- 1553) – et les autres. À l’époque, j’étais des autres – et le suis hélas toujours un peu.

D’où l’agrément que procure le seul en scène de l’épatant Pierre-Olivier Mornas (il sait tout faire) dans son évocation de Rabelais et de Gargantua : c’est un bain – une ambiance restituée.

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La mise en scène d’Anne Bourgeois, d’une grande sobriété, permet d’écouter le texte, plutôt que d’en être détourné par des effets superflus. Pareil pour la musique de François Peyrony : un accessoire bienvenu, plutôt qu’une pollution, comme cela arrive.

Pierre-Olivier Mornas incarne à la fois Grandgousier et Gargamelle (les parents de Gargantua), Gargantua (ou Rabelais, c’est le même), etc.
Le géant festoie. Affamé, il mange tout le temps – mais c’est sa boulimie de savoir qui domine : apprendre, avec son précepteur Ponocrates (alter ego de Socrate).
Il engrange les connaissances, devient « donc » chef de guerre (les guerres picrocholines – du nom du roi Picrochole, qui attaque le royaume de Grandgousier), etc.
Les grands thèmes rabelaisiens – l’éducation, la connaissance, l’humanisme, le vin, etc. – émergent peu à peu au gré du monologue endiablé.
On regarde, on écoute, on révise – transportés dans ce XVIème siècle… rabelaisien. Et une fois n’est pas coutume, on saisit précisément, alors, ce que recouvre ce qualificatif rebattu. L’outrance, la démesure, la truculence (voire la trivialité) – mais aussi les lumières d’une certaine Renaissance. Le côté, en fait, révolutionnaire de Rabelais en son temps – et qui le demeure. Une délicieuse soirée.


Gargantua, de François Rabelais, mise en scène d’Anne Bourgeois, adapté et interprété par Pierre-Olivier Mornas. Jusqu’au 10 novembre. Du mardi au samedi 19H. Dimanche 15H. Théâtre de Poche Montparnasse (6e arrondissement). Durée : 1H10.

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Le mot du jour: massif

Monsieur Edouard Philippe, naguère Premier ministre, a fait savoir qu’il serait candidat aux prochaines élections présidentielles. Considérant peut-être que le présent quinquennat n’irait pas à son terme, il aura jugé opportun de ne pas trop traîner à annoncer cette décision d’importance que, s’imagine-t-il, la France entière attendait fébrilement.


Fin, donc, d’un suspense intenable. Le candidat déclaré nous annonce un programme qu’il se plaît à présenter comme « massif »1. On a connu beaucoup de qualificatifs assortis aux programmes électoraux, mais celui de massif a au moins le mérite de la nouveauté.

Un programme, précise le postulant, qui devra mobiliser les forces politiques allant de la droite sage, la droite propre sur elle, aux socialistes teintés rose tendre, modérément socialisants si vous préférez. En d’autres termes, ce programme se situe clairement au centre. Nous devrions donc  avoir du massif central. Et conséquemment se dit-on, à l’image de l’autre aux volcans éteints ou en sommeil depuis la nuit des temps, rien de particulièrement volcanique, éruptif ou puissamment disruptif à en attendre. Nous voilà prévenus.

A lire ensuite, Ivan Rioufol: Matignon: c’est pour aujourd’hui ou pour demain?

Pour ce qu’on sait de ce programme, figurerait en bonne place l’engagement de revitaliser le secteur industriel. Sur ce point, l’homme peut se prévaloir d’une réussite certaine. Lorsqu’il était à Matignon, n’a-t-il pas relancé magistralement l’industrie du panneau routier avec sa crise d’autorité du 80 km/h, sans conteste la décision politique entre toutes dont la France avait le plus urgent besoin à ce moment-là ?

On notera que le postulant a tenu à prendre tout le monde de vitesse en officialisant dès à présent sa candidature. Il se hisse ostensiblement en tête du peloton de ses concurrents encore attardés à l’écurie où ils piaffent mais ne font que piaffer. Je m’autorise à voir dans ce souci de prendre la tête une sorte de revanche sur ce qu’aura été jusqu’alors son destin politique. Une revanche sur le politicien de porte-bagage qu’il fut dans son coin de Normandie, accédant à la mairie du Havre sur celui d’Antoine Ruffenach et à Matignon, c’est-dire à la notoriété nationale, sur celui d’Emmanuel Macron. Il se sera dit que cela devait cesser et que son temps était venu, le temps de se mettre la tête dans le guidon et de pédaler de la force de ses propres mollets. Espérons pour lui que la pente ne soit pas trop raide ni le but trop lointain. Il a baptisé son mouvement politique Horizons. Horizon, cette ligne terriblement agaçante qui ne cesse de reculer à mesure qu’on croit s’en approcher. L’effort à fournir risque donc d’être lui, pour de bon, massif.

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  1. https://www.lepoint.fr/politique/exclusif-edouard-philippe-je-serai-candidat-a-la-prochaine-election-presidentielle-03-09-2024-2569359_20.php ↩︎

Matignon: c’est pour aujourd’hui ou pour demain?

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Macron dans l’impasse: et si la porte de sortie était sa démission ? se demande notre chroniqueur


La France n’est plus gouvernée depuis 50 jours. Mais qui voit une différence ? En réalité, ses dirigeants ont abandonné leur poste depuis des décennies. Le monde politico-médiatique, coupé du réel par ses aveuglements idéologiques prolongés, tourne à vide et se mord la queue. Emmanuel Macron n’est que l’ultime symptôme de l’effondrement du système avec lequel il n’a jamais voulu rompre.

Actuellement, les faiseurs d’opinions se passionnent autour de l’interminable feuilleton du futur Premier ministre. Mais ce huis-clos n’intéresse pas les citoyens ordinaires. Ce mauvais théâtre les conforte en revanche dans leur rejet de cette oligarchie bavarde et inopérante, qui a décidé de rejeter le RN, premier parti de France, et le NFP, première formation parlementaire. Selon l’Ifop (Le Monde, 30 juillet), 85% des Français portent un jugement négatif sur les responsables politiques. Les sondés sont 73% à ne pas faire confiance en l’Assemblée nationale issue du 7 juillet et du front républicain qui l’a rendue ingouvernable. D’ores et déjà, 51% sont même favorables à une démission du chef de l’État : une éventualité qui a poussé Édouard Philippe, hier dans Le Point, à se déclarer candidat pour la prochaine présidentielle. Reste que l’ancien Premier ministre, qui fit se soulever contre lui les premiers gilets jaunes en octobre 2018, fait partie de ce vieux monde déconnecté, qui n’a jamais voulu reconnaître ses fautes. « Je sais où je veux emmener le pays », déclarait Macron le 1er mai 2018 devant Jean-Pierre Pernaut. On voit : il l’a conduit dans l’impasse.

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Relire les forfanteries du président fait comprendre son aveuglement pathologique. Le 10 juin, au lendemain de l’annonce de sa dissolution de l’Assemblée, Le Monde relate (et confirme par la suite) cet échange avec « un grand patron, familier de l’Elysée » : « Ça va, pas trop dures, ces journées ? » Macron : « Mais pas du tout ! Je prépare ça depuis des semaines, et je suis ravi. Je leur ai balancé ma grenade dégoupillée dans les jambes. Maintenant on va voir comment ils s’en sortent… ».

Macron, évidemment, ne s’en sortira pas. Sauf à se caricaturer davantage en Ubu roi, en devenant son Propre premier ministre et son gouvernement à lui tout seul. Néanmoins, avoir eu ne serait-ce que l’idée de nommer à Matignon Thierry Beaudet, apparatchik de gauche de l’inutile et dispendieux Conseil économique et social, fait mesurer le gouffre qui sépare Macron de la société civile dont il prétendait se réclamer en 2017. Les personnalités de Bernard Cazeneuve ou de Xavier Bertrand, qui semblent demeurer en lice ce mercredi matin, ont en commun une même détestation pavlovienne du RN.

Or, comme le rappelle le politologue Dominique Reynié, le RN est devenu la droite par le choix de 80% des électeurs de cette tendance. Malgré sa paresse intellectuelle, ce parti est porté par ses critiques contre l’immigration devenue folle, la montée de l’islamisme conquérant et le laxisme sécuritaire. Ce sont ces sujets, évacués par la caste claquemurée, qui vont continuer à porter Marine Le Pen et Jordan Bardella. À moins qu’un improbable Premier ministre ne reprenne prioritairement ces thèmes à son compte (David Lisnard, autre premier ministrable, l’oserait-il ?), il n’est guère d’autre issue pour Macron, à terme, que de démissionner.

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Caméras clandestines

Le militant dénonce la politique sécuritaire du maire de sa commune, qu’il poursuit au tribunal


Cédric Herrou refait parler de lui. Le gentil producteur de volailles et d’olives, bien connu de la justice pour être un passeur de migrants à la frontière avec l’Italie, n’aime apparemment pas le nouveau maire de sa commune. Quand il a découvert que l’édile, le ciottiste Sébastien Olharan, entendait installer une quarantaine de caméras de surveillance dans la petite ville de Breil-sur-Roya (06), il a donc cherché la petite bête. « On a découvert que le maire avait déjà installé une dizaine de caméras sans autorisation et sans dossier déposé auprès de la préfecture », a dénoncé le défenseur des exilés au micro de France Inter. Nul n’est censé ignorer la loi ! Et en matière d’illégalité, Cédric Herrou en connaît un rayon : il a été poursuivi tellement de fois que son parcours judiciaire a permis à la notion de « délit de solidarité » d’émerger en France, et à notre prestigieux Conseil constitutionnel d’estimer en 2018 qu’incriminer un citoyen facilitant l’entrée ou le séjour irrégulier d’un clandestin sur le sol français était « partiellement inconstitutionnel » lorsque c’était pour des raisons humanitaires.

A lire aussi, du même auteur: Sophia Chikirou, le « martyr » du Hamas et la chute de la maison Mélenchon

Avec 15 habitants de gauche, M. Herrou a donc déposé un recours contre les caméras clandestines au tribunal administratif de Nice. Évidemment, au-delà, le militant dénonce un dispositif « inutile et disproportionné », avec à terme une caméra pour 55 habitants, soit le double de Nice selon ses calculs. « Un outil matériel répressif et restrictif des libertés publiques ! » s’énerve le militant, interrogé par L’Humanité. Oui, mais si Breil-sur-Roya n’est peut-être pas Chicago, les statistiques de la gendarmerie montrent bien une augmentation de la délinquance, plaide le maire, lequel rappelle que la commune s’étalant sur 86 kilomètres carrés, il faudra bien autant d’appareils… Il assure en outre que les caméras déjà installées n’enregistrent aucune image, et que la mairie attendra le feu vert de la préfecture, pas avant cet automne. Il a déjà gagné au tribunal contre Herrou en référé, le 14 août. Affaire à suivre… M. Herrou doit-il craindre que la gendarmerie puisse d’ici quelques semaines facilement surveiller ses allées et venues ?

Otages, tunnels et «grève générale»

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Malgré une « grève générale » en Israël lundi, le Premier ministre Netanyahu entend maintenir une stratégie inflexible sur les otages. De leur côté, les islamistes du Hamas indiquent qu’ils ne négocieraient qu’en cas de levée du blocage de l’armée israélienne sur le corridor de Philadelphie, entre Gaza et l’Égypte.


Le 20 août, l’armée israélienne annonçait la découverte dans les tunnels de Khan Younes des corps de six otages israéliens, Yoram Metzger, Haim Peri, Alex Dancyg, Nadav Popplewell, Yagev Buchshtab, et Avraham Munder. Leur mort n’était pas récente et avait déjà été annoncée au préalable pour cinq d’entre eux. 

Puis, le 27 août, le bédouin israélien Kaid Farhan Alkadi était libéré dans un tunnel, lors d’une opération militaire complexe. Celle-ci, survenant après une série d’éliminations spectaculaires de dirigeants du Hamas ou du Hezbollah, avait redonné aux Israéliens confiance et admiration dans leurs services de renseignement. 

Mais quatre jours plus tard, le 31 août, l’armée découvre dans les tunnels de Rafah les corps de six autres otages. Il apparait vite qu’ils ont été assassinés 48 heures auparavant. Et beaucoup d’Israéliens sont en état de choc.

Le Hamas après avoir prétendu qu’il n’était pour rien dans leur mort, s’en vante et  déclare que si les Israéliens s’approchent des otages, ils ne récupéreront que des cadavres.

Ces otages qui ont subi un calvaire de 11 mois avant d’être tués de sang-froid par leurs geôliers, qui étaient-ils?

Carmel Got a été enlevée au kibboutz Beeri, où elle a vu sa mère assassinée. C’était une physiothérapeute que certains otages libérés en novembre ont qualifiée d’ange car elle leur enseignait la méditation pour supporter leur épreuve. Sa famille a refusé la présence des medias à son enterrement et a très durement critiqué Netanyahu.

Les cinq autres ont été enlevés au festival Nova: Eden Yerushalmi, qui travaillait au bar, a gardé plusieurs heures un contact téléphonique avec sa sœur avant de tomber dans les griffes des ravisseurs et dont le Hamas a diffusé, après l’avoir assassinée une vidéo où elle suppliait d’accepter l’échange de prisonniers. Almog Sarusi, de Raanana, était musicien. Le sergent-chef Ori Danino a sauvé plusieurs participants, est retourné au combat et a été enlevé. Alexandre Lebanov, dont un enfant est né pendant son incarcération, avait la nationalité russe, mais n’a pas eu la chance d’un autre otage russo-israélien qui avait été libéré par égard pour Poutine. Hersch Goldberg Polin, gravement blessé à la main, avait laissé une impression lumineuse chez ses amis de Jérusalem. Il était devenu un des otages les plus connus car ses parents israélo-américains avaient remué ciel et terre, à l’ONU, à la Maison Blanche et lors de la Convention démocrate. Les paroles de sa mère au cimetière Givat Shaoul, étaient bouleversantes  de tendresse et de dignité. Elles auront probablement un retentissement profond aux Etats-Unis.

Bring them home

Les forces israéliennes, qui sont manifestement en train de détruire le Hamas, ont effectué quelques sauvetages d’otages et même ceux qui constataient que ces libérations étaient minimes par rapport à celles qui étaient survenues lors des négociations de novembre, pouvaient espérer que la victoire militaire s’accompagnerait du retour des otages, ou de beaucoup des otages « à la maison ». 

Malheureusement Gaza n’est pas Entebbé, dont le souvenir hante probablement Benjamin Netanyahu, étant donné le rôle qu’y a joué son frère. Et depuis la découverte macabre des six corps et les annonces du Hamas, les deux objectifs de destruction du Hamas et de libération des otages se télescopent désormais.

A lire aussi, Gil Mihaely: Otages, ô désespoir

Israël, où une merveilleuse jeunesse se bat sans répit depuis près d’un an pour accomplir ces deux objectifs, se divise de nouveau fortement et les manifestants sont dans la rue. Le gouvernement est-il en train de sacrifier les otages ? Evénement extraordinaire, le Premier Ministre accepte une Conférence de presse, événement encore plus extraordinaire, il s’excuse auprès des familles des otages assassinés. Mais les familles ne retiennent que son insistance sur le corridor de Philadelphie.

La découverte des cadavres est survenue au moment même où le cabinet de guerre, contre l’avis du Ministre de la défense, a exigé de garder le contrôle israélien du corridor de Philadelphie. En fait les négociations étaient au point mort du fait des revendications  du Hamas qui prétendait transformer les propositions de Biden d’un plan en étapes en un cessez-le-feu permanent, avec le retrait complet des troupes israéliennes de Gaza. Autrement dit, le Hamas se présenterait comme  le héros invaincu d’une guerre de près d’un an menée par lui seul contre la surpuissante armée israélienne. 

Jusqu’à présent, Netanyahu refuse toute concession sur le corridor de Philadelphie

Pour le public occidental, les exigences démesurées d’un Hamas proche de la déroute ont un immense attrait : il pense qu’elles conduiront à une paix complète. Qui peut être contre la paix?

Mais qui est assez ignorant et naïf pour penser qu’on peut être en paix avec le Hamas?

En Israël, il n’y a pas que les électeurs d’extrême droite qui ne font pas la moindre confiance au Hamas et qui pensent qu’il doit être mis hors d’état de nuire. Ce sentiment est général dans la société.

Mais alors que deviendront les otages? « Qui sauve un homme sauve un monde ». La formule est répétée comme un mantra. Pour beaucoup d’Israéliens c’est le moment de l’appliquer, ce n’est pas une élégance d’ostentation et cela réfère à des valeurs centrales dans l’idée qu’ils se font de la morale juive. Il s’agit en outre de libérer des citoyens à l’égard desquels le gouvernement a failli à son devoir de protection. 

Kfar Saba, Israël, 12 novembre 2023 © Ariel Schalit/AP/SIPA

La question est de savoir où placer le balancier. Une partie au moins des professionnels de la guerre ou des renseignements semble partager l’avis de Yoav Gallant que la présence physique permanente des Israéliens sur Philadelphie n’est pas actuellement indispensable, et il est impensable que le Ministre de la Défense aurait émis un tel avis s’il n’était pas soutenu par les grands militaires. Benny Gantz et Gadi Eisenkot dans leur conférence de presse commune soulignent que le contrôle direct du corridor de Philadelphie n’a pas un caractère existentiel pour Israël.

Pendant trente ans, a transité sous le corridor de Philadelphie un immense arsenal militaire et de construction, qui à lui seul rend la phrase de Gaza « camp de concentration à ciel ouvert » ridicule. À moins que, vicieusement, Dominique de Villepin rappelle que les tunnels ne sont justement pas à ciel ouvert… Il restera à savoir comment Israël s’est accommodé de ces passages, ou pire encore, comment il a pu les ignorer. 

Mais aujourd’hui, si les spécialistes pensent que ces tunnels, ou plutôt ce qui en reste, présentent un risque contrôlable, ce n’est pas aux amateurs comme Ben Gvir de peser sur la décision. Cette décision peut signifier la mort pour des otages survivants. Le pays a des devoirs à leur égard et le Premier ministre israélien ne devrait pas y mêler des considérations d’alliances politiciennes.

On a le droit de rêver….

François, de qui es-tu le pape?

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Le chef de l’Église catholique est actuellement à Djakarta, capitale de l’Indonésie, pays de 275 millions d’habitants dont 80% sont musulmans. Politiquement, le Pape François semble ne se préoccuper que du « Sud global ».


Alors qu’on incendie en France églises et synagogues au nom de l’islam, notre pape dont le nom pourtant signifie « de France » (que l’on prononce François, Francis ou Francisco) est en visite dans « le premier pays musulman du monde », dans l’indifférence manifeste à ces incendies, comme d’ailleurs aux massacres quasi quotidiens perpétrés par les islamistes sur les chrétiens, par exemple au Burkina Faso.

François est venu à Marseille l’an dernier (précisant qu’il ne venait pas pour autant « en France »), pour nous exhorter à ouvrir grand nos frontières d’Europe aux migrants du monde entier (musulmans, dans leur écrasante majorité).

On l’a à peine entendu lors du 7 octobre, et plus du tout à chaque nouvel assassinat d’otages, comme pour les six malheureux du week-end dernier. On l’entend en revanche constamment déplorer la souffrance du peuple palestinien. Citons Vatican News: « Dans un message aux musulmans du monde entier, diffusé par la chaîne d’information saoudienne Al-Arabiya, à l’occasion de la fin du ramadan, le Souverain pontife a de nouveau imploré la fin de la guerre entre Israël et le Hamas. «Ne laissons pas la guerre s’étendre! Arrêtons l’inertie du mal!», s’est-il exclamé, vendredi 12 avril. » Ou encore, le 8 juin: « J’exhorte la communauté internationale à agir d’urgence pour aider la population de Gaza. »

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Pourtant le christianisme inventeur de l’antisémitisme ne cesse de rappeler qu’Israël est le peuple élu, et que Jésus le Nazaréen fut crucifié sous l’intitulé « Roi des Juifs ». Dimanche dernier encore, le Deutéronome de la 1ere lecture, (comme presque chaque dimanche de la messe chrétienne) rappelait que l’union de Dieu avec son peuple Israël est primordiale, première et sacrée. « Moïse disait au peuple : « Maintenant, Israël, écoute les décrets et les ordonnances que je vous enseigne pour que vous les mettiez en pratique. Ainsi vous vivrez, vous entrerez, pour en prendre possession, dans le pays que vous donne le Seigneur, le Dieu de vos pères. (…) Tous les peuples s’écrieront : Il n’y a pas un peuple sage et intelligent comme cette grande nation ! » (Dt, IV, 1-8)

Le Saint Père sait bien que notre Seigneur Jésus Christ n’a jamais été chrétien mais juif, priant et enseignant dans des « synagogues », des « temples ». Qu’il fut circoncis huit jours après sa naissance, raison pour laquelle nous fêtons le 1er janvier de l’an Zéro (une semaine après le 25 décembre) comme le début de notre Ère (oui, sa circoncision, symbole d’alliance avec son peuple, et non pas sa naissance). Que sa mère Marie était une bonne petite juive. Que la terre d’Israël est depuis quelque 30 siècles celle du peuple juif (cf. ci-dessus), menacée par des peuples descendants des Philistins ou des Babyloniens, d’une cruauté redoublée et galvanisée depuis 13 siècles par l’islam.

Et le Pape François ne voit pas que c’est Israël dont il devrait dire tous les jours le martyre ? Des églises et des synagogues sont incendiées en France par des adeptes de Mahomet, qu’attend-il pour venir constater les dégâts, prier parmi nos ruines ?

«La politique est l’ennemie du peuple»

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Éric Zemmour © InitialesCK/Eléonore Lhéritier/Reconquête

Pour le président de Reconquête, la stratégie de dédiabolisation poursuivie par le RN revient à se soumettre à la gauche. L’urgence, c’est de mener le combat identitaire car « la France est assiégée par une civilisation étrangère » qui a notamment ravivé l’antisémitisme. Pour lui, la politique est une affaire trop belle et trop grande pour être confiée à des politiciens obsédés par les sondages.


On l’avait vu, au lendemain des européennes, passablement abattu par les trahisons. On le retrouve souriant, reposé, gourmand de rencontres et d’idées nouvelles. Après une dizaine de jours en Californie, où le gotha conservateur américain avait invité Sarah Knafo, son lieutenant et sa compagne, à une session de formation, j’ai rejoint le patron de Reconquête en Camargue, une région où il compte de fidèles partisans devenus de bons amis. Deux heures de natation par jour, des livres en pagaille, la presse dégustée dans la solitude matinale face aux vignes, la famille et les copains : alors que la dernière séquence a largement confirmé son diagnostic, il est prêt à en découdre, plus que jamais convaincu que la France est en danger. Il lui reste à prouver qu’il est celui qui peut la sauver. À supposer qu’elle veuille être sauvée •

Causeur. Avez-vous été touché par la grâce olympique ?

Éric Zemmour. Depuis mon enfance, j’aime le sport – je le regarde et je le pratique. Depuis 1968, je n’ai jamais raté les JO, ni la Coupe du monde de football. Je pourrais vous parler pendant des heures des JO de Mexico en 1968 avec la victoire de Colette Besson ! Je ne suis pas de ces gens qui méprisent « le pain et les jeux » qu’on donnerait « au peuple ». Comme tous les gens du peuple, je suis heureux quand les Français gagnent. Et cette année, j’ai été servi ! Léon Marchand nous a tous enchantés. Je suis très chauvin en sport, je n’en ai pas honte.

Vous êtes chauvin en tout !

Pas faux ! Le sport, c’est aussi le patriotisme. Quand on dit que le sport, c’est uniquement « le vivre-ensemble, la convivialité, la sororité », on dénature complètement les valeurs du sport. Le sport, c’est l’effort, la méritocratie, la sélection, la compétition. Le sport, ce sont des valeurs de droite. Pour être jockey, il faut être petit et léger. Il y a ceux qui arrivent les premiers et qu’on respecte, et ceux qui arrivent en dernier et qu’on plaint. Tout le contraire de l’école d’aujourd’hui ! On accepte que les qualités des hommes et des femmes soient différentes ; ils ne combattent pas ensemble. On est content quand son compatriote gagne. Tout ce que la gauche et l’époque détestent !

Peut-on se contenter de crier « Vive la France ! » uniquement dans les stades ?

Et pourquoi les peuples européens ne manifestent-ils leur patriotisme que dans les stades ? Car, c’est désormais le seul endroit où les élites le tolèrent. Prenez l’Allemagne. Après 1945, le patriotisme allemand est devenu suspect, alors le football fut son seul refuge. Aujourd’hui, nous sommes tous Allemands. Tous les peuples européens ont été mis au pain sec et à l’eau patriotiques.

La « communion », célébrée jusqu’à l’écœurement par les commentateurs, n’est-elle pas factice ?

Bien sûr. C’est exactement l’histoire de la Coupe du monde de football en 1998. Les politiciens et les intellectuels de tous bords, qui ne manifestaient jusque-là que mépris pour ce « sport de beauf », exaltèrent avec des trémolos dans la voix la victoire de la France « black-blanc-beur ». Cette victoire que tout un peuple attendait depuis des années, que notre peuple fêta dans la liesse – cette victoire fut dérobée, subtilisée, transformée et devint un fantastique objet de propagande. Nos trois couleurs n’étaient plus bleu, blanc, rouge, mais black-blanc-beur.  Ce n’était plus la victoire de la meilleure équipe du monde, mais celle du métissage. La réalité a vite rattrapé cette légende. Car trois ans plus tard, il y eut un match entre la France et l’Algérie. Et là, ce sont les supporters des banlieues françaises qui applaudirent l’Algérie, sifflèrent La Marseillaise et conspuèrent Zidane « le traître » dès qu’il touchait le ballon. Avant d’envahir le terrain, parce que la France humiliait l’Algérie dans le jeu. L’illusion de la France black-blanc-beur était déchirée.

Léon Marchand, après sa quatrième médaille d’or aux Jeux olympiques de Paris 2024, dans une Paris La Défense Arena galvanisée, le 2 août 2024 © CHRISTOPHE SAIDI/SIPA

Quoi qu’il en soit, les JO ont été une réussite organisationnelle.

Paris a vécu sous une bulle pendant quinze jours. On a mis dix fois plus de policiers que d’habitude, on a démantelé les points de deal, on a sorti les migrants de la ville. On a fait marcher le métro, il arrivait à l’heure, il était propre. Bref, un avant-goût de la France que je veux ! Ce n’était pas le Paris d’Hidalgo…

Le sport est-il un critère valable pour juger de la supériorité des nations ? La hiérarchie issue du sport n’est-elle pas contestable par rapport à celle des scientifiques, ou des grands artistes ?

L’un n’exclut pas l’autre. Après les JO de Rome de 1960, qui avaient été une catastrophe pour les sportifs français, le général de Gaulle a réuni un Conseil des ministres spécial pour développer le sport de compétition en France. C’est ainsi qu’on a organisé la formation du football qui nous a amenés à l’équipe de Platini dans les années 1970. À l’époque, Jacques Faizant a publié un dessin hilarant du général de Gaulle courant en survêtement avec cette légende : « Dans ce pays, il faut que je m’occupe de tout. » Dans tous les sports, l’État a donné une impulsion. Donc, même au temps du général de Gaulle, on considérait que le sport était un élément du prestige français. En temps de paix, dès qu’un pays sort du sous-développement, il s’efforce d’organiser son sport de haute compétition. Les deux pays qui raflent le plus de médailles sont les États-Unis et la Chine : la hiérarchie olympique épouse assez fidèlement celle de la puissance. Pour moi, les sportifs, en particulier olympiques, sont les chevaliers de notre époque, ils portent haut les couleurs de leur pays.

Que retenez-vous de la cérémonie d’ouverture ? Les provocations, la Marie-Antoinette gore arborant sa tête coupée ou les monuments de Paris sublimés ?

Je retiens que la gauche n’arrête jamais de mener le combat idéologique et trouve toutes les occasions pour faire avancer ses pions. Ce que vous appelez « provocation », c’est simplement la mise en scène de ses idées qui doivent s’imposer à tous. C’est la grande force de la gauche. Elle est fondamentalement gramscienne. Et c’est la grande faiblesse de la droite, qui ne mène pas le combat culturel. Il faut affronter la gauche sur ce terrain culturel. C’est ce que j’ai fait pendant des années. C’est ce que nous faisons avec Reconquête.

Le droit au blasphème fait partie de notre culture. Peut-on demander aux musulmans d’accepter les caricatures de leur prophète et pousser des hurlements pour une transgression pour enfants, déjà vue 500 fois, autour de la Cène ? Faut-il s’énerver contre « les mutins de Panurge » (Muray) ou se payer leur tête ?

Le droit au blasphème, la transgression et la caricature font partie de l’esprit français. Mais justement, quand cette provocation a été vue 500 fois, alors ce n’est plus une provocation : c’est l’idéologie dominante qui, par définition, s’impose à nous. En 1900, se moquer du christianisme dans une société encore catholique, c’est se moquer du pouvoir. En 2024, se moquer du christianisme, c’est faire partie du pouvoir, de l’idéologie dominante. Nous devons la combattre, car il ne s’agit plus de transgresser un ordre qui tient debout, mais d’effacer complètement une civilisation devenue fragile : les racines chrétiennes de la France.

Vous voulez recommencer la guerre froide idéologique dans l’autre sens, en fait. Et pourquoi ne pas essayer le pluralisme culturel ? Le débat à la loyale ?

C’est exactement ce que je fais ! Mais ne soyons pas naïfs : il y a toujours une culture dominante. Quand la gauche gagne les élections, elle gagne. Mais quand elle les perd, elle gagne aussi, parce que la droite n’applique pas ses idées et se soumet à la gauche. Chez Reconquête, nous contestons sans cesse cette hégémonie, par exemple avec les Parents vigilants, notre réseau de 75 000 parents, présents dans la France entière pour alerter des dérives au sein de l’école. Je veux que Reconquête reprenne le flambeau de l’éducation des jeunes générations. Je compte m’y investir personnellement dès nos universités d’été à Orange, le 7 septembre.

Pardon, mais on n’a pas envie de voir un politiquement correct de droite supplanter celui de gauche. Ni de voir le retour de la persécution des homosexuels…

Vous tombez dans ce panneau ? Depuis 1789, date à laquelle elle a été dépénalisée, l’homosexualité n’est plus persécutée en France. Moi, je déteste le politiquement correct, et je me fiche de ce que font les gens, j’ai grandi dans les années 1970. Ce que je combats, c’est le militantisme LGBT. On nous raconte que le refus de l’agenda woke serait de l’homophobie. C’est un peu gros.

Donc, contrairement à vos amis ou ex-amis de la « droite des valeurs », vous êtes libéral sur les mœurs ?

Je ne suis pas un puritain. Je trouve que nous vivons une triste époque de réaction puritaine, après l’explosion libertaire des années 1970. Regardez la sexualité des jeunes : elle est quasiment réduite à néant ! Sauf que ce n’est plus l’Église, mais le féminisme à la MeToo qui inhibe les désirs et contraint à l’abstinence.

Diriez-vous qu’avec Marion Maréchal, Reconquête a perdu sa branche la plus catholique ?

Vous avez trouvé son attitude très catholique ?

Les trahisons semblent derrière vous. Vous avez encaissé ?

Oui, les vacances m’ont fait du bien. Je me suis posé des questions simples : Est-ce que l’intérêt de la France serait mieux défendu si j’arrêtais la politique ? Si Reconquête cessait le combat ? Je pense avoir trouvé la réponse. Je regarde devant moi. J’ai des troupes déterminées. Je sais qu’il nous faut continuer le combat. Sans Reconquête, nos idées ne vaincront jamais. Nul autre que nous ne les portera.

On a été contents d’oublier la crise politique pendant ces trois semaines. Elle est toujours là. Fin juin, il y avait une quasi-unanimité pour dénoncer la dissolution : choix irresponsable, scandaleux… Était-ce votre avis ?

Ce n’était pas scandaleux, c’étaitstupide. La dissolution permet, en principe, au président de la République d’améliorer son rapport de forces avec les autres pouvoirs. Or, en l’occurrence, Macron a dissous à un moment où il ne pouvait que s’affaiblir. Personne n’a gagné : ni la gauche, ni la Macronie, ni le RN. Et surtout pas la France ! Désormais, peu importe le gouvernement, il n’aura pas de majorité solide. Les immigrés vont continuer à arriver, l’école, à s’effondrer, la dette, à grossir. Tous les problèmes qui doivent être réglés ne le seront pas. Les Français le voient et sont écœurés de la politique pour cette raison. C’est pour cela que plus de 80 % d’entre eux viennent de dire que les partis politiques n’étaient ni crédibles, ni honnêtes, ni utiles (Odoxa).

Quand vous jouez, vous n’êtes jamais sûr de gagner !

Macron avait-il vraiment un objectif rationnel ?

Oui, celui d’user le RN pour ne pas amener Marine Le Pen à l’Élysée.

Dans ce cas, il fallait le laisser gagner, et non s’allier avec LFI. Quoi qu’il en soit, le résultat, c’est le chaos.

Si la France n’est pas politiquement partagée en deux mais en trois, c’est le chaos ?

Le problème n’est pas la tripartition parlementaire, mais le décalage entre la réalité du pays et les débats des politiciens. Tous les Français le disent : on ne comprend plus rien à la vie politique, c’est le chaos ! Pourquoi ? Car la politique ne correspond plus aux clivages de la société. On a connu dans l’histoire des moments où la politique ne correspondait plus aux réalités sociologiques et démographiques d’un pays. Regardez la fin du xixe siècle, en France. La vie politique oppose alors les républicains et les monarchistes, alors que le conflit qui agite la société, c’est déjà la lutte des classes. Le socialisme tarde à être représenté, d’où la déconnexion entre la société et la politique, et l’instabilité qui va avec. Même chose en Angleterre à la même époque : la compétition politique oppose les conservateurs et les libéraux, alors que la classe ouvrière naissante cherche son expression politique. Le chaos politique anglais dure cinquante ans avant d’accoucher du Parti travailliste qui s’opposera aux conservateurs et aux libéraux enfin réunis. Vous connaissez la définition d’une crise : c’est quand le vieux monde tarde à mourir et le nouveau tarde à naître. Aujourd’hui, les uns veulent ressusciter les années 1960 avec un clivage droite/gauche à l’ancienne, les autres les années 1990 avec le clivage populistes contre mondialistes. Ces clivages sont désuets. La vie politique française n’est pas encore entrée au xxie siècle. Le nouveau clivage est identitaire. La politique est en retard sur la société. Moi je viens de la société. C’est pour cela que j’ai quelque chose à apporter.

Si je vous vois venir, Reconquête est le Labour party du xxie siècle ! Mais pour représenter quel clivage qui ne le serait pas aujourd’hui ?

La question est simple : qui veut continuer de vivre dans la France de toujours, et qui veut la balayer pour vivre dans la France islamisée de Jean-Luc Mélenchon ? Aujourd’hui, nous sommes le seul parti à le formuler. Il s’imposera aux autres. D’ailleurs, j’ai noté un aveu dans l’intervention d’Emmanuel Macron, fin juillet. Il dit : « J’ai cru que la baisse massive du chômage allait entraîner la réconciliation des Français entre eux, je me suis trompé. » Il lui aura fallu sept ans pour comprendre, et il va encore passer trois ans à ne rien faire !

Si je vous comprends bien, même le RN ne représente pas les aspirations identitaires de ses électeurs.

En effet, ses dirigeants ne le souhaitent pas. À chaque élection, le RN range soigneusement le sujet de l’identité pour opposer les Français sur d’autres questions : sur l’euro en 2017, sur le pouvoir d’achat en 2022 et sur plus grand-chose, il faut bien le dire, en 2024. Le RN ne veut pas affronter les médias sur ce sujet. La grande leçon de ces législatives, c’est qu’il faut sortir de la tactique politicienne pour revenir aux idées et aux caractères ! Comme disait Philippe Séguin, « la politique n’est pas une course de petits chevaux », où chacun fait son petit pari en fonction des sondages, en oubliant ses convictions profondes.

Un peu, si ! Elle n’est même souvent que cela !

C’est ce qui la tue. C’est ce qui nous tue. Keynes a une jolie métaphore pour critiquer le caractère moutonnier des marchés financiers. Il les compare à un concours de beauté, au cours duquel on ne demanderait pas au public quelle est la fille la plus belle, mais quelle fille va être désignée comme la fille la plus belle. C’est exactement notre vie politique. J’aimerais qu’on revienne à la désignation de la fille la plus belle, et non pas de celle que l’on croit que les autres vont désigner comme la fille la plus belle c’est le mécanisme des sondages, qui crée le vote utile. Cela fausse complètement le jeu démocratique.

Lire la 2e partie

Il faut savoir terminer une trêve

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Anne Hidalgo saisit le drapeau olympique, pendant la cérémonie de clôture des JO de Paris 2024 le 11 août 2024 au Stade de France © USA TODAY Network/Sipa USA/SIPA

L’éditorial de septembre d’Elisabeth Lévy


Je me suis trompée et j’en suis ravie. Les JO n’ont pas été la catastrophe que je craignais. En termes d’organisation et de sécurité, ils ont même été une réussite remarquable. On croyait notre État impuissant, juste bon à persécuter les honnêtes citoyens : non seulement, il a permis au comité d’organisation et aux entreprises impliquées d’exécuter un projet aussi pharaonique qu’éphémère – la parade d’ouverture sur la Seine –, mais pendant quinze jours, il a assuré aux Parisiens les services que des contribuables dociles sont en droit d’attendre – propreté, sécurité, transports. À vrai dire, une ville quadrillée par la police, aussi sympathique soit celle-ci, ce n’est pas vraiment mon idéal d’urbanité. N’empêche, pour nombre de citadins, qui ont redécouvert le plaisir de flâner sans être emmerdés par des vendeurs de rue, des mendiants, des consommateurs de crack ou de vrais voyous, cela signifie que quand on veut on peut. Sauf qu’on ne peut pas affecter indéfiniment à Paris un tiers de nos forces de l’ordre, ni refiler de façon permanente à nos belles provinces les multiples patates chaudes générées par nos politiques suicidaires.

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J’ai aussi eu grand tort de penser que, sur le plan sportif, les Jeux ressembleraient au cirque habituel du sport-business, quand, entre deux scandales financiers ou sexuels, on est priés de s’extasier sur les valeurs du sport et sur nos footballeurs, jamais à court d’un tweet idiot (songeons au petit ange parti trop tôt de MBappé). Pour le coup, on les a vues à l’œuvre, ces valeurs, et comme l’observe Zemmour dans l’entretien qu’il nous accorde, ce sont celles que la société et les médias s’emploient généralement à combattre, en particulier à l’école – effort, surpassement, singularité, hiérarchie, compétition, méritocratie. Les athlètes et leurs exploits insensés nous ont en prime offert les seules émotions esthétiques de la quinzaine – et les paralympiques qui commencent au moment où j’écris devraient en offrir d’autres. À ce niveau, le sport s’apparente parfois à l’art. En revanche, au-delà du prêchi-prêcha woke pour les nuls et des provocations à deux balles, la cérémonie d’ouverture a surtout consacré le triomphe planétaire du kitsch. Il était difficile d’enlaidir les monuments de Paris. Pour le reste, ce show à ciel ouvert prouve qu’on appelle aujourd’hui beauté la conjugaison d’une musique de sourds, de costumes acidulés et de beaucoup d’agitation. Donnez-nous du bruit et de la couleur, on criera au miracle.

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Certes, la « marque France » cote à la hausse. Tant mieux, même si on peut se demander si ce monde où la puissance se mesure au nombre de téléspectateurs ou de touristes est sérieux. En attendant, la propagande olympique qui ne désarme pas, bien au contraire, commence à me courir sur le haricot. Quand j’entends les mots « parenthèse enchantée », j’ai furieusement envie de sortir mon revolver. Pour les commentateurs de tout poil et de tout bord, rien ne sera plus comme avant. Paris 2024 marquera la déconfiture des grincheux, des réacs et de tous ceux qui ne s’enthousiasment pas pour le monde tel qu’il va. Après une « séquence politique dominée par les passions tristes du déclin et de la xénophobie, nous apprend Le Monde, les Jeux de Paris ont offert à la capitale et à la France entière plus de deux semaines de ferveur et de bonheur ». Toute la France aurait, paraît-il, « communié » dans la joie olympique. En réalité, l’écrasante majorité des Parisiens avait fui. Et en dehors des sites olympiques, où régnait véritablement une belle ambiance, la plupart des Français ont suivi l’événement de loin, heureux de voir des athlètes tricolores triompher et de chanter La Marseillaise. Du reste, les ravis de la crèche olympique, ceux qui hier s’émerveillaient de l’ambiance tricolore lors des compétitions, se pincent généralement le nez devant toute manifestation de patriotisme. Demain, ils brailleront que La Marseillaise est un chant guerrier et « Vive la France ! » un slogan raciste. À en croire Le Monde, « l’héritage » des Jeux « devrait être d’affaiblir les discours exploitant les colères et les peurs, les stratégies misant sur la haine des autres ». Dommage que la niaiserie médiatique ne soit pas une discipline olympique, on aurait raflé toutes les médailles.

Le Grand Barnier

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Michel Barnier, débat entre les cinq candidats républicains à la présidentielle, 30 novembre 2021, Saint Denis © ISA HARSIN/SIPA

« Nom, prénom, date et lieu de naissance? » « Barnier Michel le 09.01.51 à La Tronche! » « Où? » « A La Tronche!!! » « Soyez poli jeune homme! Personne suivante! » Mais je suis né à La Tronche!!! » Barnier! Le Barn’s! Et si c’était lui?…


Dès son enfance à La Tronche donc, près de Grenoble, Michel développe une précocité à fatiguer autrui remarquable. Lors des repas de famille il a pris l’habitude, au moment du dessert, de se lever et d’entonner une Marseillaise prépubère qui fait le bonheur de ses parents mais qui gonfle prodigieusement le reste de la tribu. « Un café l’addition » c’est devenu la règle chez les Barn’s et apparentés, afin de s’éviter le stress de fin de banquet.

Sur sa lancée, les semelles bien fartées, il prend sa carte à l’UDR, le parti gaulliste, à 14 ans. Au lieu de l’amener illico chez le psy, papa et maman applaudissent des deux mains. Ce sera le seul et unique triomphe public de sa carrière politique.

Tous les témoignages des survivants et rescapés des meetings et réunions politiques du Grand Barnier convergent: le bougre est un serial killer qui pratique, dans ses discours, involontairement l’hypnose. Beaucoup n’ont pas pu ou voulu se réveiller. Malgré ce lourd handicap à l’oral, le Barn’s par lui-même convaincu de lui-même, entame une ascension fulgurante. Il y a les politiques brillants dont on dit : « ils ont fait une belle carrière ». Pour le Grand Barnier, c’est selon que l’on soit catho (comme lui) ou mécréant. Le catho dira que le Michou aurait battu le record de la traversée de la mer Morte avec ses pieds comme des planches, le mécréant aurait joué les chiffres de sa naissance à l’Euro millions.

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D’une enfance sans histoire, le Miche ne garde que de bons souvenirs à l’exception d’un cauchemar. Le cauchemar de la crêperie. Petit, Barnier était déjà grand. Beaucoup plus que ses copains. La bande avait pris l’habitude de se rendre dans une crêperie de Grenoble, et les gamins attendaient le moment de la commande. Quand la serveuse demandait: « les crêpes ? Sucre ou Grand Marnier? », à l’unanimité moins une, « au Grand Barnier!!! ». Les enfants sont cruels. Depuis quel que soit le lieu, le sujet, dès que Michou entend au détour d’une phrase « le grand… » il ne peut s’empêcher de hurler « au sucre, au sucre! » C’est devenu, avec le temps, sa manière de crier « au secours »! Ce qui, selon le contexte, peut provoquer un malaise certain. Invité par un de ses soutiens, le maire du Touquet Daniel Fasquelle, au salon du livre de la commune, il tombe sur un débat littéraire autour de l’œuvre d’Alain Fournier. Quand l’intervenant va citer Le Grand M…, le Barn’s s’égosille « au sucre, au sucre ». Pendant qu’on exfiltre Barnier, un militant demande au maire si Michou n’abuse pas du bicarbonate…

L’autre obsession du Grand Barnier s’appelle Pierre Mazeaud. Rares sont les hommes politiques à avoir un parcours d’homme aussi charpenté. Mazeaud a pour lui une vie incroyable, jalonnée par les exploits, le gout du risque, les drames et les plus grandes épopées. Il a affronté à mains nues la fureur des éléments. La foudre a percuté sa cordée emportant quatre de ses compagnons. Il est l’un des premiers à planter son piolet au sommet de l’Everest. Son nom est associé au pic des montagnes les plus dévoreuses de chair humaine, gravies à la force des phalanges et du poignet. Il est une légende de l’alpinisme. Professeur de droit le jour, il est le fruit d’une longue dynastie de juristes, il s’encanaille la nuit dans les vapeurs d’alcool, drague les filles sur des notes de jazz et fait la java sous les pavés de Saint-Germain, tout en rêvant des Dolomites. Il s’oppose à la politique coloniale, écrit des brulots sous pseudo dans Le Libertaire, journal anarchiste. Michel Debré le convainc de s’engager dans le parti gaulliste. A ce moment-là, il devient l’insoumis de droite menant de front plusieurs vies, mêlant politique, droit, beuveries avec ses potes pour toujours finir dans son paradis blanc. Alors, en ce jour de 1973, quand le Barnier de 22 ans, en mission auprès du Secrétaire d’Etat chargé de la Jeunesse et des Sports, Pierre Mazeaud himself, le choc des cultures est en marche. Si la fumée monte au ciel, les volutes du cigare de Mazeaud s’accumulent sous le plafond de son bureau. Juste ou le grand Barnier ouvre ses naseaux. Ces deux Savoyards ne sont pas de la même planète. Entre le furet de la vallée et le grizzli des sommets, absolument rien ni personne ne peut établir la connexion.

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Le 30 octobre 2021, Mazeaud, 92 ans, donne une interview au Point. L’hebdo lui décline le casting des candidats à la primaire des LR. Quand vient le tour du Barnier, la sentence du vieux lion est sans appel: un nul, un imbécile. Son coup de griffe est une récidive. Retour en 96. Barnier est président du Conseil général de Savoie. Dans une interview publiée par l’Evènement du Jeudi, le Président de la Commission des Lois de l’Assemblée nationale Pierre Mazeaud (RPR) s’en prend vertement à plusieurs membres du gouvernement et de la majorité. Le pire, déclare-t-il, après avoir évoqué la situation en Corse, c’est quand j’entends cet imbécile de Barnier parler de fusionner les deux Savoie. Il incite au séparatisme, accuse Mazeaud ! Que s’est-il passé pour que le Barn’s qui ne passe pas pour être un franc-tireur se retrouve dans cette aventure ? Le leader de la Ligue savoisienne, mouvement indépendantiste, un certain Patrice Abeille, qui deviendra le premier chef du gouvernement provisoire de la Savoie, en exil à Genève, passe un accord avec le Miche. Si tu milites pour la fusion nous t’apportons nos suffrages. Ni une ni deux, lancé comme un frelon, Barnier se range à l’injonction de l’Abeille. 7% d’intention de vote, ce n’est pas rien. Las, le vieux lion du haut de sa tanière a anticipé la gesticulation du précieux de La Tronche. Et quand le fauve déverse dans la vallée une avalanche de quolibets, le Grand Barnier qui n’a jamais eu la conviction chevillée au corps, se réfugie dans son chalet. En attendant des jours meilleurs…

Une sclérose française

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Le chroniqueur Olivier Dartigolles © Hannah Assouline

Habitué aux joutes médiatiques, hier comme dirigeant communiste, aujourd’hui comme chroniqueur politique, Olivier a des tripes et du cœur quand il s’agit de défendre ses idées. «J’aime qu’on me contredise!» pourrait être sa devise.


Et de deux. Le bouclage du précédent numéro de Causeur a eu lieu entre les deux tours – donc avant les résultats – des élections législatives. Pour cette rentrée, je vous écris sans savoir qui sera nommé à Matignon par Emmanuel Macron. Dissolution, pas de clarification, puis cette procrastination élyséenne qui a obtenu un record, celui de la longévité d’un gouvernement démissionnaire. Mieux que les trente-huit jours qui se sont écoulés entre le cabinet René Mayer et celui de Joseph Laniel en mai-juin 1953 ! Alors que le premier message des urnes a exprimé l’aspiration à un vrai changement, le président Macron est en marche sur les pas d’Edgar Faure (« Voici que s’avance l’immobilisme et nous ne savons pas comment l’arrêter. ») et d’Henri Queuille (« Il n’est pas de problème dont une absence de solution ne finisse par venir à bout. »). Décidément, sous ses faux airs de modernité, le macronisme est un succédané de la IVe République.

Nous vivons le temps du retour du Parlement. Tant mieux ! C’est pourquoi Emmanuel Macron devrait d’abord nommer à Matignon la représentante du Nouveau Front populaire, coalition arrivée en tête le 7 juillet. Son gouvernement pourrait être aussitôt censuré par une majorité à l’Assemblée nationale, mais cela se déciderait précisément au Palais-Bourbon, non à l’Élysée. Le pays profond détourne son regard et se dit que, décidément, « rien ne change ».

C’est ce même pays qui s’est enthousiasmé pour les Jeux olympiques, qui s’est pris au jeu. Et pourtant, il n’a pas manqué de voix tonitruantes, politiques et médiatiques, pour nous dire que nous allions à coup sûr au désastre, que la France allait connaître une véritable humiliation, qu’il n’y aurait pas de public dans une capitale grillagée et désertée. Jusqu’à la toute fin, alors que nous apprenions que Léon Marchand ne serait pas l’un des deux porte-drapeau tricolores pour la cérémonie de clôture, j’ai pu lire : « Que cache cette élimination pour d’obscures raisons non avouables ? » Puis l’athlète aux ondulations de dauphin, héros de ces superbes olympiades, est apparu à l’écran pour ouvrir cette cérémonie. Il avait rendez-vous avec la vasque-montgolfière dans le jardin des Tuileries. Beauté.

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C’est ce même pays qui pleure la disparition d’Alain Delon, la dernière étoile cinématographique. « Nul ne guérit de son enfance », disait Ferrat. Delon en a fait Tancrède, Roger Sartet, Jef Costello, Rocco Parondi, Roch Siffredi, Robert Klein, Choucas, Verlot, Xav, Niox, Pierre Larcher et tant d’autres personnages…

Je n’aime pas les injonctions. Notamment celles qui consistent à nous dire ce qu’il faut aimer, ce qu’il convient de détester, et nous somment d’appartenir à une majorité, relative ou absolue, en matière artistique ou sur le terrain des idées. Mais j’avoue ne pas bien comprendre comment ces deux moments français, la ferveur populaire pour les JO, ce patriotisme joyeux, puis cette tristesse, cette douce nostalgie, quand Delon s’en est allé rejoindre ses parents (et Gabin !) ne peuvent pas nous réunir. Et de trois ? On bouclera certainement encore le mois prochain dans des conditions incertaines. Faisons confiance aux événements, ils ne manqueront pas de se produire.

Rabelais, au Théâtre de Poche Montparnasse

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Pierre-Olivier Mornas © Alejandro Guerrero

« Le plus grand esprit de l’humanité moderne : Pythagore, Hippocrate, Aristophane et Dante réunis » (Honoré de Balzac, à propos de Rabelais)

« La grande fontaine des lettres françaises (où) les plus forts ont puisé à pleine tasse » (Gustave Flaubert, à propos de Rabelais)


C’est la rentrée théâtrale. Et comme souvent, le Théâtre de Poche invite à réviser les classiques : Gargantua de Rabelais – après Yourcenar en juillet, reprise en janvier 2025 à ne pas manquer, merveilleux seul en scène autour des Mémoires d’Hadrien, par Jean-Paul Bordes.

Beau programme – pour un écrivain (Rabelais) si classique et culte qu’on en oublierait de le lire, à tort bien sûr. Certes Malherbe et la Contre-Réforme l’ont combattu, mais Chateaubriand et Hugo l’ont réhabilité et fêté – comme Jarry (le Père Ubu – évidence), Claudel, Céline, Cocteau, voire aujourd’hui Valère Novarina (un de nos classiques contemporains, et vivants). Et il fut un temps pas si lointain (1968) – où Jean-Louis Barrault lui consacrait un spectacle : Rabelais. Musique ? Michel Polnareff. Le saviez-vous ? Nous non plus.

Parenthèse : je me souviens de mon vieux professeur de latin en khâgne. Il distinguait deux catégories de personnes, et seulement deux. Ceux qui lisaient Rabelais (1483 ou 1494- 1553) – et les autres. À l’époque, j’étais des autres – et le suis hélas toujours un peu.

D’où l’agrément que procure le seul en scène de l’épatant Pierre-Olivier Mornas (il sait tout faire) dans son évocation de Rabelais et de Gargantua : c’est un bain – une ambiance restituée.

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La mise en scène d’Anne Bourgeois, d’une grande sobriété, permet d’écouter le texte, plutôt que d’en être détourné par des effets superflus. Pareil pour la musique de François Peyrony : un accessoire bienvenu, plutôt qu’une pollution, comme cela arrive.

Pierre-Olivier Mornas incarne à la fois Grandgousier et Gargamelle (les parents de Gargantua), Gargantua (ou Rabelais, c’est le même), etc.
Le géant festoie. Affamé, il mange tout le temps – mais c’est sa boulimie de savoir qui domine : apprendre, avec son précepteur Ponocrates (alter ego de Socrate).
Il engrange les connaissances, devient « donc » chef de guerre (les guerres picrocholines – du nom du roi Picrochole, qui attaque le royaume de Grandgousier), etc.
Les grands thèmes rabelaisiens – l’éducation, la connaissance, l’humanisme, le vin, etc. – émergent peu à peu au gré du monologue endiablé.
On regarde, on écoute, on révise – transportés dans ce XVIème siècle… rabelaisien. Et une fois n’est pas coutume, on saisit précisément, alors, ce que recouvre ce qualificatif rebattu. L’outrance, la démesure, la truculence (voire la trivialité) – mais aussi les lumières d’une certaine Renaissance. Le côté, en fait, révolutionnaire de Rabelais en son temps – et qui le demeure. Une délicieuse soirée.


Gargantua, de François Rabelais, mise en scène d’Anne Bourgeois, adapté et interprété par Pierre-Olivier Mornas. Jusqu’au 10 novembre. Du mardi au samedi 19H. Dimanche 15H. Théâtre de Poche Montparnasse (6e arrondissement). Durée : 1H10.

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Le mot du jour: massif

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L'ancien Premier ministre Edouard Philippe, Palais de l'Elysée, Paris, 23 août 2024 © BUFKENS CEDRIC/SIPA

Monsieur Edouard Philippe, naguère Premier ministre, a fait savoir qu’il serait candidat aux prochaines élections présidentielles. Considérant peut-être que le présent quinquennat n’irait pas à son terme, il aura jugé opportun de ne pas trop traîner à annoncer cette décision d’importance que, s’imagine-t-il, la France entière attendait fébrilement.


Fin, donc, d’un suspense intenable. Le candidat déclaré nous annonce un programme qu’il se plaît à présenter comme « massif »1. On a connu beaucoup de qualificatifs assortis aux programmes électoraux, mais celui de massif a au moins le mérite de la nouveauté.

Un programme, précise le postulant, qui devra mobiliser les forces politiques allant de la droite sage, la droite propre sur elle, aux socialistes teintés rose tendre, modérément socialisants si vous préférez. En d’autres termes, ce programme se situe clairement au centre. Nous devrions donc  avoir du massif central. Et conséquemment se dit-on, à l’image de l’autre aux volcans éteints ou en sommeil depuis la nuit des temps, rien de particulièrement volcanique, éruptif ou puissamment disruptif à en attendre. Nous voilà prévenus.

A lire ensuite, Ivan Rioufol: Matignon: c’est pour aujourd’hui ou pour demain?

Pour ce qu’on sait de ce programme, figurerait en bonne place l’engagement de revitaliser le secteur industriel. Sur ce point, l’homme peut se prévaloir d’une réussite certaine. Lorsqu’il était à Matignon, n’a-t-il pas relancé magistralement l’industrie du panneau routier avec sa crise d’autorité du 80 km/h, sans conteste la décision politique entre toutes dont la France avait le plus urgent besoin à ce moment-là ?

On notera que le postulant a tenu à prendre tout le monde de vitesse en officialisant dès à présent sa candidature. Il se hisse ostensiblement en tête du peloton de ses concurrents encore attardés à l’écurie où ils piaffent mais ne font que piaffer. Je m’autorise à voir dans ce souci de prendre la tête une sorte de revanche sur ce qu’aura été jusqu’alors son destin politique. Une revanche sur le politicien de porte-bagage qu’il fut dans son coin de Normandie, accédant à la mairie du Havre sur celui d’Antoine Ruffenach et à Matignon, c’est-dire à la notoriété nationale, sur celui d’Emmanuel Macron. Il se sera dit que cela devait cesser et que son temps était venu, le temps de se mettre la tête dans le guidon et de pédaler de la force de ses propres mollets. Espérons pour lui que la pente ne soit pas trop raide ni le but trop lointain. Il a baptisé son mouvement politique Horizons. Horizon, cette ligne terriblement agaçante qui ne cesse de reculer à mesure qu’on croit s’en approcher. L’effort à fournir risque donc d’être lui, pour de bon, massif.

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  1. https://www.lepoint.fr/politique/exclusif-edouard-philippe-je-serai-candidat-a-la-prochaine-election-presidentielle-03-09-2024-2569359_20.php ↩︎

Matignon: c’est pour aujourd’hui ou pour demain?

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Emmanuel Macron à Belgrade, Serbie, 30 août 2024 © GOJIC/BETAPHOTO/SIPA

Macron dans l’impasse: et si la porte de sortie était sa démission ? se demande notre chroniqueur


La France n’est plus gouvernée depuis 50 jours. Mais qui voit une différence ? En réalité, ses dirigeants ont abandonné leur poste depuis des décennies. Le monde politico-médiatique, coupé du réel par ses aveuglements idéologiques prolongés, tourne à vide et se mord la queue. Emmanuel Macron n’est que l’ultime symptôme de l’effondrement du système avec lequel il n’a jamais voulu rompre.

Actuellement, les faiseurs d’opinions se passionnent autour de l’interminable feuilleton du futur Premier ministre. Mais ce huis-clos n’intéresse pas les citoyens ordinaires. Ce mauvais théâtre les conforte en revanche dans leur rejet de cette oligarchie bavarde et inopérante, qui a décidé de rejeter le RN, premier parti de France, et le NFP, première formation parlementaire. Selon l’Ifop (Le Monde, 30 juillet), 85% des Français portent un jugement négatif sur les responsables politiques. Les sondés sont 73% à ne pas faire confiance en l’Assemblée nationale issue du 7 juillet et du front républicain qui l’a rendue ingouvernable. D’ores et déjà, 51% sont même favorables à une démission du chef de l’État : une éventualité qui a poussé Édouard Philippe, hier dans Le Point, à se déclarer candidat pour la prochaine présidentielle. Reste que l’ancien Premier ministre, qui fit se soulever contre lui les premiers gilets jaunes en octobre 2018, fait partie de ce vieux monde déconnecté, qui n’a jamais voulu reconnaître ses fautes. « Je sais où je veux emmener le pays », déclarait Macron le 1er mai 2018 devant Jean-Pierre Pernaut. On voit : il l’a conduit dans l’impasse.

A lire aussi, Céline Pina: Matignon: l’heure de vérité

Relire les forfanteries du président fait comprendre son aveuglement pathologique. Le 10 juin, au lendemain de l’annonce de sa dissolution de l’Assemblée, Le Monde relate (et confirme par la suite) cet échange avec « un grand patron, familier de l’Elysée » : « Ça va, pas trop dures, ces journées ? » Macron : « Mais pas du tout ! Je prépare ça depuis des semaines, et je suis ravi. Je leur ai balancé ma grenade dégoupillée dans les jambes. Maintenant on va voir comment ils s’en sortent… ».

Macron, évidemment, ne s’en sortira pas. Sauf à se caricaturer davantage en Ubu roi, en devenant son Propre premier ministre et son gouvernement à lui tout seul. Néanmoins, avoir eu ne serait-ce que l’idée de nommer à Matignon Thierry Beaudet, apparatchik de gauche de l’inutile et dispendieux Conseil économique et social, fait mesurer le gouffre qui sépare Macron de la société civile dont il prétendait se réclamer en 2017. Les personnalités de Bernard Cazeneuve ou de Xavier Bertrand, qui semblent demeurer en lice ce mercredi matin, ont en commun une même détestation pavlovienne du RN.

Or, comme le rappelle le politologue Dominique Reynié, le RN est devenu la droite par le choix de 80% des électeurs de cette tendance. Malgré sa paresse intellectuelle, ce parti est porté par ses critiques contre l’immigration devenue folle, la montée de l’islamisme conquérant et le laxisme sécuritaire. Ce sont ces sujets, évacués par la caste claquemurée, qui vont continuer à porter Marine Le Pen et Jordan Bardella. À moins qu’un improbable Premier ministre ne reprenne prioritairement ces thèmes à son compte (David Lisnard, autre premier ministrable, l’oserait-il ?), il n’est guère d’autre issue pour Macron, à terme, que de démissionner.

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Caméras clandestines

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Le militant dénonce la politique sécuritaire du maire de sa commune, qu’il poursuit au tribunal


Cédric Herrou refait parler de lui. Le gentil producteur de volailles et d’olives, bien connu de la justice pour être un passeur de migrants à la frontière avec l’Italie, n’aime apparemment pas le nouveau maire de sa commune. Quand il a découvert que l’édile, le ciottiste Sébastien Olharan, entendait installer une quarantaine de caméras de surveillance dans la petite ville de Breil-sur-Roya (06), il a donc cherché la petite bête. « On a découvert que le maire avait déjà installé une dizaine de caméras sans autorisation et sans dossier déposé auprès de la préfecture », a dénoncé le défenseur des exilés au micro de France Inter. Nul n’est censé ignorer la loi ! Et en matière d’illégalité, Cédric Herrou en connaît un rayon : il a été poursuivi tellement de fois que son parcours judiciaire a permis à la notion de « délit de solidarité » d’émerger en France, et à notre prestigieux Conseil constitutionnel d’estimer en 2018 qu’incriminer un citoyen facilitant l’entrée ou le séjour irrégulier d’un clandestin sur le sol français était « partiellement inconstitutionnel » lorsque c’était pour des raisons humanitaires.

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Avec 15 habitants de gauche, M. Herrou a donc déposé un recours contre les caméras clandestines au tribunal administratif de Nice. Évidemment, au-delà, le militant dénonce un dispositif « inutile et disproportionné », avec à terme une caméra pour 55 habitants, soit le double de Nice selon ses calculs. « Un outil matériel répressif et restrictif des libertés publiques ! » s’énerve le militant, interrogé par L’Humanité. Oui, mais si Breil-sur-Roya n’est peut-être pas Chicago, les statistiques de la gendarmerie montrent bien une augmentation de la délinquance, plaide le maire, lequel rappelle que la commune s’étalant sur 86 kilomètres carrés, il faudra bien autant d’appareils… Il assure en outre que les caméras déjà installées n’enregistrent aucune image, et que la mairie attendra le feu vert de la préfecture, pas avant cet automne. Il a déjà gagné au tribunal contre Herrou en référé, le 14 août. Affaire à suivre… M. Herrou doit-il craindre que la gendarmerie puisse d’ici quelques semaines facilement surveiller ses allées et venues ?

Otages, tunnels et «grève générale»

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Benjamin Netanyahu devant une carte de Gaza, Jérusalem, 2 septembre 2024 © Ohad Zwigenberg/UPI/Shutterstock/SIPA

Malgré une « grève générale » en Israël lundi, le Premier ministre Netanyahu entend maintenir une stratégie inflexible sur les otages. De leur côté, les islamistes du Hamas indiquent qu’ils ne négocieraient qu’en cas de levée du blocage de l’armée israélienne sur le corridor de Philadelphie, entre Gaza et l’Égypte.


Le 20 août, l’armée israélienne annonçait la découverte dans les tunnels de Khan Younes des corps de six otages israéliens, Yoram Metzger, Haim Peri, Alex Dancyg, Nadav Popplewell, Yagev Buchshtab, et Avraham Munder. Leur mort n’était pas récente et avait déjà été annoncée au préalable pour cinq d’entre eux. 

Puis, le 27 août, le bédouin israélien Kaid Farhan Alkadi était libéré dans un tunnel, lors d’une opération militaire complexe. Celle-ci, survenant après une série d’éliminations spectaculaires de dirigeants du Hamas ou du Hezbollah, avait redonné aux Israéliens confiance et admiration dans leurs services de renseignement. 

Mais quatre jours plus tard, le 31 août, l’armée découvre dans les tunnels de Rafah les corps de six autres otages. Il apparait vite qu’ils ont été assassinés 48 heures auparavant. Et beaucoup d’Israéliens sont en état de choc.

Le Hamas après avoir prétendu qu’il n’était pour rien dans leur mort, s’en vante et  déclare que si les Israéliens s’approchent des otages, ils ne récupéreront que des cadavres.

Ces otages qui ont subi un calvaire de 11 mois avant d’être tués de sang-froid par leurs geôliers, qui étaient-ils?

Carmel Got a été enlevée au kibboutz Beeri, où elle a vu sa mère assassinée. C’était une physiothérapeute que certains otages libérés en novembre ont qualifiée d’ange car elle leur enseignait la méditation pour supporter leur épreuve. Sa famille a refusé la présence des medias à son enterrement et a très durement critiqué Netanyahu.

Les cinq autres ont été enlevés au festival Nova: Eden Yerushalmi, qui travaillait au bar, a gardé plusieurs heures un contact téléphonique avec sa sœur avant de tomber dans les griffes des ravisseurs et dont le Hamas a diffusé, après l’avoir assassinée une vidéo où elle suppliait d’accepter l’échange de prisonniers. Almog Sarusi, de Raanana, était musicien. Le sergent-chef Ori Danino a sauvé plusieurs participants, est retourné au combat et a été enlevé. Alexandre Lebanov, dont un enfant est né pendant son incarcération, avait la nationalité russe, mais n’a pas eu la chance d’un autre otage russo-israélien qui avait été libéré par égard pour Poutine. Hersch Goldberg Polin, gravement blessé à la main, avait laissé une impression lumineuse chez ses amis de Jérusalem. Il était devenu un des otages les plus connus car ses parents israélo-américains avaient remué ciel et terre, à l’ONU, à la Maison Blanche et lors de la Convention démocrate. Les paroles de sa mère au cimetière Givat Shaoul, étaient bouleversantes  de tendresse et de dignité. Elles auront probablement un retentissement profond aux Etats-Unis.

Bring them home

Les forces israéliennes, qui sont manifestement en train de détruire le Hamas, ont effectué quelques sauvetages d’otages et même ceux qui constataient que ces libérations étaient minimes par rapport à celles qui étaient survenues lors des négociations de novembre, pouvaient espérer que la victoire militaire s’accompagnerait du retour des otages, ou de beaucoup des otages « à la maison ». 

Malheureusement Gaza n’est pas Entebbé, dont le souvenir hante probablement Benjamin Netanyahu, étant donné le rôle qu’y a joué son frère. Et depuis la découverte macabre des six corps et les annonces du Hamas, les deux objectifs de destruction du Hamas et de libération des otages se télescopent désormais.

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Israël, où une merveilleuse jeunesse se bat sans répit depuis près d’un an pour accomplir ces deux objectifs, se divise de nouveau fortement et les manifestants sont dans la rue. Le gouvernement est-il en train de sacrifier les otages ? Evénement extraordinaire, le Premier Ministre accepte une Conférence de presse, événement encore plus extraordinaire, il s’excuse auprès des familles des otages assassinés. Mais les familles ne retiennent que son insistance sur le corridor de Philadelphie.

La découverte des cadavres est survenue au moment même où le cabinet de guerre, contre l’avis du Ministre de la défense, a exigé de garder le contrôle israélien du corridor de Philadelphie. En fait les négociations étaient au point mort du fait des revendications  du Hamas qui prétendait transformer les propositions de Biden d’un plan en étapes en un cessez-le-feu permanent, avec le retrait complet des troupes israéliennes de Gaza. Autrement dit, le Hamas se présenterait comme  le héros invaincu d’une guerre de près d’un an menée par lui seul contre la surpuissante armée israélienne. 

Jusqu’à présent, Netanyahu refuse toute concession sur le corridor de Philadelphie

Pour le public occidental, les exigences démesurées d’un Hamas proche de la déroute ont un immense attrait : il pense qu’elles conduiront à une paix complète. Qui peut être contre la paix?

Mais qui est assez ignorant et naïf pour penser qu’on peut être en paix avec le Hamas?

En Israël, il n’y a pas que les électeurs d’extrême droite qui ne font pas la moindre confiance au Hamas et qui pensent qu’il doit être mis hors d’état de nuire. Ce sentiment est général dans la société.

Mais alors que deviendront les otages? « Qui sauve un homme sauve un monde ». La formule est répétée comme un mantra. Pour beaucoup d’Israéliens c’est le moment de l’appliquer, ce n’est pas une élégance d’ostentation et cela réfère à des valeurs centrales dans l’idée qu’ils se font de la morale juive. Il s’agit en outre de libérer des citoyens à l’égard desquels le gouvernement a failli à son devoir de protection. 

Kfar Saba, Israël, 12 novembre 2023 © Ariel Schalit/AP/SIPA

La question est de savoir où placer le balancier. Une partie au moins des professionnels de la guerre ou des renseignements semble partager l’avis de Yoav Gallant que la présence physique permanente des Israéliens sur Philadelphie n’est pas actuellement indispensable, et il est impensable que le Ministre de la Défense aurait émis un tel avis s’il n’était pas soutenu par les grands militaires. Benny Gantz et Gadi Eisenkot dans leur conférence de presse commune soulignent que le contrôle direct du corridor de Philadelphie n’a pas un caractère existentiel pour Israël.

Pendant trente ans, a transité sous le corridor de Philadelphie un immense arsenal militaire et de construction, qui à lui seul rend la phrase de Gaza « camp de concentration à ciel ouvert » ridicule. À moins que, vicieusement, Dominique de Villepin rappelle que les tunnels ne sont justement pas à ciel ouvert… Il restera à savoir comment Israël s’est accommodé de ces passages, ou pire encore, comment il a pu les ignorer. 

Mais aujourd’hui, si les spécialistes pensent que ces tunnels, ou plutôt ce qui en reste, présentent un risque contrôlable, ce n’est pas aux amateurs comme Ben Gvir de peser sur la décision. Cette décision peut signifier la mort pour des otages survivants. Le pays a des devoirs à leur égard et le Premier ministre israélien ne devrait pas y mêler des considérations d’alliances politiciennes.

On a le droit de rêver….

François, de qui es-tu le pape?

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Djakarta, Indonésie, 1er septembre 2024 © Dita Alangkara/AP/SIPA

Le chef de l’Église catholique est actuellement à Djakarta, capitale de l’Indonésie, pays de 275 millions d’habitants dont 80% sont musulmans. Politiquement, le Pape François semble ne se préoccuper que du « Sud global ».


Alors qu’on incendie en France églises et synagogues au nom de l’islam, notre pape dont le nom pourtant signifie « de France » (que l’on prononce François, Francis ou Francisco) est en visite dans « le premier pays musulman du monde », dans l’indifférence manifeste à ces incendies, comme d’ailleurs aux massacres quasi quotidiens perpétrés par les islamistes sur les chrétiens, par exemple au Burkina Faso.

François est venu à Marseille l’an dernier (précisant qu’il ne venait pas pour autant « en France »), pour nous exhorter à ouvrir grand nos frontières d’Europe aux migrants du monde entier (musulmans, dans leur écrasante majorité).

On l’a à peine entendu lors du 7 octobre, et plus du tout à chaque nouvel assassinat d’otages, comme pour les six malheureux du week-end dernier. On l’entend en revanche constamment déplorer la souffrance du peuple palestinien. Citons Vatican News: « Dans un message aux musulmans du monde entier, diffusé par la chaîne d’information saoudienne Al-Arabiya, à l’occasion de la fin du ramadan, le Souverain pontife a de nouveau imploré la fin de la guerre entre Israël et le Hamas. «Ne laissons pas la guerre s’étendre! Arrêtons l’inertie du mal!», s’est-il exclamé, vendredi 12 avril. » Ou encore, le 8 juin: « J’exhorte la communauté internationale à agir d’urgence pour aider la population de Gaza. »

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Pourtant le christianisme inventeur de l’antisémitisme ne cesse de rappeler qu’Israël est le peuple élu, et que Jésus le Nazaréen fut crucifié sous l’intitulé « Roi des Juifs ». Dimanche dernier encore, le Deutéronome de la 1ere lecture, (comme presque chaque dimanche de la messe chrétienne) rappelait que l’union de Dieu avec son peuple Israël est primordiale, première et sacrée. « Moïse disait au peuple : « Maintenant, Israël, écoute les décrets et les ordonnances que je vous enseigne pour que vous les mettiez en pratique. Ainsi vous vivrez, vous entrerez, pour en prendre possession, dans le pays que vous donne le Seigneur, le Dieu de vos pères. (…) Tous les peuples s’écrieront : Il n’y a pas un peuple sage et intelligent comme cette grande nation ! » (Dt, IV, 1-8)

Le Saint Père sait bien que notre Seigneur Jésus Christ n’a jamais été chrétien mais juif, priant et enseignant dans des « synagogues », des « temples ». Qu’il fut circoncis huit jours après sa naissance, raison pour laquelle nous fêtons le 1er janvier de l’an Zéro (une semaine après le 25 décembre) comme le début de notre Ère (oui, sa circoncision, symbole d’alliance avec son peuple, et non pas sa naissance). Que sa mère Marie était une bonne petite juive. Que la terre d’Israël est depuis quelque 30 siècles celle du peuple juif (cf. ci-dessus), menacée par des peuples descendants des Philistins ou des Babyloniens, d’une cruauté redoublée et galvanisée depuis 13 siècles par l’islam.

Et le Pape François ne voit pas que c’est Israël dont il devrait dire tous les jours le martyre ? Des églises et des synagogues sont incendiées en France par des adeptes de Mahomet, qu’attend-il pour venir constater les dégâts, prier parmi nos ruines ?