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L’anti-sarkozysme, voilà l’ennemi ?

Dans la description de la situation française contemporaine, la plus grande partie des auteurs de Causeur a régulièrement recours, implicitement ou explicitement, à deux hypothèses fondamentales qu’ils tiennent souvent pour deux évidences. Pourtant, ces deux hypothèses me semblent fausses.

Hypothèse alpha : L’humanité se partage en deux camps politico-existentiels antagonistes : les Binaires et les Non-Binaires.
Hypothèse beta : Les Binaires, ce sont les anti-sarkozystes. Les Binaires, c’est la gauche.

Examinons l’hypothèse alpha : « L’humanité se partage en deux camps politico-existentiels antagonistes : les Binaires et les Non-Binaires. » J’ai en commun avec les autres collaborateurs de Causeur un accord de principe concernant l’amour du Non-Binaire et le désir de combattre la bêtise binaire, la tentation de réduire la complexité du monde à l’affrontement d’un « camp du Bien » et d’un « camp du Mal ». Cependant, l’hypothèse alpha est en contradiction évidente avec l’amour du Non-Binaire proclamé très sincèrement par les collaborateurs de Causeur (et c’est la raison pour laquelle nombre d’entre eux sont mes amis). L’hypothèse alpha reconduit, aussi paradoxalement qu’indubitablement, la division manichéenne du monde entre camp du Bien et camp du Mal. Le camp du Bien, « c’est nous », ce sont les Non-Binaires. Le camp du Mal, « c’est les autres », ce sont ces salopards de Binaires !

Si je ne partage pas l’hypothèse alpha, c’est précisément parce que je suis attaché à la complexité du réel. Parce que je sais que la tentation manichéenne et moralisatrice est présente dans tout être humain (et je suis l’un d’entre eux). Il est également vrai que le vice binaire est devenu chez certains hommes une habitude tenace. Pourtant, son règne dans un cœur humain n’est sans doute jamais absolu – dans les pires des cas, il ne l’est qu’en apparence, pour les yeux et les oreilles des autres. La division manichéenne du monde me semble seulement un signe du manque d’amour vrai et incarné – amour des autres hommes et amour véritable de soi, c’est tout un. Le paradis est bien le lieu désigné par le merveilleux, l’inoubliable starets Zossima des Frères Karamazov, le lieu où je suis libéré de l’obsession stérile et médiocre de mes propres péchés en acceptant de recevoir soudain sur mes épaules ceux de tous les hommes, cessant de haïr les autres pour leurs péchés et reconnaissant au fond de mon cœur que je suis probablement capable, les circonstances aidant, de commettre à peu près n’importe quel péché commis par les autres. Cette reconnaissance du Commun, de l’humain Commun, retire soudain aux péchés leur qualité intrinsèque, qui est de séparer les hommes entre eux et, après un écrasement intérieur infini, ouvre la possibilité d’un pardon lui aussi infini – bien que toujours interminable.

Considérons maintenant l’hypothèse beta : « Les Binaires, ce sont les anti-sarkozystes. Les Binaires, c’est la gauche. » Comme je l’avais signalé dès ma première intervention dans Causeur, dont j’ai regretté qu’elle ait suscité aussi peu de débat, rien ne me paraît plus absurde que de prétendre attribuer à une appartenance politique quelle qu’elle soit des vices qui lui seraient propres, fatals, intrinsèques, des vices mécaniques. Les Causeurs auront beau trompéter sur tous les tons le contraire, je demeurerai formel sur un point : la gauche n’a pas le monopole du binaire. Pas davantage que la droite n’a le monopole du réel, du bon sens et de l’âge adulte. Les rues sont remplies de Binaires de droite et de Binaires de gauche, les métros regorgent de Binaires sarkozystes et de Binaires anti-sarkozystes. Les campagnes débordent d’Anti-Binaires de droite et d’Anti-Binaires de gauche. Et bientôt nos plages seront envahies à proportions rigoureusement égales par des Anti-Binaires sarkozystes et des Anti-Binaires anti-sarkozystes.

Forts de l’hypothèse alpha et de l’hypothèse beta, de nombreux collaborateurs de Causeur se sont lancés dans une prétendue chasse au Binaire qui est en réalité une chasse à l’anti-sarkozyste ou au gauchiste. Dans l’art rhétorique de nombre de Causeurs, la reductio ad binarium finit par jouer exactement le même rôle que la reductio ad Hitlerum chez les crétins anti-fascistes. A la moindre critique contre le toujours-déjà oubliable Sarkozy, l’accusation de « conformisme » et de binarité congénitale tombe comme un couperet sur la discussion, rejetant aux oubliettes la seule question qui vaille, qui n’est pas celle de savoir si cette critique est partagée par peu ou par beaucoup, mais si elle est véridique et légitime ou non. Il arrive aussi souvent que la reductio ad binarium soit remplacée ou complétée par une reductio ad sinistrum tout aussi rhétorique. Dans mon latin d’opérette, cette expression désigne le fait de jeter à la face de l’ennemi, sans la moindre conformité avec la réalité mais simplement parce qu’il n’est pas d’accord avec vous, qu’il n’a pas d’humour. Cette opération équivaut elle aussi à une reductio ad Hitlerum, puisque, par les temps qui courent, « ne pas avoir d’humour » est presque aussi infâmant qu’être nazi sur trois générations.

Au nord, c’était le Coran…

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L’histoire que nous raconte Hege Storhaug de la Fondation Human Rights Service est plaisante, et aussi, peut-être légèrement édifiante. Dans une école primaire, une employée d’origine pakistanaise aurait exercé des pressions sur les deux seules petites filles de la classe qui ne portaient pas le hidjab, afin qu’elles le revêtissent comme toutes leurs petites camarades. Banal ? Presque. Car la première chose qu’il faut savoir est que ces deux petites filles ne sont pas musulmanes. La deuxième chose qu’il faut savoir est que cette histoire nous vient tout droit de Norvège.

C’est pas que je m’ennuie, mais…

La campagne aura-t-elle enfin commencé quand vous lirez ces lignes (c’est-à-dire quelques poignées d’heures avant sa clôture) ? A l’heure où je les écris en tout cas (lundi, 20 heures et des brouettes), cette campagne semble s’affirmer comme l’une des plus plates et des plus arides qu’il m’ait été donné de traverser dans toute ma carrière d’électeur (en 1969, je n’avais malheureusement pas l’âge requis pour trancher entre Poher et Pompidou).

La moisson de moments forts, de grands choix programmatiques et de petites phrases historiques fut particulièrement pauvre – que dis-je, en dessous du seuil de pauvreté intellectuelle.

Côté distractions, la campagne télévisée officielle nous a quand même proposé quelques nouveautés pittoresques. L’UMP a importé des Etats-Unis non seulement son nouveau « modèle français », mais jusqu’à la technologie de pointe du « lip-dub ». Grâce à un procédé magique, dans les clips de l’Union pour un Mouvement Populaire, le peuple tout entier a la voix de Xavier Bertrand (ou parfois de Michel Barnier). Epatant, non ? Mais quel est donc le message : « On a tous en nous quelque chose de Xavier » ? Dans les clips du PS, nettement plus traditionnels, on s’y retrouve mieux aussi : Mme Aubry et les masses populaires parlent séparément, comme dans la vraie vie.

Il faut voir aussi le spectacle que nous offre bénévolement le Parti radical de gauche – dont on est déjà content de savoir qu’il existe encore : de Servan-Schreiber en Tapie, on le croyait enterré mille fois ! Eh bien pas du tout, la preuve : tous les jours que Dieu fait, le président du PRG Jean-Michel Baylet (qui, heureusement pour lui, a d’autres occupations) vient nous réexpliquer en long et en large comment et pourquoi il ne participera en aucune façon à ce scrutin… Un grand moment d’absurde monty-pythonien.

Blague à part, et renseignements pris, du fait de sa (sur)représentation parlementaire, la barque fantôme que conduit d’une main ferme J.-M. Baylet bénéficie du même temps d’antenne que les plus grands des partis réellement existants. Eh oui, la démocratie représentative est une chose rude, il faut pour la comprendre avoir fait des études.

Reste – et c’est l’essentiel ! – qu’elle est quand même moins hasardeuse que la prétendue « démocratie directe » ! Qu’on se souvienne seulement, à cet égard, des votes désastreux des Français en 1992 et 2005, lorsqu’ils ont été bêtement consultés sur la délicate question européenne – dont, à l’évidence, seuls des Européens professionnels sont à même de saisir toutes les subtilités.

Bref, mieux vaut donner la parole au sieur Baylet qu’au peuple français : quand on ne dit rien du tout, au moins n’insulte-t-on pas l’avenir comme l’ont fait – sans vergogne et à deux reprises ! – les ennemis de l’Europe, tous populismes confondus (Je suis chaud, là !)

À ne pas manquer enfin, sur vos écrans plasma, l’étonnante prestation du leader charismatique de l’ »Union des Gens » (mais oui !). Il vient, d’assez mauvaise grâce apparemment, nous présenter avec une absence de conviction contagieuse les grandes lignes de son programme, à peu près aussi précis que le nom de son particule (élémentaire). Jacques Cheminade était quand même plus clair !

Pour être tout-à-fait juste, hors les émissions officielles, cette campagne a quand même été marquée par deux événements majeurs.

À droite le récent coup de colère de Nicolas Sarkozy était, il est vrai, sans aucun rapport avec la campagne européenne – dont le Président a d’ailleurs confié la responsabilité à son Premier ministre (François Fillon). Simplement, il a tapé du poing sur la table en découvrant les vrais chiffres de l’insécurité (qui pourtant font assez souvent la une du Point et de L’Express…) Et d’énumérer avec énergie la liste des mesures à prendre d’urgence dès qu’il sera au p… euh, enfin tout de suite. Bref c’était beau comme un discours de candidat au poste de ministre de l’Intérieur, qui malheureusement n’existe pas. Enfin je veux dire pas la fonction, l’élection à ce poste quoi.

À gauche, seuls les cœurs les plus endurcis auront pu retenir une larme en assistant aux chaleureuses retrouvailles de Martine et Ségolène. Un temps éloignées par une divergence de vues sans gravité sur la répartition des postes au sein du parti, les deux grandes dames du PS se sont réconciliées avec d’autant plus de bonheur après dissipation des brumes du congrès de Reims.

Désormais les choses sont claires, et chacune a trouvé sa juste place dans ce jeu de rôles permanent qu’est devenue la vie interne du PS depuis que Mitterrand, ce sadique, avait laissé la maison à Jospin. N’empêche, tout semble être rentré dans l’ordre : Martine croit tenir l’appareil du parti, Ségolène est persuadée d’en incarner l’âme, et tout le monde est content : l’unité du PS est sauvée, au moins jusqu’à lundi.

Je n’ai pas parlé du fond, direz-vous ? Peut être bien, mais c’est pas moi qui ai commencé…

Et puis d’ailleurs si, à la réflexion, je l’ai effleurée, la principale question de fond : d’où pourrait bien venir cette abstention massive au scrutin européen de dimanche, déjà annoncée et commentée par tous les sondologues ?

J’irai même jusqu’à esquisser un début de réponse : et si les électeurs avaient fini par remarquer qu’en volapük européen, leur « non » se traduit systématiquement par « oui » ? Et s’ils s’étaient laissés aller à en inférer que, tant qu’à être pris pour des patates de canapé, autant rester couchés ?

Mais je suis confiant : nos élites seront bien capables de lire, même dans une abstention record, les prémices d’une aube nouvelle de la « construction européenne »… Et aux dernières nouvelles, le pire devrait être évité : malgré la multiplication des listes, les observateurs espèrent que le nombre de votants dépassera celui des candidats.

Hollande et Vargas ont loupé le train

François Hollande, député de Corrèze, futur Premier ministre du président Bayrou en 2012, a héroïquement demandé des explications à Michèle Alliot-Marie sur l’affaire de Tarnac et l’embastillement six mois durant de Julien Coupat, après la libération de ce dernier. Il vaut mieux tard que jamais. Il s’est sans doute souvenu tout à coup que Tarnac se trouvait dans le département dont il est un des élus. Il aurait pu également demander des explications à Fred Vargas et quelques autres qui ont fait, d’ailleurs avec raison, de Cesare Battisti, actuellement réfugié au Brésil, le symbole des persécutions conjointes des polices françaises et italiennes, ainsi que de l’arbitraire de messieurs Sarkozy et Berlusconi. En effet, on ne les a pas du tout entendus sur l’affaire Coupat et sa mise au mitard qui se déroulait tout de même sous leurs yeux, en France, ici et maintenant – à l’exception notable de l’excellent Serge Quadruppani, qui se bat sur tous les fronts.. La Corrèze, que le regretté Raymond Cartier préférait au Zambèze, a dû sembler moins exotique que le Brésil à Fred Vargas, heureuse auteur à succès de polars calmants et intellectuelle du Modem. Ou alors, autre hypothèse, elle aussi est atteinte de cette presbytie idéologique connue des spécialistes sous le nom de béhachèlite et qui consiste à voir très bien les malheurs lointains et plus du tout ceux qu’on a sous le nez.

Le monde en route vers un bordel noir ?

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Ces derniers jours, le clicheton journalistique qui jaillit spontanément de la plume de nombre de mes chers collègues observateurs de la vie internationale nous informe que ce mois de juin sera celui de « tous les dangers ».

En Iran, on saura le 12 juin si le diable mal fagoté[1. Une rumeur insistante, jamais confirmée mais jamais démentie, veut que le tailleur personnel de Mahmoud Ahamadinejad soit un juif de Téhéran parfaitement capable de confectionner des vêtements convenables, mais que son illustre client oblige à lui tailler des costumes sur le modèle des fripes vendues aux puces de Montreuil, qui arrivent de Paris par la valise diplomatique.] Mahmoud Ahmadinejad réussit à s’imposer face au présumé modéré Hossein Moussavi. Au Liban, les élections législatives du 7 juin sont considérées comme à « haut risque » car elles pourraient établir l’hégémonie du Hezbollah et de ses alliés sur le pays du Cèdre. La situation politique en Géorgie risque de tourner au vinaigre, l’opposition au président Mikhail Saakashvili menant grand tapage. L’armée pakistanaise ne parvient pas à venir à bout des talibans qui se sont emparés de quelques « zones tribales » au nord-ouest du pays. Pendant ce temps là, Hugo Chavez, les frères Castro, Mouammar Kadhafi et quelques autres grands démocrates testent leur capacité à défier l’hyperpuissance américaine. Les Russes avancent leurs pions, dans le Caucase et en Asie centrale, régions qu’ils reprennent fermement en main. La paix des cimetières règne désormais au Sri Lanka, où l’armée est parvenue, dans le courant du mois de mai, à appliquer aux Tamouls la méthode de Simon de Montfort pour éliminer les hérétiques cathares mêlés aux civils albigeois : « Tuez les tous, Dieu reconnaîtra les siens ! »

La seule échéance attendue sans anxiété par les commentateurs patentés est celle des élections européennes. Le désintérêt général pour ce scrutin manifesté dans la quasi-totalité des pays concernés n’est pas de nature à réveiller les passions de cette « Europe frigide » qui désole l’ami Barnavi. Toutefois, on pourrait avoir des surprises, car nos voisins et amis belges ont eu l’idée saugrenue de faire coïncider leurs élections régionales avec les européennes, ce qui promet de la chicore au pays du waterzoï, déchiré par le conflit qui oppose les flamands aux francophones.

À en croire les grands journaux de chez nous, le monde attendrait donc le discours que doit prononcer Barack Obama au Caire le 4 juin comme la parole messianique susceptible de nous délivrer de l’angoisse provoquée par ce mois de juin promis comme horribilis. Jean Daniel ne rate pas cette occasion de prodiguer ses conseils de vieux sage au jeune président des Etats-Unis, qui ne va pas manquer de les suivre, car sans Jean Daniel la terre ne tournerait pas rond. La pom-pom girl du Obama fan club qui fait office de correspondante du Monde à Washington peaufine ses figures jubilatoires sur son blog, avant de les présenter en majesté aux lecteurs du journal de référence.

Le moment est donc venu, après le concert de louanges interprété à l’occasion des cent jours de fonction du nouveau président par la presse obamanolâtre de nos contrées (à savoir presque tous les journaux, radios, télés de France, Navarre et pays circonvoisins), d’évaluer sereinement les premiers effets de cette parole réputée thaumaturge sur la marche du monde.

Le 5 avril dernier, Obama tenait devant le château de Prague un discours qualifié d’historique dans lequel il évoquait la perspective d’un monde sans armes nucléaires. Un long et rude chemin, certes, mais qu’il allait commencer à gravir sans tarder, en compagnie de tous ceux qui voudraient bien l’accompagner, quel que fût leur casier judiciaire.

Ce discours a été reçu cinq sur cinq à Pyongyang et à Téhéran : pour pouvoir suivre le président américain dans son ascension vertueuse vers les sommets de la paix perpétuelle, il convenait, selon eux, de se doter préalablement des armements en question. En effet, quelle gloire tirer de la renonciation solennelle à un arsenal dont on n’est pas encore pourvu ?

En quelques semaines, le complexe militaro-industriel à la botte du grand leader Kim Jong Il parvient à faire péter une bombinette en sous-sol et à tirer quelques missiles susceptibles de dissuader des voisins malveillants, comme le Japon ou la Corée du Sud, de venir mettre leur nez dans les affaires de la plus kitsch des dictatures communistes survivantes.

De son côté, Téhéran a fait savoir au « Groupe des Six » (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité plus l’Allemagne) qui conduit la négociation sur le nucléaire iranien qu’il n’y avait plus rien à discuter. Pour se faire bien comprendre, les Persans ont procédé au tir, réussi cette fois-ci, d’un missile d’une portée de 2000 km, donc capable de porter une charge nucléaire vers un pays de la région que nous ne nommerons pas, pour ne pas lui faire de publicité. Tout le monde, bien sûr, a condamné ces agissements dans les termes les plus vifs, dans des communiqués sans équivoques et des résolutions de l’ONU dont les termes sont pesés au trébuchet, mais de sanctions, des vraies, de celles qui font mal, il n’est pas question, du moins pour l’instant. Obama persiste à vouloir « dialoguer » avec les mollahs, et les Chinois s’opposent à ce que l’on punisse leur voisin coréen. Pékin préfère tenir lui-même la laisse de ce pays pitbull, plus ou moins serrée en fonction de ses intérêts du moment.

Alors, Obama serait-il un peu mou du genou ? Du genre à prendre des baffes et à dire merci ? Ce serait faire bon marché de la fermeté et de l’intransigeance dont il vient de faire preuve vis-à-vis de Bibi Netanyahou: plus un seul cabanon, même pas un chiotte au fond du jardin, ne doit être construit dans les implantations juives de Cisjordanie, y compris dans celles que son prédécesseur Georges W. Bush avait implicitement désignées comme devant être rattachées à Israël lors d’un éventuel règlement final. Cela n’a pas échappé à Ahmed Qoreï, qui dirige pour l’Autorité palestinienne les négociations avec Israël. Alors que, jusque-là, les Palestiniens n’évoquaient jamais les noms des villes pouvant être incluses dans un échange de territoires, ils demandent maintenant que les localités de Maale Adoumim et Givat Zeev, proches de Jérusalem reviennent au futur Etat palestinien, en proposant généreusement que leurs habitants puissent jouir de la double nationalité, israélienne et palestinienne. Une hypothèse qu’aucun gouvernement israélien, même composé de la gauche et de l’extrême gauche sioniste, ne pourrait accepter.

Il semble que Barack Obama se soit laissé persuader que le conflit israélo-palestinien était « la mère de tous les conflits » de la région et que sa solution rapide conditionnait l’acceptation, par monde arabo-musulman d’une cohabitation harmonieuse avec l’Occident, Israël compris. Cette illusion, qui fait l’impasse sur l’instrumentalisation de ce conflit par des régimes dictatoriaux ou autoritaires pour détourner leurs peuples de la révolte contre ses dirigeants, est tout aussi, sinon plus, porteuse de dangers, que l’approche musclée de son prédécesseur. L’acceptation du fait israélien par les Etats arabes n’implique nullement la reconnaissance de sa légitimité, voilà ce que répètent en boucle les responsables arabes, même réputés modérés, un discours que les partisans occidentaux de l’alliance des civilisations font mine de ne pas entendre.

N’appartenant pas au premier cercle des conseillers qui entrent sans frapper dans le Bureau ovale de la Maison Blanche, je ne peux vous révéler ici en primeur le texte du déjà fameux discours du Caire. Mais j’ai comme l’impression qu’il va contribuer, comme celui de Prague, à l’accroissement du bordel ambiant.

Ça balance au Quai

Le ministère des Affaires étrangères vient de porter plainte contre X à propos de fuites régulières qui font atterrir des documents classifiés sur le bureau de Claude Angeli, rédacteur en chef du Canard Enchaîné. Comme nous vous l’avions déjà fait remarquer ces fuites ont une source aussi claire qu’évidente : elles proviennent de diplomates de haut rang appartenant à la « rue arabe » du Quai d’Orsay, ces excellences islamophiles qui ne digèrent pas le tournant un peu plus atlantiste et un peu moins défavorable à Israël pris par la diplomatie française depuis l’élection de Nicolas Sarkozy. Les flics sont donc sommés de fouiller à corps les distributeurs de Ferrero-Rocher soupçonnés de se servir du fax de leur ambassade en dehors des heures de services, et de leur balancer quelques baffes pour leur délier la langue s’ils se murent dans un diplomatique silence. Quant au bénéficiaire de ces fuites, il est quelque peu gonflé de se présenter en paladin du journalisme d’investigation victime de l’énervement kouchnérien : depuis quand un facteur possède-t-il une carte de presse ?

Vol 447 : l’information en deuil

Comme disait l’autre, c’est pas parce qu’on n’a rien à dire qu’on doit fermer sa gueule… C’est à voir… En tout cas, c’est ce qu’on n’aura pas vu et pas entendu après la catastrophe aérienne d’hier. Depuis sa disparition des écrans, le vol Rio-Paris monopolise nos écrans.

Personne ne niera que cette abominable tragédie en soit une. Ni même que ce soit une information capitale. Alors, on en parle et, depuis 24 heures, on ne parle même que de cela. Le seul problème, c’est qu’à l’heure où ces lignes sont écrites, on ne sait pour ainsi dire rien. Donc on en parle. Où plutôt, on meuble, pour occuper l’antenne de la radio ou de la chaîne d’info en continu. Je ne sais rien, mais je dirai tout.

Depuis hier midi, l’aéroport Charles-de-Gaulle est devenu l’endroit où il faut être quand on est un journaliste chaud sur l’info. Et faire chauffer du rien, c’est raide. Alors on scrute le néant, on sonde l’affliction des « gens ». Ceux qui ont vraiment perdu quelqu’un dans l’Airbus sinistré ont hélas autre chose à faire que de répondre à l’envoyé spécial de RTL ou France Info. Alors on met en route le grand huit de l’angoisse du voyageur lambda, la peur de ceux qui montent dans un avion pour Sao Paulo. Lequel doit passer juste au-dessus de la zone ou l’AF 447 a disparu. Puis une jeune fille qui descend d’un Pékin-Paris et fond en larmes en apprenant de la bouche d’un touriste américain qu’elle ne connaît pas « l’horrible nouvelle ». Le journaliste – mais peut-être faut-il dire « le grand reporter » – nous décrit ensuite par le menu l’ambiance « étrange » qui règne à Roissy. Etonnant, non, vu le nombre de caméras, de nagras et de crétins avides de témoignages anxieux ?

En studio, ça ne vaut pas plus cher. L’essentiel, sur ce drame dont on n’a ni le son, ni l’image, c’est de montrer sa douleur de journaliste compassionnel. À l’instar de cette présentatrice de LCI qui, à 8 heures pile, se souvient soudain qu’il ne faut pas servir aux clients le sourire formaté standard au moment de dire bonjour, et affaisse brutalement, face caméra, la commissure des lèvres pour prendre un air de circonstance.

Après l’émotion, place à l’information. Ou à ce qui en tiendra lieu. En l’occurrence, de la bribe de néant, sur laquelle on brode et rebrode. Promis, vous saurez tout sur le Rien. Sur les caméras à infrarouge de l’armée de l’air brésilienne, sur la mise en place de cellules d’aide psychologique « destinées à accompagner les familles », sur l’hébergement de ces mêmes familles dans des chambres réquisitionnées dans tous les hôtels de la zone de Roissy et Air France « qui prendra tous les frais à sa charge ». Sur la minute de silence ce soir à Geoffroy Guichard, avant le match amical France-Nigéria et les vingt-deux joueurs « qui porteront tous un brassard noir ». On ne nous dit pas si l’arbitre en portera un lui aussi. Mais on l’apprendra sans doute dans un autre flash d’info.

Et puis il y a aussi les déclarations de Nicolas Sarkozy, d’Hervé Morin, de toute une flopée de ministre plus ou moins concernés mais également consternés. I-Télé a même réussi à obtenir sur la question une interview exclusive de Barack Obama. On sent qu’ils meurent d’envie de crier au scoop mais qu’ils se retiennent très fort. La décence, sans doute.

Sinon, les vraies questions ? Là, curieusement on n’y répond pas, d’ailleurs on les pose pas non plus. On n’osera pas penser qu’une fille qui fait une crise d’hystérie en direct live, c’est plus porteur qu’une analyse un peu technique du drame…

En temps ordinaire, on s’énerve parce que les médias devraient avoir des choses passionnantes à nous dire, et qu’ils ne nous disent pas grand-chose. Alors, quand ils doivent tenir l’antenne H 24 et qu’ils n’ont vraiment rien à dire, là, c’est la catastrophe.

Ni Friedman, ni Keynes

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La crise que nous vivons n’a pas encore ses chansonnettes mais elle a déjà sa mythologie avec ses bons, ses brutes et ses truands. Selon la légende qui est en train de gagner l’opinion publique, depuis 1945 notre existence s’écoulait doucement sous le giron de l’Etat-providence quand soudain, au bout de la rue principale de notre petite ville pépère, surgirent les trois cavaliers de l’apocalypse : Milton Friedman, Margaret Thatcher et Ronald Reagan. Par obstination et cupidité, ces trois là ont tout détruit sur leur passage. Avec leurs armées de traders, actionnaires, conseillers en stratégie et autres titulaires de MBA, ils se sont emparés de la richesse des peuples et ont piétiné leurs acquis sociaux. Ainsi commença la trentaine désastreuse, l’ère de l’argent-roi et du marché-dieu. Puis notre pouvoir d’achat, à nous les vrais gens, dégringola.

L’heure de la vérité a enfin sonné. Les masques sont tombés, et l’heure est venue de se lever comme un seul homme contre les Dark Vador de la planète noire « CAC 40 » (ou caca-rente comme l’a dit récemment l’auteur d’un Dictionnaire des gros mots cachés dans les mots).

Sauf qu’il suffit de feuilleter quelques journaux de 1977 (année de la sortie de Star Wars), pour se rendre à l’évidence : le modèle économique de l’après-guerre, malgré son « keynésianisme » considéré aujourd’hui comme la panacée universelle et une vérité révélée, a fait naufrage – en grande partie à cause de l’excès de keynésianisme de même que celui qui lui a succédé s’est planté pour excès de libéral-monétarisme. Certes, la crise pétrolière d’octobre 1973 est aussi passée par là : mais elle a révélé les faiblesses su système plus qu’elle ne les a créées.

Le chômage, OVNI méconnu dans les années 1960, est passé en France de 3 % (690.000) en 1974 à 7 % (1.500 000) en 1981, pour devenir un enjeu central du débat politique. Ces années furent si terribles qu’en 1979, Jean Fourastié appela les trois décennies qui les avaient précédées les Trente glorieuses, un peu comme les années 1900 étaient devenues une Belle époque après 14-18. Il est toujours joli, le temps passé, surtout au lendemain d’un désastre. Il suffit de se remémorer le sort des ouvriers de Renault dans les années 1960-1970 pour comprendre qu’il y a une certaine incongruité à faire passer cette époque pour un âge d’or.

Bien avant la mondialisation et la délocalisation, le chômage, les déficits et l’inflation des années 1970 avaient révélé que le modèle économique et social (le capitalisme syndicalo-étatique) était à bout de souffle. Trop lourd financièrement, sclérosé et sclérosant, il a obligé les gouvernements à recourir massivement à l’emprunt pour financer non pas les investissements à long terme mais les dépenses courantes et les transferts sociaux. En clair, le nouveau modèle économique est né non pas de la cupidité de certains acteurs, mais tout simplement de la décrépitude de son prédécesseur (et aussi, comme l’a parfaitement expliqué Gauchet de l’incapacité des élites françaises à s’adapter à la nouvelle configuration planétaire).

Une fois la reconstruction de l’après-guerre achevée et le différentiel des niveaux de vie entre les deux rives de l’Atlantique résorbé, il a bien fallu trouver d’autres gisements de croissance. Deux directions ont été explorées, les gains de productivité dans la production et l’invention de nouveaux modes de financement. Ainsi est né le « capitalisme financier ». En matière de production, le nouveau modèle reposait sur la sous-traitance de certaines activités et la mise en concurrence généralisée. Pour le financement, l’idée était de faciliter la rencontre entre les investisseurs et les projets projet-capital tout en réduisant les risques, à travers de nouveaux produits financiers de plus en plus sophistiqués et de plus en plus abstraits.

Prenons l’exemple simple d’un constructeur automobile dans les années 1970. Tout le monde, du vigile au PDG, est salarié de la même boîte et tous les composants – du rétroviseur au châssis en passant par les sièges – sont fabriqués en interne. Quand cette entreprise tombe gravement malade autour de 1980, on trouve en tâtonnant la solution de la sous-traitance. L’atelier des sièges, devenu une société anonyme indépendante, peut fournir d’autres constructeurs, étendre ses compétences aux sièges pour avions de lignes, il peut même fabriquer des jardinières s’il y trouve son compte. Mais outre les dégâts sociaux qu’elles engendrent (on demande à des régions entières de changer de vie) ces restructurations demandent d’énormes volumes de capitaux. D’où la création de nouveaux produits et de nouveaux marchés qui sont à leur tour emportés par leur propre logique.

Dans cette nouvelle configuration des forces, ce sont les managers qui prennent le pouvoir et qui, instaurent la logique d’entreprise (c’est-à-dire du profit), là où elle est nécessaire, mais aussi, de plus en plus au fur et à mesure de l’usure du modèle, là où elle a des conséquences funestes. L’objectif de l’atelier de sièges de Renault est d’équiper les voitures qui sortent des chaînes. Celui de l’entreprise sous-traitante est de gagner de l’argent. Les légions de jeunes gens sortis des écoles de commerce et pavés de MBA (le diplôme phare des années 1980 et 1990) ont servi à mener à bien cette révolution : ils en ont été l’aile marchante, l’avant-garde éclairée et la classe gagnante.

Dans les années 1970, la perte de pouvoir et de prestige de l’Etat a été accentuée, dix ans plus tard, par la chute de l’Union soviétique. La transformation de la Régie (Renault) en SA cotée en Bourse en a été à la fois la démonstration et le symbole : le « privé », pense-t-on alors, est toujours plus performant (et plus glamour) que le « public ». Autrement dit, les réponses pragmatiques à une crise de l’économie d’après-guerre sont peu à peu devenues un dogme enseigné comme une vérité dans toutes les universités du monde : comme le keynésianisme avant lui, le libéral-monétarisme est devenu une idéologie, c’est-à-dire un voile jeté sur le réel. À bien des égards on a assisté au retour des vieux slogans du « laissez faire ! laissez passer ! » La vérité, bien sûr est que la puissance publique ne peut ni tout interdire, ni tout autoriser.

En même temps, les inconvénients du nouveau modèle sont devenus de plus en plus évidents et surtout la pression à la baisse que le libre échange intégral et la concurrence non régulée exercent sur les salaires et sur la demande globale. Pendant les Trente glorieuses, le rôle de l’Etat répondait à une exigence de protection des salariés-électeurs, en clair à un objectif politique. Dans la phase suivante, le règne d’un consommateur qui n’est que secondairement citoyen, a laissé le champ libre aux techniciens de la finance, du marketing et de la rentabilité. Le salarié-électeur devenu salarié-consommateur s’est trouvé seul a eu tendance à compenser la baisse de ses revenus par un recours à l’endettement. En même temps, la baisse des prix est devenue une revendication politique majeure – le salarié manifeste contre les délocalisations mais le consommateur veut acheter un écran plat à bas prix.

Cette logique montre aujourd’hui ses limites. En clair, les nouvelles règles du jeu, tout en sauvant et créant des emplois, ont structurellement affaibli le travail par rapport au capital, avec, comme conséquence, la réduction de la part de la richesse créée revenant aux salariés. Le pouvoir d’achat des salaires a augmenté de 4 % à 5 % par an pendant les décennies 1950-1960 tandis que depuis le milieu des années 1970 son taux annuel de croissance a stagné autour de 1,3 % – 1,4%.

Nous nous trouvons donc non pas devant un seul cadavre – celui de l’économie financière – mais devant deux cercueils car le modèle « 46-73 » est tout aussi mort. L’ère de la Régie Renault est révolue, tout autant que celle des subprimes. Comme dans les années 1980, le nouveau modèle ne va pas surgir subitement mais plutôt s’imposera petit à petit après des années de tâtonnements. Et puis il périra à son tours par excès d’assurance et de dogmatisme.

Préférence communautaire ?

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Dans un article sur le remaniement à venir, le dernier numéro de Valeurs Actuelles évoque la poursuite de la politique d’ouverture à gauche du président. On y parle, bien sûr du probable Claude Allègre, mais aussi de l’actuel adjoint à la Culture de Bertrand Delanoë, Christophe Girard, approché, sur les conseils de Carla Bruni, pour remplacer Christine Albanel, qui, d’après nos confrères, « n’aurait pas convaincu ». C’est vrai qu’on a beau avoir les idées larges, une mère de famille rue de Valois, c’était un peu n’importe quoi.

Pour une polygamie à la française

Qui l’eût cru ? La Suisse aussi est touchée par la délinquance. Ce pays, que l’on croyait plutôt spécialisé dans l’exil fiscal des mythes nationaux comme Johnny ou le palace-maison de repos pour écrivains chics comme Nabokov et Chardonne, est victime de ce fléau que l’on croyait réservé à des sociétés moins policées. Ainsi, Genève, Lausanne, Zurich ne sont plus seulement un rendez-vous pour anciens espions qui prennent le thé dans les bars des grands hôtels en dégustant des petits sandwichs au concombre et en racontant leurs souvenirs de la guerre froide : elles sont devenues de banales métropoles mondialisées avec des camés, des ouliganes, des putes, voire des artistes de rue.

Plus terrifiant encore au pays des merveilleux Fendants du canton de Vaud et des comptes anonymes des succursales de banquiers protestants, cette délinquance est d’abord celle des mineurs, ces petits cons qui depuis Graine de violence et Orange mécanique terrorisent, blessent, violent, brûlent, insultent, oublient leur carnet de correspondance, tirent à la kalachnikov sur les forces de l’ordre, font de la mobylette sans casque et se font renverser exprès par les voitures de la BAC qui voulaient juste leur signifier poliment l’infraction. C’est vrai, quoi, ces sales mômes rendent la vie insupportable aux honnêtes gens alors qu’ils vivent dans nos merveilleuses sociétés d’abondance où la concurrence est libre et non faussée. La Suisse, pays pragmatique s’il en est a donc mené une étude pour tracer le profil type de ces nouveaux monstres à peine pubères et déjà si méchants.

Un certain Marcelo Aebi, vice-directeur de l’Ecole des sciences criminelles de l’université de Lausanne, a été chargé de ce rapport sur le péril jeune. « As-tu déjà endommagé quelque chose pour t’amuser, comme un abribus, une fenêtre ou un siège dans un train ? As-tu déjà volé quelque chose dans un centre commercial ? As-tu déjà fumé de l’herbe[1. Plusieurs contributeurs et non des moindres de Causeur ont répondu oui à une ou plusieurs questions.] ? » Voici quelques exemples des 79 questions auxquelles 3648 adolescents de Suisse âgés de 13 à 16 ans ont eu à répondre, sous le sceau de l’anonymat.

Marcelo Aebi vient d’en dévoiler les premiers résultats : 39,7 % des jeunes issus de familles traditionnelles – dites aussi « intactes » – avouent avoir commis un acte hors la loi. Les adolescents issus de familles monoparentales sont, eux, 48,4 %.

C’est sans appel.

Après le constat, il faut trouver des solutions. On voit que la priorité des priorités est d’en finir avec la mère célibataire, cette pourvoyeuse de petits démons. D’ailleurs, toujours d’après M. Marcelo Aebi, ce n’est même pas quand elle trouve ou retrouve un mari que les choses s’améliorent : les adolescents issus de familles recomposées sont 58,4 % à reconnaître des actes délictueux.

Nous n’avons pas, à Causeur, l’habitude de nous défiler, de nous complaire dans une culture de l’excuse ou de nous replier sur des solutions toutes faites qui coûtent cher au contribuable et ne servent à rien : pourquoi en effet payer pour des éducateurs islamo-gauchistes, des profs feignasses et démagogues ou des policiers de proximité qui passent leur temps à jouer au foutebaulle avec ces petits voyous qui sont capables de braquer une vieille pendant le quart d’heure de la mi-temps, quand le score AS délinquants / RC ilotiers est déjà de 5-0, ce qui est quand même assez humiliant pour les forces de l’ordre.

Oui, pourquoi, alors que ce qui manque à la maison, c’est un homme, un vrai qui sait donner la punition quand c’est nécessaire.

Il n’y en a pas trente-six, étant donné que le nombre de mères célibataires est inversement proportionnel à celui d’hommes qui en ont vraiment. Il faut autoriser la polygamie, que dis-je, il faut l’encourager. Je préconise donc la création d’une commission interministérielle sur la question réunissant, avant même un éventuel remaniement, Nadine Morano pour la Famille, Besson pour l’Identité nationale, Mam pour l’Intérieur, Dati pour la Justice, Amara pour la Ville et Darcos pour l’Education nationale. On écartera dans un premier temps Christine Boutin qui risque d’apprécier moyennement, mais on sait qu’il n’y a pas plus conservateurs dans ce pays que les catholiques si ce n’est les syndicalistes de SUD rail.

Quelques mesures fiscales simples, des initiatives concernant le logement et une redéfinition du code de la famille devraient pouvoir assez rapidement tracer les contours d’une polygamie à la française que le monde nous envierait, une polygamie facteur de paix civile et d’intégration.

Je me déclare ainsi prêt, à titre personnel, à soutenir cet effort national. Je suis prêt, sous réserve d’un doublement de ma surface habitable, à épouser, mettons une Ukrainienne aux yeux bleus, une Peulh aux jambes interminables, une Kabyle aux yeux de biche comme dans une chanson de Frank Alamo, voire une Rom de nationalité indéterminée mais à la poitrine généreuse et consolante.

Et les mômes qui vont avec, me direz vous ?

Eh bien, je les mettrai à l’école l’hiver et au centre aéré l’été. Manquerait plus que je me laisse envahir par ces morveux.

Vous ne croyez pas que j’aurai autre chose à faire, non ?

L’anti-sarkozysme, voilà l’ennemi ?

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Dans la description de la situation française contemporaine, la plus grande partie des auteurs de Causeur a régulièrement recours, implicitement ou explicitement, à deux hypothèses fondamentales qu’ils tiennent souvent pour deux évidences. Pourtant, ces deux hypothèses me semblent fausses.

Hypothèse alpha : L’humanité se partage en deux camps politico-existentiels antagonistes : les Binaires et les Non-Binaires.
Hypothèse beta : Les Binaires, ce sont les anti-sarkozystes. Les Binaires, c’est la gauche.

Examinons l’hypothèse alpha : « L’humanité se partage en deux camps politico-existentiels antagonistes : les Binaires et les Non-Binaires. » J’ai en commun avec les autres collaborateurs de Causeur un accord de principe concernant l’amour du Non-Binaire et le désir de combattre la bêtise binaire, la tentation de réduire la complexité du monde à l’affrontement d’un « camp du Bien » et d’un « camp du Mal ». Cependant, l’hypothèse alpha est en contradiction évidente avec l’amour du Non-Binaire proclamé très sincèrement par les collaborateurs de Causeur (et c’est la raison pour laquelle nombre d’entre eux sont mes amis). L’hypothèse alpha reconduit, aussi paradoxalement qu’indubitablement, la division manichéenne du monde entre camp du Bien et camp du Mal. Le camp du Bien, « c’est nous », ce sont les Non-Binaires. Le camp du Mal, « c’est les autres », ce sont ces salopards de Binaires !

Si je ne partage pas l’hypothèse alpha, c’est précisément parce que je suis attaché à la complexité du réel. Parce que je sais que la tentation manichéenne et moralisatrice est présente dans tout être humain (et je suis l’un d’entre eux). Il est également vrai que le vice binaire est devenu chez certains hommes une habitude tenace. Pourtant, son règne dans un cœur humain n’est sans doute jamais absolu – dans les pires des cas, il ne l’est qu’en apparence, pour les yeux et les oreilles des autres. La division manichéenne du monde me semble seulement un signe du manque d’amour vrai et incarné – amour des autres hommes et amour véritable de soi, c’est tout un. Le paradis est bien le lieu désigné par le merveilleux, l’inoubliable starets Zossima des Frères Karamazov, le lieu où je suis libéré de l’obsession stérile et médiocre de mes propres péchés en acceptant de recevoir soudain sur mes épaules ceux de tous les hommes, cessant de haïr les autres pour leurs péchés et reconnaissant au fond de mon cœur que je suis probablement capable, les circonstances aidant, de commettre à peu près n’importe quel péché commis par les autres. Cette reconnaissance du Commun, de l’humain Commun, retire soudain aux péchés leur qualité intrinsèque, qui est de séparer les hommes entre eux et, après un écrasement intérieur infini, ouvre la possibilité d’un pardon lui aussi infini – bien que toujours interminable.

Considérons maintenant l’hypothèse beta : « Les Binaires, ce sont les anti-sarkozystes. Les Binaires, c’est la gauche. » Comme je l’avais signalé dès ma première intervention dans Causeur, dont j’ai regretté qu’elle ait suscité aussi peu de débat, rien ne me paraît plus absurde que de prétendre attribuer à une appartenance politique quelle qu’elle soit des vices qui lui seraient propres, fatals, intrinsèques, des vices mécaniques. Les Causeurs auront beau trompéter sur tous les tons le contraire, je demeurerai formel sur un point : la gauche n’a pas le monopole du binaire. Pas davantage que la droite n’a le monopole du réel, du bon sens et de l’âge adulte. Les rues sont remplies de Binaires de droite et de Binaires de gauche, les métros regorgent de Binaires sarkozystes et de Binaires anti-sarkozystes. Les campagnes débordent d’Anti-Binaires de droite et d’Anti-Binaires de gauche. Et bientôt nos plages seront envahies à proportions rigoureusement égales par des Anti-Binaires sarkozystes et des Anti-Binaires anti-sarkozystes.

Forts de l’hypothèse alpha et de l’hypothèse beta, de nombreux collaborateurs de Causeur se sont lancés dans une prétendue chasse au Binaire qui est en réalité une chasse à l’anti-sarkozyste ou au gauchiste. Dans l’art rhétorique de nombre de Causeurs, la reductio ad binarium finit par jouer exactement le même rôle que la reductio ad Hitlerum chez les crétins anti-fascistes. A la moindre critique contre le toujours-déjà oubliable Sarkozy, l’accusation de « conformisme » et de binarité congénitale tombe comme un couperet sur la discussion, rejetant aux oubliettes la seule question qui vaille, qui n’est pas celle de savoir si cette critique est partagée par peu ou par beaucoup, mais si elle est véridique et légitime ou non. Il arrive aussi souvent que la reductio ad binarium soit remplacée ou complétée par une reductio ad sinistrum tout aussi rhétorique. Dans mon latin d’opérette, cette expression désigne le fait de jeter à la face de l’ennemi, sans la moindre conformité avec la réalité mais simplement parce qu’il n’est pas d’accord avec vous, qu’il n’a pas d’humour. Cette opération équivaut elle aussi à une reductio ad Hitlerum, puisque, par les temps qui courent, « ne pas avoir d’humour » est presque aussi infâmant qu’être nazi sur trois générations.

Au nord, c’était le Coran…

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L’histoire que nous raconte Hege Storhaug de la Fondation Human Rights Service est plaisante, et aussi, peut-être légèrement édifiante. Dans une école primaire, une employée d’origine pakistanaise aurait exercé des pressions sur les deux seules petites filles de la classe qui ne portaient pas le hidjab, afin qu’elles le revêtissent comme toutes leurs petites camarades. Banal ? Presque. Car la première chose qu’il faut savoir est que ces deux petites filles ne sont pas musulmanes. La deuxième chose qu’il faut savoir est que cette histoire nous vient tout droit de Norvège.

C’est pas que je m’ennuie, mais…

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La campagne aura-t-elle enfin commencé quand vous lirez ces lignes (c’est-à-dire quelques poignées d’heures avant sa clôture) ? A l’heure où je les écris en tout cas (lundi, 20 heures et des brouettes), cette campagne semble s’affirmer comme l’une des plus plates et des plus arides qu’il m’ait été donné de traverser dans toute ma carrière d’électeur (en 1969, je n’avais malheureusement pas l’âge requis pour trancher entre Poher et Pompidou).

La moisson de moments forts, de grands choix programmatiques et de petites phrases historiques fut particulièrement pauvre – que dis-je, en dessous du seuil de pauvreté intellectuelle.

Côté distractions, la campagne télévisée officielle nous a quand même proposé quelques nouveautés pittoresques. L’UMP a importé des Etats-Unis non seulement son nouveau « modèle français », mais jusqu’à la technologie de pointe du « lip-dub ». Grâce à un procédé magique, dans les clips de l’Union pour un Mouvement Populaire, le peuple tout entier a la voix de Xavier Bertrand (ou parfois de Michel Barnier). Epatant, non ? Mais quel est donc le message : « On a tous en nous quelque chose de Xavier » ? Dans les clips du PS, nettement plus traditionnels, on s’y retrouve mieux aussi : Mme Aubry et les masses populaires parlent séparément, comme dans la vraie vie.

Il faut voir aussi le spectacle que nous offre bénévolement le Parti radical de gauche – dont on est déjà content de savoir qu’il existe encore : de Servan-Schreiber en Tapie, on le croyait enterré mille fois ! Eh bien pas du tout, la preuve : tous les jours que Dieu fait, le président du PRG Jean-Michel Baylet (qui, heureusement pour lui, a d’autres occupations) vient nous réexpliquer en long et en large comment et pourquoi il ne participera en aucune façon à ce scrutin… Un grand moment d’absurde monty-pythonien.

Blague à part, et renseignements pris, du fait de sa (sur)représentation parlementaire, la barque fantôme que conduit d’une main ferme J.-M. Baylet bénéficie du même temps d’antenne que les plus grands des partis réellement existants. Eh oui, la démocratie représentative est une chose rude, il faut pour la comprendre avoir fait des études.

Reste – et c’est l’essentiel ! – qu’elle est quand même moins hasardeuse que la prétendue « démocratie directe » ! Qu’on se souvienne seulement, à cet égard, des votes désastreux des Français en 1992 et 2005, lorsqu’ils ont été bêtement consultés sur la délicate question européenne – dont, à l’évidence, seuls des Européens professionnels sont à même de saisir toutes les subtilités.

Bref, mieux vaut donner la parole au sieur Baylet qu’au peuple français : quand on ne dit rien du tout, au moins n’insulte-t-on pas l’avenir comme l’ont fait – sans vergogne et à deux reprises ! – les ennemis de l’Europe, tous populismes confondus (Je suis chaud, là !)

À ne pas manquer enfin, sur vos écrans plasma, l’étonnante prestation du leader charismatique de l’ »Union des Gens » (mais oui !). Il vient, d’assez mauvaise grâce apparemment, nous présenter avec une absence de conviction contagieuse les grandes lignes de son programme, à peu près aussi précis que le nom de son particule (élémentaire). Jacques Cheminade était quand même plus clair !

Pour être tout-à-fait juste, hors les émissions officielles, cette campagne a quand même été marquée par deux événements majeurs.

À droite le récent coup de colère de Nicolas Sarkozy était, il est vrai, sans aucun rapport avec la campagne européenne – dont le Président a d’ailleurs confié la responsabilité à son Premier ministre (François Fillon). Simplement, il a tapé du poing sur la table en découvrant les vrais chiffres de l’insécurité (qui pourtant font assez souvent la une du Point et de L’Express…) Et d’énumérer avec énergie la liste des mesures à prendre d’urgence dès qu’il sera au p… euh, enfin tout de suite. Bref c’était beau comme un discours de candidat au poste de ministre de l’Intérieur, qui malheureusement n’existe pas. Enfin je veux dire pas la fonction, l’élection à ce poste quoi.

À gauche, seuls les cœurs les plus endurcis auront pu retenir une larme en assistant aux chaleureuses retrouvailles de Martine et Ségolène. Un temps éloignées par une divergence de vues sans gravité sur la répartition des postes au sein du parti, les deux grandes dames du PS se sont réconciliées avec d’autant plus de bonheur après dissipation des brumes du congrès de Reims.

Désormais les choses sont claires, et chacune a trouvé sa juste place dans ce jeu de rôles permanent qu’est devenue la vie interne du PS depuis que Mitterrand, ce sadique, avait laissé la maison à Jospin. N’empêche, tout semble être rentré dans l’ordre : Martine croit tenir l’appareil du parti, Ségolène est persuadée d’en incarner l’âme, et tout le monde est content : l’unité du PS est sauvée, au moins jusqu’à lundi.

Je n’ai pas parlé du fond, direz-vous ? Peut être bien, mais c’est pas moi qui ai commencé…

Et puis d’ailleurs si, à la réflexion, je l’ai effleurée, la principale question de fond : d’où pourrait bien venir cette abstention massive au scrutin européen de dimanche, déjà annoncée et commentée par tous les sondologues ?

J’irai même jusqu’à esquisser un début de réponse : et si les électeurs avaient fini par remarquer qu’en volapük européen, leur « non » se traduit systématiquement par « oui » ? Et s’ils s’étaient laissés aller à en inférer que, tant qu’à être pris pour des patates de canapé, autant rester couchés ?

Mais je suis confiant : nos élites seront bien capables de lire, même dans une abstention record, les prémices d’une aube nouvelle de la « construction européenne »… Et aux dernières nouvelles, le pire devrait être évité : malgré la multiplication des listes, les observateurs espèrent que le nombre de votants dépassera celui des candidats.

Hollande et Vargas ont loupé le train

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François Hollande, député de Corrèze, futur Premier ministre du président Bayrou en 2012, a héroïquement demandé des explications à Michèle Alliot-Marie sur l’affaire de Tarnac et l’embastillement six mois durant de Julien Coupat, après la libération de ce dernier. Il vaut mieux tard que jamais. Il s’est sans doute souvenu tout à coup que Tarnac se trouvait dans le département dont il est un des élus. Il aurait pu également demander des explications à Fred Vargas et quelques autres qui ont fait, d’ailleurs avec raison, de Cesare Battisti, actuellement réfugié au Brésil, le symbole des persécutions conjointes des polices françaises et italiennes, ainsi que de l’arbitraire de messieurs Sarkozy et Berlusconi. En effet, on ne les a pas du tout entendus sur l’affaire Coupat et sa mise au mitard qui se déroulait tout de même sous leurs yeux, en France, ici et maintenant – à l’exception notable de l’excellent Serge Quadruppani, qui se bat sur tous les fronts.. La Corrèze, que le regretté Raymond Cartier préférait au Zambèze, a dû sembler moins exotique que le Brésil à Fred Vargas, heureuse auteur à succès de polars calmants et intellectuelle du Modem. Ou alors, autre hypothèse, elle aussi est atteinte de cette presbytie idéologique connue des spécialistes sous le nom de béhachèlite et qui consiste à voir très bien les malheurs lointains et plus du tout ceux qu’on a sous le nez.

Le monde en route vers un bordel noir ?

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Ces derniers jours, le clicheton journalistique qui jaillit spontanément de la plume de nombre de mes chers collègues observateurs de la vie internationale nous informe que ce mois de juin sera celui de « tous les dangers ».

En Iran, on saura le 12 juin si le diable mal fagoté[1. Une rumeur insistante, jamais confirmée mais jamais démentie, veut que le tailleur personnel de Mahmoud Ahamadinejad soit un juif de Téhéran parfaitement capable de confectionner des vêtements convenables, mais que son illustre client oblige à lui tailler des costumes sur le modèle des fripes vendues aux puces de Montreuil, qui arrivent de Paris par la valise diplomatique.] Mahmoud Ahmadinejad réussit à s’imposer face au présumé modéré Hossein Moussavi. Au Liban, les élections législatives du 7 juin sont considérées comme à « haut risque » car elles pourraient établir l’hégémonie du Hezbollah et de ses alliés sur le pays du Cèdre. La situation politique en Géorgie risque de tourner au vinaigre, l’opposition au président Mikhail Saakashvili menant grand tapage. L’armée pakistanaise ne parvient pas à venir à bout des talibans qui se sont emparés de quelques « zones tribales » au nord-ouest du pays. Pendant ce temps là, Hugo Chavez, les frères Castro, Mouammar Kadhafi et quelques autres grands démocrates testent leur capacité à défier l’hyperpuissance américaine. Les Russes avancent leurs pions, dans le Caucase et en Asie centrale, régions qu’ils reprennent fermement en main. La paix des cimetières règne désormais au Sri Lanka, où l’armée est parvenue, dans le courant du mois de mai, à appliquer aux Tamouls la méthode de Simon de Montfort pour éliminer les hérétiques cathares mêlés aux civils albigeois : « Tuez les tous, Dieu reconnaîtra les siens ! »

La seule échéance attendue sans anxiété par les commentateurs patentés est celle des élections européennes. Le désintérêt général pour ce scrutin manifesté dans la quasi-totalité des pays concernés n’est pas de nature à réveiller les passions de cette « Europe frigide » qui désole l’ami Barnavi. Toutefois, on pourrait avoir des surprises, car nos voisins et amis belges ont eu l’idée saugrenue de faire coïncider leurs élections régionales avec les européennes, ce qui promet de la chicore au pays du waterzoï, déchiré par le conflit qui oppose les flamands aux francophones.

À en croire les grands journaux de chez nous, le monde attendrait donc le discours que doit prononcer Barack Obama au Caire le 4 juin comme la parole messianique susceptible de nous délivrer de l’angoisse provoquée par ce mois de juin promis comme horribilis. Jean Daniel ne rate pas cette occasion de prodiguer ses conseils de vieux sage au jeune président des Etats-Unis, qui ne va pas manquer de les suivre, car sans Jean Daniel la terre ne tournerait pas rond. La pom-pom girl du Obama fan club qui fait office de correspondante du Monde à Washington peaufine ses figures jubilatoires sur son blog, avant de les présenter en majesté aux lecteurs du journal de référence.

Le moment est donc venu, après le concert de louanges interprété à l’occasion des cent jours de fonction du nouveau président par la presse obamanolâtre de nos contrées (à savoir presque tous les journaux, radios, télés de France, Navarre et pays circonvoisins), d’évaluer sereinement les premiers effets de cette parole réputée thaumaturge sur la marche du monde.

Le 5 avril dernier, Obama tenait devant le château de Prague un discours qualifié d’historique dans lequel il évoquait la perspective d’un monde sans armes nucléaires. Un long et rude chemin, certes, mais qu’il allait commencer à gravir sans tarder, en compagnie de tous ceux qui voudraient bien l’accompagner, quel que fût leur casier judiciaire.

Ce discours a été reçu cinq sur cinq à Pyongyang et à Téhéran : pour pouvoir suivre le président américain dans son ascension vertueuse vers les sommets de la paix perpétuelle, il convenait, selon eux, de se doter préalablement des armements en question. En effet, quelle gloire tirer de la renonciation solennelle à un arsenal dont on n’est pas encore pourvu ?

En quelques semaines, le complexe militaro-industriel à la botte du grand leader Kim Jong Il parvient à faire péter une bombinette en sous-sol et à tirer quelques missiles susceptibles de dissuader des voisins malveillants, comme le Japon ou la Corée du Sud, de venir mettre leur nez dans les affaires de la plus kitsch des dictatures communistes survivantes.

De son côté, Téhéran a fait savoir au « Groupe des Six » (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité plus l’Allemagne) qui conduit la négociation sur le nucléaire iranien qu’il n’y avait plus rien à discuter. Pour se faire bien comprendre, les Persans ont procédé au tir, réussi cette fois-ci, d’un missile d’une portée de 2000 km, donc capable de porter une charge nucléaire vers un pays de la région que nous ne nommerons pas, pour ne pas lui faire de publicité. Tout le monde, bien sûr, a condamné ces agissements dans les termes les plus vifs, dans des communiqués sans équivoques et des résolutions de l’ONU dont les termes sont pesés au trébuchet, mais de sanctions, des vraies, de celles qui font mal, il n’est pas question, du moins pour l’instant. Obama persiste à vouloir « dialoguer » avec les mollahs, et les Chinois s’opposent à ce que l’on punisse leur voisin coréen. Pékin préfère tenir lui-même la laisse de ce pays pitbull, plus ou moins serrée en fonction de ses intérêts du moment.

Alors, Obama serait-il un peu mou du genou ? Du genre à prendre des baffes et à dire merci ? Ce serait faire bon marché de la fermeté et de l’intransigeance dont il vient de faire preuve vis-à-vis de Bibi Netanyahou: plus un seul cabanon, même pas un chiotte au fond du jardin, ne doit être construit dans les implantations juives de Cisjordanie, y compris dans celles que son prédécesseur Georges W. Bush avait implicitement désignées comme devant être rattachées à Israël lors d’un éventuel règlement final. Cela n’a pas échappé à Ahmed Qoreï, qui dirige pour l’Autorité palestinienne les négociations avec Israël. Alors que, jusque-là, les Palestiniens n’évoquaient jamais les noms des villes pouvant être incluses dans un échange de territoires, ils demandent maintenant que les localités de Maale Adoumim et Givat Zeev, proches de Jérusalem reviennent au futur Etat palestinien, en proposant généreusement que leurs habitants puissent jouir de la double nationalité, israélienne et palestinienne. Une hypothèse qu’aucun gouvernement israélien, même composé de la gauche et de l’extrême gauche sioniste, ne pourrait accepter.

Il semble que Barack Obama se soit laissé persuader que le conflit israélo-palestinien était « la mère de tous les conflits » de la région et que sa solution rapide conditionnait l’acceptation, par monde arabo-musulman d’une cohabitation harmonieuse avec l’Occident, Israël compris. Cette illusion, qui fait l’impasse sur l’instrumentalisation de ce conflit par des régimes dictatoriaux ou autoritaires pour détourner leurs peuples de la révolte contre ses dirigeants, est tout aussi, sinon plus, porteuse de dangers, que l’approche musclée de son prédécesseur. L’acceptation du fait israélien par les Etats arabes n’implique nullement la reconnaissance de sa légitimité, voilà ce que répètent en boucle les responsables arabes, même réputés modérés, un discours que les partisans occidentaux de l’alliance des civilisations font mine de ne pas entendre.

N’appartenant pas au premier cercle des conseillers qui entrent sans frapper dans le Bureau ovale de la Maison Blanche, je ne peux vous révéler ici en primeur le texte du déjà fameux discours du Caire. Mais j’ai comme l’impression qu’il va contribuer, comme celui de Prague, à l’accroissement du bordel ambiant.

Ça balance au Quai

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Le ministère des Affaires étrangères vient de porter plainte contre X à propos de fuites régulières qui font atterrir des documents classifiés sur le bureau de Claude Angeli, rédacteur en chef du Canard Enchaîné. Comme nous vous l’avions déjà fait remarquer ces fuites ont une source aussi claire qu’évidente : elles proviennent de diplomates de haut rang appartenant à la « rue arabe » du Quai d’Orsay, ces excellences islamophiles qui ne digèrent pas le tournant un peu plus atlantiste et un peu moins défavorable à Israël pris par la diplomatie française depuis l’élection de Nicolas Sarkozy. Les flics sont donc sommés de fouiller à corps les distributeurs de Ferrero-Rocher soupçonnés de se servir du fax de leur ambassade en dehors des heures de services, et de leur balancer quelques baffes pour leur délier la langue s’ils se murent dans un diplomatique silence. Quant au bénéficiaire de ces fuites, il est quelque peu gonflé de se présenter en paladin du journalisme d’investigation victime de l’énervement kouchnérien : depuis quand un facteur possède-t-il une carte de presse ?

Vol 447 : l’information en deuil

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Comme disait l’autre, c’est pas parce qu’on n’a rien à dire qu’on doit fermer sa gueule… C’est à voir… En tout cas, c’est ce qu’on n’aura pas vu et pas entendu après la catastrophe aérienne d’hier. Depuis sa disparition des écrans, le vol Rio-Paris monopolise nos écrans.

Personne ne niera que cette abominable tragédie en soit une. Ni même que ce soit une information capitale. Alors, on en parle et, depuis 24 heures, on ne parle même que de cela. Le seul problème, c’est qu’à l’heure où ces lignes sont écrites, on ne sait pour ainsi dire rien. Donc on en parle. Où plutôt, on meuble, pour occuper l’antenne de la radio ou de la chaîne d’info en continu. Je ne sais rien, mais je dirai tout.

Depuis hier midi, l’aéroport Charles-de-Gaulle est devenu l’endroit où il faut être quand on est un journaliste chaud sur l’info. Et faire chauffer du rien, c’est raide. Alors on scrute le néant, on sonde l’affliction des « gens ». Ceux qui ont vraiment perdu quelqu’un dans l’Airbus sinistré ont hélas autre chose à faire que de répondre à l’envoyé spécial de RTL ou France Info. Alors on met en route le grand huit de l’angoisse du voyageur lambda, la peur de ceux qui montent dans un avion pour Sao Paulo. Lequel doit passer juste au-dessus de la zone ou l’AF 447 a disparu. Puis une jeune fille qui descend d’un Pékin-Paris et fond en larmes en apprenant de la bouche d’un touriste américain qu’elle ne connaît pas « l’horrible nouvelle ». Le journaliste – mais peut-être faut-il dire « le grand reporter » – nous décrit ensuite par le menu l’ambiance « étrange » qui règne à Roissy. Etonnant, non, vu le nombre de caméras, de nagras et de crétins avides de témoignages anxieux ?

En studio, ça ne vaut pas plus cher. L’essentiel, sur ce drame dont on n’a ni le son, ni l’image, c’est de montrer sa douleur de journaliste compassionnel. À l’instar de cette présentatrice de LCI qui, à 8 heures pile, se souvient soudain qu’il ne faut pas servir aux clients le sourire formaté standard au moment de dire bonjour, et affaisse brutalement, face caméra, la commissure des lèvres pour prendre un air de circonstance.

Après l’émotion, place à l’information. Ou à ce qui en tiendra lieu. En l’occurrence, de la bribe de néant, sur laquelle on brode et rebrode. Promis, vous saurez tout sur le Rien. Sur les caméras à infrarouge de l’armée de l’air brésilienne, sur la mise en place de cellules d’aide psychologique « destinées à accompagner les familles », sur l’hébergement de ces mêmes familles dans des chambres réquisitionnées dans tous les hôtels de la zone de Roissy et Air France « qui prendra tous les frais à sa charge ». Sur la minute de silence ce soir à Geoffroy Guichard, avant le match amical France-Nigéria et les vingt-deux joueurs « qui porteront tous un brassard noir ». On ne nous dit pas si l’arbitre en portera un lui aussi. Mais on l’apprendra sans doute dans un autre flash d’info.

Et puis il y a aussi les déclarations de Nicolas Sarkozy, d’Hervé Morin, de toute une flopée de ministre plus ou moins concernés mais également consternés. I-Télé a même réussi à obtenir sur la question une interview exclusive de Barack Obama. On sent qu’ils meurent d’envie de crier au scoop mais qu’ils se retiennent très fort. La décence, sans doute.

Sinon, les vraies questions ? Là, curieusement on n’y répond pas, d’ailleurs on les pose pas non plus. On n’osera pas penser qu’une fille qui fait une crise d’hystérie en direct live, c’est plus porteur qu’une analyse un peu technique du drame…

En temps ordinaire, on s’énerve parce que les médias devraient avoir des choses passionnantes à nous dire, et qu’ils ne nous disent pas grand-chose. Alors, quand ils doivent tenir l’antenne H 24 et qu’ils n’ont vraiment rien à dire, là, c’est la catastrophe.

Ni Friedman, ni Keynes

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La crise que nous vivons n’a pas encore ses chansonnettes mais elle a déjà sa mythologie avec ses bons, ses brutes et ses truands. Selon la légende qui est en train de gagner l’opinion publique, depuis 1945 notre existence s’écoulait doucement sous le giron de l’Etat-providence quand soudain, au bout de la rue principale de notre petite ville pépère, surgirent les trois cavaliers de l’apocalypse : Milton Friedman, Margaret Thatcher et Ronald Reagan. Par obstination et cupidité, ces trois là ont tout détruit sur leur passage. Avec leurs armées de traders, actionnaires, conseillers en stratégie et autres titulaires de MBA, ils se sont emparés de la richesse des peuples et ont piétiné leurs acquis sociaux. Ainsi commença la trentaine désastreuse, l’ère de l’argent-roi et du marché-dieu. Puis notre pouvoir d’achat, à nous les vrais gens, dégringola.

L’heure de la vérité a enfin sonné. Les masques sont tombés, et l’heure est venue de se lever comme un seul homme contre les Dark Vador de la planète noire « CAC 40 » (ou caca-rente comme l’a dit récemment l’auteur d’un Dictionnaire des gros mots cachés dans les mots).

Sauf qu’il suffit de feuilleter quelques journaux de 1977 (année de la sortie de Star Wars), pour se rendre à l’évidence : le modèle économique de l’après-guerre, malgré son « keynésianisme » considéré aujourd’hui comme la panacée universelle et une vérité révélée, a fait naufrage – en grande partie à cause de l’excès de keynésianisme de même que celui qui lui a succédé s’est planté pour excès de libéral-monétarisme. Certes, la crise pétrolière d’octobre 1973 est aussi passée par là : mais elle a révélé les faiblesses su système plus qu’elle ne les a créées.

Le chômage, OVNI méconnu dans les années 1960, est passé en France de 3 % (690.000) en 1974 à 7 % (1.500 000) en 1981, pour devenir un enjeu central du débat politique. Ces années furent si terribles qu’en 1979, Jean Fourastié appela les trois décennies qui les avaient précédées les Trente glorieuses, un peu comme les années 1900 étaient devenues une Belle époque après 14-18. Il est toujours joli, le temps passé, surtout au lendemain d’un désastre. Il suffit de se remémorer le sort des ouvriers de Renault dans les années 1960-1970 pour comprendre qu’il y a une certaine incongruité à faire passer cette époque pour un âge d’or.

Bien avant la mondialisation et la délocalisation, le chômage, les déficits et l’inflation des années 1970 avaient révélé que le modèle économique et social (le capitalisme syndicalo-étatique) était à bout de souffle. Trop lourd financièrement, sclérosé et sclérosant, il a obligé les gouvernements à recourir massivement à l’emprunt pour financer non pas les investissements à long terme mais les dépenses courantes et les transferts sociaux. En clair, le nouveau modèle économique est né non pas de la cupidité de certains acteurs, mais tout simplement de la décrépitude de son prédécesseur (et aussi, comme l’a parfaitement expliqué Gauchet de l’incapacité des élites françaises à s’adapter à la nouvelle configuration planétaire).

Une fois la reconstruction de l’après-guerre achevée et le différentiel des niveaux de vie entre les deux rives de l’Atlantique résorbé, il a bien fallu trouver d’autres gisements de croissance. Deux directions ont été explorées, les gains de productivité dans la production et l’invention de nouveaux modes de financement. Ainsi est né le « capitalisme financier ». En matière de production, le nouveau modèle reposait sur la sous-traitance de certaines activités et la mise en concurrence généralisée. Pour le financement, l’idée était de faciliter la rencontre entre les investisseurs et les projets projet-capital tout en réduisant les risques, à travers de nouveaux produits financiers de plus en plus sophistiqués et de plus en plus abstraits.

Prenons l’exemple simple d’un constructeur automobile dans les années 1970. Tout le monde, du vigile au PDG, est salarié de la même boîte et tous les composants – du rétroviseur au châssis en passant par les sièges – sont fabriqués en interne. Quand cette entreprise tombe gravement malade autour de 1980, on trouve en tâtonnant la solution de la sous-traitance. L’atelier des sièges, devenu une société anonyme indépendante, peut fournir d’autres constructeurs, étendre ses compétences aux sièges pour avions de lignes, il peut même fabriquer des jardinières s’il y trouve son compte. Mais outre les dégâts sociaux qu’elles engendrent (on demande à des régions entières de changer de vie) ces restructurations demandent d’énormes volumes de capitaux. D’où la création de nouveaux produits et de nouveaux marchés qui sont à leur tour emportés par leur propre logique.

Dans cette nouvelle configuration des forces, ce sont les managers qui prennent le pouvoir et qui, instaurent la logique d’entreprise (c’est-à-dire du profit), là où elle est nécessaire, mais aussi, de plus en plus au fur et à mesure de l’usure du modèle, là où elle a des conséquences funestes. L’objectif de l’atelier de sièges de Renault est d’équiper les voitures qui sortent des chaînes. Celui de l’entreprise sous-traitante est de gagner de l’argent. Les légions de jeunes gens sortis des écoles de commerce et pavés de MBA (le diplôme phare des années 1980 et 1990) ont servi à mener à bien cette révolution : ils en ont été l’aile marchante, l’avant-garde éclairée et la classe gagnante.

Dans les années 1970, la perte de pouvoir et de prestige de l’Etat a été accentuée, dix ans plus tard, par la chute de l’Union soviétique. La transformation de la Régie (Renault) en SA cotée en Bourse en a été à la fois la démonstration et le symbole : le « privé », pense-t-on alors, est toujours plus performant (et plus glamour) que le « public ». Autrement dit, les réponses pragmatiques à une crise de l’économie d’après-guerre sont peu à peu devenues un dogme enseigné comme une vérité dans toutes les universités du monde : comme le keynésianisme avant lui, le libéral-monétarisme est devenu une idéologie, c’est-à-dire un voile jeté sur le réel. À bien des égards on a assisté au retour des vieux slogans du « laissez faire ! laissez passer ! » La vérité, bien sûr est que la puissance publique ne peut ni tout interdire, ni tout autoriser.

En même temps, les inconvénients du nouveau modèle sont devenus de plus en plus évidents et surtout la pression à la baisse que le libre échange intégral et la concurrence non régulée exercent sur les salaires et sur la demande globale. Pendant les Trente glorieuses, le rôle de l’Etat répondait à une exigence de protection des salariés-électeurs, en clair à un objectif politique. Dans la phase suivante, le règne d’un consommateur qui n’est que secondairement citoyen, a laissé le champ libre aux techniciens de la finance, du marketing et de la rentabilité. Le salarié-électeur devenu salarié-consommateur s’est trouvé seul a eu tendance à compenser la baisse de ses revenus par un recours à l’endettement. En même temps, la baisse des prix est devenue une revendication politique majeure – le salarié manifeste contre les délocalisations mais le consommateur veut acheter un écran plat à bas prix.

Cette logique montre aujourd’hui ses limites. En clair, les nouvelles règles du jeu, tout en sauvant et créant des emplois, ont structurellement affaibli le travail par rapport au capital, avec, comme conséquence, la réduction de la part de la richesse créée revenant aux salariés. Le pouvoir d’achat des salaires a augmenté de 4 % à 5 % par an pendant les décennies 1950-1960 tandis que depuis le milieu des années 1970 son taux annuel de croissance a stagné autour de 1,3 % – 1,4%.

Nous nous trouvons donc non pas devant un seul cadavre – celui de l’économie financière – mais devant deux cercueils car le modèle « 46-73 » est tout aussi mort. L’ère de la Régie Renault est révolue, tout autant que celle des subprimes. Comme dans les années 1980, le nouveau modèle ne va pas surgir subitement mais plutôt s’imposera petit à petit après des années de tâtonnements. Et puis il périra à son tours par excès d’assurance et de dogmatisme.

Préférence communautaire ?

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Dans un article sur le remaniement à venir, le dernier numéro de Valeurs Actuelles évoque la poursuite de la politique d’ouverture à gauche du président. On y parle, bien sûr du probable Claude Allègre, mais aussi de l’actuel adjoint à la Culture de Bertrand Delanoë, Christophe Girard, approché, sur les conseils de Carla Bruni, pour remplacer Christine Albanel, qui, d’après nos confrères, « n’aurait pas convaincu ». C’est vrai qu’on a beau avoir les idées larges, une mère de famille rue de Valois, c’était un peu n’importe quoi.

Pour une polygamie à la française

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Qui l’eût cru ? La Suisse aussi est touchée par la délinquance. Ce pays, que l’on croyait plutôt spécialisé dans l’exil fiscal des mythes nationaux comme Johnny ou le palace-maison de repos pour écrivains chics comme Nabokov et Chardonne, est victime de ce fléau que l’on croyait réservé à des sociétés moins policées. Ainsi, Genève, Lausanne, Zurich ne sont plus seulement un rendez-vous pour anciens espions qui prennent le thé dans les bars des grands hôtels en dégustant des petits sandwichs au concombre et en racontant leurs souvenirs de la guerre froide : elles sont devenues de banales métropoles mondialisées avec des camés, des ouliganes, des putes, voire des artistes de rue.

Plus terrifiant encore au pays des merveilleux Fendants du canton de Vaud et des comptes anonymes des succursales de banquiers protestants, cette délinquance est d’abord celle des mineurs, ces petits cons qui depuis Graine de violence et Orange mécanique terrorisent, blessent, violent, brûlent, insultent, oublient leur carnet de correspondance, tirent à la kalachnikov sur les forces de l’ordre, font de la mobylette sans casque et se font renverser exprès par les voitures de la BAC qui voulaient juste leur signifier poliment l’infraction. C’est vrai, quoi, ces sales mômes rendent la vie insupportable aux honnêtes gens alors qu’ils vivent dans nos merveilleuses sociétés d’abondance où la concurrence est libre et non faussée. La Suisse, pays pragmatique s’il en est a donc mené une étude pour tracer le profil type de ces nouveaux monstres à peine pubères et déjà si méchants.

Un certain Marcelo Aebi, vice-directeur de l’Ecole des sciences criminelles de l’université de Lausanne, a été chargé de ce rapport sur le péril jeune. « As-tu déjà endommagé quelque chose pour t’amuser, comme un abribus, une fenêtre ou un siège dans un train ? As-tu déjà volé quelque chose dans un centre commercial ? As-tu déjà fumé de l’herbe[1. Plusieurs contributeurs et non des moindres de Causeur ont répondu oui à une ou plusieurs questions.] ? » Voici quelques exemples des 79 questions auxquelles 3648 adolescents de Suisse âgés de 13 à 16 ans ont eu à répondre, sous le sceau de l’anonymat.

Marcelo Aebi vient d’en dévoiler les premiers résultats : 39,7 % des jeunes issus de familles traditionnelles – dites aussi « intactes » – avouent avoir commis un acte hors la loi. Les adolescents issus de familles monoparentales sont, eux, 48,4 %.

C’est sans appel.

Après le constat, il faut trouver des solutions. On voit que la priorité des priorités est d’en finir avec la mère célibataire, cette pourvoyeuse de petits démons. D’ailleurs, toujours d’après M. Marcelo Aebi, ce n’est même pas quand elle trouve ou retrouve un mari que les choses s’améliorent : les adolescents issus de familles recomposées sont 58,4 % à reconnaître des actes délictueux.

Nous n’avons pas, à Causeur, l’habitude de nous défiler, de nous complaire dans une culture de l’excuse ou de nous replier sur des solutions toutes faites qui coûtent cher au contribuable et ne servent à rien : pourquoi en effet payer pour des éducateurs islamo-gauchistes, des profs feignasses et démagogues ou des policiers de proximité qui passent leur temps à jouer au foutebaulle avec ces petits voyous qui sont capables de braquer une vieille pendant le quart d’heure de la mi-temps, quand le score AS délinquants / RC ilotiers est déjà de 5-0, ce qui est quand même assez humiliant pour les forces de l’ordre.

Oui, pourquoi, alors que ce qui manque à la maison, c’est un homme, un vrai qui sait donner la punition quand c’est nécessaire.

Il n’y en a pas trente-six, étant donné que le nombre de mères célibataires est inversement proportionnel à celui d’hommes qui en ont vraiment. Il faut autoriser la polygamie, que dis-je, il faut l’encourager. Je préconise donc la création d’une commission interministérielle sur la question réunissant, avant même un éventuel remaniement, Nadine Morano pour la Famille, Besson pour l’Identité nationale, Mam pour l’Intérieur, Dati pour la Justice, Amara pour la Ville et Darcos pour l’Education nationale. On écartera dans un premier temps Christine Boutin qui risque d’apprécier moyennement, mais on sait qu’il n’y a pas plus conservateurs dans ce pays que les catholiques si ce n’est les syndicalistes de SUD rail.

Quelques mesures fiscales simples, des initiatives concernant le logement et une redéfinition du code de la famille devraient pouvoir assez rapidement tracer les contours d’une polygamie à la française que le monde nous envierait, une polygamie facteur de paix civile et d’intégration.

Je me déclare ainsi prêt, à titre personnel, à soutenir cet effort national. Je suis prêt, sous réserve d’un doublement de ma surface habitable, à épouser, mettons une Ukrainienne aux yeux bleus, une Peulh aux jambes interminables, une Kabyle aux yeux de biche comme dans une chanson de Frank Alamo, voire une Rom de nationalité indéterminée mais à la poitrine généreuse et consolante.

Et les mômes qui vont avec, me direz vous ?

Eh bien, je les mettrai à l’école l’hiver et au centre aéré l’été. Manquerait plus que je me laisse envahir par ces morveux.

Vous ne croyez pas que j’aurai autre chose à faire, non ?