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Vas-y à Vaduz !

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La République Tchèque et la principauté du Liechtenstein viennent d’établir des relations diplomatiques. Voilà, enfin une bonne nouvelle pour notre continent, un rapprochement qui met fin à une trop longue ignorance réciproque entre deux nations situées au cœur de l’Europe. En fait, Prague n’avait jamais remarqué l’existence de cette principauté alpine coincée entre la Suisse et l’Autriche, et pensait qu’il s’agissait du palais Liechtenstein situé dans le quartier de Mala Strana de la capitale tchèque. Un fonctionnaire subalterne en surfant sur le net a découvert que la ministre des étrangères de la Principauté se nommait Aurélie Frick. Il vient de recevoir une prime.

Poussée de fièvre

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Grippe porcine : faut-il faire tomber les masques ?
Grippe porcine : faut-il faire tomber les masques ?

Mesdames, Messieurs,

Nous vous remercions d’avoir choisi notre Agence, d’être tous venus à cette première réunion et nous pensons que nos prestations vous apporteront pleine satisfaction. Votre demande était claire, nos réponses le seront : comment assurer une rentrée relativement apaisée en 2009 sur toute l’Union Européenne ainsi qu’aux Etats-Unis ?

Ce n’est effectivement pas évident. La situation économique objectivement catastrophique, les conflits ultramarins s’enlisent dangereusement (Afghanistan) et les pertes subséquentes augmentent, le chômage de masse et la précarité galopent, l’impossibilité de créer ou maintenir des sécurités sociales (blocage du plan Obama aux Etats-Unis, augmentation de 25 % des soins non remboursés en France) est de plus en plus manifeste, des pans entiers de l’industrie disparaissent (General Motors), vos déficits creusés de manière démentielle lors du sauvetage des banques pendant la première phase de la crise mondiale entraînent une paralysie budgétaire : tout cela devrait logiquement créer d’importants mouvements sociaux, des grèves massives et même, dans certains cas, des situations prérévolutionnaires.

Nous sommes là pour l’empêcher.

Certains d’entre vous ont cru pouvoir se passer de nous pour inventer des leurres en employant les bonnes vieilles méthodes policières. Nous faisons ici allusion ici à nos amis français qui se sont ridiculisés l’année dernière avec l’affaire de Tarnac, en créant de toute pièce un risque terroriste anarcho-autonome qui n’a abusé qu’eux-mêmes et n’a eu au bout d’une compte aucun impact dans l’opinion sinon qu’il a attiré l’attention d’un petit nombre de citoyens sur les dangers de l’antiterrorisme, rendant plus difficiles certaines opérations de ce genre s’il fallait les renouveler.

De même, vous vous rendez bien compte que la pipolisation a trouvé ses limites. L’Italie et la France, elles encore, ont utilisé cette ficelle qui est désormais usée et sur le point de rompre. L’exposition de la vie sexuelle agitée du président du Conseil Berlusconi, conçue au départ comme un scandale contrôlé qui attirerait au bout du compte l’indulgence de tout un peuple pour son chef, un vrai mâle latin au sang chaud a plutôt écœuré l’opinion et renforcé le dégoût pour le régime. En France, la surexposition du corps sportif du président qui semblait être une bonne idée s’est terminée par un malaise durant un jogging. Là aussi, la gravité de ce malaise est de nature secondaire. Constatons simplement qu’il n’a pas attiré spécialement la compassion mais plutôt une certaine inquiétude sur l’état réel de la santé présidentielle, inquiétude renforcée par des porte-parole maladroits qui feraient bien de prendre quelques cours dans notre agence.

Notre diagnostic est simple : pour éviter l’explosion sociale, vous devez fédérer vos peuples contre un danger commun qui les détourne de leurs inquiétudes quotidiennes. Là encore, la mondialisation qui était d’abord une difficulté (ce qui inquiétait les Espagnols n’était pas forcément ce qui inquiétait les Allemands) est devenu une chance. Un seul leurre médiatique suffira pour tout le monde. Nous ne somme plus à l’époque où Mussolini sauvait son régime en attaquant l’Ethiopie et où Margaret Thatcher réussissait l’épreuve d’élections difficiles en reprenant trois îlots glacés au large des côtes argentines.

Nous ne pensons pas opportun, cette année, ou alors sur un mode mineur, d’utiliser la guerre contre le terrorisme islamique comme diversion. L’intervention américaine en Irak a discrédité les opérations de ce genre. Le coût humain élevé pour un résultat nul fait qu’aujourd’hui la guerre en Afghanistan est quasiment menée en catimini, tant on sent des populations sur le point de rompre de ce côté-là et vous ne voudriez pas, en plus, vous retrouver avec des manifestations pacifistes monstres.

L’invention, ou la mise en avant de ce que nous appelons dans notre jargon, un Goldstein, là aussi devient difficile. Attirer l’attention sur Hugo Chavez par exemple risque de se révéler extrêmement contre-performant et au contraire de faire passer cette racaille populiste pour un nouveau Guevara. La Corée du Nord ou l’Iran d’Ahmadinejad peuvent effectivement sembler intéressants de prime abord, mais, là encore, d’usage difficile, surtout quand la tension monte vraiment et que vous reprenez chacun, messieurs-dames, vos habitudes diplomatiques respectives, les uns jouant l’apaisement, les autres la fermeté. On pourra quelques jours attirer l’attention sur un aspect sentimental du conflit, par exemple une jeune étudiante occidentale accusée d’espionnage qui tient tête courageusement à ses juges, mais, assez vite, les citoyens de vos pays respectifs trouveront tout cela bien abstrait, surtout quand ils n’auront plus de quoi se faire soigner les dents.

Renoncez également au fait divers monté en épingle. D’abord parce qu’il renvoie, comme nous le disions plus haut, à une réponse nationale alors qu’il vous faut une réponse globale et, surtout, parce qu’il peut se retourner contre vous. Ce ne sont pas nos amis belges ici présents qui nous démentiront : des tueurs fous du Brabant à l’affaire Dutroux, ce qui devait masquer les divisions communautaires a, en fait, durablement discrédité l’Etat belge qui ne s’en remettra peut-être jamais.

De manière plus générale, ce n’est pas l’horreur ou la terreur que vos populations doivent ressentir ; plutôt un état de panique latente, durable, mais pas incapacitante, car il faut quand même songer à faire tourner vos économies et dégager de la plus-value. Cet état de panique latente, vous avez longtemps cru pouvoir l’entretenir sur le seul front social en détruisant vos codes du travail et en transformant les salariés du privé comme du public en précaires. Vous voyez bien, mesdames, messieurs, que vous avez atteint ici un stade difficilement dépassable : soit on se suicide en masse dans les entreprises, soit il faut faire face à des réactions violentes comme les séquestrations de patrons ou les menaces de destruction de l’outil de travail.

Il vous reste donc la solution que nous vous proposons et que vous trouverez dans les dossiers posés devant vous : la grippe H1N1. Cette fièvre porcine apparue au Mexique et transmissible à l’homme peut se révéler mortelle pour les personnes déjà fragilisées. Rien ne vous empêche de faire croire à vos populations respectives que ce danger est beaucoup plus grand. Faites taire les médecins qui diront que vous en faites trop et faites les taire, surtout, au nom du principe de précaution, ce onzième commandement.

Ensuite, c’est à vous de jouer. Vos démocraties de marché ont la chance de concentrer entre quelques mains la plupart des organes d’information. Ce sera à chacun de vous de moduler cette peur en fonction de vos spécificités culturelles mais n’oubliez pas d’en parler à chaque bulletin d’information, ne serait-ce que pour signaler une fermeture d’école à classe unique dans la Creuse ou le décès d’une nonagénaire qui aimait le saucisson pur porc.
Fédérez également votre population en lui imposant des réflexes conditionnés sur une large échelle : lavage des mains, port de masque et de gants chirurgicaux, interdiction du bisou et évidemment du french kiss.

De plus, vous pourrez ainsi mesurer le degré de soumission de vos peuples aux stimuli médiatiques et récolter des données qui ne manqueront pas de vous être utiles quand l’environnement écologique, économique et social deviendra vraiment invivable. Ce qui ne saurait tarder.

Mesdames et Messieurs, nous vous remercions de votre attention.

Le berger Cohen répond à la bergère Lévy

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Après que j’ai amicalement disputé nos amis de Marianne2 sur leur traitement indigné du vrai-faux scandale des figurants pygmées de Faurécia, Philippe Cohen me répond, tout aussi amicalement sur son site. Enfin, il me répond sans me répondre vraiment, c’est-à-dire sans questionner l’antisarkozysme un rien réducteur par lequel il pèche à mon goût. Cela dit, la thèse qu’il développe dans le même article sur l’orwellisation de la politique française est assez réjouissante, enfin déprimante de vérité, mais réjouissante d’intelligence. Et mon ami Philippe a raison d’évoquer à ce sujet mon autre ami Philippe feu Muray. Continuons le débat ! Et en attendant, allez vous faire une idée par vous-même.

L’élégance du paillasson

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kadhafi

Il est de bon ton, ces derniers jours, de faire des gorges chaudes à propos des mésaventures libyennes de la diplomatie helvétique, dont il fut question récemment sur ce site grâce à notre correspondant au pays de Heidi et des montres bling-bling. Il faut dire que nos amis suisses on fait très fort en se laissant proprement rouler dans la farine par le leader de la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste. Ils envoient leur président s’excuser platement pour les misères infligées au fils Kadhafi par la police genevoise au motif futile qu’il prenait un couple de domestiques pour son punching-ball. Ils promettent de punir les flics de la cité de Calvin si une cour arbitrale l’ordonne et ils pensaient, les naïfs, que Tripoli allait sur le champ libérer les deux citoyens suisses retenus depuis plus d’un an, en représailles, dans les geôles libyennes (en fait dans des appartements). L’encre de l’accord était à peine sèche que les hommes de Kadhafi signifiaient aux Helvètes ébahis que les choses n’étaient pas si simples, et que seul leur bon plaisir déciderait de la date et de l’heure de la libération des otages. Pour se faire bien comprendre, ils adressaient une requête à l’ONU demandant le partage de la Suisse entre ses voisins, seul moyen, selon eux, de faire cesser les pratiques de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme dont les héritiers de Guillaume Tell se seraient rendus coupables.

À la décharge des Suisses, il faut bien remarquer qu’ils sont loin d’être les seuls à faire bon marché de l’honneur national pour apaiser la colère du plus ancien chef d’Etat africain en fonction. Le ministre britannique de la Justice, Jack Straw, vient d’avouer que la libération pour motifs « humanitaires » de Ali Mohamed Al-Megrahi, seul condamné pour l’attentat meurtrier de Lockerbie, était liée à l’obtention d’un important contrat pétrolier avec la Libye. Son accueil triomphal à Tripoli était un petit plaisir supplémentaire, non prévu dans les arrangements avec Londres et Edimbourg, dont Kadhafi aurait bien eu tort de se priver, tant il était certain qu’il n’aurait aucune conséquence fâcheuse.

Silvio Berlusconi et Nicolas Sarkozy ne sont pas plus farauds dans leur comportement avec le raïs libyen : l’Italien fait un acte solennel de repentance pour la colonisation assorti d’un chèque de réparations conséquent, et le Français déroule le tapis rouge en septembre 2007 pour une visite baroque en France d’un Kadhafi plantant sa tente de bédouin avenue Marigny en échange d’un geste de « clémence » pour des infirmières bulgares et un médecin palestinien faussement accusés d’avoir propagé le SIDA à l’hôpital de Benghazi.

Nos dirigeants démocratiquement élus se seraient-ils convertis au masochisme appliqué à la gestion des relations internationales ?

À première vue, on ne voit pas trop quelle nécessité contraindrait ces éminents chefs d’Etats et de gouvernements de pays riches et puissants de procéder au geste humiliant de baisse publique de culotte devant un potentat oriental régnant sur un pays quasi désertique moins peuplé que la Suisse.

Ne serait-il pas plus honorable de procéder comme le fit, en 1986, Ronald Reagan en bombardant Tripoli en représailles des attentats meurtriers perpétrés par les services secrets libyens contre les soldats américains en Allemagne ?

Ce serait faire bon marché des considérables atouts dont dispose Kadhafi dans une situation géopolitique totalement modifiée par la chute du mur de Berlin et le 11 septembre 2001. Ayant solennellement renoncé au terrorisme international et à l’acquisition de l’arme nucléaire, le chef d’Etat libyen a été réintégré avec les honneurs dans la communauté internationale. Il a même été ostensiblement choyé par les Etats-Unis de George W. Bush, pour qui Kadhafi est une sorte de reborn good guy, ayant abjuré ses pratiques diaboliques de chef d’Etat voyou. À Paris, Rome, Londres et Berlin, on se frotte les mains. L’agréable, avec ces dictatures orientales bien verrouillées, c’est de pouvoir signer de juteux contrats, bien plus rémunérateurs que ceux conclus dans des pays pourvus d’une administration intègre et d’une cour des comptes sourcilleuses. On peut se goinfrer de pétrole et de gaz à prix cassé, construire des autoroutes à un prix du kilomètre donnant à penser que la chaussée est en marbre de Carrare, fourguer des avions de chasse sans se voir exiger des transferts de technologie. Il suffit pour cela que les dirigeants politiques se prosternent devant le chef bédouin, et de quelques valises de billets judicieusement réparties parmi des décideurs administratifs corrompus jusqu’à la moelle.

Il se trouve, de surcroît, que la Libye se situe géographiquement dans une zone sensible : la région du Sahel, qui borde sa frontière sud est hautement instable : les guerres civiles sont endémiques, au Tchad, au Soudan et dans la corne de l’Afrique, Al Qaïda s’est signalé dans le secteur, en Algérie et dans l’espace saharien. L’instabilité de pays pauvres, comme le Niger ou le Mali, affectés par des révoltes de Touaregs est un souci pour les pays qui exploitent des matières premières stratégiques dans ces pays, l’uranium par exemple. Kadhafi, qui ambitionne de jouer le rôle du parrain de tous les potentats africains exerçant au sud du Sahara, apparaît alors comme un pôle de stabilité régionale, capable de s’opposer à la montée en puissance de l’islamisme radical dans la région où s’exerce son influence.

Enfin, il peut ouvrir ou fermer à son gré le robinet de l’immigration clandestine de milliers de miséreux de toutes origines qui attendent sur le rivage des Syrtes l’embarcation qui les conduira vers Malte ou Lampedusa. L’Italie et l’Union européenne sont, pour l’instant, très contentes d’avoir trouvé une oreille compréhensive à Tripoli sur ce problème, et financent largement sur le sol libyen des camps de rétentions où sont renvoyés les clandestins interceptés en mer ou sur leur lieu d’accostage.

Que pèsent alors quelques blessures d’amour-propre lorsque de tels enjeux sont sur la table ? Nous ne sommes plus au temps où un soufflet administré par le dey d’Alger à un diplomate français avait pour conséquence l’entrée dans l’Histoire du général Bugeaud et de l’émir Abdelkader…

Il faut nous faire une raison : les catégories de l’honneur, de la fierté nationale doivent être remisées au rayon des vieilleries inutiles dès le moment où l’émotion populaire pousse les dirigeants à payer des rançons matérielles et morales à toutes sortes de kidnappeurs. Faut-il s’en désoler ? On gagne, certes, en tranquillité et en prospérité ce que l’on perd en estime de soi. Mais il faut bien avouer qu’on se sentirait mieux dans sa peau de Français, ou d’Européen, si de temps en temps on remplaçait la courbette par le poing dans la gueule.

09/09/09, rien de neuf

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C’est avec émerveillement que j’ai vu et entendu hier maints reportages sur la date magique que constituerait le neuf septembre deux mille neuf, surtout, une fois ramené à sa transcription chiffrée. L’idée générale est que cette date pleine de neuf est forcément porteuse de nouveauté (mais, je l’imagine, seulement dans les pays francophones, vu que nine par exemple n’est pas vraiment synonyme de new). Mais la chose la plus drôle que j’ai lue, c’était dans le gratuit Métro, qui nous explique doctement qu’une telle date n’advient qu’une seule fois par siècle. Contrairement donc au 08/09/09 ou au 10/09/09 qui, eux tombent beaucoup plus souvent…

Comment j’ai pris l’humanité en grippe

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H1N1

Alors ça y est. Vous toussez, votre nez coule. Vous n’éternuez plus que dans votre coude ou au fond de votre sac à main, pendant ce temps-là, dans la poche droite de mon costume, une fiole de solution hydromachin tueuse de virus coule doucement sur mon portable. La grippe A, la voilà. Et cette traîtresse frappe d’abord les petits enfants. Enfin, plus exactement quelques lycéens boutonneux des banlieues upper middle class des Boucles de la Marne, renvoyés chez eux même pas une semaine après la rentrée.

Que croyez-vous qu’il se passa ? Les ados crièrent-ils hourra en l’honneur de feue la grippe porcine qui leur permet de profiter des terrasses en cet incroyable été indien pour fumer des clopes sans risquer un mot dans le carnet de correspondance ? Glandèrent-ils au cinéma ? Non, nous disent radios et télés. Ils flippèrent. Pas d’être malades, mais de « louper des cours, car il y a le bac à la fin de l’année.»

Zut, j’ai dû rater un truc. Sans doute que le monde avait changé.

J’ai été déjà moins étonné par la réaction des parents qui eux aussi, paniquent à donf, en adultes responsables qu’ils sont. Vaccin ou pas ? Antibios stockés pour l’hiver ou homéopathie ? Fromage ou dessert ? Heureusement, ils voient les maires fermer les classes ou interdire le french kiss au nom du principe de précaution et madame Bachelot se muer en infirmière chef de la nation menacée par les virus. Tout est sous contrôle. On respire mieux.

Enfin, la France entière respire mieux, sauf moi: à chaque fois que je rallume la télé, je rechute; ma température monte en flèche quand je vois le gouvernement reconverti en commando de choc de SOS-Médecins. C’est plus le JT, c’est une rediff en boucle d’Urgences, chaque ministre veut prouver qu’il est plus antiviral que son rival. Certes, Roselyne a pris de l’avance, mais c’est de la triche, elle est ministre de la Santé. Alors Brice Hortefeux signe une convention avec Patrick de Carolis, pour la diffusion de messages d’alerte sur France 2 et France 3 en cas de crise majeure. Pour n’être pas en reste, Eric Woerth, ministre du Budget et de la Fonction publique, expose à tout va son plan de guerre pour mettre postiers et autres guichetiers publics à l’abri des postillons mortifères. Luc Chatel, lui aussi, est dans les starting-blocks : il a donné des instructions très fermes à tous les enseignants, désormais rhabillés en hussard noirs de la prophylaxie. Ringardisée, la lettre de Guy Môquet, cette année le discours héroïque de rentrée, c’est « Lavez-vous les mains après le pipi !». Virus, assassins ! No pasaran !

J’éteins donc la télé avant de la casser, et direction le bistrot pour lire mon journal. Comme je me contrefous des avanies de l’équipe de France, j’ai boycotté Le Parisien ce matin-là pour m’en tenir à Libé. J’ai eu tort. L’épidémie ne s’est pas encore déclenchée qu’il y a déjà des grands malades, rue Béranger. L’idée, étalée en une sous le titre tout en nuances : «Grippe A, menaces sur les libertés », c’est que le gouvernement veut profiter de la pandémie putative pour instaurer en France un état de siège larvé. Si, si, on a les preuves, c’est le Syndicat de la Magistrature qui les donne, de l’imparable donc. Il paraît qu’en cas d’épidémie gravissime le gouvernement – qui depuis a démenti l’info –, envisage que les procès se tiennent à huis clos. Or chacun le sait, le huis-clos est un déni absolu de démocratie ; sauf dans l’affaire Fofana, où il préserve l’opinion d’une épidémie d’intolérance contre les minorités visibles.

Pour étoffer le dossier, on a décrété à Libé que les pauvres et les exclus allaient forcément être les premières victimes par chez nous, sans parler des populations du Tiers-Monde, par là-bas. Joffrin a donc concocté une pétition, qu’il a fait contresigner par tout le gotha de la gauche officielle, où l’on nous explique sans rire : «Les pandémies ont toujours agi comme un reflet des trous noirs d’une société. Des enjeux éthiques importants peuvent se poser brutalement, mettant en danger les libertés de chacun.»

Pour ceux qui n’auraient pas bien compris, dans son édito, Joffrin redit la même chose, mais en plus clair : « Pour contenir cette grippe inédite, faudra-t-il restreindre les libertés publiques, contourner ou annuler le droit social, réduire l’autonomie des individus dans une société ouverte ? (…) Les menaces sur la santé pourraient dégénérer en menaces sur les libertés. » C’est bien, mon Lolo, mais ça aurait pu être mieux, si seulement tu nous avais dévoilé le fond de ta pensée : on sent bien que tu meurs d’envie de nous dire que le vrai responsable de la grippe A, c’est Sarkozy. Patience, les amis, ça viendra. On n’en a pas fini avec l’épidémie de connerie.

Et dire que je croyais être vacciné.

Michael Jackson, enchères et en os

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Le célèbre gant de Michael Jackson a été vendu plus de trente-deux mille euros pour le compte du Hard Rock Hôtel et Casino de Las Vegas, lors d’enchères qui se sont tenues à Melbourne. Incrusté de diamants Swaroski, la star en avait fait un de ses accessoires fétiches depuis 1996. On parle de l’exposer dans le musée du prestigieux établissement, mais il n’est pas impossible, en ces temps de pandémie de grippe H1N1, que le directeur de ce grand hôtel-casino peuplé de joueurs que l’addiction fait baver, pleurer ou éructer ne soit décidé à le garder pour lui. En effet, comme toutes les reliques de saint, le gant de Michael Jackson est sans doute paré de vertus miraculeuses (changement de couleur de peau à volonté, disparition de l’appendice nasal, succès irrésistible auprès des jeunes gens, rentrées d’argent colossales, etc.).

« C’était à Megara, faubourg de Carthage… »

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Ça s’était joué de peu en Irak où l’attention du public avait été attirée sur le nombre élevé de « soldats de fortune » employés par les étasuniens, véritables armées privées chargées de la sécurité ou du transport des VIP mais aussi, à l’occasion, prenant part directement aux combats comme dans la meurtrière bataille de Falloujah. Néanmoins, leur nombre était resté inférieur à celui des soldats de l’armée régulière. Il semble que ce ne soit plus le cas en Afghanistan où la privatisation de la guerre a atteint un nouveau stade. Officiellement, il y aurait plus de 60 000 « civils » pour 52 000 soldats en uniforme dans les rangs nord-américains. Sachant que les civils en question ont plus souvent un soufflant dans la pogne qu’un stylo d’intendance, on peut donc passer outre la précaution oratoire et parler de mercenaires. On ne saurait trop recommander à l’état-major US la lecture de Salammbô de Gustave Flaubert : ce roman raconte la révolte de mercenaires en colère contre leurs employeurs carthaginois qui n’avaient plus les moyens de les payer. Et quelque chose nous dit que les caisses à Washington, après le sauvetage des banques, ne doivent guère être plus remplies que celles d’Hamilcar Barca. Ça la ficherait mal, à peine de retour de Kaboul, de les voir faire le siège de la Maison Blanche…

Salammbô

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Faurecia, une polémique qui ne vous grandit pas

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La taille du président : un enjeu politique ?
La taille du président : un enjeu politique ?

Ah la bonne histoire ! Après les vrais-faux clients d’hypermarché conviés à accueillir spontanément Luc Chatel, les salariés de petite taille convoqués pour ne pas faire de l’ombre au président. Tous mes confrères se sont jetés avec gourmandise sur cette affaire d’Etat sur laquelle Google Actualités proposait au bout de 24 heures 283 articles allant tous dans le même sens (en vrai, je ne les ai pas tous lus, mais dans mon échantillon représentatif, il n’y avait pas de voix discordante). Je vous livre celui de Marianne2, parce que ce sont des copains et que, pour cette raison, c’est d’abord à eux que j’ai envie de dire : pas ça, pas vous ! Oui pour la critique politique, même féroce, et au besoin assaisonnée d’un zeste de mauvaise foi idéologique. Passe encore que vous fassiez semblant de croire que le bouclier fiscal suffit à qualifier, résumer et condamner le sarkozysme tout entier. Entièrement d’accord avec vous pour tirer à boulets rouges sur la politique de l’Education nationale et sur l’anti-intellectualisme déprimant qui perce parfois dans les propos présidentiels. Mais que vous cédiez au complotisme ricaneur qui est la marque de fabrique du journalisme faussement subversif, que vous adhériez à la sarkophobie bête et méchante qui tient lieu de pensée aux mutins de Panurge, bref que vous chassiez en meute vous aussi, voilà qui me désole.

Ecoutez avec une oreille un peu moins prête à approuver le confrère de la RTBF interrogé par notre grande amie Pascale Clarke sur France Inter. Allez-vous, vous aussi, vous faire embobiner par ses airs de héros en veste à poche, de baroudeur solitaire et incorruptible, qui ne voyage pas, lui, dans la caravane présidentielle ? Pour ceux qui n’ont pas saisi le message, en France, les journalistes sont aux ordres, la preuve c’est que tous les médias se sont fendus d’un sujet hier. Il est un peu étrange que l’on nous explique dans la même phrase que les journalistes sont muselés et qu’ils résistent, mais cela doit signifier que les muselés ce sont les autres.

Revenons sur ce reportage. Si un conseiller à l’Elysée a ordonné que pas une tête ne dépasse, il faut immédiatement le renvoyer, parce qu’il s’agirait d’une initiative non seulement stupide mais aussi fort mal exécutée. Le reportage montre en effet, non pas face au président mais derrière lui, ce qui est encore plus voyant, ses agents de sécurité et quelques-uns de ses ministres qui ont une ou deux bonnes têtes de plus que lui. Puis on entend le journaliste poser une question pas du tout fermée : « Avez-vous été choisie en fonction de votre taille ? » On imagine qu’il n’a pas eu la bonne réponse du premier coup, mais il se trouve effectivement une dame pour expliquer qu’elle a été choisie en raison de sa petite taille (au fait, moi je veux bien des places au premier rang de la tribune présidentielle pour le prochain défilé du 14 Juillet).

Il est curieux qu’une profession qui a fait du soupçon systématique de toute parole le synonyme de déontologie prenne celle-ci pour argent comptant au prétexte qu’elle n’a pas été prononcée par un puissant mais par un « vrai gens ». Bien sûr, rien ne permet d’exclure que cette dame dise la vérité. Rien ne permet non plus d’avoir la certitude que ses propos ne lui ont pas été soufflés ou, tout simplement, qu’elle n’a pas saisi là l’occasion d’avoir son quart d’heure de célébrité. Mais comme ce témoignage s’insérait parfaitement dans l’histoire que vous adorez raconter, vous ne vous êtes pas trop posé de questions. Vous aviez envie d’y croire. Et c’est plus grave à mon avis que d’y avoir cru sans preuve – à moins évidemment que le témoignage d’un syndicaliste recueilli par Rue 89 en soit une. « Je peux vous assurer que nous avons la certitude, de source sûre et fiable, que cette exigence n’est pas sortie de la tête d’un responsable de Faurecia et qu’il s’agit bien d’une requête venant de l’Elysée », a-t-il déclaré. Mais Henri Guaino, cher Philippe Cohen, nous a fait cette réponse : « Nous ne sommes pas assez bêtes pour faire ce genre de choses, de toute façon ça se sait toujours et ça nous retombe dessus. » Sauf à considérer que l’Elysée est peuplé par une bande de crétins, l’argument mérite au moins d’être entendu. Seulement, à vous, on ne vous la fait pas. Guaino défend le président, c’est son job. Et le syndicaliste, il ne défend rien, vous croyez ?

Supposons cependant qu’un conseiller zélé ait réellement monté l’opération « des petits pour Sarkozy et que cet épisode grotesque recèle une part de vérité. Cela ne m’explique pas pourquoi cette affaire vous semble si délectable et ce qu’elle prouve à vos yeux. Bien sûr, vous ne mangez pas de n’importe quel pain, votre genre c’est l’analyse, pas l’anathème. Ce qui vous importe dans cette affaire c’est exclusivement ce qu’elle révèle de la communication présidentielle. S’il s’agit de nous annoncer que les voyages des personnalités sont des mises en scène destinées aux caméras, franchement, la révélation est un peu faisandée. Je vous accorde que tout cela manque autant de spontanéité et d’authenticité que la visite d’Obama sur les plages du débarquement (qui n’a pas, si ma mémoire est exacte, suscité tant de critique quant à son organisation militaire et extra-territoriale). Pour ma part, je trouve que les grands de ce monde devraient avoir le cuir un peu plus épais et supporter d’être confrontés directement à la colère populaire – à condition qu’elle s’exprime avec une courtoisie minimale. Je le répète, si quelqu’un a manigancé cette affaire de public sur-mesure, il devrait être viré dans la seconde. Mais je l’avoue, j’ai du mal à croire que le président soit assez naïf pour avoir été à la manœuvre dans cette sottise. En tout cas, j’attends des éléments un peu plus tangibles. Sans doute suis-je aveuglée par mon sarkozysme primaire.

En vérité, j’ai l’impression que vous voulez vous persuader, notamment pour confirmer votre premier jugement, que Nicolas Sarkozy est infantile, agité, vulgaire, aveuglé par son narcissisme, en un mot ridicule – et qu’il n’est que cela. Pour tous les autres, vous avez souvent des indulgences, au moins de la compréhension, parfois de l’admiration. Mais chez lui, rien ne trouve grâce. Seuls comptent ses travers, petits et grands. Au bout du compte, vous participez à ce que vous réprouvez, la délégitimation de l’adversaire. Ce faisant vous vous alliez à ces vrais puissants que sont les humoristes, à peu près inamovibles depuis qu’ils se sont décerné le brevet de rebelles en chef et que la profession les vénère comme la pointe avancée de l’anti-sarkozysme.

Vous qui n’aimez pas que l’on s’attaque aux hommes pour combattre les idées, n’êtes-vous pas gêné par le fait que la taille du président soit devenue un tel objet de moqueries ? Il met des talonnettes, la belle affaire. Est-ce si risible de souffrir d’un vague complexe ? L’est-ce au point que l’on nous en rebatte les oreilles depuis deux ans ? Cela change-t-il sa manière de gouverner ? Et faites-moi grâce, s’il vous plait des avis d’experts et autres psychanalystes de médias – un psy qui accepte de se prononcer sur un patient qui n’en est pas un et qu’il n’a jamais reçu ne me paraît pas une source très fiable.

Heureusement, je vous connais. Je sais que vous ne voyez pas que ce journalisme politique qu’il vous arrive de pratiquer à l’insu de votre plein gré est à la remorque et à l’unisson des amuseurs professionnels. Or leur rire n’est pas grinçant, il se contente d’être méchant. Il s’en prend aux têtes de turc et ignore les vaches sacrées (les vraies). Martine est boulotte, Nicolas est petit : oui, vraiment, quel courage de dire des choses si subversives qu’on les répète en boucle sur toutes les ondes et tous les plateaux ! Il est vrai qu’il nous arrive à tous de rigoler en les écoutant, mais ce n’est pas ce qu’il y a de mieux en nous qui rigole. L’autre soir, je me suis infligée sur France 2 la soirée « Rire contre le racisme ». Sur les quarante sketchs qui se sont succédé, une bonne partie était destinée à rappeler que nous sommes un pays peuplé de racistes dont les autorités sont obsédées par la « lutte contre les étrangers ». Passons (j’y reviendrai). L’un des sketchs supposé montrer que la France était différente, pour le pire, pas pour le meilleur, se finissait ainsi : « Chez les autres, on dit « pute ». Chez nous on dit « première dame ». » Un samedi soir à 22 h 30, sur la principale chaîne du Service public (à la botte du président), on insulte son épouse de la façon la plus minable qui soit – pour rire bien sûr.

Moi ça ne me fait pas rire. Je n’ai envie de vivre dans ce monde-là. Et vous non plus.

Big Brother is not watched…

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C’est le site anglais digitalspy qui l’affirme, les marques d’audience de la finale de Big Brother, samedi dernier, ont été les plus mauvais que l’émission ait jamais connu : moins de trois millions de spectateurs, contre cinq millions l’an dernier – chiffre déjà jugé calamiteux à l’époque. Il se murmure outre-Manche que l’édition 2009 risque fort d’être la dernière. Rappelons que Big Brother a servi de modèle à Loft Story sur M6 lequel a engendré à son tour l’infect Secret Story sur TF1. Mais à Boulogne, on ignore sûrement que les audiences des programmes de trash reality s’effondrent dans le monde entier, avant même la finale de cette année, la direction de la chaîne a tenu à annoncer que l’édition 2010 était déjà programmée. Encore un été pourri en perspective…

Vas-y à Vaduz !

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La République Tchèque et la principauté du Liechtenstein viennent d’établir des relations diplomatiques. Voilà, enfin une bonne nouvelle pour notre continent, un rapprochement qui met fin à une trop longue ignorance réciproque entre deux nations situées au cœur de l’Europe. En fait, Prague n’avait jamais remarqué l’existence de cette principauté alpine coincée entre la Suisse et l’Autriche, et pensait qu’il s’agissait du palais Liechtenstein situé dans le quartier de Mala Strana de la capitale tchèque. Un fonctionnaire subalterne en surfant sur le net a découvert que la ministre des étrangères de la Principauté se nommait Aurélie Frick. Il vient de recevoir une prime.

Poussée de fièvre

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Grippe porcine : faut-il faire tomber les masques ?
Grippe porcine : faut-il faire tomber les masques ?
Grippe porcine : faut-il faire tomber les masques ?

Mesdames, Messieurs,

Nous vous remercions d’avoir choisi notre Agence, d’être tous venus à cette première réunion et nous pensons que nos prestations vous apporteront pleine satisfaction. Votre demande était claire, nos réponses le seront : comment assurer une rentrée relativement apaisée en 2009 sur toute l’Union Européenne ainsi qu’aux Etats-Unis ?

Ce n’est effectivement pas évident. La situation économique objectivement catastrophique, les conflits ultramarins s’enlisent dangereusement (Afghanistan) et les pertes subséquentes augmentent, le chômage de masse et la précarité galopent, l’impossibilité de créer ou maintenir des sécurités sociales (blocage du plan Obama aux Etats-Unis, augmentation de 25 % des soins non remboursés en France) est de plus en plus manifeste, des pans entiers de l’industrie disparaissent (General Motors), vos déficits creusés de manière démentielle lors du sauvetage des banques pendant la première phase de la crise mondiale entraînent une paralysie budgétaire : tout cela devrait logiquement créer d’importants mouvements sociaux, des grèves massives et même, dans certains cas, des situations prérévolutionnaires.

Nous sommes là pour l’empêcher.

Certains d’entre vous ont cru pouvoir se passer de nous pour inventer des leurres en employant les bonnes vieilles méthodes policières. Nous faisons ici allusion ici à nos amis français qui se sont ridiculisés l’année dernière avec l’affaire de Tarnac, en créant de toute pièce un risque terroriste anarcho-autonome qui n’a abusé qu’eux-mêmes et n’a eu au bout d’une compte aucun impact dans l’opinion sinon qu’il a attiré l’attention d’un petit nombre de citoyens sur les dangers de l’antiterrorisme, rendant plus difficiles certaines opérations de ce genre s’il fallait les renouveler.

De même, vous vous rendez bien compte que la pipolisation a trouvé ses limites. L’Italie et la France, elles encore, ont utilisé cette ficelle qui est désormais usée et sur le point de rompre. L’exposition de la vie sexuelle agitée du président du Conseil Berlusconi, conçue au départ comme un scandale contrôlé qui attirerait au bout du compte l’indulgence de tout un peuple pour son chef, un vrai mâle latin au sang chaud a plutôt écœuré l’opinion et renforcé le dégoût pour le régime. En France, la surexposition du corps sportif du président qui semblait être une bonne idée s’est terminée par un malaise durant un jogging. Là aussi, la gravité de ce malaise est de nature secondaire. Constatons simplement qu’il n’a pas attiré spécialement la compassion mais plutôt une certaine inquiétude sur l’état réel de la santé présidentielle, inquiétude renforcée par des porte-parole maladroits qui feraient bien de prendre quelques cours dans notre agence.

Notre diagnostic est simple : pour éviter l’explosion sociale, vous devez fédérer vos peuples contre un danger commun qui les détourne de leurs inquiétudes quotidiennes. Là encore, la mondialisation qui était d’abord une difficulté (ce qui inquiétait les Espagnols n’était pas forcément ce qui inquiétait les Allemands) est devenu une chance. Un seul leurre médiatique suffira pour tout le monde. Nous ne somme plus à l’époque où Mussolini sauvait son régime en attaquant l’Ethiopie et où Margaret Thatcher réussissait l’épreuve d’élections difficiles en reprenant trois îlots glacés au large des côtes argentines.

Nous ne pensons pas opportun, cette année, ou alors sur un mode mineur, d’utiliser la guerre contre le terrorisme islamique comme diversion. L’intervention américaine en Irak a discrédité les opérations de ce genre. Le coût humain élevé pour un résultat nul fait qu’aujourd’hui la guerre en Afghanistan est quasiment menée en catimini, tant on sent des populations sur le point de rompre de ce côté-là et vous ne voudriez pas, en plus, vous retrouver avec des manifestations pacifistes monstres.

L’invention, ou la mise en avant de ce que nous appelons dans notre jargon, un Goldstein, là aussi devient difficile. Attirer l’attention sur Hugo Chavez par exemple risque de se révéler extrêmement contre-performant et au contraire de faire passer cette racaille populiste pour un nouveau Guevara. La Corée du Nord ou l’Iran d’Ahmadinejad peuvent effectivement sembler intéressants de prime abord, mais, là encore, d’usage difficile, surtout quand la tension monte vraiment et que vous reprenez chacun, messieurs-dames, vos habitudes diplomatiques respectives, les uns jouant l’apaisement, les autres la fermeté. On pourra quelques jours attirer l’attention sur un aspect sentimental du conflit, par exemple une jeune étudiante occidentale accusée d’espionnage qui tient tête courageusement à ses juges, mais, assez vite, les citoyens de vos pays respectifs trouveront tout cela bien abstrait, surtout quand ils n’auront plus de quoi se faire soigner les dents.

Renoncez également au fait divers monté en épingle. D’abord parce qu’il renvoie, comme nous le disions plus haut, à une réponse nationale alors qu’il vous faut une réponse globale et, surtout, parce qu’il peut se retourner contre vous. Ce ne sont pas nos amis belges ici présents qui nous démentiront : des tueurs fous du Brabant à l’affaire Dutroux, ce qui devait masquer les divisions communautaires a, en fait, durablement discrédité l’Etat belge qui ne s’en remettra peut-être jamais.

De manière plus générale, ce n’est pas l’horreur ou la terreur que vos populations doivent ressentir ; plutôt un état de panique latente, durable, mais pas incapacitante, car il faut quand même songer à faire tourner vos économies et dégager de la plus-value. Cet état de panique latente, vous avez longtemps cru pouvoir l’entretenir sur le seul front social en détruisant vos codes du travail et en transformant les salariés du privé comme du public en précaires. Vous voyez bien, mesdames, messieurs, que vous avez atteint ici un stade difficilement dépassable : soit on se suicide en masse dans les entreprises, soit il faut faire face à des réactions violentes comme les séquestrations de patrons ou les menaces de destruction de l’outil de travail.

Il vous reste donc la solution que nous vous proposons et que vous trouverez dans les dossiers posés devant vous : la grippe H1N1. Cette fièvre porcine apparue au Mexique et transmissible à l’homme peut se révéler mortelle pour les personnes déjà fragilisées. Rien ne vous empêche de faire croire à vos populations respectives que ce danger est beaucoup plus grand. Faites taire les médecins qui diront que vous en faites trop et faites les taire, surtout, au nom du principe de précaution, ce onzième commandement.

Ensuite, c’est à vous de jouer. Vos démocraties de marché ont la chance de concentrer entre quelques mains la plupart des organes d’information. Ce sera à chacun de vous de moduler cette peur en fonction de vos spécificités culturelles mais n’oubliez pas d’en parler à chaque bulletin d’information, ne serait-ce que pour signaler une fermeture d’école à classe unique dans la Creuse ou le décès d’une nonagénaire qui aimait le saucisson pur porc.
Fédérez également votre population en lui imposant des réflexes conditionnés sur une large échelle : lavage des mains, port de masque et de gants chirurgicaux, interdiction du bisou et évidemment du french kiss.

De plus, vous pourrez ainsi mesurer le degré de soumission de vos peuples aux stimuli médiatiques et récolter des données qui ne manqueront pas de vous être utiles quand l’environnement écologique, économique et social deviendra vraiment invivable. Ce qui ne saurait tarder.

Mesdames et Messieurs, nous vous remercions de votre attention.

Le berger Cohen répond à la bergère Lévy

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Après que j’ai amicalement disputé nos amis de Marianne2 sur leur traitement indigné du vrai-faux scandale des figurants pygmées de Faurécia, Philippe Cohen me répond, tout aussi amicalement sur son site. Enfin, il me répond sans me répondre vraiment, c’est-à-dire sans questionner l’antisarkozysme un rien réducteur par lequel il pèche à mon goût. Cela dit, la thèse qu’il développe dans le même article sur l’orwellisation de la politique française est assez réjouissante, enfin déprimante de vérité, mais réjouissante d’intelligence. Et mon ami Philippe a raison d’évoquer à ce sujet mon autre ami Philippe feu Muray. Continuons le débat ! Et en attendant, allez vous faire une idée par vous-même.

L’élégance du paillasson

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kadhafi

Il est de bon ton, ces derniers jours, de faire des gorges chaudes à propos des mésaventures libyennes de la diplomatie helvétique, dont il fut question récemment sur ce site grâce à notre correspondant au pays de Heidi et des montres bling-bling. Il faut dire que nos amis suisses on fait très fort en se laissant proprement rouler dans la farine par le leader de la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste. Ils envoient leur président s’excuser platement pour les misères infligées au fils Kadhafi par la police genevoise au motif futile qu’il prenait un couple de domestiques pour son punching-ball. Ils promettent de punir les flics de la cité de Calvin si une cour arbitrale l’ordonne et ils pensaient, les naïfs, que Tripoli allait sur le champ libérer les deux citoyens suisses retenus depuis plus d’un an, en représailles, dans les geôles libyennes (en fait dans des appartements). L’encre de l’accord était à peine sèche que les hommes de Kadhafi signifiaient aux Helvètes ébahis que les choses n’étaient pas si simples, et que seul leur bon plaisir déciderait de la date et de l’heure de la libération des otages. Pour se faire bien comprendre, ils adressaient une requête à l’ONU demandant le partage de la Suisse entre ses voisins, seul moyen, selon eux, de faire cesser les pratiques de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme dont les héritiers de Guillaume Tell se seraient rendus coupables.

À la décharge des Suisses, il faut bien remarquer qu’ils sont loin d’être les seuls à faire bon marché de l’honneur national pour apaiser la colère du plus ancien chef d’Etat africain en fonction. Le ministre britannique de la Justice, Jack Straw, vient d’avouer que la libération pour motifs « humanitaires » de Ali Mohamed Al-Megrahi, seul condamné pour l’attentat meurtrier de Lockerbie, était liée à l’obtention d’un important contrat pétrolier avec la Libye. Son accueil triomphal à Tripoli était un petit plaisir supplémentaire, non prévu dans les arrangements avec Londres et Edimbourg, dont Kadhafi aurait bien eu tort de se priver, tant il était certain qu’il n’aurait aucune conséquence fâcheuse.

Silvio Berlusconi et Nicolas Sarkozy ne sont pas plus farauds dans leur comportement avec le raïs libyen : l’Italien fait un acte solennel de repentance pour la colonisation assorti d’un chèque de réparations conséquent, et le Français déroule le tapis rouge en septembre 2007 pour une visite baroque en France d’un Kadhafi plantant sa tente de bédouin avenue Marigny en échange d’un geste de « clémence » pour des infirmières bulgares et un médecin palestinien faussement accusés d’avoir propagé le SIDA à l’hôpital de Benghazi.

Nos dirigeants démocratiquement élus se seraient-ils convertis au masochisme appliqué à la gestion des relations internationales ?

À première vue, on ne voit pas trop quelle nécessité contraindrait ces éminents chefs d’Etats et de gouvernements de pays riches et puissants de procéder au geste humiliant de baisse publique de culotte devant un potentat oriental régnant sur un pays quasi désertique moins peuplé que la Suisse.

Ne serait-il pas plus honorable de procéder comme le fit, en 1986, Ronald Reagan en bombardant Tripoli en représailles des attentats meurtriers perpétrés par les services secrets libyens contre les soldats américains en Allemagne ?

Ce serait faire bon marché des considérables atouts dont dispose Kadhafi dans une situation géopolitique totalement modifiée par la chute du mur de Berlin et le 11 septembre 2001. Ayant solennellement renoncé au terrorisme international et à l’acquisition de l’arme nucléaire, le chef d’Etat libyen a été réintégré avec les honneurs dans la communauté internationale. Il a même été ostensiblement choyé par les Etats-Unis de George W. Bush, pour qui Kadhafi est une sorte de reborn good guy, ayant abjuré ses pratiques diaboliques de chef d’Etat voyou. À Paris, Rome, Londres et Berlin, on se frotte les mains. L’agréable, avec ces dictatures orientales bien verrouillées, c’est de pouvoir signer de juteux contrats, bien plus rémunérateurs que ceux conclus dans des pays pourvus d’une administration intègre et d’une cour des comptes sourcilleuses. On peut se goinfrer de pétrole et de gaz à prix cassé, construire des autoroutes à un prix du kilomètre donnant à penser que la chaussée est en marbre de Carrare, fourguer des avions de chasse sans se voir exiger des transferts de technologie. Il suffit pour cela que les dirigeants politiques se prosternent devant le chef bédouin, et de quelques valises de billets judicieusement réparties parmi des décideurs administratifs corrompus jusqu’à la moelle.

Il se trouve, de surcroît, que la Libye se situe géographiquement dans une zone sensible : la région du Sahel, qui borde sa frontière sud est hautement instable : les guerres civiles sont endémiques, au Tchad, au Soudan et dans la corne de l’Afrique, Al Qaïda s’est signalé dans le secteur, en Algérie et dans l’espace saharien. L’instabilité de pays pauvres, comme le Niger ou le Mali, affectés par des révoltes de Touaregs est un souci pour les pays qui exploitent des matières premières stratégiques dans ces pays, l’uranium par exemple. Kadhafi, qui ambitionne de jouer le rôle du parrain de tous les potentats africains exerçant au sud du Sahara, apparaît alors comme un pôle de stabilité régionale, capable de s’opposer à la montée en puissance de l’islamisme radical dans la région où s’exerce son influence.

Enfin, il peut ouvrir ou fermer à son gré le robinet de l’immigration clandestine de milliers de miséreux de toutes origines qui attendent sur le rivage des Syrtes l’embarcation qui les conduira vers Malte ou Lampedusa. L’Italie et l’Union européenne sont, pour l’instant, très contentes d’avoir trouvé une oreille compréhensive à Tripoli sur ce problème, et financent largement sur le sol libyen des camps de rétentions où sont renvoyés les clandestins interceptés en mer ou sur leur lieu d’accostage.

Que pèsent alors quelques blessures d’amour-propre lorsque de tels enjeux sont sur la table ? Nous ne sommes plus au temps où un soufflet administré par le dey d’Alger à un diplomate français avait pour conséquence l’entrée dans l’Histoire du général Bugeaud et de l’émir Abdelkader…

Il faut nous faire une raison : les catégories de l’honneur, de la fierté nationale doivent être remisées au rayon des vieilleries inutiles dès le moment où l’émotion populaire pousse les dirigeants à payer des rançons matérielles et morales à toutes sortes de kidnappeurs. Faut-il s’en désoler ? On gagne, certes, en tranquillité et en prospérité ce que l’on perd en estime de soi. Mais il faut bien avouer qu’on se sentirait mieux dans sa peau de Français, ou d’Européen, si de temps en temps on remplaçait la courbette par le poing dans la gueule.

09/09/09, rien de neuf

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C’est avec émerveillement que j’ai vu et entendu hier maints reportages sur la date magique que constituerait le neuf septembre deux mille neuf, surtout, une fois ramené à sa transcription chiffrée. L’idée générale est que cette date pleine de neuf est forcément porteuse de nouveauté (mais, je l’imagine, seulement dans les pays francophones, vu que nine par exemple n’est pas vraiment synonyme de new). Mais la chose la plus drôle que j’ai lue, c’était dans le gratuit Métro, qui nous explique doctement qu’une telle date n’advient qu’une seule fois par siècle. Contrairement donc au 08/09/09 ou au 10/09/09 qui, eux tombent beaucoup plus souvent…

Comment j’ai pris l’humanité en grippe

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H1N1

Alors ça y est. Vous toussez, votre nez coule. Vous n’éternuez plus que dans votre coude ou au fond de votre sac à main, pendant ce temps-là, dans la poche droite de mon costume, une fiole de solution hydromachin tueuse de virus coule doucement sur mon portable. La grippe A, la voilà. Et cette traîtresse frappe d’abord les petits enfants. Enfin, plus exactement quelques lycéens boutonneux des banlieues upper middle class des Boucles de la Marne, renvoyés chez eux même pas une semaine après la rentrée.

Que croyez-vous qu’il se passa ? Les ados crièrent-ils hourra en l’honneur de feue la grippe porcine qui leur permet de profiter des terrasses en cet incroyable été indien pour fumer des clopes sans risquer un mot dans le carnet de correspondance ? Glandèrent-ils au cinéma ? Non, nous disent radios et télés. Ils flippèrent. Pas d’être malades, mais de « louper des cours, car il y a le bac à la fin de l’année.»

Zut, j’ai dû rater un truc. Sans doute que le monde avait changé.

J’ai été déjà moins étonné par la réaction des parents qui eux aussi, paniquent à donf, en adultes responsables qu’ils sont. Vaccin ou pas ? Antibios stockés pour l’hiver ou homéopathie ? Fromage ou dessert ? Heureusement, ils voient les maires fermer les classes ou interdire le french kiss au nom du principe de précaution et madame Bachelot se muer en infirmière chef de la nation menacée par les virus. Tout est sous contrôle. On respire mieux.

Enfin, la France entière respire mieux, sauf moi: à chaque fois que je rallume la télé, je rechute; ma température monte en flèche quand je vois le gouvernement reconverti en commando de choc de SOS-Médecins. C’est plus le JT, c’est une rediff en boucle d’Urgences, chaque ministre veut prouver qu’il est plus antiviral que son rival. Certes, Roselyne a pris de l’avance, mais c’est de la triche, elle est ministre de la Santé. Alors Brice Hortefeux signe une convention avec Patrick de Carolis, pour la diffusion de messages d’alerte sur France 2 et France 3 en cas de crise majeure. Pour n’être pas en reste, Eric Woerth, ministre du Budget et de la Fonction publique, expose à tout va son plan de guerre pour mettre postiers et autres guichetiers publics à l’abri des postillons mortifères. Luc Chatel, lui aussi, est dans les starting-blocks : il a donné des instructions très fermes à tous les enseignants, désormais rhabillés en hussard noirs de la prophylaxie. Ringardisée, la lettre de Guy Môquet, cette année le discours héroïque de rentrée, c’est « Lavez-vous les mains après le pipi !». Virus, assassins ! No pasaran !

J’éteins donc la télé avant de la casser, et direction le bistrot pour lire mon journal. Comme je me contrefous des avanies de l’équipe de France, j’ai boycotté Le Parisien ce matin-là pour m’en tenir à Libé. J’ai eu tort. L’épidémie ne s’est pas encore déclenchée qu’il y a déjà des grands malades, rue Béranger. L’idée, étalée en une sous le titre tout en nuances : «Grippe A, menaces sur les libertés », c’est que le gouvernement veut profiter de la pandémie putative pour instaurer en France un état de siège larvé. Si, si, on a les preuves, c’est le Syndicat de la Magistrature qui les donne, de l’imparable donc. Il paraît qu’en cas d’épidémie gravissime le gouvernement – qui depuis a démenti l’info –, envisage que les procès se tiennent à huis clos. Or chacun le sait, le huis-clos est un déni absolu de démocratie ; sauf dans l’affaire Fofana, où il préserve l’opinion d’une épidémie d’intolérance contre les minorités visibles.

Pour étoffer le dossier, on a décrété à Libé que les pauvres et les exclus allaient forcément être les premières victimes par chez nous, sans parler des populations du Tiers-Monde, par là-bas. Joffrin a donc concocté une pétition, qu’il a fait contresigner par tout le gotha de la gauche officielle, où l’on nous explique sans rire : «Les pandémies ont toujours agi comme un reflet des trous noirs d’une société. Des enjeux éthiques importants peuvent se poser brutalement, mettant en danger les libertés de chacun.»

Pour ceux qui n’auraient pas bien compris, dans son édito, Joffrin redit la même chose, mais en plus clair : « Pour contenir cette grippe inédite, faudra-t-il restreindre les libertés publiques, contourner ou annuler le droit social, réduire l’autonomie des individus dans une société ouverte ? (…) Les menaces sur la santé pourraient dégénérer en menaces sur les libertés. » C’est bien, mon Lolo, mais ça aurait pu être mieux, si seulement tu nous avais dévoilé le fond de ta pensée : on sent bien que tu meurs d’envie de nous dire que le vrai responsable de la grippe A, c’est Sarkozy. Patience, les amis, ça viendra. On n’en a pas fini avec l’épidémie de connerie.

Et dire que je croyais être vacciné.

Michael Jackson, enchères et en os

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Le célèbre gant de Michael Jackson a été vendu plus de trente-deux mille euros pour le compte du Hard Rock Hôtel et Casino de Las Vegas, lors d’enchères qui se sont tenues à Melbourne. Incrusté de diamants Swaroski, la star en avait fait un de ses accessoires fétiches depuis 1996. On parle de l’exposer dans le musée du prestigieux établissement, mais il n’est pas impossible, en ces temps de pandémie de grippe H1N1, que le directeur de ce grand hôtel-casino peuplé de joueurs que l’addiction fait baver, pleurer ou éructer ne soit décidé à le garder pour lui. En effet, comme toutes les reliques de saint, le gant de Michael Jackson est sans doute paré de vertus miraculeuses (changement de couleur de peau à volonté, disparition de l’appendice nasal, succès irrésistible auprès des jeunes gens, rentrées d’argent colossales, etc.).

« C’était à Megara, faubourg de Carthage… »

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Ça s’était joué de peu en Irak où l’attention du public avait été attirée sur le nombre élevé de « soldats de fortune » employés par les étasuniens, véritables armées privées chargées de la sécurité ou du transport des VIP mais aussi, à l’occasion, prenant part directement aux combats comme dans la meurtrière bataille de Falloujah. Néanmoins, leur nombre était resté inférieur à celui des soldats de l’armée régulière. Il semble que ce ne soit plus le cas en Afghanistan où la privatisation de la guerre a atteint un nouveau stade. Officiellement, il y aurait plus de 60 000 « civils » pour 52 000 soldats en uniforme dans les rangs nord-américains. Sachant que les civils en question ont plus souvent un soufflant dans la pogne qu’un stylo d’intendance, on peut donc passer outre la précaution oratoire et parler de mercenaires. On ne saurait trop recommander à l’état-major US la lecture de Salammbô de Gustave Flaubert : ce roman raconte la révolte de mercenaires en colère contre leurs employeurs carthaginois qui n’avaient plus les moyens de les payer. Et quelque chose nous dit que les caisses à Washington, après le sauvetage des banques, ne doivent guère être plus remplies que celles d’Hamilcar Barca. Ça la ficherait mal, à peine de retour de Kaboul, de les voir faire le siège de la Maison Blanche…

Salammbô

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Faurecia, une polémique qui ne vous grandit pas

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La taille du président : un enjeu politique ?
La taille du président : un enjeu politique ?
La taille du président : un enjeu politique ?

Ah la bonne histoire ! Après les vrais-faux clients d’hypermarché conviés à accueillir spontanément Luc Chatel, les salariés de petite taille convoqués pour ne pas faire de l’ombre au président. Tous mes confrères se sont jetés avec gourmandise sur cette affaire d’Etat sur laquelle Google Actualités proposait au bout de 24 heures 283 articles allant tous dans le même sens (en vrai, je ne les ai pas tous lus, mais dans mon échantillon représentatif, il n’y avait pas de voix discordante). Je vous livre celui de Marianne2, parce que ce sont des copains et que, pour cette raison, c’est d’abord à eux que j’ai envie de dire : pas ça, pas vous ! Oui pour la critique politique, même féroce, et au besoin assaisonnée d’un zeste de mauvaise foi idéologique. Passe encore que vous fassiez semblant de croire que le bouclier fiscal suffit à qualifier, résumer et condamner le sarkozysme tout entier. Entièrement d’accord avec vous pour tirer à boulets rouges sur la politique de l’Education nationale et sur l’anti-intellectualisme déprimant qui perce parfois dans les propos présidentiels. Mais que vous cédiez au complotisme ricaneur qui est la marque de fabrique du journalisme faussement subversif, que vous adhériez à la sarkophobie bête et méchante qui tient lieu de pensée aux mutins de Panurge, bref que vous chassiez en meute vous aussi, voilà qui me désole.

Ecoutez avec une oreille un peu moins prête à approuver le confrère de la RTBF interrogé par notre grande amie Pascale Clarke sur France Inter. Allez-vous, vous aussi, vous faire embobiner par ses airs de héros en veste à poche, de baroudeur solitaire et incorruptible, qui ne voyage pas, lui, dans la caravane présidentielle ? Pour ceux qui n’ont pas saisi le message, en France, les journalistes sont aux ordres, la preuve c’est que tous les médias se sont fendus d’un sujet hier. Il est un peu étrange que l’on nous explique dans la même phrase que les journalistes sont muselés et qu’ils résistent, mais cela doit signifier que les muselés ce sont les autres.

Revenons sur ce reportage. Si un conseiller à l’Elysée a ordonné que pas une tête ne dépasse, il faut immédiatement le renvoyer, parce qu’il s’agirait d’une initiative non seulement stupide mais aussi fort mal exécutée. Le reportage montre en effet, non pas face au président mais derrière lui, ce qui est encore plus voyant, ses agents de sécurité et quelques-uns de ses ministres qui ont une ou deux bonnes têtes de plus que lui. Puis on entend le journaliste poser une question pas du tout fermée : « Avez-vous été choisie en fonction de votre taille ? » On imagine qu’il n’a pas eu la bonne réponse du premier coup, mais il se trouve effectivement une dame pour expliquer qu’elle a été choisie en raison de sa petite taille (au fait, moi je veux bien des places au premier rang de la tribune présidentielle pour le prochain défilé du 14 Juillet).

Il est curieux qu’une profession qui a fait du soupçon systématique de toute parole le synonyme de déontologie prenne celle-ci pour argent comptant au prétexte qu’elle n’a pas été prononcée par un puissant mais par un « vrai gens ». Bien sûr, rien ne permet d’exclure que cette dame dise la vérité. Rien ne permet non plus d’avoir la certitude que ses propos ne lui ont pas été soufflés ou, tout simplement, qu’elle n’a pas saisi là l’occasion d’avoir son quart d’heure de célébrité. Mais comme ce témoignage s’insérait parfaitement dans l’histoire que vous adorez raconter, vous ne vous êtes pas trop posé de questions. Vous aviez envie d’y croire. Et c’est plus grave à mon avis que d’y avoir cru sans preuve – à moins évidemment que le témoignage d’un syndicaliste recueilli par Rue 89 en soit une. « Je peux vous assurer que nous avons la certitude, de source sûre et fiable, que cette exigence n’est pas sortie de la tête d’un responsable de Faurecia et qu’il s’agit bien d’une requête venant de l’Elysée », a-t-il déclaré. Mais Henri Guaino, cher Philippe Cohen, nous a fait cette réponse : « Nous ne sommes pas assez bêtes pour faire ce genre de choses, de toute façon ça se sait toujours et ça nous retombe dessus. » Sauf à considérer que l’Elysée est peuplé par une bande de crétins, l’argument mérite au moins d’être entendu. Seulement, à vous, on ne vous la fait pas. Guaino défend le président, c’est son job. Et le syndicaliste, il ne défend rien, vous croyez ?

Supposons cependant qu’un conseiller zélé ait réellement monté l’opération « des petits pour Sarkozy et que cet épisode grotesque recèle une part de vérité. Cela ne m’explique pas pourquoi cette affaire vous semble si délectable et ce qu’elle prouve à vos yeux. Bien sûr, vous ne mangez pas de n’importe quel pain, votre genre c’est l’analyse, pas l’anathème. Ce qui vous importe dans cette affaire c’est exclusivement ce qu’elle révèle de la communication présidentielle. S’il s’agit de nous annoncer que les voyages des personnalités sont des mises en scène destinées aux caméras, franchement, la révélation est un peu faisandée. Je vous accorde que tout cela manque autant de spontanéité et d’authenticité que la visite d’Obama sur les plages du débarquement (qui n’a pas, si ma mémoire est exacte, suscité tant de critique quant à son organisation militaire et extra-territoriale). Pour ma part, je trouve que les grands de ce monde devraient avoir le cuir un peu plus épais et supporter d’être confrontés directement à la colère populaire – à condition qu’elle s’exprime avec une courtoisie minimale. Je le répète, si quelqu’un a manigancé cette affaire de public sur-mesure, il devrait être viré dans la seconde. Mais je l’avoue, j’ai du mal à croire que le président soit assez naïf pour avoir été à la manœuvre dans cette sottise. En tout cas, j’attends des éléments un peu plus tangibles. Sans doute suis-je aveuglée par mon sarkozysme primaire.

En vérité, j’ai l’impression que vous voulez vous persuader, notamment pour confirmer votre premier jugement, que Nicolas Sarkozy est infantile, agité, vulgaire, aveuglé par son narcissisme, en un mot ridicule – et qu’il n’est que cela. Pour tous les autres, vous avez souvent des indulgences, au moins de la compréhension, parfois de l’admiration. Mais chez lui, rien ne trouve grâce. Seuls comptent ses travers, petits et grands. Au bout du compte, vous participez à ce que vous réprouvez, la délégitimation de l’adversaire. Ce faisant vous vous alliez à ces vrais puissants que sont les humoristes, à peu près inamovibles depuis qu’ils se sont décerné le brevet de rebelles en chef et que la profession les vénère comme la pointe avancée de l’anti-sarkozysme.

Vous qui n’aimez pas que l’on s’attaque aux hommes pour combattre les idées, n’êtes-vous pas gêné par le fait que la taille du président soit devenue un tel objet de moqueries ? Il met des talonnettes, la belle affaire. Est-ce si risible de souffrir d’un vague complexe ? L’est-ce au point que l’on nous en rebatte les oreilles depuis deux ans ? Cela change-t-il sa manière de gouverner ? Et faites-moi grâce, s’il vous plait des avis d’experts et autres psychanalystes de médias – un psy qui accepte de se prononcer sur un patient qui n’en est pas un et qu’il n’a jamais reçu ne me paraît pas une source très fiable.

Heureusement, je vous connais. Je sais que vous ne voyez pas que ce journalisme politique qu’il vous arrive de pratiquer à l’insu de votre plein gré est à la remorque et à l’unisson des amuseurs professionnels. Or leur rire n’est pas grinçant, il se contente d’être méchant. Il s’en prend aux têtes de turc et ignore les vaches sacrées (les vraies). Martine est boulotte, Nicolas est petit : oui, vraiment, quel courage de dire des choses si subversives qu’on les répète en boucle sur toutes les ondes et tous les plateaux ! Il est vrai qu’il nous arrive à tous de rigoler en les écoutant, mais ce n’est pas ce qu’il y a de mieux en nous qui rigole. L’autre soir, je me suis infligée sur France 2 la soirée « Rire contre le racisme ». Sur les quarante sketchs qui se sont succédé, une bonne partie était destinée à rappeler que nous sommes un pays peuplé de racistes dont les autorités sont obsédées par la « lutte contre les étrangers ». Passons (j’y reviendrai). L’un des sketchs supposé montrer que la France était différente, pour le pire, pas pour le meilleur, se finissait ainsi : « Chez les autres, on dit « pute ». Chez nous on dit « première dame ». » Un samedi soir à 22 h 30, sur la principale chaîne du Service public (à la botte du président), on insulte son épouse de la façon la plus minable qui soit – pour rire bien sûr.

Moi ça ne me fait pas rire. Je n’ai envie de vivre dans ce monde-là. Et vous non plus.

Big Brother is not watched…

9

C’est le site anglais digitalspy qui l’affirme, les marques d’audience de la finale de Big Brother, samedi dernier, ont été les plus mauvais que l’émission ait jamais connu : moins de trois millions de spectateurs, contre cinq millions l’an dernier – chiffre déjà jugé calamiteux à l’époque. Il se murmure outre-Manche que l’édition 2009 risque fort d’être la dernière. Rappelons que Big Brother a servi de modèle à Loft Story sur M6 lequel a engendré à son tour l’infect Secret Story sur TF1. Mais à Boulogne, on ignore sûrement que les audiences des programmes de trash reality s’effondrent dans le monde entier, avant même la finale de cette année, la direction de la chaîne a tenu à annoncer que l’édition 2010 était déjà programmée. Encore un été pourri en perspective…