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Eté meurtrier, gouvernement complice

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Téléphérique
Attention, l'été tue !

Les statistiques sont implacables et le bilan accablant : l’été tue beaucoup plus de gens que les trois autres saisons réunies.

Ainsi, dans les parages où je demeure, on constate une augmentation fulgurante du nombre des victimes d’accidents de montagne ou de randonnée dès l’arrivée des beaux jours. Les crevasses des glaciers exigent chaque année plus de chair fraîche. On ne compte plus les sexagénaires qu’une retraite accordée alors qu’ils sont encore en pleine forme incite à gravir des sentiers escarpés, où la Faucheuse les guette à chaque passage un peu délicat et n’hésite pas à leur envoyer l’orage et la foudre lorsqu’ils se révèlent par trop résistants. On devrait bientôt parvenir à juguler ce dernier fléau en n’accordant plus le billet de sortie de la vie active qu’à des quasi-grabataires ayant dû cotiser trois quarts de siècle pour bénéficier d’une pension à taux plein.

[access capability= »lire_inedits »]La mortalité provoquée par les noyades en mer, en rivière et même en piscine connaît également un accroissement exponentiel entre juin et septembre. Ceux qui ont envers le sport une attitude churchillienne d’abstinence totale ne doivent pas se considérer pour autant préservés des calamités estivales : la bronzette paresseuse, c’est de la mort à crédit : tôt ou tard, le crabe excité par les ultraviolets transformera un charmant grain de beauté en mélanome malin.

Face à ces calamités, il faut bien reconnaître que les pouvoirs publics font montre d’une coupable passivité : quelques vagues campagnes de prévention, des drapeaux sur les plages dont tout le monde se fiche, le refus obstiné d’instaurer un permis de randonner à l’instar du permis bateau sont la preuve que le pouvoir est autant à la botte du lobby du tourisme qu’à celle du lobby nucléaire.

L’argent, cet argent fou qui engraisse les hôteliers, plagistes, marchands de glaces ambulants et gardiens de refuges n’a que faire des vies brisées et des familles endeuillées à cause de cette folie estivale qui s’empare chaque année de notre pays.

Le principe de précaution, dont on nous rebat les oreilles tout au long de l’année, semble s’être mis, lui aussi en congé annuel.

On n’entend pas, non plus, à ce propos, les cris angoissés des chevaliers de l’apocalypse habituels, les Hulot, Cohn-Bendit ou Bové. Quand il fait soleil, c’est la faute au réchauffement climatique et, quand le temps est pourri, c’est qu’on ne perd rien pour attendre : tel est leur message tristement répétitif entre juin et septembre, alors que des catastrophes beaucoup plus dramatiques se produisent sous leurs yeux chaque jour d’été qui passe.

Le principe de précaution ne se divise pas : il doit être appliqué 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et 365 jours par an (366 les années bissextiles).

Les solutions sont pourtant là, à portée de main, et de surcroît peu gourmandes de deniers publics. Les activités de loisirs, si meurtrières en été, se révèlent en effet beaucoup plus sûres en hiver. Les statistiques sont formelles : on compte infiniment moins de noyés au mois de décembre qu’au mois d’août, et les dévissages dans les aiguilles de Chamonix sont beaucoup moins nombreux quand le thermomètre marque -30 au sommet du téléphérique de l’Aiguille du Midi.

Un gouvernement qui aurait le souci de la préservation de la vie et de la santé des Français n’hésiterait pas à prendre les mesures drastiques qui s’imposent. Par exemple, n’autoriser les baignades que les mois en « r » : des millions d’huîtres ne peuvent pas avoir tort. Verbaliser sans pitié toutes celles et tous ceux qui lézardent en bikini sur la plage les jours où le cagnard darde ses rayons.

Créer un corps de police des sentiers et installer des caméras de vidéo-surveillance sur les GR pour dissuader les imprudents de se prendre une suée avant le 15 novembre.

Tout cela, bien sûr, heurtera les intérêts d’une infime minorité de vautours de l’industrie touristique, qui fera tout pour préserver ses privilèges éhontés. L’insurrection qui vient sera celle d’un peuple auquel une avant-garde visionnaire aura dessillé les yeux : la tyrannie sanglante de l’été sera abolie par ceux-là mêmes qui en sont aujourd’hui les esclaves enchaînés. Mieux vaut vivre gelé que mourir bronzé.[/access]

La chaise éclectique

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C’est au Sud, évidemment. Le lecteur veut pouvoir lire dehors, sur une chaise longue, et regarder la mer. De quel Sud s’agit-il ? le lecteur n’a pas forcément envie de le dire. Le lecteur veut bien partager ses lectures avec les Causeurs, mais pour le reste, les voir débarquer comme ça, sans prévenir… Certains, il ne dit pas… Mais bon.

Disons que c’est un Sud où il y a l’euro et des claviers qwerty, mais que ce n’est pas une monarchie. Disons que c’est un Sud où le lecteur va depuis l’enfance, un Sud où l’on parle une langue d’oiseaux. Un Sud avec assez peu de touristes allemands, sauf sur une mince bande méridionale qu’ils occupent avec beaucoup moins de raffinement que ne l’ont fait les Arabes en leur temps. Les uns ont laissé des faïences, des bains, des amandiers ; les autres laissent surtout des papiers gras, des maladies vénériennes et des bagarres d’ivrognes. D’ailleurs, ils ne lisent pas.

C’est pour cela que le lecteur n’y va plus trop, dans la zone occupée, et pourtant, on peut y méditer sur un cap splendide où naguère un roi pensif allait seul regarder l’océan, rêver d’outre-mer et finit par envoyer ses bateaux partir bien loin conquérir un cinquième empire, sur la simple foi d’un bout de bois d’une essence inconnue que lui apportèrent les vagues, un matin.

C’est un Sud que beaucoup d’écrivains aimèrent avant le lecteur, finalement. Des écrivains connus pour leurs goûts des îles, du style, des voyages et des nations élégamment périphériques. C’est pour cela que le lecteur les prend toujours avec lui, en fond de bibliothèque, comme le cuisinier a besoin d’un fond de produits, toujours les mêmes, qui servent de base à ses plats favoris. C’est surtout de ceux-là qu’a envie de vous parler le lecteur. La rentrée littéraire va arriver bien assez tôt.

Ainsi, jamais il ne partirait sans Déon, Chardonne, Morand, Larbaud quand il se rend dans ce Sud-là. De Déon, cette année, il a pris Un déjeuner de soleil, son préféré, le récit de la vie d’un écrivain imaginaire. Nous sommes tous des écrivains imaginaires puisque nous sommes tous des lecteurs. Déon a très bien compris ça, entre autres. L’année prochaine, il faudra songer à changer le vieux Folio. Les livres fabriqués selon les procédés de l’industrie moderne s’usent, hélas, plus vite que le cœur d’un mortel.

De Chardonne, il est parti avec l’édition originale de Claire dans la mythique collection « Pour Mon Plaisir » de Bernard Grasset. Le papier alfa n’a pas bougé. Pas plus que le génie de Chardonne. Claire, le lecteur en connaît les premières phrases par cœur : « La beauté de Claire, c’est-elle même. Elle est toute entière inscrite dans la forme de ses bras. » Le lecteur pense que jamais la langue française ne fut portée à un tel de gré d’incandescence classique. Chardonne avait une pensée politique qui aurait été celle d’un genre de Villiers protestant européiste. Pas franchement la tasse du thé du lecteur, mais comme il n’y a pas de morale en littérature, on peut très bien écrire avec des idées franchement rances et écrire rance en étant un ami du peuple. C’est comme ça.

De Morand, le lecteur a avec lui un recueil de nouvelles dont il ne donnera pas le titre, sinon vous trouveriez tout de suite où il est et il préfère laisser un flou. Sachez simplement que cela renvoie à une des plus jolies villes du pays, dans une montagne verdoyante qui domine la capitale, au loin. De sa chaise longue, le lecteur en voit la silhouette perdue dans du bleu atlantique. On y trouve un château où Visconti aurait pu tourner des plans de son Louis II, un château-pâtisserie où le dernier roi du pays apprit d’ailleurs qu’il ferait mieux de partir, quelques années avant la guerre de 14. Il n’a pas fait d’histoires. Il a tout de suite embarqué pour une ancienne colonie.

Valery Larbaud, lui, vous explique très bien que les révolutions, dans ce pays, sont fréquentes mais qu’elles ne tuent pas. La dernière en date, où il fut beaucoup question de fleurs et de militaires de gauche qui ont vite rendu le pouvoir au peuple, comme si c’était une chose un peu répugnante pour des guerriers sincères, a aujourd’hui l’âge que beaucoup d’hommes trouvent idéal pour une femme. Le lecteur, là non plus, ne vous en dira pas plus.

De Valery Larbaud, le lecteur cette année n’a pas pris la Pléiade en un volume, celle où se trouve le plus joli roman jamais écrit sur les amours adolescentes, Fermina Marquez. Non, il a emporté l’extraordinaire édition complète du Journal, qui vient enfin de sortir chez Gallimard. Un seul volume de 1600 pages. Le genre de truc à vous ficher un excédent de bagages. En même temps, 1600 pages de Larbaud valent bien de prendre le risque.

Evidemment, le lecteur ne se déplace jamais non plus sans Rimbaud. Il a vu, de retour en France, que l’hebdomadaire Marianne avait eu l’idée moyenne de demander à un écrivain de descendre un autre écrivain dans ce qu’il est convenu d’appeler les séries d’été. En soi, l’exercice aurait pu peut-être avoir été drôle entre vivants et ce ne fut le cas que la première semaine où Philippe Besson exécuta Patrick Besson qui s’en remettra parce qu’il a la peau dure et qu’il sait se défendre. En revanche, voir Agnès Desarthe dire tout le mal qu’elle pense d’Alain-Fournier laisse rêveur. Et quand un troisième couteau flingue Rimbaud sans que l’on soit sûr qu’il s’agisse de second degré, on se dit que l’individu en question n’a pas été plus précis que Verlaine à Bruxelles quand il tira sur le sale gosse. Mais Verlaine le fit par amour alors que le troisième couteau, c’est pour se faire un nom. Ils feront quoi à Marianne l’année prochaine ? Madeleine Chapsal contre Homère et Marc Lévy contre Balzac ? La haine du sens, comme la raison, a parfois des ruses décidément déroutantes…

Dans Rimbaud, cette année, le lecteur a d’ailleurs surtout traîné du côté de la correspondance. Comme s’il allait trouver, par miracle, la raison du silence prématuré alors que tout le monde cherche ça de puis toujours et n’a toujours pas trouvé. Il a comme ça des questions qui le taraudent, le lecteur. Pourquoi Rimbaud est-il parti au Harar ? Pourquoi les jeunes filles, même dans ce pays délicat, se greffent des aillepaudes autistiques ? Pourquoi aucune expérience communiste n’a (encore) réussi ?

Pour essayer de répondre à la dernière question, le lecteur a aussi dans la pile près de sa chaise longue, L’Hypothèse communiste de Badiou dans laquelle il a lu des évidences réconfortantes à propos de la crise en cours : « On voit, ce qui s’appelle voir, des choses simples et connues de longue date : le capitalisme n’est qu’un banditisme irrationnel dans son essence et dévastateur dans son devenir. Il a toujours fait payer quelques courtes décennies de prospérité sauvagement inégalitaires par des crises où disparaissaient des quantités astronomiques de valeur, des expéditions punitives sanglantes dans toutes les zones jugées par lui stratégiques ou menaçantes, et des guerres mondiales où il se refaisait une santé. »

Il sent bien que ça va faire des histoires, cette citation, le lecteur, mais bon, même dans une chaise longue d’un pays bleu et ocre, avec à quelques dizaines de mètres, des rouleaux d’écume et des surfeuses rieuses, il a du mal à ne pas provoquer, le lecteur.

Il sait que la sagesse ne viendra jamais. Il ne sait pas s’il doit s’en plaindre. Pour l’instant, une surfeuse éblouie reprend pied et le lecteur pense à Rimbaud, encore une fois :

« Elle est retouvée !
Quoi ?
L’éternité : c’est la mer allée avec le soleil… »

Fermina Márquez

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Un café, un poutche et l’addition

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En ce mois d’août, le président du Vénézuela Hugo Chavez (gauche bolivarienne) a pris une mesure originale. Il a envoyé l’armée occuper les usines de café, aux mains de monopoles privés qui fixaient les prix abusivement. Quelques jours après avoir refusé de renouveler la concession de plusieurs chaînes privées qui appelaient ouvertement à son renversement ou à son assassinat, il semble que le courageux colonel engage son pays sur une voie originale, celle d’une sortie en douceur de la dictature capitaliste assistée par la télévision, de type ouest européen (Italie, France, etc.). De plus, contrairement à Obama, en difficulté sur son projet de sécurité sociale, ou à Arnold Schwarzenegger, acteur de série B et gouverneur de Californie (cumul traditionnel chez les Républicains) obligé de sabrer dans les dépenses sociales et éducatives pour boucler son budget grevé par des spéculateurs boursiers qu’il a fallu renflouer à coups de milliards de dollars, cette décision du président Chavez pourrait bien lui permettre, à lui et au peuple vénézuélien, de sauver le petit noir.

Sous le soleil des topiques

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Une chose est sûre : les journalistes prennent aussi des vacances.
Une chose est sûre : les journalistes prennent aussi des vacances.

Nous vivons des temps inédits. A preuve : les marronniers ne sont plus ce qu’ils étaient. Même les télés ne peuvent plus se contenter d’alimenter un JT uniquement à coup de pizzas avariées et de Médor abandonnés. Et l’ensemble des médias, où plutôt ce qu’il en reste pour cause de congés payés, se voit contraint de renouveler son offre d’été, faute de pouvoir s’en tenir aux « unes » traditionnelles dont ils faisaient leurs délices les saisons passées – on a presque envie de dire : les siècles passés. C’en est donc fini du monopole des couv’ racoleuses sur le sexe et, heu… le sexe.

Quoi de neuf, donc ? Si la saison est loin d’être forclose, quelques grandes tendances se dessinent déjà.

[access capability= »lire_inedits »]Tout d’abord, les classiques revisités :

La crise (ci-devant des subprimes). Elle fait encore parler d’elle. Comme en 2008, on nous raconte ça et là les aventures d’une famille qui a choisi le camping à Quiberon plutôt que la demi-pension aux Flots bleus. Mais comme ladite crise touche aussi l’hôtellerie de luxe qui, nous dit-on, brade ses chambres sur le Net, certains petits malins titrent sur le phénomène inverse. On attend, avant fin août, le premier reportage sur le Plaza Athénée envahi par les Rmistes. A prévoir aussi, au rayon crise, des articles sur les estivants qui, sur la route des plages ou du Futuroscope, font un détour pour emmener les gamins voir les bonbonnes de gaz à New Fabris ou JLG.

Les incendies de forêts. Pour cause de temps de merde généralisé (quid du réchauffement climatique, au fait ?), on a scandaleusement failli en être privé. Heureusement, un brave sous-off de la Légion a rectifié le tir…

Ensuite, les nouveaux épisodes de feuilletons d’avant les vacances :

La grippe A (ex-porcine, ex-mexicaine, ex-H1N1). Elle est en train de devenir la grippe tout court. Accompagnée, toutefois, d’une épidémie de schizophrénie dans la profession. « C’est très très grave », nous serine-t-on, juste avant de nous expliquer le contraire : en cas de fièvre et de douleurs persistantes, foutez la paix au SAMU et allez voir votre docteur (souvent appelé médecin « généraliste » dans les gazettes et « référent » dans le journal du soir). De toute façon, on n’attend rien de monstrueux avant l’automne et, si vous voulez mon avis, des vacanciers qui, en juillet, s’inquiètent de la grippe à la rentrée, ça vaut pas plus cher que ces étudiants qui, dans les manifs, disent être préoccupés par le montant ou l’âge de leur retraite : qu’ils crèvent !

Le Parti socialiste. La déculottée des élections européennes ayant eu le mauvais goût de tomber au mois de juin, normal que les collatéraux débordent sur l’été. Au moins, avec sa correspondance-surprise avec Manuel Valls, Martine Aubry réussit-elle à faire parler de sa personne, ce qui est une sorte de petit exploit, comme en réalisent les baroudeurs tricolores sur les étapes de transition du Tour. Mais il ne suffit pas de montrer le maillot, encore faut-il garder des forces pour la fin de l’étape, et on ne vous parle même pas de victoire finale sur les Champs-Elysées.

Enfin, il y a les vrais thèmes innovants :

La Lune. De France Cul à Gala, impossible d’échapper au quarantenaire des exploits d’Armstrong et d’Aldrin. On pourra (souvenez-vous de mai 68 la saison passée) s’étonner de cette nouvelle lubie de fêter les 40 bougies d’un événement avec le lustre d’un cinquantenaire voire d’un centenaire. Après tout, il aurait été plus logique de garder tous ces flonflons pour 2019. L’allongement de la durée de vie étant ce qu’il est, il y a fort à parier que les protagonistes seront toujours là : tout comme la Lune, d’ailleurs.

La fin du topless. Ça, c’est du lourd, notamment dans les hebdos féminins qui n’en finissent pas d’épiloguer sur le hara-kiri du monokini. Chacun y va de son analyse, toujours pour expliquer que le féminisme est entré dans les mœurs, qu’on n’a plus besoin de le revendiquer et encore moins de l’exposer. Mais beaucoup vont plus loin, théorisant, comme nos consœurs d’Elle, sur cet acquis fantastique qu’est la « nouvelle pudeur ». Dans tous les journaux, les témoignages sont légion, toujours à base de nanas de 20 ans qui t’expliquent que, quand même, le regard des garçons, c’est gênant. Toutes choses qui m’amènent à me demander si ce sujet-là est finalement si neuf que ça, ou s’il ne s’agit que de la suite logique des âneries du printemps sur la nécessité de ne pas stigmatiser celles qui ont choisi de porter la burqa…
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Les problèmes de cœur du président

Comment n’y a-t-il pas pensé plus tôt ? Il a suffi de quelques heures d’hospitalisation, suite au malaise vagal consécutif à un footing trop poussé, pour que la popularité présidentielle, en berne depuis des lustres, hisse à nouveau les couleurs.

Chez Sarkozy, tout est politique, même le corps du président, même les défaillances du corps du président. Selon un sondage CSA pour VSD, publié mercredi, le passage au Val-de-Grâce a opéré des miracles : 53 % des Français jugent désormais que Nicolas Sarkozy est un “bon président”, soit 12 % de plus que dans le précédent sondage, 63 % le jugent “sympathique” (+ 15 % !), 50 % “proche des gens” (+ 14 %) et, sans surprise, 90 % d’observateurs avisés l’estiment “dynamique” (+ 5 % tout de même, on se demande sur quelle planète lointaine vivent les 10 % qui, apparemment, le jugent lymphatique).

On savait déjà qu’on pouvait gagner une élection grâce à un cancer de la prostate habilement géré, mais c’était tout de même cher payer. Mais + 12 % d’opinions favorables pour le prix d’un malaise vagal, c’est bradé !

La démocratie, c’est simple comme un électrocardiogramme. Quand on pense qu’il n’y pas si longtemps encore, quand on n’avait pas encore compris que la politique n’a plus rien de politique, certains s’échinaient, dans d’obscurs cabinets, à élaborer pendant des mois des catalogues de propositions incompréhensibles pour attirer un chaland électoral qui s’en contrefichait – car il ne pense qu’à une chose, le brave électeur : élire son prochain, son frère, celui qui lui ressemblera le plus, qui sera le plus proche de lui – tout proche. Ce n’est plus un système politique, c’est de la calinothérapie.

On imagine que suite au succès inattendu de ce coup de com impromptu, la cellule idoine de l’Elysée a déjà concocté un programme aux petits soins pour convaincre les 50 % qui persistent stupidement à ne pas trouver notre hyperprésident “proche des gens” : une extinction de voix de Carla à la veille d’un concert ? ça pourrait passer inaperçu. Plutôt une bonne petite crise conjugale à l’automne, suivie d’une réconciliation express à Venise, avec échanges de papouilles sur une gondole (un dîner aux chandelles à l’Hippopotamus a été un moment évoqué, mais il ne faut pas trop en faire non plus). Pour les fêtes, on pourrait prévoir une jolie crise de foie carabinée – question proximité avec le Français moyen, y’ pas mieux, coco. Au printemps 2010, un accident de plongeoir dans la piscine du cap Nègre, programmé au bon moment, devrait constituer un coup de pouce décisif pour les régionales.

Et après ? Après… qu’est-ce qui pourrait encore rendre le Président plus “proche des gens” ? A part un licenciement sec suite à une délocalisation du pouvoir politique à Bruxelles, je ne vois pas. Après ça, Nicolas Sarkozy pourrait – enfin ! – connaître une popularité triomphale à la Chirac, qui en ce moment multiplie les bains de foule, en toute proximité, à Saint-Tropez, qui abrite temporairement ses vacances perpétuelles. C’est tout le mal que l’on souhaite à notre vénéré président.

Mort d’un soudard grec

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Nicolas Makazeros est mort à 90 ans, le 4 août. Il faisait partie de la junte militaire, les fameux « colonels » qui installèrent le 21 avril 1967, avec l’aide logistique de la CIA, une dictature qui devait durer sept ans. La gauche était alors, bien entendu, sur le point de remporter les élections. Incompétents, incultes et brutaux, les colonels grecs interdirent notamment l’étude de Platon et de Socrate pour homosexualité.

Artilleur, Nicolas Makazeros se montra particulièrement féroce lors de la répression d’une grève étudiante de l’école polytechnique d’Athènes en 1973. Avec ses comparses, il fut lui-même renversé par le chef de la sécurité Ioanidis, tout aussi nullissime que ses prédécesseurs puisqu’il fut incapable de résister à l’invasion turque de Chypre qu’il avait lui-même provoquée, ce qui fit s’effondrer la dictature.

Condamné à mort pour haute trahison, Makazeros vit sa peine commuée en détention à perpétuité, sans doute parce que la sagesse antique, contrairement à la justice américaine, interdit la mise à mort d’attardés mentaux.

Libéré, Makazeros passa la fin de sa vie à tripoter un komboloï et à jouer au jacquet, avec le regard vide si caractéristique des brutes galonnées.

En revanche, l’écrivain Manolis Glezos, membre du Parti communiste, qui décrocha le 30 mai 1941, alors qu’il avait à peine vingt ans, le drapeau nazi qui flottait sur l’Acropole, se porte toujours à merveille et continue de recevoir aimablement ses admirateurs dans son île natale de Naxos. Il doit être content, le vieux camarade et je lui dis à bientôt.

Smoking, no smoking

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N’est pas Bernard Madoff qui veut. Certains banquiers n’ont pas la chance d’écoper de 160 années de prison et doivent s’isoler sur des îles désertes pour conquérir un peu de solitude. C’est le cas de Geoff Spice. Ce banquier londonien de 56 ans fume trente cigarettes par jour et a décidé d’arrêter. Plutôt que de se faire poser un patch, d’essayer l’hypnose, l’acupuncture, l’homéopathie ou les champignons hallucinogènes (une assiette et t’as plus envie de fumer), Geoff a décidé de passer tout le mois d’août sur une île déserte des Hébrides extérieures, au nord-ouest de l’Ecosse. Dépourvue d’électricité, d’eau courante et d’habitants, l’île de Sgarabhaigh ne compte qu’un petit troupeau de moutons. Elle compte désormais un banquier non-fumeur : c’est foutu !

Causeur en août, inédits partout

3

aout

Comme la rédaction de Causeur ne prend pas de vacances, le mensuel d’août 2009 vient de paraître. Au sommaire de ce numéro au titre vagal de « Y’a comme un malaise », près de 2/3 de textes inédits ! N’hésitez plus à vous abonner ou à offrir un abonnement à vos amis. C’est simple comme un clic et c’est la meilleure façon de nous soutenir.

Les inédits du mois d’août
Malaise d’État, Elisabeth Lévy
Aidez la SPA, Babouse
Je pense, donc je twitte, François Miclo
L’art d’être grand-père, Raùl Cazals
Sous le soleil des topiques, Marc Cohen
Été meurtrier, gouvernement complice, Luc Rosenzweig
Légitime décence, Cyril Bennasar
Halte au régime présidentiel, Luc Rosenzweig
Ne demandez plus la lune, Gil Mihaely
Les dégonflés, Aimée Joubert
Le garçon from Ipanema, Jean-François Baum
Avignon, le off du Off, Philippe Cohen
Cet été, fuyons le moderne, Bruno Maillé
Du côté de chez Capone, Jérôme Leroy
Gary soit qui mal y pense, Jérôme Leroy

Le bio, c’est logique…

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« Léchage, lâchage, lynchage » : aucune mode n’échappe au cycle de Jean-François Kahn – qui décrit ainsi le traitement des hommes politiques par les médias. C’est ainsi que le « bio » qui triomphait sur toutes les « unes » il y a peu est aujourd’hui victime d’une suspicion généralisée. Trop cher, pas si bio que ça, et même pas bon : bouffer vert, ce n’est plus tendance du tout les amis.

Tombés du haut de leur statut de pionniers du monde « durable » et post-industriel, les consommateurs « bio » sont aujourd’hui traités de dupes, de gogos pour charlatans. Les nigauds, l’argent qu’ils dépensent ne leur permet même pas de se payer une santé. Une équipe de chercheurs britanniques observe que les bienfaits nutritifs des aliments produits par l’agriculture biologique restent marginaux au regard de l’écart de prix qui est lui considérable.

Le bio, c’est cher, la ménagère en sait quelque chose. Mais après tout, le prix payé par le consommateur ne saurait être l’unique critère de la sélection darwinienne des inventions humaines. De plus, tout prix repose sur un malentendu. Comme nos médias se sont employés à le démontrer, un kilo de tomates cultivées avec engrais et pesticides revient moitié moins cher qu’un kilo de tomates « bio ». Peut-être, cependant, le véritable prix à payer est-il bien plus élevé seulement, il doit être imputé à d’autres acteurs en différé. Le prix de la tomate devrait inclure le coût engendré par la multiplication des cancers et déformations génétiques constatée des années plus tard, très loin de la serre parce que la nappe phréatique a été polluée par des engrais et pesticides.

Plus élevé, le prix du « bio » présente, du point de vue purement économique, au moins deux avantages : il est définitif et il est payé par celui-même qui en profite directement. Pas de coûts cachés, point d’ardoises laissées à la collectivité pour 2030. En revanche, la somme payée par le consommateur pour les produits de l’agriculture conventionnelle n’est autre chose que le premier versement d’une facture qui reste ouverte, le prix définitif étant impossible à calculer.

Le problème, c’est qu’on n’a pas très envie de défendre les membres de la secte « bio » qui croient qu’on « est ce qu’on mange », beurk. Après tout, ils se contentent de faire prévaloir un égoïsme (« ma santé d’abord ») sur un autre (« mon porte-monnaie d’abord »). N’oublions pas que la « révolution verte » d’hier, avec son appareillage de produits chimiques et ses méthodes industrialisées, a été inspirée par d’aussi bons sentiments que la contre-révolution verte actuelle. Il fallait nourrir les gens, un ventre plein étant la première condition de la longévité. En quelques décennies, le « vert » a donc changé de camp sans perdre sa qualité intrinsèque. Il est le Bien. D’où la vague confusion qui s’instaure, dans les esprits, entre « bio », « vert » et « équitable ».

Bref, la question n’est pas « bio » ou pas « bio », mais de rendre notre système de production et de consommation moins dévastateur pour l’environnement sans passer par la case « catastrophe sociale et politique », résultat inéluctable de la « décroissance » et autres utopies où tout est pris en compte, tout est prévu – sauf la réalité. Il faut s’interroger sur les vertus globales du « bio » pour la santé de l’environnement plutôt que sur ses effets heureux sur le métabolisme des membres de la secte.

On peut, par exemple, se demander si l’instauration d’une norme « bio » ne jouera pas comme une barrière douanière empêchant les pays sous-développés d’exporter leurs produits vers l’Europe. Les belles âmes qui pensent que ce qui est « bio » est bon pour tous doivent savoir que ce n’est pas demain que l’Afrique ou l’Amérique latine consentiront à voir le rendement de leurs agricultures chuter de 30 % voire plus. Bref, celui qui ne consomme que des fruits et légumes cultivés à 20 kilomètres de chez lui risque de se retrouver un jour en délicatesse dans une rue étroite de l’une de nos grandes villes avec le fils d’un agriculteur ruiné d’un pays du tiers monde. Si les chercheurs britanniques ont effectivement démontré quelque chose, c’est surtout que, hors de toute pensée politique et sociale, le « bio » n’est pas seulement dénué de sens mais carrément dangereux.

Le Japon, pas le jupon !

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Elle est nippone et elle a 25 ans. Elle s’appelle Emiri Miyasaka. Son rêve : devenir miss Univers. Rien de plus normal pour cette beauté de l’Empire du Soleil Levant, si ce n’était la polémique que la jeune fille soulève au Japon depuis plus d’une semaine. A-t-elle posé nue dans la version tokyoïte de Playboy ? Non. Est-elle un sumo qu’une cure d’amaigrissement et quelques retouches chirurgicales auraient transformé en Asiatique affriolante ? Vous n’y êtes pas du tout. La gourgandine a eu l’indécence de porter, pour le défilé, un kimono un peu très court, qui laissait entrevoir son slip et ses porte-jarretelles roses. Emiri est priée d’aller se faire rallonger ce kimono dessiné par une Française, Inès Ligron, qui entraine les candidates nippones au titre de miss Univers depuis dix ans. Haïku, d’accord. Raduku, pas encore.

Eté meurtrier, gouvernement complice

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Téléphérique
Attention, l'été tue !
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Attention, l'été tue !

Les statistiques sont implacables et le bilan accablant : l’été tue beaucoup plus de gens que les trois autres saisons réunies.

Ainsi, dans les parages où je demeure, on constate une augmentation fulgurante du nombre des victimes d’accidents de montagne ou de randonnée dès l’arrivée des beaux jours. Les crevasses des glaciers exigent chaque année plus de chair fraîche. On ne compte plus les sexagénaires qu’une retraite accordée alors qu’ils sont encore en pleine forme incite à gravir des sentiers escarpés, où la Faucheuse les guette à chaque passage un peu délicat et n’hésite pas à leur envoyer l’orage et la foudre lorsqu’ils se révèlent par trop résistants. On devrait bientôt parvenir à juguler ce dernier fléau en n’accordant plus le billet de sortie de la vie active qu’à des quasi-grabataires ayant dû cotiser trois quarts de siècle pour bénéficier d’une pension à taux plein.

[access capability= »lire_inedits »]La mortalité provoquée par les noyades en mer, en rivière et même en piscine connaît également un accroissement exponentiel entre juin et septembre. Ceux qui ont envers le sport une attitude churchillienne d’abstinence totale ne doivent pas se considérer pour autant préservés des calamités estivales : la bronzette paresseuse, c’est de la mort à crédit : tôt ou tard, le crabe excité par les ultraviolets transformera un charmant grain de beauté en mélanome malin.

Face à ces calamités, il faut bien reconnaître que les pouvoirs publics font montre d’une coupable passivité : quelques vagues campagnes de prévention, des drapeaux sur les plages dont tout le monde se fiche, le refus obstiné d’instaurer un permis de randonner à l’instar du permis bateau sont la preuve que le pouvoir est autant à la botte du lobby du tourisme qu’à celle du lobby nucléaire.

L’argent, cet argent fou qui engraisse les hôteliers, plagistes, marchands de glaces ambulants et gardiens de refuges n’a que faire des vies brisées et des familles endeuillées à cause de cette folie estivale qui s’empare chaque année de notre pays.

Le principe de précaution, dont on nous rebat les oreilles tout au long de l’année, semble s’être mis, lui aussi en congé annuel.

On n’entend pas, non plus, à ce propos, les cris angoissés des chevaliers de l’apocalypse habituels, les Hulot, Cohn-Bendit ou Bové. Quand il fait soleil, c’est la faute au réchauffement climatique et, quand le temps est pourri, c’est qu’on ne perd rien pour attendre : tel est leur message tristement répétitif entre juin et septembre, alors que des catastrophes beaucoup plus dramatiques se produisent sous leurs yeux chaque jour d’été qui passe.

Le principe de précaution ne se divise pas : il doit être appliqué 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et 365 jours par an (366 les années bissextiles).

Les solutions sont pourtant là, à portée de main, et de surcroît peu gourmandes de deniers publics. Les activités de loisirs, si meurtrières en été, se révèlent en effet beaucoup plus sûres en hiver. Les statistiques sont formelles : on compte infiniment moins de noyés au mois de décembre qu’au mois d’août, et les dévissages dans les aiguilles de Chamonix sont beaucoup moins nombreux quand le thermomètre marque -30 au sommet du téléphérique de l’Aiguille du Midi.

Un gouvernement qui aurait le souci de la préservation de la vie et de la santé des Français n’hésiterait pas à prendre les mesures drastiques qui s’imposent. Par exemple, n’autoriser les baignades que les mois en « r » : des millions d’huîtres ne peuvent pas avoir tort. Verbaliser sans pitié toutes celles et tous ceux qui lézardent en bikini sur la plage les jours où le cagnard darde ses rayons.

Créer un corps de police des sentiers et installer des caméras de vidéo-surveillance sur les GR pour dissuader les imprudents de se prendre une suée avant le 15 novembre.

Tout cela, bien sûr, heurtera les intérêts d’une infime minorité de vautours de l’industrie touristique, qui fera tout pour préserver ses privilèges éhontés. L’insurrection qui vient sera celle d’un peuple auquel une avant-garde visionnaire aura dessillé les yeux : la tyrannie sanglante de l’été sera abolie par ceux-là mêmes qui en sont aujourd’hui les esclaves enchaînés. Mieux vaut vivre gelé que mourir bronzé.[/access]

La chaise éclectique

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C’est au Sud, évidemment. Le lecteur veut pouvoir lire dehors, sur une chaise longue, et regarder la mer. De quel Sud s’agit-il ? le lecteur n’a pas forcément envie de le dire. Le lecteur veut bien partager ses lectures avec les Causeurs, mais pour le reste, les voir débarquer comme ça, sans prévenir… Certains, il ne dit pas… Mais bon.

Disons que c’est un Sud où il y a l’euro et des claviers qwerty, mais que ce n’est pas une monarchie. Disons que c’est un Sud où le lecteur va depuis l’enfance, un Sud où l’on parle une langue d’oiseaux. Un Sud avec assez peu de touristes allemands, sauf sur une mince bande méridionale qu’ils occupent avec beaucoup moins de raffinement que ne l’ont fait les Arabes en leur temps. Les uns ont laissé des faïences, des bains, des amandiers ; les autres laissent surtout des papiers gras, des maladies vénériennes et des bagarres d’ivrognes. D’ailleurs, ils ne lisent pas.

C’est pour cela que le lecteur n’y va plus trop, dans la zone occupée, et pourtant, on peut y méditer sur un cap splendide où naguère un roi pensif allait seul regarder l’océan, rêver d’outre-mer et finit par envoyer ses bateaux partir bien loin conquérir un cinquième empire, sur la simple foi d’un bout de bois d’une essence inconnue que lui apportèrent les vagues, un matin.

C’est un Sud que beaucoup d’écrivains aimèrent avant le lecteur, finalement. Des écrivains connus pour leurs goûts des îles, du style, des voyages et des nations élégamment périphériques. C’est pour cela que le lecteur les prend toujours avec lui, en fond de bibliothèque, comme le cuisinier a besoin d’un fond de produits, toujours les mêmes, qui servent de base à ses plats favoris. C’est surtout de ceux-là qu’a envie de vous parler le lecteur. La rentrée littéraire va arriver bien assez tôt.

Ainsi, jamais il ne partirait sans Déon, Chardonne, Morand, Larbaud quand il se rend dans ce Sud-là. De Déon, cette année, il a pris Un déjeuner de soleil, son préféré, le récit de la vie d’un écrivain imaginaire. Nous sommes tous des écrivains imaginaires puisque nous sommes tous des lecteurs. Déon a très bien compris ça, entre autres. L’année prochaine, il faudra songer à changer le vieux Folio. Les livres fabriqués selon les procédés de l’industrie moderne s’usent, hélas, plus vite que le cœur d’un mortel.

De Chardonne, il est parti avec l’édition originale de Claire dans la mythique collection « Pour Mon Plaisir » de Bernard Grasset. Le papier alfa n’a pas bougé. Pas plus que le génie de Chardonne. Claire, le lecteur en connaît les premières phrases par cœur : « La beauté de Claire, c’est-elle même. Elle est toute entière inscrite dans la forme de ses bras. » Le lecteur pense que jamais la langue française ne fut portée à un tel de gré d’incandescence classique. Chardonne avait une pensée politique qui aurait été celle d’un genre de Villiers protestant européiste. Pas franchement la tasse du thé du lecteur, mais comme il n’y a pas de morale en littérature, on peut très bien écrire avec des idées franchement rances et écrire rance en étant un ami du peuple. C’est comme ça.

De Morand, le lecteur a avec lui un recueil de nouvelles dont il ne donnera pas le titre, sinon vous trouveriez tout de suite où il est et il préfère laisser un flou. Sachez simplement que cela renvoie à une des plus jolies villes du pays, dans une montagne verdoyante qui domine la capitale, au loin. De sa chaise longue, le lecteur en voit la silhouette perdue dans du bleu atlantique. On y trouve un château où Visconti aurait pu tourner des plans de son Louis II, un château-pâtisserie où le dernier roi du pays apprit d’ailleurs qu’il ferait mieux de partir, quelques années avant la guerre de 14. Il n’a pas fait d’histoires. Il a tout de suite embarqué pour une ancienne colonie.

Valery Larbaud, lui, vous explique très bien que les révolutions, dans ce pays, sont fréquentes mais qu’elles ne tuent pas. La dernière en date, où il fut beaucoup question de fleurs et de militaires de gauche qui ont vite rendu le pouvoir au peuple, comme si c’était une chose un peu répugnante pour des guerriers sincères, a aujourd’hui l’âge que beaucoup d’hommes trouvent idéal pour une femme. Le lecteur, là non plus, ne vous en dira pas plus.

De Valery Larbaud, le lecteur cette année n’a pas pris la Pléiade en un volume, celle où se trouve le plus joli roman jamais écrit sur les amours adolescentes, Fermina Marquez. Non, il a emporté l’extraordinaire édition complète du Journal, qui vient enfin de sortir chez Gallimard. Un seul volume de 1600 pages. Le genre de truc à vous ficher un excédent de bagages. En même temps, 1600 pages de Larbaud valent bien de prendre le risque.

Evidemment, le lecteur ne se déplace jamais non plus sans Rimbaud. Il a vu, de retour en France, que l’hebdomadaire Marianne avait eu l’idée moyenne de demander à un écrivain de descendre un autre écrivain dans ce qu’il est convenu d’appeler les séries d’été. En soi, l’exercice aurait pu peut-être avoir été drôle entre vivants et ce ne fut le cas que la première semaine où Philippe Besson exécuta Patrick Besson qui s’en remettra parce qu’il a la peau dure et qu’il sait se défendre. En revanche, voir Agnès Desarthe dire tout le mal qu’elle pense d’Alain-Fournier laisse rêveur. Et quand un troisième couteau flingue Rimbaud sans que l’on soit sûr qu’il s’agisse de second degré, on se dit que l’individu en question n’a pas été plus précis que Verlaine à Bruxelles quand il tira sur le sale gosse. Mais Verlaine le fit par amour alors que le troisième couteau, c’est pour se faire un nom. Ils feront quoi à Marianne l’année prochaine ? Madeleine Chapsal contre Homère et Marc Lévy contre Balzac ? La haine du sens, comme la raison, a parfois des ruses décidément déroutantes…

Dans Rimbaud, cette année, le lecteur a d’ailleurs surtout traîné du côté de la correspondance. Comme s’il allait trouver, par miracle, la raison du silence prématuré alors que tout le monde cherche ça de puis toujours et n’a toujours pas trouvé. Il a comme ça des questions qui le taraudent, le lecteur. Pourquoi Rimbaud est-il parti au Harar ? Pourquoi les jeunes filles, même dans ce pays délicat, se greffent des aillepaudes autistiques ? Pourquoi aucune expérience communiste n’a (encore) réussi ?

Pour essayer de répondre à la dernière question, le lecteur a aussi dans la pile près de sa chaise longue, L’Hypothèse communiste de Badiou dans laquelle il a lu des évidences réconfortantes à propos de la crise en cours : « On voit, ce qui s’appelle voir, des choses simples et connues de longue date : le capitalisme n’est qu’un banditisme irrationnel dans son essence et dévastateur dans son devenir. Il a toujours fait payer quelques courtes décennies de prospérité sauvagement inégalitaires par des crises où disparaissaient des quantités astronomiques de valeur, des expéditions punitives sanglantes dans toutes les zones jugées par lui stratégiques ou menaçantes, et des guerres mondiales où il se refaisait une santé. »

Il sent bien que ça va faire des histoires, cette citation, le lecteur, mais bon, même dans une chaise longue d’un pays bleu et ocre, avec à quelques dizaines de mètres, des rouleaux d’écume et des surfeuses rieuses, il a du mal à ne pas provoquer, le lecteur.

Il sait que la sagesse ne viendra jamais. Il ne sait pas s’il doit s’en plaindre. Pour l’instant, une surfeuse éblouie reprend pied et le lecteur pense à Rimbaud, encore une fois :

« Elle est retouvée !
Quoi ?
L’éternité : c’est la mer allée avec le soleil… »

Fermina Márquez

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Un café, un poutche et l’addition

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En ce mois d’août, le président du Vénézuela Hugo Chavez (gauche bolivarienne) a pris une mesure originale. Il a envoyé l’armée occuper les usines de café, aux mains de monopoles privés qui fixaient les prix abusivement. Quelques jours après avoir refusé de renouveler la concession de plusieurs chaînes privées qui appelaient ouvertement à son renversement ou à son assassinat, il semble que le courageux colonel engage son pays sur une voie originale, celle d’une sortie en douceur de la dictature capitaliste assistée par la télévision, de type ouest européen (Italie, France, etc.). De plus, contrairement à Obama, en difficulté sur son projet de sécurité sociale, ou à Arnold Schwarzenegger, acteur de série B et gouverneur de Californie (cumul traditionnel chez les Républicains) obligé de sabrer dans les dépenses sociales et éducatives pour boucler son budget grevé par des spéculateurs boursiers qu’il a fallu renflouer à coups de milliards de dollars, cette décision du président Chavez pourrait bien lui permettre, à lui et au peuple vénézuélien, de sauver le petit noir.

Sous le soleil des topiques

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Une chose est sûre : les journalistes prennent aussi des vacances.
Une chose est sûre : les journalistes prennent aussi des vacances.
Une chose est sûre : les journalistes prennent aussi des vacances.
Une chose est sûre : les journalistes prennent aussi des vacances.

Nous vivons des temps inédits. A preuve : les marronniers ne sont plus ce qu’ils étaient. Même les télés ne peuvent plus se contenter d’alimenter un JT uniquement à coup de pizzas avariées et de Médor abandonnés. Et l’ensemble des médias, où plutôt ce qu’il en reste pour cause de congés payés, se voit contraint de renouveler son offre d’été, faute de pouvoir s’en tenir aux « unes » traditionnelles dont ils faisaient leurs délices les saisons passées – on a presque envie de dire : les siècles passés. C’en est donc fini du monopole des couv’ racoleuses sur le sexe et, heu… le sexe.

Quoi de neuf, donc ? Si la saison est loin d’être forclose, quelques grandes tendances se dessinent déjà.

[access capability= »lire_inedits »]Tout d’abord, les classiques revisités :

La crise (ci-devant des subprimes). Elle fait encore parler d’elle. Comme en 2008, on nous raconte ça et là les aventures d’une famille qui a choisi le camping à Quiberon plutôt que la demi-pension aux Flots bleus. Mais comme ladite crise touche aussi l’hôtellerie de luxe qui, nous dit-on, brade ses chambres sur le Net, certains petits malins titrent sur le phénomène inverse. On attend, avant fin août, le premier reportage sur le Plaza Athénée envahi par les Rmistes. A prévoir aussi, au rayon crise, des articles sur les estivants qui, sur la route des plages ou du Futuroscope, font un détour pour emmener les gamins voir les bonbonnes de gaz à New Fabris ou JLG.

Les incendies de forêts. Pour cause de temps de merde généralisé (quid du réchauffement climatique, au fait ?), on a scandaleusement failli en être privé. Heureusement, un brave sous-off de la Légion a rectifié le tir…

Ensuite, les nouveaux épisodes de feuilletons d’avant les vacances :

La grippe A (ex-porcine, ex-mexicaine, ex-H1N1). Elle est en train de devenir la grippe tout court. Accompagnée, toutefois, d’une épidémie de schizophrénie dans la profession. « C’est très très grave », nous serine-t-on, juste avant de nous expliquer le contraire : en cas de fièvre et de douleurs persistantes, foutez la paix au SAMU et allez voir votre docteur (souvent appelé médecin « généraliste » dans les gazettes et « référent » dans le journal du soir). De toute façon, on n’attend rien de monstrueux avant l’automne et, si vous voulez mon avis, des vacanciers qui, en juillet, s’inquiètent de la grippe à la rentrée, ça vaut pas plus cher que ces étudiants qui, dans les manifs, disent être préoccupés par le montant ou l’âge de leur retraite : qu’ils crèvent !

Le Parti socialiste. La déculottée des élections européennes ayant eu le mauvais goût de tomber au mois de juin, normal que les collatéraux débordent sur l’été. Au moins, avec sa correspondance-surprise avec Manuel Valls, Martine Aubry réussit-elle à faire parler de sa personne, ce qui est une sorte de petit exploit, comme en réalisent les baroudeurs tricolores sur les étapes de transition du Tour. Mais il ne suffit pas de montrer le maillot, encore faut-il garder des forces pour la fin de l’étape, et on ne vous parle même pas de victoire finale sur les Champs-Elysées.

Enfin, il y a les vrais thèmes innovants :

La Lune. De France Cul à Gala, impossible d’échapper au quarantenaire des exploits d’Armstrong et d’Aldrin. On pourra (souvenez-vous de mai 68 la saison passée) s’étonner de cette nouvelle lubie de fêter les 40 bougies d’un événement avec le lustre d’un cinquantenaire voire d’un centenaire. Après tout, il aurait été plus logique de garder tous ces flonflons pour 2019. L’allongement de la durée de vie étant ce qu’il est, il y a fort à parier que les protagonistes seront toujours là : tout comme la Lune, d’ailleurs.

La fin du topless. Ça, c’est du lourd, notamment dans les hebdos féminins qui n’en finissent pas d’épiloguer sur le hara-kiri du monokini. Chacun y va de son analyse, toujours pour expliquer que le féminisme est entré dans les mœurs, qu’on n’a plus besoin de le revendiquer et encore moins de l’exposer. Mais beaucoup vont plus loin, théorisant, comme nos consœurs d’Elle, sur cet acquis fantastique qu’est la « nouvelle pudeur ». Dans tous les journaux, les témoignages sont légion, toujours à base de nanas de 20 ans qui t’expliquent que, quand même, le regard des garçons, c’est gênant. Toutes choses qui m’amènent à me demander si ce sujet-là est finalement si neuf que ça, ou s’il ne s’agit que de la suite logique des âneries du printemps sur la nécessité de ne pas stigmatiser celles qui ont choisi de porter la burqa…
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Les problèmes de cœur du président

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Comment n’y a-t-il pas pensé plus tôt ? Il a suffi de quelques heures d’hospitalisation, suite au malaise vagal consécutif à un footing trop poussé, pour que la popularité présidentielle, en berne depuis des lustres, hisse à nouveau les couleurs.

Chez Sarkozy, tout est politique, même le corps du président, même les défaillances du corps du président. Selon un sondage CSA pour VSD, publié mercredi, le passage au Val-de-Grâce a opéré des miracles : 53 % des Français jugent désormais que Nicolas Sarkozy est un “bon président”, soit 12 % de plus que dans le précédent sondage, 63 % le jugent “sympathique” (+ 15 % !), 50 % “proche des gens” (+ 14 %) et, sans surprise, 90 % d’observateurs avisés l’estiment “dynamique” (+ 5 % tout de même, on se demande sur quelle planète lointaine vivent les 10 % qui, apparemment, le jugent lymphatique).

On savait déjà qu’on pouvait gagner une élection grâce à un cancer de la prostate habilement géré, mais c’était tout de même cher payer. Mais + 12 % d’opinions favorables pour le prix d’un malaise vagal, c’est bradé !

La démocratie, c’est simple comme un électrocardiogramme. Quand on pense qu’il n’y pas si longtemps encore, quand on n’avait pas encore compris que la politique n’a plus rien de politique, certains s’échinaient, dans d’obscurs cabinets, à élaborer pendant des mois des catalogues de propositions incompréhensibles pour attirer un chaland électoral qui s’en contrefichait – car il ne pense qu’à une chose, le brave électeur : élire son prochain, son frère, celui qui lui ressemblera le plus, qui sera le plus proche de lui – tout proche. Ce n’est plus un système politique, c’est de la calinothérapie.

On imagine que suite au succès inattendu de ce coup de com impromptu, la cellule idoine de l’Elysée a déjà concocté un programme aux petits soins pour convaincre les 50 % qui persistent stupidement à ne pas trouver notre hyperprésident “proche des gens” : une extinction de voix de Carla à la veille d’un concert ? ça pourrait passer inaperçu. Plutôt une bonne petite crise conjugale à l’automne, suivie d’une réconciliation express à Venise, avec échanges de papouilles sur une gondole (un dîner aux chandelles à l’Hippopotamus a été un moment évoqué, mais il ne faut pas trop en faire non plus). Pour les fêtes, on pourrait prévoir une jolie crise de foie carabinée – question proximité avec le Français moyen, y’ pas mieux, coco. Au printemps 2010, un accident de plongeoir dans la piscine du cap Nègre, programmé au bon moment, devrait constituer un coup de pouce décisif pour les régionales.

Et après ? Après… qu’est-ce qui pourrait encore rendre le Président plus “proche des gens” ? A part un licenciement sec suite à une délocalisation du pouvoir politique à Bruxelles, je ne vois pas. Après ça, Nicolas Sarkozy pourrait – enfin ! – connaître une popularité triomphale à la Chirac, qui en ce moment multiplie les bains de foule, en toute proximité, à Saint-Tropez, qui abrite temporairement ses vacances perpétuelles. C’est tout le mal que l’on souhaite à notre vénéré président.

Mort d’un soudard grec

29

Nicolas Makazeros est mort à 90 ans, le 4 août. Il faisait partie de la junte militaire, les fameux « colonels » qui installèrent le 21 avril 1967, avec l’aide logistique de la CIA, une dictature qui devait durer sept ans. La gauche était alors, bien entendu, sur le point de remporter les élections. Incompétents, incultes et brutaux, les colonels grecs interdirent notamment l’étude de Platon et de Socrate pour homosexualité.

Artilleur, Nicolas Makazeros se montra particulièrement féroce lors de la répression d’une grève étudiante de l’école polytechnique d’Athènes en 1973. Avec ses comparses, il fut lui-même renversé par le chef de la sécurité Ioanidis, tout aussi nullissime que ses prédécesseurs puisqu’il fut incapable de résister à l’invasion turque de Chypre qu’il avait lui-même provoquée, ce qui fit s’effondrer la dictature.

Condamné à mort pour haute trahison, Makazeros vit sa peine commuée en détention à perpétuité, sans doute parce que la sagesse antique, contrairement à la justice américaine, interdit la mise à mort d’attardés mentaux.

Libéré, Makazeros passa la fin de sa vie à tripoter un komboloï et à jouer au jacquet, avec le regard vide si caractéristique des brutes galonnées.

En revanche, l’écrivain Manolis Glezos, membre du Parti communiste, qui décrocha le 30 mai 1941, alors qu’il avait à peine vingt ans, le drapeau nazi qui flottait sur l’Acropole, se porte toujours à merveille et continue de recevoir aimablement ses admirateurs dans son île natale de Naxos. Il doit être content, le vieux camarade et je lui dis à bientôt.

Smoking, no smoking

5

N’est pas Bernard Madoff qui veut. Certains banquiers n’ont pas la chance d’écoper de 160 années de prison et doivent s’isoler sur des îles désertes pour conquérir un peu de solitude. C’est le cas de Geoff Spice. Ce banquier londonien de 56 ans fume trente cigarettes par jour et a décidé d’arrêter. Plutôt que de se faire poser un patch, d’essayer l’hypnose, l’acupuncture, l’homéopathie ou les champignons hallucinogènes (une assiette et t’as plus envie de fumer), Geoff a décidé de passer tout le mois d’août sur une île déserte des Hébrides extérieures, au nord-ouest de l’Ecosse. Dépourvue d’électricité, d’eau courante et d’habitants, l’île de Sgarabhaigh ne compte qu’un petit troupeau de moutons. Elle compte désormais un banquier non-fumeur : c’est foutu !

Causeur en août, inédits partout

3

aout

Comme la rédaction de Causeur ne prend pas de vacances, le mensuel d’août 2009 vient de paraître. Au sommaire de ce numéro au titre vagal de « Y’a comme un malaise », près de 2/3 de textes inédits ! N’hésitez plus à vous abonner ou à offrir un abonnement à vos amis. C’est simple comme un clic et c’est la meilleure façon de nous soutenir.

Les inédits du mois d’août
Malaise d’État, Elisabeth Lévy
Aidez la SPA, Babouse
Je pense, donc je twitte, François Miclo
L’art d’être grand-père, Raùl Cazals
Sous le soleil des topiques, Marc Cohen
Été meurtrier, gouvernement complice, Luc Rosenzweig
Légitime décence, Cyril Bennasar
Halte au régime présidentiel, Luc Rosenzweig
Ne demandez plus la lune, Gil Mihaely
Les dégonflés, Aimée Joubert
Le garçon from Ipanema, Jean-François Baum
Avignon, le off du Off, Philippe Cohen
Cet été, fuyons le moderne, Bruno Maillé
Du côté de chez Capone, Jérôme Leroy
Gary soit qui mal y pense, Jérôme Leroy

Le bio, c’est logique…

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« Léchage, lâchage, lynchage » : aucune mode n’échappe au cycle de Jean-François Kahn – qui décrit ainsi le traitement des hommes politiques par les médias. C’est ainsi que le « bio » qui triomphait sur toutes les « unes » il y a peu est aujourd’hui victime d’une suspicion généralisée. Trop cher, pas si bio que ça, et même pas bon : bouffer vert, ce n’est plus tendance du tout les amis.

Tombés du haut de leur statut de pionniers du monde « durable » et post-industriel, les consommateurs « bio » sont aujourd’hui traités de dupes, de gogos pour charlatans. Les nigauds, l’argent qu’ils dépensent ne leur permet même pas de se payer une santé. Une équipe de chercheurs britanniques observe que les bienfaits nutritifs des aliments produits par l’agriculture biologique restent marginaux au regard de l’écart de prix qui est lui considérable.

Le bio, c’est cher, la ménagère en sait quelque chose. Mais après tout, le prix payé par le consommateur ne saurait être l’unique critère de la sélection darwinienne des inventions humaines. De plus, tout prix repose sur un malentendu. Comme nos médias se sont employés à le démontrer, un kilo de tomates cultivées avec engrais et pesticides revient moitié moins cher qu’un kilo de tomates « bio ». Peut-être, cependant, le véritable prix à payer est-il bien plus élevé seulement, il doit être imputé à d’autres acteurs en différé. Le prix de la tomate devrait inclure le coût engendré par la multiplication des cancers et déformations génétiques constatée des années plus tard, très loin de la serre parce que la nappe phréatique a été polluée par des engrais et pesticides.

Plus élevé, le prix du « bio » présente, du point de vue purement économique, au moins deux avantages : il est définitif et il est payé par celui-même qui en profite directement. Pas de coûts cachés, point d’ardoises laissées à la collectivité pour 2030. En revanche, la somme payée par le consommateur pour les produits de l’agriculture conventionnelle n’est autre chose que le premier versement d’une facture qui reste ouverte, le prix définitif étant impossible à calculer.

Le problème, c’est qu’on n’a pas très envie de défendre les membres de la secte « bio » qui croient qu’on « est ce qu’on mange », beurk. Après tout, ils se contentent de faire prévaloir un égoïsme (« ma santé d’abord ») sur un autre (« mon porte-monnaie d’abord »). N’oublions pas que la « révolution verte » d’hier, avec son appareillage de produits chimiques et ses méthodes industrialisées, a été inspirée par d’aussi bons sentiments que la contre-révolution verte actuelle. Il fallait nourrir les gens, un ventre plein étant la première condition de la longévité. En quelques décennies, le « vert » a donc changé de camp sans perdre sa qualité intrinsèque. Il est le Bien. D’où la vague confusion qui s’instaure, dans les esprits, entre « bio », « vert » et « équitable ».

Bref, la question n’est pas « bio » ou pas « bio », mais de rendre notre système de production et de consommation moins dévastateur pour l’environnement sans passer par la case « catastrophe sociale et politique », résultat inéluctable de la « décroissance » et autres utopies où tout est pris en compte, tout est prévu – sauf la réalité. Il faut s’interroger sur les vertus globales du « bio » pour la santé de l’environnement plutôt que sur ses effets heureux sur le métabolisme des membres de la secte.

On peut, par exemple, se demander si l’instauration d’une norme « bio » ne jouera pas comme une barrière douanière empêchant les pays sous-développés d’exporter leurs produits vers l’Europe. Les belles âmes qui pensent que ce qui est « bio » est bon pour tous doivent savoir que ce n’est pas demain que l’Afrique ou l’Amérique latine consentiront à voir le rendement de leurs agricultures chuter de 30 % voire plus. Bref, celui qui ne consomme que des fruits et légumes cultivés à 20 kilomètres de chez lui risque de se retrouver un jour en délicatesse dans une rue étroite de l’une de nos grandes villes avec le fils d’un agriculteur ruiné d’un pays du tiers monde. Si les chercheurs britanniques ont effectivement démontré quelque chose, c’est surtout que, hors de toute pensée politique et sociale, le « bio » n’est pas seulement dénué de sens mais carrément dangereux.

Le Japon, pas le jupon !

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Elle est nippone et elle a 25 ans. Elle s’appelle Emiri Miyasaka. Son rêve : devenir miss Univers. Rien de plus normal pour cette beauté de l’Empire du Soleil Levant, si ce n’était la polémique que la jeune fille soulève au Japon depuis plus d’une semaine. A-t-elle posé nue dans la version tokyoïte de Playboy ? Non. Est-elle un sumo qu’une cure d’amaigrissement et quelques retouches chirurgicales auraient transformé en Asiatique affriolante ? Vous n’y êtes pas du tout. La gourgandine a eu l’indécence de porter, pour le défilé, un kimono un peu très court, qui laissait entrevoir son slip et ses porte-jarretelles roses. Emiri est priée d’aller se faire rallonger ce kimono dessiné par une Française, Inès Ligron, qui entraine les candidates nippones au titre de miss Univers depuis dix ans. Haïku, d’accord. Raduku, pas encore.