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On espérait mieux, on craignait pire


On espérait mieux, on craignait pire

Benyamin Netanyahou ne devrait pas être trop mécontent qu’Ahmadinejad lui ait volé la vedette : la réélection du plus caricatural ennemi d’Israël (et du plus encombrant ami de la cause palestinienne) ainsi que la contestation de plus en plus imposante des résultats au sein de la société iranienne sont la meilleure mise en musique du discours qu’il a prononcé dimanche à l’université Bar Ilan (Tel Aviv). La menace iranienne qui constitue le ciment de sa coalition parait de plus en plus menaçante. Du coup, son argument stratégique « le nucléaire iranien d’abord » n’en est que plus audible.

S’adressant d’abord aux oreilles américaines, le Premier ministre israélien semble avoir obtenu l’essentiel : éviter un conflit ouvert à la fois avec la Maison Blanche et avec sa famille politique, le Likoud et la droite. Les félicitations de Washington et la retenue des ses partenaires politique en apportent la preuve. Il est vrai que les tensions – au sein de son parti et de sa coalition aussi bien qu’avec l’équipe Obama – restent vives, mais sur l’échiquier international, il a déplacé son pion et a soulagé la pression qui pesait sur lui.

Ces derniers mois, il a fait monter le cours de la formule magique « Etat palestinien » sur le marché des relations internationales. Selon son analyse, à court et à moyen terme, avant que l’horizon iranien se dégage et que les Palestiniens retrouvent leur unité, le seul jeu est celui de mots : sur le terrain tout est bloqué, tout le monde attend. Dimanche, après avoir entretenu le suspense pendant une semaine, Netanyahou a pris ses bénéfices.

Les Palestiniens ont le droit d’être déçus car Netanyahou ne leur propose pas grand-chose de nouveau, si ce n’est une nouvelle affirmation que le seul projet politique raisonnable est la création d’un Etat palestinien dans les territoires conquis il y a 42 ans et occupés depuis. Mais ils ont tort d’ignorer qu’en même temps Netanyahou a donné à son discours un ton plus politique qu’historique, choisissant des mots et des formules qui laissent sinon une porte au moins une fenêtre ouverte.

Certes, il a soigneusement enveloppé son acceptation d’un Etat palestinien de deux conditions – il pouvait difficilement faire autrement sans exposer dangereusement son flanc droit.

À première vue, ces deux préalables posés par Netanyahou – la reconnaissance d’Israël comme Etat juif et la démilitarisation de l’Etat palestinien – semblent des obstacles insurmontables. Mais observées de plus près, les deux formules laissent une marge de manœuvre assez importante. La démilitarisation de la Palestine est une vieille exigence israélienne, habituellement cachée derrière des formules comme « arrangements sécuritaires ». Dans le cadre des accords de paix avec l’Egypte, le Caire a accepté la démilitarisation du Sinaï et mêmes les Syriens ne sont pas hostiles à une telle demande israélienne pour le Golan ; il n’y a en réalité rien de choquant à ce que la même règle soit appliqué à la Cisjordanie et à la bande de Gaza. Netanyahou a donc simplement détaillé et explicité des choses que connaissent parfaitement tout ceux qui se souviennent des négociations passées, et il l’a fait en toute connaissance de cause : cette rhétorique est principalement destinée à rassurer les Israéliens, échaudés par les expériences de retrait à Gaza et au Liban. Il faut une bonne dose de mauvaise foi pour évoquer, au sujet de cet Etat démilitarisé, les Bantoustans sud-africains ou un protectorat.

Quant à la reconnaissance d’Israël en tant qu’un Etat juif, l’autre formule qui fait peur et qui a fait réagir Moubarak, elle laisse en réalité beaucoup de place à la négociation. Pour Netanyahou, c’est essentiellement une façon de traiter la question du droit au retour des réfugiés : pour qu’Israël reste un Etat juif, on ne peut pas toucher à l’équilibre démographique de sa société et un retour massif est donc hors de question. Reste que Netanyahou n’a pas parlé de « droit au retour », laissant une petite fenêtre ouverte à une solution pragmatique avec les Palestiniens, pour lesquels ce droit est une exigence symbolique majeure. Ainsi on peut envisager un retour hautement symbolique (quelques milliers) en échange d’une déclaration très symbolique.

Enfin, sur la question de Jérusalem, Netanyahou a bel et bien réitéré sa position traditionnelle sur son indivisibilité sous souveraineté israélienne, mais il a évité les tartes à la crème habituelles sur le sujet. Autrement dit, cette mention correspond en réalité au service minimum. Il est même allé jusqu’à expliquer que sa paix économique, une idée qui lui est si chère, ne remplace pas un accord politique – on pouvait difficilement espérer plus.

Le problème est que tout le monde soupçonne Netanyahou et doute des ses véritables intentions.

Ce n’est donc pas le discours lui-même mais celui qui l’a prononcé qui explique les réactions plutôt mitigées. À Washington (et même à Tel Aviv…), beaucoup pensent qu’il cherche uniquement à gagner du temps ; à Ramallah, la direction palestinienne en est même convaincue. Son pragmatisme s’inspire-t-il de celui d’un Sharon qui a décidé du retrait de Gaza, après avoir été l’un des artisans les plus efficaces de la colonisation juive des Territoires occupés, de celui de Begin faisant la paix avec l’Egypte, ou faut-il y voir une manœuvre à la Yitzhak Shamir (premier ministre israélien, 1983-1992) ? En réalité, peu importe, car même Shamir s’est arrêté net face à la fermeté américaine: il n’a pas attaqué l’Irak en 1991 et il a accepté la conférence de paix à Madrid en 1992.

Quoi que l’on pense de leurs convictions, de leur vision du monde ou de leur talent, les dirigeants israéliens ont toujours montré – parfois in extremis – un sacré bon sens et un pragmatisme certain pour mesurer les rapports de force et comprendre où sont les intérêts vitaux de leur pays. À défaut de mieux, on peut considérer le discours de Benyamin Netanyahou comme une nouvelle preuve de ce pragmatisme et donc comme une lueur d’espoir.



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est historien et directeur de la publication de Causeur.

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