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Des prolos pas très raffinés

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Faut pas chatouiller l’entrepreneur avec des grèves en ce moment. 900 employés d’une raffinerie de Total à Lindsey en Grande-Bretagne vont le comprendre lundi en recevant leur lettre de licenciement. La semaine dernière, les impudents salariés du chantier de construction de l’usine avaient débrayé pour protester contre une première vague de 51 licenciements. Total excipe de l’illégalité de la grève sauvage pour virer les ouvriers. Mais c’est peut-être aussi l’occasion pour la multinationale de se dépêtrer d’une sale situation. Depuis janvier, les mouvements sociaux venus de la base se multiplient contre le recours par un sous-traitant de Total à de la main d’œuvre portugaise et italienne sous-payée. Le site avait déjà été le théâtre, fin janvier, d’une grève sauvage d’une semaine. Le mouvement s’est étendu en Angleterre, provoquant l’embarras des syndicats. Salement coincés entre la peur panique d’être taxés de racistes et le légitime souci de protéger le salaire minimum anglais (non respecté par les sous-traitants), les Trade Unions sont pour l’instant aux abonnés absents. Le patronat britannique, lui, est aux anges et entend continuer à profiter des récentes décisions de justice des juridictions européennes, qui permettent d’employer de la main d’œuvre étrangère à des salaires différents. Les amis français des droits de l’homme, très chatouilleux quand Total fait des bêtises en Birmanie, n’ont pas l’air de considérer cette violence sociale comme étant de leur ressort. C’est vrai quoi, pour une fois qu’une multinationale est du côté du Bien et sanctionne avec la dureté qui s’impose des actes xénophobes…

Mollah contre mollah

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Le guide suprême de l’Iran, l’ayatollah Khamenei, devait consacrer aujourd’hui le prêche du vendredi à l’élection présidentielle et à la contestation qui n’a cessé de monter à Téhéran et de s’étendre à tout le pays depuis le 12 juin. Il avait été l’un des seuls dignitaires religieux iraniens à féliciter Mahmoud Ahmedinejad de sa réélection, tandis que le haut clergé chiite gardait prudemment le silence sur la sincérité du scrutin. Qui ne dit mot consent ? Les proverbes ne valent pas en Iran, où rien n’est jamais simple. Pilier de la Révolution islamique de 1979 et défenseur d’un assouplissement du régime façon Khatami, l’ayatollah Montazeri, qui, dans les années 1980, était considéré comme le plus probable successeur de Rouhollah Khomeini avant de s’en éloigner, est sorti cette semaine du bois. Plusieurs autres grands mollahs lui ont emboîté le pas, réclamant le recomptage des voix, voire la tenue de nouvelles élections. Ali Khamenei, le guide suprême, se retrouve aujourd’hui dans une position extrêmement délicate : s’il persiste à apporter son soutien au président Ahmedinejad, il confine nolens volens Mir Hossein Moussavi dans un rôle d’opposant. Ce n’est pas simplement le régime qu’il risque de faire vaciller, mais le principe même de la Révolution islamique : comment s’imaginer un président de la République des mollahs compter dans les rangs de sa future opposition la quasi-totalité de la hiérarchie chiite du pays ? La situation deviendrait très vite intenable.

Certes, on a beau se dire qu’il faut se lever de bonne heure pour trouver la moindre différence idéologique entre Mahmoud Ahmedinejad et Mir Hossein Moussavi. Sur l’essentiel, les deux ne sont pas fâchés : l’enfer est américain et sa succursale régionale est israélienne. Les deux pensent également, du moins officiellement, qu’une petite bombinette atomique arrangerait les affaires iraniennes… Seulement, l’accession au pouvoir de Mir Hossein Moussavi pourrait faire considérablement évoluer la situation. L’ancien Premier ministre iranien n’est pas un perdreau de l’année, mais rien n’exclut qu’il ne relance les projets de démocratisation du régime, portés un temps par Mohammad Khatami et l’Alliance des réformateurs. D’ailleurs, aurait-il un autre choix ? Malgré la croissance économique, c’est l’autoritarisme du Shah qui avait précipité sa chute en 1979 et fait accéder les mollahs au pouvoir. Il se pourrait bien que les mêmes causes produisent les mêmes effets et que le durcissement ces dernières années du régime d’Ahmedinejad provoque son éviction. Privé du soutien de la hiérarchie chiite et payant également le prix fort pour une politique économique désastreuse (avec un taux de chômage et une inflation jamais vus), Ahmedinejad pourrait bien également être la victime collatérale de la dernière élection américaine. Car, en clamant haut et fort son refus de s’immiscer dans les affaires intérieures iraniennes, puis en laissant ouverte la porte au dialogue avec Téhéran, Barack Obama joue un sale tour au président Ahmedinejad, désormais privé de sa massue rhétorique : être le défenseur de l’Iran contre le grand Satan américain…

En attendant, la contestation grandit en Iran. Réalisatrice de Persepolis, l’illustratrice Marjane Satrapi convoquait il y a deux jours la presse à Bruxelles pour exhiber la copie d’une note adressée par le ministre de l’Intérieur iranien au guide suprême. Ce document, qui corrobore les informations dont Alexandre Adler nous avait fait part, indique que Mahmoud Ahmedinejad n’aurait recueilli que 12 % des voix à l’élection présidentielle[1. Total des votes : 42 026 078. Moussavi : 19 075 623. Karoubi : 13 387 104. Ahmedinedjad : 5 698 417. Rezai : 3 754 218. Votes annulés : 38 716.], largement distancé par Mehdi Karroubi et Mir Hossein Moussavi. Le document circule depuis trois jours en Iran et s’échange par mail au sein des élites iraniennes et des classes moyennes du pays, sous cette forme qui nous a été transmise par des amis d’Iran que nous remercions.

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Evidemment, l’on prendra tout cela avec des pincettes. Un mail peut bien venir d’amis, il peut bien avoir été expédié d’Iran : le fake n’a pas de frontière. Seulement, au-delà de son authenticité, un tel document nous renseigne sur l’état d’esprit de la contestation. En plaçant Mahmoud Ahmedinejad à la troisième place du scrutin, ce n’est pas la régularité de son élection que ses opposants mettent en cause, mais sa légitimité. François Bayrou vous le dira : on a beau se monter le bourrichon tous les matins en se rasant (exercice périlleux au pays des barbus), arriver troisième à une élection n’est pas grand chose…

Moussavi ou Ahmedinejad, donc ? Allez savoir. L’Occident a tout intérêt à ne pas s’immiscer dans ces affaires-là et l’on pourrait déroger à la loi républicaine pour imposer le port – provisoire et symbolique – de la burqa à certains de nos ministres qui se croient obligés de monter sur leurs petits poneys et de prendre parti. Chaque fois qu’une chancellerie occidentale apporte son soutien à Moussavi, c’est Ahmedinejad qu’elle favorise. Unanimes, les belles âmes avaient chanté Obama sur tous les tons lors de son accession à la Maison Blanche, elles feraient bien aujourd’hui de l’imiter et de se taire. Le président américain joue très serré. Alors qu’un changement politique en Iran l’arrangerait pour accélérer le processus de paix au Moyen Orient (dans le conflit israélo-palestinien, comme en Irak), il s’en tient à une ligne : renvoyer dos à dos Moussavi et Ahmedinejad, minorer leurs différences et arguer que l’un et l’autre sont hostiles aux Etats-Unis… Ponce Pilate a un gamin : il fait de la politique à Washington et ça ne lui réussit pas trop mal.

L’hypothèse Moussavi n’est certes pas la panacée, mais elle n’en reste pas moins plus souhaitable que le statu quo. Pour une bonne raison : cet architecte, originaire de Khameneh, à l’Est de l’Azerbaïdjan, est azéri. Culturellement, il est proche des Turcs et de tous les Turkmènes qui ont essaimé dans la région. Pendant la campagne, il est allé jusqu’à revendiquer son identité azérie, en prononçant à Tabriz, dans le nord-ouest du pays, un discours en turc azéri, alors même que l’enseignement et la pratique de cette langue sont vus du plus mauvais œil par Téhéran. Il n’est donc pas dit que l’accession au pouvoir de Moussavi, culturellement proche de la Turquie, n’inciterait pas à un rapprochement assez rapide entre Ankara et Téhéran, au nom d’un revival de cet ottomanisme qu’on croyait disparu depuis l’abolition de l’Empire par Atatürk en 1922. Certaines vieilles idées ont la dent dure. Et ce pourrait être là une promesse de stabilité pour tout le Moyen Orient et un facteur de développement pour l’Iran.

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Droit d’asile

La scène se passe dans un petit aéroport, manifestement latino-américain. La climatisation ne fonctionne pas très bien. Un policier moustachu en sueur a l’air un peu embêté devant un voyageur qui lui tend ses papiers.

– Vous pouvez me répéter la raison pour laquelle vous voulez venir cher nous ?
– Asile politique, Monsieur l’agent.
– Vous demandez l’asile politique chez nous ? Mais on n’est pas très riche, vous savez. On essaie de changer les choses, mais c’est encore en chantier…
– M’en fiche, je demande quand même l’asile politique.
– Vous venez d’où ?
– D’où je viens ? Je vais vous dire d’où je viens, Monsieur l’agent. Je viens d’un pays où l’on veut mettre l’âge légal de la retraite à 67 ans. Je viens d’un pays où l’on risque d’élire une mairesse d’extrême droite dans une vieille ville ouvrière. Je viens d’un pays où la chef du parti socialiste propose « une maison commune de la gauche », alors qu’elle a dans son parti à la fois le président du Fonds Monétaire international, l’institution spécialisée dans la ruine des économies du tiers monde, et le maire d’une commune de banlieue qui trouve qu’il y a trop de nègres chez lui. Je viens d’un pays où le président de la République s’apprête à parler devant les parlementaires, mais ne débattra pas avec eux. Je viens d’un pays où 16 % des gens sont persuadés d’avoir fait un vote progressiste en donnant leurs voix à un ex-soixante-huitard écolo, qui trouve que l’économie de marché, c’est très bien. Je viens d’un pays où des récolteuses de fraises et d’asperges venues de Pologne et de Roumanie sont logées dans des baraquements, sur des terrains vagues, et payées six euros par jour. Oui, six. Je viens d’un pays où il y a un ministère de l’Identité nationale. Je viens d’un pays où l’on a enfermé pendant six mois sans preuve un jeune philosophe, parce qu’il aurait écrit un livre qui aurait pu inspirer des saboteurs de TGV, ce qui fait quand même beaucoup de conditionnels pour mettre quelqu’un en zonzon au nom de l’antiterrorisme. Je viens d’un pays où ce n’est pas la crise pour tout le monde, où le Salon du chien bat des records d’affluence et où de plus en plus de médecins refusent d’appliquer la loi sur la Couverture Maladie Universelle. Je viens d’un pays où, à dix ans, vous pouvez vous retrouver chez les flics pour un vol de vélo. Et pour un vol de sucette, on ira chercher le receleur du bâton ? Je viens d’un pays où l’on a détruit 180 000 emplois en 2009, mais où les syndicats sont infoutus de réunir plus de 150 000 personnes dans une manif. Je viens d’un pays où, aux dernières élections, sans qu’il y ait besoin de bourrer les urnes, 88 % des gens se sont prononcés pour le pouvoir en place. Bah oui, Monsieur l’agent, faut comprendre 28 % pour le parti du président, plus 60 % d’abstentionnistes, ça fait 88 %. Et qu’on ne vienne pas me dire que les abstentionnistes sont de pauvres gens dégoûtés. Ce sont des complices, oui ! Qui ne dit mot consent, comme dit un proverbe de chez nous. Je viens d’un pays où l’on a inventé un truc qui s’appelle le RSA. Votre patron vous paie mal, c’est pas grave, c’est la collectivité qui mettra au pot pour que vous puissiez acheter de temps en temps de la bolognaise pour les spaghettis. Et enfin, pour finir, Monsieur l’agent, je viens d’un pays où une autorité supranationale appelée Commission européenne va venir trafiquer mon vin et m’empêcher de manger de la boulette d’Avesnes, mais va être incapable de garantir une durée légale du travail… Voilà, Monsieur l’agent, d’où je viens.
– Eh bah, mon pauvre vieux… Tenez, voilà, je tamponne votre passeport.
– Merci, Monsieur l’agent
– Vous venez d’où, à propos ?
– De France…
– Vous rigolez : La Marseillaise, Liberté, Egalité, Fraternité, tout ça ?
– Bah ouais, mais tout ça, c’est plutôt mal barré.
– Je vois. Alors, bienvenue au Venezuela, Monsieur. Et vive Hugo Chavez !

Un troisième homme peut en cacher un autre

Présentant hier à la librairie Kléber de Strasbourg (la seule librairie de France où vous pouvez vous procurer le mensuel Causeur, sans vous y abonner) son nouveau livre, Le monde est un enfant qui joue, Alexandre Adler a déclaré qu’il venait de s’entretenir avec certains de ses amis de Téhéran. Des conversations très instructives : selon eux, Mahmoud Ahmenidejad ne serait pas arrivé en première position de l’élection iranienne, ni même en deuxième derrière Mir Hossein Moussavi, mais en troisième… De quoi mieux saisir encore la mesure de la colère des Iraniens et le fléchissement du Guide suprême de la République islamique, l’ayatollah Khamenei, qui hier s’est déclaré prêt à faire recompter les voix, sans pour autant remettre en cause le résultat de l’élection – allez comprendre ! Ahmenidejad, troisième homme ? Et personne ne l’a encore démarché pour lui refiler une carte au Modem ?

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Bac philo, tous les sujets

Jeunes gens qui, ce matin, passez le bac philo, oubliez tout, mais sachez une seule chose : vous allez souffrir. Peut-être avez-vous eu la chance de vous asseoir cette année devant un professeur dont l’élocution, le caractère ou l’odeur vous auront convaincus de garder à jamais vos distances avec la philosophie. Peut-être pas. En ce cas, l’épreuve de ce matin sera le coup de grâce. La plupart de mes confrères gardant un œil jaloux sur leur discipline, qu’ils qualifiaient jusqu’à peu de reine des sciences, ils s’évertuent à en dégoûter quiconque commencerait à y porter le moindre intérêt. Et, pour tout dire, leur stratagème ne réussit pas mal.

Mais comme le disait Diogène de Sinope : à Causeur, on n’est pas chien. Donc, voilà en exclusivité les corrigés des sujets du bac 2009 – toutes séries confondues.

La perception peut-elle s’éduquer ?
Les profs de philo se croient tout permis. Il faudrait leur rappeler qu’eux aussi sont fonctionnaires et que leurs collègues travaillant dans des perceptions sont aussi bien éduqués qu’eux.

Peut-on parler pour ne rien dire ?
Oui.

Que gagnons-nous à travailler ?
Du pognon, et puis c’est tout. Si vous estimez que cette réponse est insuffisante, n’hésitez pas à citer le spécialiste incontestable de la question, Henri Salvador. Il écrivait dans un fragment tardif de sa Gesammelte Werke : « Le travail, c’est la santé. Rien faire c’est la préserver. » Si vous parvenez à restituer la citation en allemand, vous êtes sûr d’empocher la mention. Votre correcteur sera tout aussi agréablement surpris, si vous lui balancez une phrase de Rousseau : « L’homme est naturellement paresseux. » Rajoutez que Marcel Jouhandeau (qui aimait la philosophie et l’Allemagne) était bien de cet avis, lui aussi. Concluez par un rapide : « J’ai vu Home et tout irait mieux dans le monde si on était des bio-feignasses. »

Y a-t-il une vérité en histoire ?
Oui. C’est la raison pour laquelle l’homme africain, qui n’est pas encore assez entré dans l’histoire, se tient assez éloigné de la vérité. « T’as vu l’heure ? Et l’homme africain qui n’est toujours pas rentré !… » (Henri Guaino)

Y a-t-il d’autres moyens que la démonstration pour établir une vérité ?
Oui. Il y a le marteau (Nietzsche). Et la matraque.

Peut-on désirer sans souffrir ?
Bien sûr que oui. Du moment qu’on a du pognon. Et si d’ailleurs, à cinquante ans, on est un prof de philo qui s’échine à corriger des copies de bac sans avoir toutefois les moyens de se payer une Rolex, c’est qu’on a raté sa vie. Si ton papa possède une bijouterie et qu’il revend de l’horlogerie de qualité, n’omets pas de noter son numéro de portable en bas de la copie. Merci pour eux.

Pourquoi voulons-nous être libres ?
Optez pour un plan thèse-antithèse-synthèse. Les deux premières parties reprendront, bien entendu, la distinction que Benjamin Constant établit entre le concept de liberté chez les Anciens et chez les Modernes. Puis, imaginez un instant (mais un instant seulement) que vous êtes membre du bureau politique du Parti socialiste, prenez votre plus belle plume et rédigez-nous une belle synthèse démontrant que le Vélib abolit la question de la liberté – à condition qu’il y en ait un de libre stationné près de chez vous.

« On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. » Héraclite.
C’est très juste. Surtout pas après déjeuner.

Doit-on apprendre à devenir un homme ?
« Y a intérêt. » (Amanda Lear)

« Ce qu’on ne peut pas dire, il faut le taire. » Ludwig Wittgenstein.
Ne pas hésiter à remettre en cause l’énoncé. Il faut vraiment avoir fumé la moquette pour croire que Wittgenstein ait écrit ça en 1921 dans le Tractatus logico-philosophique. Tout le monde le sait : c’est Martine Aubry qui a prononcé cette glorieuse sentence il y a trois jours. C’était assez bien tourné. Et si les socialistes veulent se taire à Versailles, on ne peut pas leur reprocher. Au passage, votre copie gagnera quelques points supplémentaires si vous étalez votre culture. Quand vous citez saint Thomas, n’hésitez pas à parler de l’Aquinate. Pour Kant, un nietzschéen « petit sergent de Königsberg » suffira. Pour la Première secrétaire du Parti socialiste, un « Titine » fera l’affaire. Surtout si votre correcteur s’appelle Vincent Peillon.

Est-il plus facile de connaître autrui que de se connaître soi-même ?
« Wesh, t’es qui, connasse, pour me poser une question ? » (Diam’s)

La question « qui suis-je ? » admet-elle une réponse exacte ?
Oui. Surtout si la question vous est gentiment formulée par un représentant des forces de l’ordre. « T’es qui, toi, t’es qui, hein ? » Ne répondez pas, mais sortez-lui vos papiers. Pour le reste, les questions d’identité nationale et autres conneries semblables, il y a des ministères. Pour l’identité sexuelle, drame aussi lancinant pour un adolescent post-pubère que ses boutons d’acné et l’apparition de poils dans la région pubienne, parlez chirurgie. Vous avez la télé ? Vous avez vu Nick/Tup ?

Cela a-t-il un sens de vouloir échapper au temps ?
Non. On peut essayer, mais, comme l’ont démontré Jeanne Moreau, Catherine Deneuve et Lisa Minelli, c’est pire qu’avant. Optons pour la solution Annie Girardot : cuite et amnésie.

Que vaut l’opposition du travail manuel et du travail intellectuel ?
Ça dépend des conventions collectives.

Les apparences sont-elles trompeuses ?
Pas forcément. Mais les éléphants énormément.

2012, Sarkozy a déjà gagné !

On a beau chercher, on se demande quelle configuration politique pourrait être plus agréable au président à trois ans de sa recandidature. Certes, on nous l’a rabâché, il ne faut pas faire dire aux résultats des Européennes plus qu’ils ne peuvent parler. N’empêche, ils ont plus de poids que les sondages d’escrocs en mille et un coups de fils bâclés, qui sont le pain quotidien de la presse éponyme.

Et si rien ne dit que le rapport de force de 2012 sera identique à celui de 2009, il fixe assurément une réalité comptable, un canevas autour duquel les forces en présences pourront broder. Les scores des européennes fixent les étiages et bornent nolens volens les espérances des uns et des autres.

Ces espérances, quelles sont-elles ?

À droite, personne ne pourra plus faire d’ombre au président, c’est plié. Que voit-on à l’extérieur de l’UMP ? Un Front étique, un Villiers ramené à sa valeur réelle, c’est-à-dire peanuts. Un Dupont-Aignan qui va finir par se rendre compte que le costume du Général est un peu grand pour lui, sans oublier (mais est-on encore à l’extérieur de l’UMP, autrement que pour de rire), un Nouveau Centre finlandisé par Sarko façon Léonid Brejnev.

À l’intérieur de l’UMP, c’est la sérénité totale. Pour la première fois depuis perpète dans un parti majoritaire et présidentiel, il n’y a pas de guerre des chefs en vue, et pour cause : des chefs, y’en a qu’un. À droite, le lundi, c’est ravioli ; le dimanche, c’est Sarkozy. Point barre.

D’autant plus qu’à la gauche de notre président favori, la situation, elle aussi, est totalement inédite et rigoureusement explosive. Pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, cinq formations concurrentes sont à même de faire un score qui compte à la présidentielle, entre 8 et 20 % des voix. Pour mémoire, de droite à gauche, le Modem, les néo-Verts, le PS, le Front de Gauche, le NPA. Vous voyez le problème ? Non ? On vous explique.

Jusqu’au premier tour, l’ennemi numéro un des Verts, par exemple, ne sera bien sûr pas l’omniprésident, mais tout autre candidat ayant le mauvais goût de se situer dans la zone de chalandise des écolos. En clair, dans cet exemple-là, le PS, le Modem et un peu, le NPA. De même, Mélenchon n’aura de cesse de taper sur Besancenot et sur le candidat socialiste. Et ainsi de suite. À supposer que les uns et les autres finissent par s’unir de mauvaise grâce pour le second tour – et encore la photo de groupe exclura soit le Modem, soit la gauche de la gauche – on peut d’ores et déjà parier sur des reports de voix minablissimes, suite logique des haines accumulées pendant toute la campagne. C’est grave pour la gauche, mais rassurez vous, ça pourra être encore pire : nous restons sur l’hypothèse d’un seul candidat socialiste, laquelle n’est justement qu’une hypothèse.

Ne nous demandez pas comment on en est arrivé là. L’intelligence politique du président ? La cécité, l’amnésie ou le choc des chevaux de bois à gauche ? Ou peut-être même le hasard ou une mauvaise conjonction astrale. Toujours est-il que les résultats sont là. En l’état actuel des choses, quelle que soit l’évolution de la situation économique ou les programmes des uns ou des autres, Sarkozy a mis la machine à gagner en route.

Sauf miracle, il sera réélu les doigts dans le nez en 2012. Heureusement, nous croyons aux miracles.

On espérait mieux, on craignait pire

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Benyamin Netanyahou ne devrait pas être trop mécontent qu’Ahmadinejad lui ait volé la vedette : la réélection du plus caricatural ennemi d’Israël (et du plus encombrant ami de la cause palestinienne) ainsi que la contestation de plus en plus imposante des résultats au sein de la société iranienne sont la meilleure mise en musique du discours qu’il a prononcé dimanche à l’université Bar Ilan (Tel Aviv). La menace iranienne qui constitue le ciment de sa coalition parait de plus en plus menaçante. Du coup, son argument stratégique « le nucléaire iranien d’abord » n’en est que plus audible.

S’adressant d’abord aux oreilles américaines, le Premier ministre israélien semble avoir obtenu l’essentiel : éviter un conflit ouvert à la fois avec la Maison Blanche et avec sa famille politique, le Likoud et la droite. Les félicitations de Washington et la retenue des ses partenaires politique en apportent la preuve. Il est vrai que les tensions – au sein de son parti et de sa coalition aussi bien qu’avec l’équipe Obama – restent vives, mais sur l’échiquier international, il a déplacé son pion et a soulagé la pression qui pesait sur lui.

Ces derniers mois, il a fait monter le cours de la formule magique « Etat palestinien » sur le marché des relations internationales. Selon son analyse, à court et à moyen terme, avant que l’horizon iranien se dégage et que les Palestiniens retrouvent leur unité, le seul jeu est celui de mots : sur le terrain tout est bloqué, tout le monde attend. Dimanche, après avoir entretenu le suspense pendant une semaine, Netanyahou a pris ses bénéfices.

Les Palestiniens ont le droit d’être déçus car Netanyahou ne leur propose pas grand-chose de nouveau, si ce n’est une nouvelle affirmation que le seul projet politique raisonnable est la création d’un Etat palestinien dans les territoires conquis il y a 42 ans et occupés depuis. Mais ils ont tort d’ignorer qu’en même temps Netanyahou a donné à son discours un ton plus politique qu’historique, choisissant des mots et des formules qui laissent sinon une porte au moins une fenêtre ouverte.

Certes, il a soigneusement enveloppé son acceptation d’un Etat palestinien de deux conditions – il pouvait difficilement faire autrement sans exposer dangereusement son flanc droit.

À première vue, ces deux préalables posés par Netanyahou – la reconnaissance d’Israël comme Etat juif et la démilitarisation de l’Etat palestinien – semblent des obstacles insurmontables. Mais observées de plus près, les deux formules laissent une marge de manœuvre assez importante. La démilitarisation de la Palestine est une vieille exigence israélienne, habituellement cachée derrière des formules comme « arrangements sécuritaires ». Dans le cadre des accords de paix avec l’Egypte, le Caire a accepté la démilitarisation du Sinaï et mêmes les Syriens ne sont pas hostiles à une telle demande israélienne pour le Golan ; il n’y a en réalité rien de choquant à ce que la même règle soit appliqué à la Cisjordanie et à la bande de Gaza. Netanyahou a donc simplement détaillé et explicité des choses que connaissent parfaitement tout ceux qui se souviennent des négociations passées, et il l’a fait en toute connaissance de cause : cette rhétorique est principalement destinée à rassurer les Israéliens, échaudés par les expériences de retrait à Gaza et au Liban. Il faut une bonne dose de mauvaise foi pour évoquer, au sujet de cet Etat démilitarisé, les Bantoustans sud-africains ou un protectorat.

Quant à la reconnaissance d’Israël en tant qu’un Etat juif, l’autre formule qui fait peur et qui a fait réagir Moubarak, elle laisse en réalité beaucoup de place à la négociation. Pour Netanyahou, c’est essentiellement une façon de traiter la question du droit au retour des réfugiés : pour qu’Israël reste un Etat juif, on ne peut pas toucher à l’équilibre démographique de sa société et un retour massif est donc hors de question. Reste que Netanyahou n’a pas parlé de « droit au retour », laissant une petite fenêtre ouverte à une solution pragmatique avec les Palestiniens, pour lesquels ce droit est une exigence symbolique majeure. Ainsi on peut envisager un retour hautement symbolique (quelques milliers) en échange d’une déclaration très symbolique.

Enfin, sur la question de Jérusalem, Netanyahou a bel et bien réitéré sa position traditionnelle sur son indivisibilité sous souveraineté israélienne, mais il a évité les tartes à la crème habituelles sur le sujet. Autrement dit, cette mention correspond en réalité au service minimum. Il est même allé jusqu’à expliquer que sa paix économique, une idée qui lui est si chère, ne remplace pas un accord politique – on pouvait difficilement espérer plus.

Le problème est que tout le monde soupçonne Netanyahou et doute des ses véritables intentions.

Ce n’est donc pas le discours lui-même mais celui qui l’a prononcé qui explique les réactions plutôt mitigées. À Washington (et même à Tel Aviv…), beaucoup pensent qu’il cherche uniquement à gagner du temps ; à Ramallah, la direction palestinienne en est même convaincue. Son pragmatisme s’inspire-t-il de celui d’un Sharon qui a décidé du retrait de Gaza, après avoir été l’un des artisans les plus efficaces de la colonisation juive des Territoires occupés, de celui de Begin faisant la paix avec l’Egypte, ou faut-il y voir une manœuvre à la Yitzhak Shamir (premier ministre israélien, 1983-1992) ? En réalité, peu importe, car même Shamir s’est arrêté net face à la fermeté américaine: il n’a pas attaqué l’Irak en 1991 et il a accepté la conférence de paix à Madrid en 1992.

Quoi que l’on pense de leurs convictions, de leur vision du monde ou de leur talent, les dirigeants israéliens ont toujours montré – parfois in extremis – un sacré bon sens et un pragmatisme certain pour mesurer les rapports de force et comprendre où sont les intérêts vitaux de leur pays. À défaut de mieux, on peut considérer le discours de Benyamin Netanyahou comme une nouvelle preuve de ce pragmatisme et donc comme une lueur d’espoir.

Vendredi, c’est les vacances !

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Dans son métro ou son transat, beaucoup de choses à lire dans le numéro « Spécial été » de Vendredi, qui sera en kiosque jusque fin août, en attendant le retour de l’hebdo dès septembre. Au sommaire, un gros dossier de portraits qui sort les blogueurs vedettes – ou méritant de l’être – de leur anonymat (enfin ceux qui souhaitent en sortir) ; un guide bien gaulé des meilleurs sources du Net et plusieurs bonus. Pas de string Vendredi ni de t-shirt à l’effigie de Jacques Rosselin, hélas, mais, quand même, la reprise des vingt-huit premières « unes » de l’hebdo, et une magnifique photo de groupe, prise dans la cour du journal, d’une centaine d’individus issus de petit monde du Net. Les plus attentifs d’entre vous n’auront guère de difficultés à y retrouver les beaux sourires de Gil et d’Elisabeth, ainsi que ma cravate et ma clope au bec…

Valls : come on Evry body !

Chouette, on en tient un ! À en juger par leur air gourmand, certains journalistes, à commencer par Françoise Degois, prêchi-prêcheuse en chef sur France Inter et dame de compagnie de Ségolène Royal, auraient bien vu Manuel Valls dans le rôle du nouveau diable raciste, lepénisé de l’esprit, qui n’a rien à faire au glorieux Parti socialiste. Et Valls, c’est quand même un autre gibier que Frèche. La preuve, c’est qu’il a le culot, en prime, d’annoncer qu’il est candidat pour porter les couleurs (un peu délavées, il est vrai) du PS à la prochaine présidentielle. Gonflé, le mec.

À vrai dire, on se demande où nos flics de la pensée avaient la tête. Il aura fallu une semaine pour que le crime de Valls soulève quelques cœurs. Qu’on en juge : le 7 juin pendant la visite d’une brocante à Evry, la ville dont il est le maire, alors qu’il était filmé par une équipe de Direct 8, il a, semble-t-il, déclaré qu’il faudrait rajouter « quelques blancs, quelques white, quelques blancos ». Je dis « aurais », parce que j’ai eu beau visionner et revisionner la vidéo, je n’ai pas entendu grand-chose.

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Enfin, Valls n’ayant pas démenti, supposons qu’il a vraiment dit ce qu’on dit qu’il a dit. Et donc, au bout d’une semaine, la moutarde est montée au nez de Faouzi Lamdaoui, membre du conseil national du PS et proche de François Hollande qui a qualifié les propos de Valls de « dérapage scandaleux » et demandé à Martine Aubry de les dénoncer. Bien entendu, Patrick Lozès, le patron du CRAN, lui a rapidement emboité le pas, sommant Titine et Valls de lui accorder un rendez-vous pour « connaître leur position sur la diversité ». Certains, soupçonneux par nature, remarqueront que l’indignation de Lamdaoui s’est manifestée le jour même où Valls sortait du bois en se déclarant, dans le JDD, « candidat à la primaire pour représenter la gauche et les socialistes ». Au passage, le député-maire d’Evry proposait de se débarrasser du mot « socialiste » (qui comme chacun sait ne redistribue pas) et dénonçait les « postures » et les « facilités » du PS. Autant dire que ce n’est pas gagné pour lui, même si, rue de Solférino, on ne semble guère avoir envie d’attiser cette polémique. Il est vrai que le déni de réalité érigé en pensée politique n’a pas donné jusque-là d’excellents résultats électoraux.

Reste à comprendre ce que Valls a proféré de si scandaleux. En somme, il a simplement remarqué sur un mode rigolard ce que n’importe qui peut voir à l’œil nu, autrement dit que les blancs sont désormais minoritaires, sinon à Evry, du moins dans certains de ses quartiers. Ah, c’est très mal de dire ça ! Attention, je n’ai pas dit que c’était faux : si c’est mal de le dire, c’est justement parce que c’est vrai. Est-ce raciste de remarquer ce fait, voire de le trouver problématique ? Pour nos belles âmes qui ne passent jamais le périph’, cela ne fait aucun doute. Ne devrait-on pas au contraire, s’enthousiasmer de voir la France se métisser au point que certaines de ses villes accueillent désormais plus d’habitants issus de l’immigration que de Français de souche ? On notera avec amusement qu’en juillet 2005 Stéphane Pocrain, ex-Vert passé au PS, avait fait exactement le même constat que Manuel Valls, sans susciter la moindre réaction : « Il faut que les Français blancs s’y fassent, avait-il dit. Bientôt ils ne seront plus majoritaires en France. Il suffit de se promener dans les rues de Paris et de prendre le métro pour s’en rendre compte. » En clair, on a le droit de compter les Arabes et les Noirs, à condition d’en être un soi-même[1. Moi perso, j’aime bien que les goys racontent des blagues juives.], et surtout de célébrer comme il convient toute avancée de la France multi-culturelle. A contrario, Siné a été attaqué par la LICRA pour ses propos sur le jeune Sarkozy et sa dame, mais aussi pour avoir écrit que, quand il se rendait au supermarché de sa ville (j’ai oublié s’il s’agissait de Bondy ou de Montreuil), il avait l’impression d’être à la mosquée. Quoi qu’en pensent les procureurs médiatiques, Siné a été relaxé par un tribunal de la République.

Au risque de rejoindre Valls et les autres dans l’enfer où rôtissent les racistes, je l’avoue : je suis d’accord avec lui. Non pas au motif d’une quelconque supériorité ethnique d’on ne sait qui, mais parce que n’importe quel gamin de n’importe quelle école d’Evry est capable de voir que l’intégration, ça ne marche pas quand les populations allogènes sont plus nombreuses que les indigènes. Et l’assimilation, mot qu’on n’ose plus prononcer malheureusement, encore moins. Autrement dit, si le génie national a toujours consisté à fabriquer des Français avec n’importe qui, c’est parce qu’il y avait des accueillis et des accueillants, des hôtes et des hôtes comme dirait Renaud Camus – j’aggrave mon cas. À partir du moment où des populations venues, comme on dit, d’autres cultures, sont majoritaires, on comprend bien qu’elles ne sont guère portées à faire l’effort que requiert toute immigration, à savoir le renoncement à certains éléments de son mode de vie et de sa culture contre la promesse d’une autre culture et d’une vie meilleure. Qu’on ne se méprenne pas : il n’est demandé à quiconque de renoncer à sa foi pour devenir français. En revanche, se balader en burqa, pratiquer la polygamie, envoyer ses filles au pays pour les marier voire les exciser n’est pas la meilleure façon de s’affirmer comme citoyen à part entière – et tout cela révulse mes copains arabes ou musulmans autant que les autres. Pour tout dire, cela ne me gênerait guère qu’on interdise aux femmes de porter dans l’espace public non pas le foulard islamique mais ces tenues sinistres qui cachent leurs visages et les font ressembler à des fantômes. Comme le remarquait il y a quelques années notre ami Elie Barnavi, en Occident, on montre son visage.

Tout le monde le sait et tout le monde le tait, nous avons un problème d’immigration, ou plutôt de Français issus de l’immigration, et ce problème n’est ni ethnique, ni racial. Il serait absurde de nier qu’il est en partie social mais il est autant et peut-être plus encore culturel. En vrai, ce qui donne l’impression aux habitants de certains quartiers d’être ailleurs, ce qui leur fait parfois penser ou dire qu’on n’est plus chez soi (le langage populaire est un peu plus brutal que la langue de bois des politiques) n’est pas que leurs concitoyens soient plus ou moins basanés, mais la transformation de la vie sociale elle-même : personne n’irait se balader en mini-jupe, même moi, dans certains quartiers. La ghettoïsation enferme et fige des modes de vie autant que des niveaux de vie. « La blague, à Evry, c’est qu’on compte les blancs », m’a dit récemment une connaissance habitant l’Essonne. Certes, on peut toujours faire dans l’angélisme, célébrer la diversité et multiculturalisme. Mais que signifie la diversité quand la culture d’accueil en est exclue ? Trouverait-on merveilleux que les blancs soient majoritaires à Dakar ou à Tokyo ? Imposera-t-on des touristes en shorts à Ryad ou Téhéran (alors que les habitants de ces villes ont au moins la chance d’être épargnés par ce fléau) ? Croit-on vraiment qu’un goy bon teint ou un juif de culture irait volontiers s’installer au milieu des loubavitchs du XIXe arrondissement de Paris ? On a le droit de penser que toutes les cultures et tous les modes de vie se valent – mais alors, il faut être logique.

« Il faut accepter de regarder la réalité en face », a déclaré Manuel Valls sur Europe 1. L’ennui, c’est que ce n’est pas la spécialité de la gauche et assez peu celle de la droite qui conjuguent assez bien leurs efforts pour criminaliser ce que pensent les « vrais gens ». Voilà des années qu’on explique aux Français, et en particulier à ceux qui vivent dans ce qu’on appelle « les quartiers » (expression venue d’Algérie), qu’ils ne vivent pas ce qu’ils vivent et qu’ils sont des salauds, voire des délinquants, de penser ce qu’ils pensent. On ne saurait trouver meilleur moyen de monter les populations les unes contre les autres. Et puis, s’il est criminel de croire que la France est un vieux pays chrétien et blanc et que tout le monde y est bienvenu à condition d’adopter ses valeurs – et, dans une certaine mesure, ses us et coutumes –, nous serons beaucoup à passer en procès. Alors, s’il ne se déballonne pas, je suis prête à voter Valls à la prochaine présidentielle. Je n’en dirais pas autant de la plupart de nos socialistes.

Pour en finir avec le vieux socialisme... et être enfin de gauche !

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Grippe porcine, que fait l’institut Meirieu ?

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Sept collégiens de sixième, élèves dans un établissement de la banlieue toulousaine, ont été déclarés officiellement atteints par le virus H1N1, plus connu sous le nom de grippe porcine. Si leur état n’inspire heureusement aucune inquiétude, la façon dont ils ont contracté la maladie ne laisse pas d’intriguer les autorités sanitaires. « La spécificité de cette situation, c’est que ces cas ne sont pas liés à un déplacement à l’étranger », a notamment déclaré la préfecture de Haute-Garonne. On ne peut suspecter la puberté, que Léon Bloy définissait pourtant comme un lion à tête de porc, puisqu’il s’agit d’enfants encore un peu jeunes. Suggérons donc aux enquêteurs et autres épidémiologistes de vérifier s’il n’y a pas de porcheries à proximité, comme, par exemple, des IUFM, d’où sortent, chaque année, des centaines de maîtres contaminés par le pédagogisme.

Des prolos pas très raffinés

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Faut pas chatouiller l’entrepreneur avec des grèves en ce moment. 900 employés d’une raffinerie de Total à Lindsey en Grande-Bretagne vont le comprendre lundi en recevant leur lettre de licenciement. La semaine dernière, les impudents salariés du chantier de construction de l’usine avaient débrayé pour protester contre une première vague de 51 licenciements. Total excipe de l’illégalité de la grève sauvage pour virer les ouvriers. Mais c’est peut-être aussi l’occasion pour la multinationale de se dépêtrer d’une sale situation. Depuis janvier, les mouvements sociaux venus de la base se multiplient contre le recours par un sous-traitant de Total à de la main d’œuvre portugaise et italienne sous-payée. Le site avait déjà été le théâtre, fin janvier, d’une grève sauvage d’une semaine. Le mouvement s’est étendu en Angleterre, provoquant l’embarras des syndicats. Salement coincés entre la peur panique d’être taxés de racistes et le légitime souci de protéger le salaire minimum anglais (non respecté par les sous-traitants), les Trade Unions sont pour l’instant aux abonnés absents. Le patronat britannique, lui, est aux anges et entend continuer à profiter des récentes décisions de justice des juridictions européennes, qui permettent d’employer de la main d’œuvre étrangère à des salaires différents. Les amis français des droits de l’homme, très chatouilleux quand Total fait des bêtises en Birmanie, n’ont pas l’air de considérer cette violence sociale comme étant de leur ressort. C’est vrai quoi, pour une fois qu’une multinationale est du côté du Bien et sanctionne avec la dureté qui s’impose des actes xénophobes…

Mollah contre mollah

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Le guide suprême de l’Iran, l’ayatollah Khamenei, devait consacrer aujourd’hui le prêche du vendredi à l’élection présidentielle et à la contestation qui n’a cessé de monter à Téhéran et de s’étendre à tout le pays depuis le 12 juin. Il avait été l’un des seuls dignitaires religieux iraniens à féliciter Mahmoud Ahmedinejad de sa réélection, tandis que le haut clergé chiite gardait prudemment le silence sur la sincérité du scrutin. Qui ne dit mot consent ? Les proverbes ne valent pas en Iran, où rien n’est jamais simple. Pilier de la Révolution islamique de 1979 et défenseur d’un assouplissement du régime façon Khatami, l’ayatollah Montazeri, qui, dans les années 1980, était considéré comme le plus probable successeur de Rouhollah Khomeini avant de s’en éloigner, est sorti cette semaine du bois. Plusieurs autres grands mollahs lui ont emboîté le pas, réclamant le recomptage des voix, voire la tenue de nouvelles élections. Ali Khamenei, le guide suprême, se retrouve aujourd’hui dans une position extrêmement délicate : s’il persiste à apporter son soutien au président Ahmedinejad, il confine nolens volens Mir Hossein Moussavi dans un rôle d’opposant. Ce n’est pas simplement le régime qu’il risque de faire vaciller, mais le principe même de la Révolution islamique : comment s’imaginer un président de la République des mollahs compter dans les rangs de sa future opposition la quasi-totalité de la hiérarchie chiite du pays ? La situation deviendrait très vite intenable.

Certes, on a beau se dire qu’il faut se lever de bonne heure pour trouver la moindre différence idéologique entre Mahmoud Ahmedinejad et Mir Hossein Moussavi. Sur l’essentiel, les deux ne sont pas fâchés : l’enfer est américain et sa succursale régionale est israélienne. Les deux pensent également, du moins officiellement, qu’une petite bombinette atomique arrangerait les affaires iraniennes… Seulement, l’accession au pouvoir de Mir Hossein Moussavi pourrait faire considérablement évoluer la situation. L’ancien Premier ministre iranien n’est pas un perdreau de l’année, mais rien n’exclut qu’il ne relance les projets de démocratisation du régime, portés un temps par Mohammad Khatami et l’Alliance des réformateurs. D’ailleurs, aurait-il un autre choix ? Malgré la croissance économique, c’est l’autoritarisme du Shah qui avait précipité sa chute en 1979 et fait accéder les mollahs au pouvoir. Il se pourrait bien que les mêmes causes produisent les mêmes effets et que le durcissement ces dernières années du régime d’Ahmedinejad provoque son éviction. Privé du soutien de la hiérarchie chiite et payant également le prix fort pour une politique économique désastreuse (avec un taux de chômage et une inflation jamais vus), Ahmedinejad pourrait bien également être la victime collatérale de la dernière élection américaine. Car, en clamant haut et fort son refus de s’immiscer dans les affaires intérieures iraniennes, puis en laissant ouverte la porte au dialogue avec Téhéran, Barack Obama joue un sale tour au président Ahmedinejad, désormais privé de sa massue rhétorique : être le défenseur de l’Iran contre le grand Satan américain…

En attendant, la contestation grandit en Iran. Réalisatrice de Persepolis, l’illustratrice Marjane Satrapi convoquait il y a deux jours la presse à Bruxelles pour exhiber la copie d’une note adressée par le ministre de l’Intérieur iranien au guide suprême. Ce document, qui corrobore les informations dont Alexandre Adler nous avait fait part, indique que Mahmoud Ahmedinejad n’aurait recueilli que 12 % des voix à l’élection présidentielle[1. Total des votes : 42 026 078. Moussavi : 19 075 623. Karoubi : 13 387 104. Ahmedinedjad : 5 698 417. Rezai : 3 754 218. Votes annulés : 38 716.], largement distancé par Mehdi Karroubi et Mir Hossein Moussavi. Le document circule depuis trois jours en Iran et s’échange par mail au sein des élites iraniennes et des classes moyennes du pays, sous cette forme qui nous a été transmise par des amis d’Iran que nous remercions.

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Evidemment, l’on prendra tout cela avec des pincettes. Un mail peut bien venir d’amis, il peut bien avoir été expédié d’Iran : le fake n’a pas de frontière. Seulement, au-delà de son authenticité, un tel document nous renseigne sur l’état d’esprit de la contestation. En plaçant Mahmoud Ahmedinejad à la troisième place du scrutin, ce n’est pas la régularité de son élection que ses opposants mettent en cause, mais sa légitimité. François Bayrou vous le dira : on a beau se monter le bourrichon tous les matins en se rasant (exercice périlleux au pays des barbus), arriver troisième à une élection n’est pas grand chose…

Moussavi ou Ahmedinejad, donc ? Allez savoir. L’Occident a tout intérêt à ne pas s’immiscer dans ces affaires-là et l’on pourrait déroger à la loi républicaine pour imposer le port – provisoire et symbolique – de la burqa à certains de nos ministres qui se croient obligés de monter sur leurs petits poneys et de prendre parti. Chaque fois qu’une chancellerie occidentale apporte son soutien à Moussavi, c’est Ahmedinejad qu’elle favorise. Unanimes, les belles âmes avaient chanté Obama sur tous les tons lors de son accession à la Maison Blanche, elles feraient bien aujourd’hui de l’imiter et de se taire. Le président américain joue très serré. Alors qu’un changement politique en Iran l’arrangerait pour accélérer le processus de paix au Moyen Orient (dans le conflit israélo-palestinien, comme en Irak), il s’en tient à une ligne : renvoyer dos à dos Moussavi et Ahmedinejad, minorer leurs différences et arguer que l’un et l’autre sont hostiles aux Etats-Unis… Ponce Pilate a un gamin : il fait de la politique à Washington et ça ne lui réussit pas trop mal.

L’hypothèse Moussavi n’est certes pas la panacée, mais elle n’en reste pas moins plus souhaitable que le statu quo. Pour une bonne raison : cet architecte, originaire de Khameneh, à l’Est de l’Azerbaïdjan, est azéri. Culturellement, il est proche des Turcs et de tous les Turkmènes qui ont essaimé dans la région. Pendant la campagne, il est allé jusqu’à revendiquer son identité azérie, en prononçant à Tabriz, dans le nord-ouest du pays, un discours en turc azéri, alors même que l’enseignement et la pratique de cette langue sont vus du plus mauvais œil par Téhéran. Il n’est donc pas dit que l’accession au pouvoir de Moussavi, culturellement proche de la Turquie, n’inciterait pas à un rapprochement assez rapide entre Ankara et Téhéran, au nom d’un revival de cet ottomanisme qu’on croyait disparu depuis l’abolition de l’Empire par Atatürk en 1922. Certaines vieilles idées ont la dent dure. Et ce pourrait être là une promesse de stabilité pour tout le Moyen Orient et un facteur de développement pour l’Iran.

Persepolis I & II

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Droit d’asile

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La scène se passe dans un petit aéroport, manifestement latino-américain. La climatisation ne fonctionne pas très bien. Un policier moustachu en sueur a l’air un peu embêté devant un voyageur qui lui tend ses papiers.

– Vous pouvez me répéter la raison pour laquelle vous voulez venir cher nous ?
– Asile politique, Monsieur l’agent.
– Vous demandez l’asile politique chez nous ? Mais on n’est pas très riche, vous savez. On essaie de changer les choses, mais c’est encore en chantier…
– M’en fiche, je demande quand même l’asile politique.
– Vous venez d’où ?
– D’où je viens ? Je vais vous dire d’où je viens, Monsieur l’agent. Je viens d’un pays où l’on veut mettre l’âge légal de la retraite à 67 ans. Je viens d’un pays où l’on risque d’élire une mairesse d’extrême droite dans une vieille ville ouvrière. Je viens d’un pays où la chef du parti socialiste propose « une maison commune de la gauche », alors qu’elle a dans son parti à la fois le président du Fonds Monétaire international, l’institution spécialisée dans la ruine des économies du tiers monde, et le maire d’une commune de banlieue qui trouve qu’il y a trop de nègres chez lui. Je viens d’un pays où le président de la République s’apprête à parler devant les parlementaires, mais ne débattra pas avec eux. Je viens d’un pays où 16 % des gens sont persuadés d’avoir fait un vote progressiste en donnant leurs voix à un ex-soixante-huitard écolo, qui trouve que l’économie de marché, c’est très bien. Je viens d’un pays où des récolteuses de fraises et d’asperges venues de Pologne et de Roumanie sont logées dans des baraquements, sur des terrains vagues, et payées six euros par jour. Oui, six. Je viens d’un pays où il y a un ministère de l’Identité nationale. Je viens d’un pays où l’on a enfermé pendant six mois sans preuve un jeune philosophe, parce qu’il aurait écrit un livre qui aurait pu inspirer des saboteurs de TGV, ce qui fait quand même beaucoup de conditionnels pour mettre quelqu’un en zonzon au nom de l’antiterrorisme. Je viens d’un pays où ce n’est pas la crise pour tout le monde, où le Salon du chien bat des records d’affluence et où de plus en plus de médecins refusent d’appliquer la loi sur la Couverture Maladie Universelle. Je viens d’un pays où, à dix ans, vous pouvez vous retrouver chez les flics pour un vol de vélo. Et pour un vol de sucette, on ira chercher le receleur du bâton ? Je viens d’un pays où l’on a détruit 180 000 emplois en 2009, mais où les syndicats sont infoutus de réunir plus de 150 000 personnes dans une manif. Je viens d’un pays où, aux dernières élections, sans qu’il y ait besoin de bourrer les urnes, 88 % des gens se sont prononcés pour le pouvoir en place. Bah oui, Monsieur l’agent, faut comprendre 28 % pour le parti du président, plus 60 % d’abstentionnistes, ça fait 88 %. Et qu’on ne vienne pas me dire que les abstentionnistes sont de pauvres gens dégoûtés. Ce sont des complices, oui ! Qui ne dit mot consent, comme dit un proverbe de chez nous. Je viens d’un pays où l’on a inventé un truc qui s’appelle le RSA. Votre patron vous paie mal, c’est pas grave, c’est la collectivité qui mettra au pot pour que vous puissiez acheter de temps en temps de la bolognaise pour les spaghettis. Et enfin, pour finir, Monsieur l’agent, je viens d’un pays où une autorité supranationale appelée Commission européenne va venir trafiquer mon vin et m’empêcher de manger de la boulette d’Avesnes, mais va être incapable de garantir une durée légale du travail… Voilà, Monsieur l’agent, d’où je viens.
– Eh bah, mon pauvre vieux… Tenez, voilà, je tamponne votre passeport.
– Merci, Monsieur l’agent
– Vous venez d’où, à propos ?
– De France…
– Vous rigolez : La Marseillaise, Liberté, Egalité, Fraternité, tout ça ?
– Bah ouais, mais tout ça, c’est plutôt mal barré.
– Je vois. Alors, bienvenue au Venezuela, Monsieur. Et vive Hugo Chavez !

Un troisième homme peut en cacher un autre

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Présentant hier à la librairie Kléber de Strasbourg (la seule librairie de France où vous pouvez vous procurer le mensuel Causeur, sans vous y abonner) son nouveau livre, Le monde est un enfant qui joue, Alexandre Adler a déclaré qu’il venait de s’entretenir avec certains de ses amis de Téhéran. Des conversations très instructives : selon eux, Mahmoud Ahmenidejad ne serait pas arrivé en première position de l’élection iranienne, ni même en deuxième derrière Mir Hossein Moussavi, mais en troisième… De quoi mieux saisir encore la mesure de la colère des Iraniens et le fléchissement du Guide suprême de la République islamique, l’ayatollah Khamenei, qui hier s’est déclaré prêt à faire recompter les voix, sans pour autant remettre en cause le résultat de l’élection – allez comprendre ! Ahmenidejad, troisième homme ? Et personne ne l’a encore démarché pour lui refiler une carte au Modem ?

Le monde est un enfant qui joue

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Bac philo, tous les sujets

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Jeunes gens qui, ce matin, passez le bac philo, oubliez tout, mais sachez une seule chose : vous allez souffrir. Peut-être avez-vous eu la chance de vous asseoir cette année devant un professeur dont l’élocution, le caractère ou l’odeur vous auront convaincus de garder à jamais vos distances avec la philosophie. Peut-être pas. En ce cas, l’épreuve de ce matin sera le coup de grâce. La plupart de mes confrères gardant un œil jaloux sur leur discipline, qu’ils qualifiaient jusqu’à peu de reine des sciences, ils s’évertuent à en dégoûter quiconque commencerait à y porter le moindre intérêt. Et, pour tout dire, leur stratagème ne réussit pas mal.

Mais comme le disait Diogène de Sinope : à Causeur, on n’est pas chien. Donc, voilà en exclusivité les corrigés des sujets du bac 2009 – toutes séries confondues.

La perception peut-elle s’éduquer ?
Les profs de philo se croient tout permis. Il faudrait leur rappeler qu’eux aussi sont fonctionnaires et que leurs collègues travaillant dans des perceptions sont aussi bien éduqués qu’eux.

Peut-on parler pour ne rien dire ?
Oui.

Que gagnons-nous à travailler ?
Du pognon, et puis c’est tout. Si vous estimez que cette réponse est insuffisante, n’hésitez pas à citer le spécialiste incontestable de la question, Henri Salvador. Il écrivait dans un fragment tardif de sa Gesammelte Werke : « Le travail, c’est la santé. Rien faire c’est la préserver. » Si vous parvenez à restituer la citation en allemand, vous êtes sûr d’empocher la mention. Votre correcteur sera tout aussi agréablement surpris, si vous lui balancez une phrase de Rousseau : « L’homme est naturellement paresseux. » Rajoutez que Marcel Jouhandeau (qui aimait la philosophie et l’Allemagne) était bien de cet avis, lui aussi. Concluez par un rapide : « J’ai vu Home et tout irait mieux dans le monde si on était des bio-feignasses. »

Y a-t-il une vérité en histoire ?
Oui. C’est la raison pour laquelle l’homme africain, qui n’est pas encore assez entré dans l’histoire, se tient assez éloigné de la vérité. « T’as vu l’heure ? Et l’homme africain qui n’est toujours pas rentré !… » (Henri Guaino)

Y a-t-il d’autres moyens que la démonstration pour établir une vérité ?
Oui. Il y a le marteau (Nietzsche). Et la matraque.

Peut-on désirer sans souffrir ?
Bien sûr que oui. Du moment qu’on a du pognon. Et si d’ailleurs, à cinquante ans, on est un prof de philo qui s’échine à corriger des copies de bac sans avoir toutefois les moyens de se payer une Rolex, c’est qu’on a raté sa vie. Si ton papa possède une bijouterie et qu’il revend de l’horlogerie de qualité, n’omets pas de noter son numéro de portable en bas de la copie. Merci pour eux.

Pourquoi voulons-nous être libres ?
Optez pour un plan thèse-antithèse-synthèse. Les deux premières parties reprendront, bien entendu, la distinction que Benjamin Constant établit entre le concept de liberté chez les Anciens et chez les Modernes. Puis, imaginez un instant (mais un instant seulement) que vous êtes membre du bureau politique du Parti socialiste, prenez votre plus belle plume et rédigez-nous une belle synthèse démontrant que le Vélib abolit la question de la liberté – à condition qu’il y en ait un de libre stationné près de chez vous.

« On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. » Héraclite.
C’est très juste. Surtout pas après déjeuner.

Doit-on apprendre à devenir un homme ?
« Y a intérêt. » (Amanda Lear)

« Ce qu’on ne peut pas dire, il faut le taire. » Ludwig Wittgenstein.
Ne pas hésiter à remettre en cause l’énoncé. Il faut vraiment avoir fumé la moquette pour croire que Wittgenstein ait écrit ça en 1921 dans le Tractatus logico-philosophique. Tout le monde le sait : c’est Martine Aubry qui a prononcé cette glorieuse sentence il y a trois jours. C’était assez bien tourné. Et si les socialistes veulent se taire à Versailles, on ne peut pas leur reprocher. Au passage, votre copie gagnera quelques points supplémentaires si vous étalez votre culture. Quand vous citez saint Thomas, n’hésitez pas à parler de l’Aquinate. Pour Kant, un nietzschéen « petit sergent de Königsberg » suffira. Pour la Première secrétaire du Parti socialiste, un « Titine » fera l’affaire. Surtout si votre correcteur s’appelle Vincent Peillon.

Est-il plus facile de connaître autrui que de se connaître soi-même ?
« Wesh, t’es qui, connasse, pour me poser une question ? » (Diam’s)

La question « qui suis-je ? » admet-elle une réponse exacte ?
Oui. Surtout si la question vous est gentiment formulée par un représentant des forces de l’ordre. « T’es qui, toi, t’es qui, hein ? » Ne répondez pas, mais sortez-lui vos papiers. Pour le reste, les questions d’identité nationale et autres conneries semblables, il y a des ministères. Pour l’identité sexuelle, drame aussi lancinant pour un adolescent post-pubère que ses boutons d’acné et l’apparition de poils dans la région pubienne, parlez chirurgie. Vous avez la télé ? Vous avez vu Nick/Tup ?

Cela a-t-il un sens de vouloir échapper au temps ?
Non. On peut essayer, mais, comme l’ont démontré Jeanne Moreau, Catherine Deneuve et Lisa Minelli, c’est pire qu’avant. Optons pour la solution Annie Girardot : cuite et amnésie.

Que vaut l’opposition du travail manuel et du travail intellectuel ?
Ça dépend des conventions collectives.

Les apparences sont-elles trompeuses ?
Pas forcément. Mais les éléphants énormément.

2012, Sarkozy a déjà gagné !

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On a beau chercher, on se demande quelle configuration politique pourrait être plus agréable au président à trois ans de sa recandidature. Certes, on nous l’a rabâché, il ne faut pas faire dire aux résultats des Européennes plus qu’ils ne peuvent parler. N’empêche, ils ont plus de poids que les sondages d’escrocs en mille et un coups de fils bâclés, qui sont le pain quotidien de la presse éponyme.

Et si rien ne dit que le rapport de force de 2012 sera identique à celui de 2009, il fixe assurément une réalité comptable, un canevas autour duquel les forces en présences pourront broder. Les scores des européennes fixent les étiages et bornent nolens volens les espérances des uns et des autres.

Ces espérances, quelles sont-elles ?

À droite, personne ne pourra plus faire d’ombre au président, c’est plié. Que voit-on à l’extérieur de l’UMP ? Un Front étique, un Villiers ramené à sa valeur réelle, c’est-à-dire peanuts. Un Dupont-Aignan qui va finir par se rendre compte que le costume du Général est un peu grand pour lui, sans oublier (mais est-on encore à l’extérieur de l’UMP, autrement que pour de rire), un Nouveau Centre finlandisé par Sarko façon Léonid Brejnev.

À l’intérieur de l’UMP, c’est la sérénité totale. Pour la première fois depuis perpète dans un parti majoritaire et présidentiel, il n’y a pas de guerre des chefs en vue, et pour cause : des chefs, y’en a qu’un. À droite, le lundi, c’est ravioli ; le dimanche, c’est Sarkozy. Point barre.

D’autant plus qu’à la gauche de notre président favori, la situation, elle aussi, est totalement inédite et rigoureusement explosive. Pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, cinq formations concurrentes sont à même de faire un score qui compte à la présidentielle, entre 8 et 20 % des voix. Pour mémoire, de droite à gauche, le Modem, les néo-Verts, le PS, le Front de Gauche, le NPA. Vous voyez le problème ? Non ? On vous explique.

Jusqu’au premier tour, l’ennemi numéro un des Verts, par exemple, ne sera bien sûr pas l’omniprésident, mais tout autre candidat ayant le mauvais goût de se situer dans la zone de chalandise des écolos. En clair, dans cet exemple-là, le PS, le Modem et un peu, le NPA. De même, Mélenchon n’aura de cesse de taper sur Besancenot et sur le candidat socialiste. Et ainsi de suite. À supposer que les uns et les autres finissent par s’unir de mauvaise grâce pour le second tour – et encore la photo de groupe exclura soit le Modem, soit la gauche de la gauche – on peut d’ores et déjà parier sur des reports de voix minablissimes, suite logique des haines accumulées pendant toute la campagne. C’est grave pour la gauche, mais rassurez vous, ça pourra être encore pire : nous restons sur l’hypothèse d’un seul candidat socialiste, laquelle n’est justement qu’une hypothèse.

Ne nous demandez pas comment on en est arrivé là. L’intelligence politique du président ? La cécité, l’amnésie ou le choc des chevaux de bois à gauche ? Ou peut-être même le hasard ou une mauvaise conjonction astrale. Toujours est-il que les résultats sont là. En l’état actuel des choses, quelle que soit l’évolution de la situation économique ou les programmes des uns ou des autres, Sarkozy a mis la machine à gagner en route.

Sauf miracle, il sera réélu les doigts dans le nez en 2012. Heureusement, nous croyons aux miracles.

On espérait mieux, on craignait pire

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Benyamin Netanyahou ne devrait pas être trop mécontent qu’Ahmadinejad lui ait volé la vedette : la réélection du plus caricatural ennemi d’Israël (et du plus encombrant ami de la cause palestinienne) ainsi que la contestation de plus en plus imposante des résultats au sein de la société iranienne sont la meilleure mise en musique du discours qu’il a prononcé dimanche à l’université Bar Ilan (Tel Aviv). La menace iranienne qui constitue le ciment de sa coalition parait de plus en plus menaçante. Du coup, son argument stratégique « le nucléaire iranien d’abord » n’en est que plus audible.

S’adressant d’abord aux oreilles américaines, le Premier ministre israélien semble avoir obtenu l’essentiel : éviter un conflit ouvert à la fois avec la Maison Blanche et avec sa famille politique, le Likoud et la droite. Les félicitations de Washington et la retenue des ses partenaires politique en apportent la preuve. Il est vrai que les tensions – au sein de son parti et de sa coalition aussi bien qu’avec l’équipe Obama – restent vives, mais sur l’échiquier international, il a déplacé son pion et a soulagé la pression qui pesait sur lui.

Ces derniers mois, il a fait monter le cours de la formule magique « Etat palestinien » sur le marché des relations internationales. Selon son analyse, à court et à moyen terme, avant que l’horizon iranien se dégage et que les Palestiniens retrouvent leur unité, le seul jeu est celui de mots : sur le terrain tout est bloqué, tout le monde attend. Dimanche, après avoir entretenu le suspense pendant une semaine, Netanyahou a pris ses bénéfices.

Les Palestiniens ont le droit d’être déçus car Netanyahou ne leur propose pas grand-chose de nouveau, si ce n’est une nouvelle affirmation que le seul projet politique raisonnable est la création d’un Etat palestinien dans les territoires conquis il y a 42 ans et occupés depuis. Mais ils ont tort d’ignorer qu’en même temps Netanyahou a donné à son discours un ton plus politique qu’historique, choisissant des mots et des formules qui laissent sinon une porte au moins une fenêtre ouverte.

Certes, il a soigneusement enveloppé son acceptation d’un Etat palestinien de deux conditions – il pouvait difficilement faire autrement sans exposer dangereusement son flanc droit.

À première vue, ces deux préalables posés par Netanyahou – la reconnaissance d’Israël comme Etat juif et la démilitarisation de l’Etat palestinien – semblent des obstacles insurmontables. Mais observées de plus près, les deux formules laissent une marge de manœuvre assez importante. La démilitarisation de la Palestine est une vieille exigence israélienne, habituellement cachée derrière des formules comme « arrangements sécuritaires ». Dans le cadre des accords de paix avec l’Egypte, le Caire a accepté la démilitarisation du Sinaï et mêmes les Syriens ne sont pas hostiles à une telle demande israélienne pour le Golan ; il n’y a en réalité rien de choquant à ce que la même règle soit appliqué à la Cisjordanie et à la bande de Gaza. Netanyahou a donc simplement détaillé et explicité des choses que connaissent parfaitement tout ceux qui se souviennent des négociations passées, et il l’a fait en toute connaissance de cause : cette rhétorique est principalement destinée à rassurer les Israéliens, échaudés par les expériences de retrait à Gaza et au Liban. Il faut une bonne dose de mauvaise foi pour évoquer, au sujet de cet Etat démilitarisé, les Bantoustans sud-africains ou un protectorat.

Quant à la reconnaissance d’Israël en tant qu’un Etat juif, l’autre formule qui fait peur et qui a fait réagir Moubarak, elle laisse en réalité beaucoup de place à la négociation. Pour Netanyahou, c’est essentiellement une façon de traiter la question du droit au retour des réfugiés : pour qu’Israël reste un Etat juif, on ne peut pas toucher à l’équilibre démographique de sa société et un retour massif est donc hors de question. Reste que Netanyahou n’a pas parlé de « droit au retour », laissant une petite fenêtre ouverte à une solution pragmatique avec les Palestiniens, pour lesquels ce droit est une exigence symbolique majeure. Ainsi on peut envisager un retour hautement symbolique (quelques milliers) en échange d’une déclaration très symbolique.

Enfin, sur la question de Jérusalem, Netanyahou a bel et bien réitéré sa position traditionnelle sur son indivisibilité sous souveraineté israélienne, mais il a évité les tartes à la crème habituelles sur le sujet. Autrement dit, cette mention correspond en réalité au service minimum. Il est même allé jusqu’à expliquer que sa paix économique, une idée qui lui est si chère, ne remplace pas un accord politique – on pouvait difficilement espérer plus.

Le problème est que tout le monde soupçonne Netanyahou et doute des ses véritables intentions.

Ce n’est donc pas le discours lui-même mais celui qui l’a prononcé qui explique les réactions plutôt mitigées. À Washington (et même à Tel Aviv…), beaucoup pensent qu’il cherche uniquement à gagner du temps ; à Ramallah, la direction palestinienne en est même convaincue. Son pragmatisme s’inspire-t-il de celui d’un Sharon qui a décidé du retrait de Gaza, après avoir été l’un des artisans les plus efficaces de la colonisation juive des Territoires occupés, de celui de Begin faisant la paix avec l’Egypte, ou faut-il y voir une manœuvre à la Yitzhak Shamir (premier ministre israélien, 1983-1992) ? En réalité, peu importe, car même Shamir s’est arrêté net face à la fermeté américaine: il n’a pas attaqué l’Irak en 1991 et il a accepté la conférence de paix à Madrid en 1992.

Quoi que l’on pense de leurs convictions, de leur vision du monde ou de leur talent, les dirigeants israéliens ont toujours montré – parfois in extremis – un sacré bon sens et un pragmatisme certain pour mesurer les rapports de force et comprendre où sont les intérêts vitaux de leur pays. À défaut de mieux, on peut considérer le discours de Benyamin Netanyahou comme une nouvelle preuve de ce pragmatisme et donc comme une lueur d’espoir.

Vendredi, c’est les vacances !

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Dans son métro ou son transat, beaucoup de choses à lire dans le numéro « Spécial été » de Vendredi, qui sera en kiosque jusque fin août, en attendant le retour de l’hebdo dès septembre. Au sommaire, un gros dossier de portraits qui sort les blogueurs vedettes – ou méritant de l’être – de leur anonymat (enfin ceux qui souhaitent en sortir) ; un guide bien gaulé des meilleurs sources du Net et plusieurs bonus. Pas de string Vendredi ni de t-shirt à l’effigie de Jacques Rosselin, hélas, mais, quand même, la reprise des vingt-huit premières « unes » de l’hebdo, et une magnifique photo de groupe, prise dans la cour du journal, d’une centaine d’individus issus de petit monde du Net. Les plus attentifs d’entre vous n’auront guère de difficultés à y retrouver les beaux sourires de Gil et d’Elisabeth, ainsi que ma cravate et ma clope au bec…

Valls : come on Evry body !

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Chouette, on en tient un ! À en juger par leur air gourmand, certains journalistes, à commencer par Françoise Degois, prêchi-prêcheuse en chef sur France Inter et dame de compagnie de Ségolène Royal, auraient bien vu Manuel Valls dans le rôle du nouveau diable raciste, lepénisé de l’esprit, qui n’a rien à faire au glorieux Parti socialiste. Et Valls, c’est quand même un autre gibier que Frèche. La preuve, c’est qu’il a le culot, en prime, d’annoncer qu’il est candidat pour porter les couleurs (un peu délavées, il est vrai) du PS à la prochaine présidentielle. Gonflé, le mec.

À vrai dire, on se demande où nos flics de la pensée avaient la tête. Il aura fallu une semaine pour que le crime de Valls soulève quelques cœurs. Qu’on en juge : le 7 juin pendant la visite d’une brocante à Evry, la ville dont il est le maire, alors qu’il était filmé par une équipe de Direct 8, il a, semble-t-il, déclaré qu’il faudrait rajouter « quelques blancs, quelques white, quelques blancos ». Je dis « aurais », parce que j’ai eu beau visionner et revisionner la vidéo, je n’ai pas entendu grand-chose.

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Enfin, Valls n’ayant pas démenti, supposons qu’il a vraiment dit ce qu’on dit qu’il a dit. Et donc, au bout d’une semaine, la moutarde est montée au nez de Faouzi Lamdaoui, membre du conseil national du PS et proche de François Hollande qui a qualifié les propos de Valls de « dérapage scandaleux » et demandé à Martine Aubry de les dénoncer. Bien entendu, Patrick Lozès, le patron du CRAN, lui a rapidement emboité le pas, sommant Titine et Valls de lui accorder un rendez-vous pour « connaître leur position sur la diversité ». Certains, soupçonneux par nature, remarqueront que l’indignation de Lamdaoui s’est manifestée le jour même où Valls sortait du bois en se déclarant, dans le JDD, « candidat à la primaire pour représenter la gauche et les socialistes ». Au passage, le député-maire d’Evry proposait de se débarrasser du mot « socialiste » (qui comme chacun sait ne redistribue pas) et dénonçait les « postures » et les « facilités » du PS. Autant dire que ce n’est pas gagné pour lui, même si, rue de Solférino, on ne semble guère avoir envie d’attiser cette polémique. Il est vrai que le déni de réalité érigé en pensée politique n’a pas donné jusque-là d’excellents résultats électoraux.

Reste à comprendre ce que Valls a proféré de si scandaleux. En somme, il a simplement remarqué sur un mode rigolard ce que n’importe qui peut voir à l’œil nu, autrement dit que les blancs sont désormais minoritaires, sinon à Evry, du moins dans certains de ses quartiers. Ah, c’est très mal de dire ça ! Attention, je n’ai pas dit que c’était faux : si c’est mal de le dire, c’est justement parce que c’est vrai. Est-ce raciste de remarquer ce fait, voire de le trouver problématique ? Pour nos belles âmes qui ne passent jamais le périph’, cela ne fait aucun doute. Ne devrait-on pas au contraire, s’enthousiasmer de voir la France se métisser au point que certaines de ses villes accueillent désormais plus d’habitants issus de l’immigration que de Français de souche ? On notera avec amusement qu’en juillet 2005 Stéphane Pocrain, ex-Vert passé au PS, avait fait exactement le même constat que Manuel Valls, sans susciter la moindre réaction : « Il faut que les Français blancs s’y fassent, avait-il dit. Bientôt ils ne seront plus majoritaires en France. Il suffit de se promener dans les rues de Paris et de prendre le métro pour s’en rendre compte. » En clair, on a le droit de compter les Arabes et les Noirs, à condition d’en être un soi-même[1. Moi perso, j’aime bien que les goys racontent des blagues juives.], et surtout de célébrer comme il convient toute avancée de la France multi-culturelle. A contrario, Siné a été attaqué par la LICRA pour ses propos sur le jeune Sarkozy et sa dame, mais aussi pour avoir écrit que, quand il se rendait au supermarché de sa ville (j’ai oublié s’il s’agissait de Bondy ou de Montreuil), il avait l’impression d’être à la mosquée. Quoi qu’en pensent les procureurs médiatiques, Siné a été relaxé par un tribunal de la République.

Au risque de rejoindre Valls et les autres dans l’enfer où rôtissent les racistes, je l’avoue : je suis d’accord avec lui. Non pas au motif d’une quelconque supériorité ethnique d’on ne sait qui, mais parce que n’importe quel gamin de n’importe quelle école d’Evry est capable de voir que l’intégration, ça ne marche pas quand les populations allogènes sont plus nombreuses que les indigènes. Et l’assimilation, mot qu’on n’ose plus prononcer malheureusement, encore moins. Autrement dit, si le génie national a toujours consisté à fabriquer des Français avec n’importe qui, c’est parce qu’il y avait des accueillis et des accueillants, des hôtes et des hôtes comme dirait Renaud Camus – j’aggrave mon cas. À partir du moment où des populations venues, comme on dit, d’autres cultures, sont majoritaires, on comprend bien qu’elles ne sont guère portées à faire l’effort que requiert toute immigration, à savoir le renoncement à certains éléments de son mode de vie et de sa culture contre la promesse d’une autre culture et d’une vie meilleure. Qu’on ne se méprenne pas : il n’est demandé à quiconque de renoncer à sa foi pour devenir français. En revanche, se balader en burqa, pratiquer la polygamie, envoyer ses filles au pays pour les marier voire les exciser n’est pas la meilleure façon de s’affirmer comme citoyen à part entière – et tout cela révulse mes copains arabes ou musulmans autant que les autres. Pour tout dire, cela ne me gênerait guère qu’on interdise aux femmes de porter dans l’espace public non pas le foulard islamique mais ces tenues sinistres qui cachent leurs visages et les font ressembler à des fantômes. Comme le remarquait il y a quelques années notre ami Elie Barnavi, en Occident, on montre son visage.

Tout le monde le sait et tout le monde le tait, nous avons un problème d’immigration, ou plutôt de Français issus de l’immigration, et ce problème n’est ni ethnique, ni racial. Il serait absurde de nier qu’il est en partie social mais il est autant et peut-être plus encore culturel. En vrai, ce qui donne l’impression aux habitants de certains quartiers d’être ailleurs, ce qui leur fait parfois penser ou dire qu’on n’est plus chez soi (le langage populaire est un peu plus brutal que la langue de bois des politiques) n’est pas que leurs concitoyens soient plus ou moins basanés, mais la transformation de la vie sociale elle-même : personne n’irait se balader en mini-jupe, même moi, dans certains quartiers. La ghettoïsation enferme et fige des modes de vie autant que des niveaux de vie. « La blague, à Evry, c’est qu’on compte les blancs », m’a dit récemment une connaissance habitant l’Essonne. Certes, on peut toujours faire dans l’angélisme, célébrer la diversité et multiculturalisme. Mais que signifie la diversité quand la culture d’accueil en est exclue ? Trouverait-on merveilleux que les blancs soient majoritaires à Dakar ou à Tokyo ? Imposera-t-on des touristes en shorts à Ryad ou Téhéran (alors que les habitants de ces villes ont au moins la chance d’être épargnés par ce fléau) ? Croit-on vraiment qu’un goy bon teint ou un juif de culture irait volontiers s’installer au milieu des loubavitchs du XIXe arrondissement de Paris ? On a le droit de penser que toutes les cultures et tous les modes de vie se valent – mais alors, il faut être logique.

« Il faut accepter de regarder la réalité en face », a déclaré Manuel Valls sur Europe 1. L’ennui, c’est que ce n’est pas la spécialité de la gauche et assez peu celle de la droite qui conjuguent assez bien leurs efforts pour criminaliser ce que pensent les « vrais gens ». Voilà des années qu’on explique aux Français, et en particulier à ceux qui vivent dans ce qu’on appelle « les quartiers » (expression venue d’Algérie), qu’ils ne vivent pas ce qu’ils vivent et qu’ils sont des salauds, voire des délinquants, de penser ce qu’ils pensent. On ne saurait trouver meilleur moyen de monter les populations les unes contre les autres. Et puis, s’il est criminel de croire que la France est un vieux pays chrétien et blanc et que tout le monde y est bienvenu à condition d’adopter ses valeurs – et, dans une certaine mesure, ses us et coutumes –, nous serons beaucoup à passer en procès. Alors, s’il ne se déballonne pas, je suis prête à voter Valls à la prochaine présidentielle. Je n’en dirais pas autant de la plupart de nos socialistes.

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Grippe porcine, que fait l’institut Meirieu ?

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Sept collégiens de sixième, élèves dans un établissement de la banlieue toulousaine, ont été déclarés officiellement atteints par le virus H1N1, plus connu sous le nom de grippe porcine. Si leur état n’inspire heureusement aucune inquiétude, la façon dont ils ont contracté la maladie ne laisse pas d’intriguer les autorités sanitaires. « La spécificité de cette situation, c’est que ces cas ne sont pas liés à un déplacement à l’étranger », a notamment déclaré la préfecture de Haute-Garonne. On ne peut suspecter la puberté, que Léon Bloy définissait pourtant comme un lion à tête de porc, puisqu’il s’agit d’enfants encore un peu jeunes. Suggérons donc aux enquêteurs et autres épidémiologistes de vérifier s’il n’y a pas de porcheries à proximité, comme, par exemple, des IUFM, d’où sortent, chaque année, des centaines de maîtres contaminés par le pédagogisme.