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Michael Jackson, enchères et en os

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Le célèbre gant de Michael Jackson a été vendu plus de trente-deux mille euros pour le compte du Hard Rock Hôtel et Casino de Las Vegas, lors d’enchères qui se sont tenues à Melbourne. Incrusté de diamants Swaroski, la star en avait fait un de ses accessoires fétiches depuis 1996. On parle de l’exposer dans le musée du prestigieux établissement, mais il n’est pas impossible, en ces temps de pandémie de grippe H1N1, que le directeur de ce grand hôtel-casino peuplé de joueurs que l’addiction fait baver, pleurer ou éructer ne soit décidé à le garder pour lui. En effet, comme toutes les reliques de saint, le gant de Michael Jackson est sans doute paré de vertus miraculeuses (changement de couleur de peau à volonté, disparition de l’appendice nasal, succès irrésistible auprès des jeunes gens, rentrées d’argent colossales, etc.).

« C’était à Megara, faubourg de Carthage… »

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Ça s’était joué de peu en Irak où l’attention du public avait été attirée sur le nombre élevé de « soldats de fortune » employés par les étasuniens, véritables armées privées chargées de la sécurité ou du transport des VIP mais aussi, à l’occasion, prenant part directement aux combats comme dans la meurtrière bataille de Falloujah. Néanmoins, leur nombre était resté inférieur à celui des soldats de l’armée régulière. Il semble que ce ne soit plus le cas en Afghanistan où la privatisation de la guerre a atteint un nouveau stade. Officiellement, il y aurait plus de 60 000 « civils » pour 52 000 soldats en uniforme dans les rangs nord-américains. Sachant que les civils en question ont plus souvent un soufflant dans la pogne qu’un stylo d’intendance, on peut donc passer outre la précaution oratoire et parler de mercenaires. On ne saurait trop recommander à l’état-major US la lecture de Salammbô de Gustave Flaubert : ce roman raconte la révolte de mercenaires en colère contre leurs employeurs carthaginois qui n’avaient plus les moyens de les payer. Et quelque chose nous dit que les caisses à Washington, après le sauvetage des banques, ne doivent guère être plus remplies que celles d’Hamilcar Barca. Ça la ficherait mal, à peine de retour de Kaboul, de les voir faire le siège de la Maison Blanche…

Salammbô

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Faurecia, une polémique qui ne vous grandit pas

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La taille du président : un enjeu politique ?
La taille du président : un enjeu politique ?

Ah la bonne histoire ! Après les vrais-faux clients d’hypermarché conviés à accueillir spontanément Luc Chatel, les salariés de petite taille convoqués pour ne pas faire de l’ombre au président. Tous mes confrères se sont jetés avec gourmandise sur cette affaire d’Etat sur laquelle Google Actualités proposait au bout de 24 heures 283 articles allant tous dans le même sens (en vrai, je ne les ai pas tous lus, mais dans mon échantillon représentatif, il n’y avait pas de voix discordante). Je vous livre celui de Marianne2, parce que ce sont des copains et que, pour cette raison, c’est d’abord à eux que j’ai envie de dire : pas ça, pas vous ! Oui pour la critique politique, même féroce, et au besoin assaisonnée d’un zeste de mauvaise foi idéologique. Passe encore que vous fassiez semblant de croire que le bouclier fiscal suffit à qualifier, résumer et condamner le sarkozysme tout entier. Entièrement d’accord avec vous pour tirer à boulets rouges sur la politique de l’Education nationale et sur l’anti-intellectualisme déprimant qui perce parfois dans les propos présidentiels. Mais que vous cédiez au complotisme ricaneur qui est la marque de fabrique du journalisme faussement subversif, que vous adhériez à la sarkophobie bête et méchante qui tient lieu de pensée aux mutins de Panurge, bref que vous chassiez en meute vous aussi, voilà qui me désole.

Ecoutez avec une oreille un peu moins prête à approuver le confrère de la RTBF interrogé par notre grande amie Pascale Clarke sur France Inter. Allez-vous, vous aussi, vous faire embobiner par ses airs de héros en veste à poche, de baroudeur solitaire et incorruptible, qui ne voyage pas, lui, dans la caravane présidentielle ? Pour ceux qui n’ont pas saisi le message, en France, les journalistes sont aux ordres, la preuve c’est que tous les médias se sont fendus d’un sujet hier. Il est un peu étrange que l’on nous explique dans la même phrase que les journalistes sont muselés et qu’ils résistent, mais cela doit signifier que les muselés ce sont les autres.

Revenons sur ce reportage. Si un conseiller à l’Elysée a ordonné que pas une tête ne dépasse, il faut immédiatement le renvoyer, parce qu’il s’agirait d’une initiative non seulement stupide mais aussi fort mal exécutée. Le reportage montre en effet, non pas face au président mais derrière lui, ce qui est encore plus voyant, ses agents de sécurité et quelques-uns de ses ministres qui ont une ou deux bonnes têtes de plus que lui. Puis on entend le journaliste poser une question pas du tout fermée : « Avez-vous été choisie en fonction de votre taille ? » On imagine qu’il n’a pas eu la bonne réponse du premier coup, mais il se trouve effectivement une dame pour expliquer qu’elle a été choisie en raison de sa petite taille (au fait, moi je veux bien des places au premier rang de la tribune présidentielle pour le prochain défilé du 14 Juillet).

Il est curieux qu’une profession qui a fait du soupçon systématique de toute parole le synonyme de déontologie prenne celle-ci pour argent comptant au prétexte qu’elle n’a pas été prononcée par un puissant mais par un « vrai gens ». Bien sûr, rien ne permet d’exclure que cette dame dise la vérité. Rien ne permet non plus d’avoir la certitude que ses propos ne lui ont pas été soufflés ou, tout simplement, qu’elle n’a pas saisi là l’occasion d’avoir son quart d’heure de célébrité. Mais comme ce témoignage s’insérait parfaitement dans l’histoire que vous adorez raconter, vous ne vous êtes pas trop posé de questions. Vous aviez envie d’y croire. Et c’est plus grave à mon avis que d’y avoir cru sans preuve – à moins évidemment que le témoignage d’un syndicaliste recueilli par Rue 89 en soit une. « Je peux vous assurer que nous avons la certitude, de source sûre et fiable, que cette exigence n’est pas sortie de la tête d’un responsable de Faurecia et qu’il s’agit bien d’une requête venant de l’Elysée », a-t-il déclaré. Mais Henri Guaino, cher Philippe Cohen, nous a fait cette réponse : « Nous ne sommes pas assez bêtes pour faire ce genre de choses, de toute façon ça se sait toujours et ça nous retombe dessus. » Sauf à considérer que l’Elysée est peuplé par une bande de crétins, l’argument mérite au moins d’être entendu. Seulement, à vous, on ne vous la fait pas. Guaino défend le président, c’est son job. Et le syndicaliste, il ne défend rien, vous croyez ?

Supposons cependant qu’un conseiller zélé ait réellement monté l’opération « des petits pour Sarkozy et que cet épisode grotesque recèle une part de vérité. Cela ne m’explique pas pourquoi cette affaire vous semble si délectable et ce qu’elle prouve à vos yeux. Bien sûr, vous ne mangez pas de n’importe quel pain, votre genre c’est l’analyse, pas l’anathème. Ce qui vous importe dans cette affaire c’est exclusivement ce qu’elle révèle de la communication présidentielle. S’il s’agit de nous annoncer que les voyages des personnalités sont des mises en scène destinées aux caméras, franchement, la révélation est un peu faisandée. Je vous accorde que tout cela manque autant de spontanéité et d’authenticité que la visite d’Obama sur les plages du débarquement (qui n’a pas, si ma mémoire est exacte, suscité tant de critique quant à son organisation militaire et extra-territoriale). Pour ma part, je trouve que les grands de ce monde devraient avoir le cuir un peu plus épais et supporter d’être confrontés directement à la colère populaire – à condition qu’elle s’exprime avec une courtoisie minimale. Je le répète, si quelqu’un a manigancé cette affaire de public sur-mesure, il devrait être viré dans la seconde. Mais je l’avoue, j’ai du mal à croire que le président soit assez naïf pour avoir été à la manœuvre dans cette sottise. En tout cas, j’attends des éléments un peu plus tangibles. Sans doute suis-je aveuglée par mon sarkozysme primaire.

En vérité, j’ai l’impression que vous voulez vous persuader, notamment pour confirmer votre premier jugement, que Nicolas Sarkozy est infantile, agité, vulgaire, aveuglé par son narcissisme, en un mot ridicule – et qu’il n’est que cela. Pour tous les autres, vous avez souvent des indulgences, au moins de la compréhension, parfois de l’admiration. Mais chez lui, rien ne trouve grâce. Seuls comptent ses travers, petits et grands. Au bout du compte, vous participez à ce que vous réprouvez, la délégitimation de l’adversaire. Ce faisant vous vous alliez à ces vrais puissants que sont les humoristes, à peu près inamovibles depuis qu’ils se sont décerné le brevet de rebelles en chef et que la profession les vénère comme la pointe avancée de l’anti-sarkozysme.

Vous qui n’aimez pas que l’on s’attaque aux hommes pour combattre les idées, n’êtes-vous pas gêné par le fait que la taille du président soit devenue un tel objet de moqueries ? Il met des talonnettes, la belle affaire. Est-ce si risible de souffrir d’un vague complexe ? L’est-ce au point que l’on nous en rebatte les oreilles depuis deux ans ? Cela change-t-il sa manière de gouverner ? Et faites-moi grâce, s’il vous plait des avis d’experts et autres psychanalystes de médias – un psy qui accepte de se prononcer sur un patient qui n’en est pas un et qu’il n’a jamais reçu ne me paraît pas une source très fiable.

Heureusement, je vous connais. Je sais que vous ne voyez pas que ce journalisme politique qu’il vous arrive de pratiquer à l’insu de votre plein gré est à la remorque et à l’unisson des amuseurs professionnels. Or leur rire n’est pas grinçant, il se contente d’être méchant. Il s’en prend aux têtes de turc et ignore les vaches sacrées (les vraies). Martine est boulotte, Nicolas est petit : oui, vraiment, quel courage de dire des choses si subversives qu’on les répète en boucle sur toutes les ondes et tous les plateaux ! Il est vrai qu’il nous arrive à tous de rigoler en les écoutant, mais ce n’est pas ce qu’il y a de mieux en nous qui rigole. L’autre soir, je me suis infligée sur France 2 la soirée « Rire contre le racisme ». Sur les quarante sketchs qui se sont succédé, une bonne partie était destinée à rappeler que nous sommes un pays peuplé de racistes dont les autorités sont obsédées par la « lutte contre les étrangers ». Passons (j’y reviendrai). L’un des sketchs supposé montrer que la France était différente, pour le pire, pas pour le meilleur, se finissait ainsi : « Chez les autres, on dit « pute ». Chez nous on dit « première dame ». » Un samedi soir à 22 h 30, sur la principale chaîne du Service public (à la botte du président), on insulte son épouse de la façon la plus minable qui soit – pour rire bien sûr.

Moi ça ne me fait pas rire. Je n’ai envie de vivre dans ce monde-là. Et vous non plus.

Big Brother is not watched…

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C’est le site anglais digitalspy qui l’affirme, les marques d’audience de la finale de Big Brother, samedi dernier, ont été les plus mauvais que l’émission ait jamais connu : moins de trois millions de spectateurs, contre cinq millions l’an dernier – chiffre déjà jugé calamiteux à l’époque. Il se murmure outre-Manche que l’édition 2009 risque fort d’être la dernière. Rappelons que Big Brother a servi de modèle à Loft Story sur M6 lequel a engendré à son tour l’infect Secret Story sur TF1. Mais à Boulogne, on ignore sûrement que les audiences des programmes de trash reality s’effondrent dans le monde entier, avant même la finale de cette année, la direction de la chaîne a tenu à annoncer que l’édition 2010 était déjà programmée. Encore un été pourri en perspective…

Zafon : Des ombres et du vent

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Carlos Ruiz Zafón, le plus mauvais écrivain espagnol depuis Cervantès ?
Carlos Ruiz Zafón, le plus mauvais écrivain espagnol depuis Cervantès ?

Parmi les « poids lourds de la rentrée littéraire », pour reprendre l’une des cent navrantes métaphores routières et routinières qui, mêlées à leurs cent-dix-huit métaphores sportives, constitue la langue mort-née de nos amis les journalistes, s’il y a un putain de camion, c’est Zafon. Son Jeu de l’ange mérite d’être signalé aux êtres sensibles comme un colossal semi-remorque entièrement rempli de matières fécales et auquel il convient d’échapper coûte que coûte.

Zafon populaire ? Et comment ! En publiant L’ombre du vent en 2001, vendu à onze millions d’exemplaires, ce marchand de courants d’air pour grandes surfaces est non seulement devenu « l’Espagnol le plus lu depuis Cervantès », mais aussi le plus mauvais écrivain espagnol depuis Cervantès. Autant en rapporte le vent…

Je dois à la récente critique du Point l’éreintant désagrément de connaître désormais l’existence de Carlos Ruiz Zafon. Zafon la caisse, apprend-on dans l’article, aurait touché 1,4 million d’euros de la part de son éditeur Robert Zafon – pardon, Laffont – pour les seuls droits français de son nouveau roman. Autant dire que la kilotonne de merde est en forte hausse.

Mais la perle de l’article demeure la stupéfiante citation de Zafon de pension extraite de son site Internet anglais : « I am in the business of storytelling. » Je serrerais bien plus volontiers la main d’un serial-killer pédophile que celle d’un homme capable d’une telle proclamation. C’est avec un sursaut de surprise que j’ai constaté que Christophe Ono-Dit-Bio traduit cette phrase par : « Mon boulot, c’est de raconter des histoires », alors qu’elle signifie à l’évidence en bon français : « Je suis dans le business du storytelling. » Ce diamant d’abjection mérite d’être préservé dans toute sa pureté. Zafon, c’est le néant du storytelling industriel désinhibé se contemplant dans son miroir en bavant d’autosatisfaction. Zafon, c’est la fin de l’Histoire et la fin des histoires. Le plus grand ennemi de Cervantès. Je m’abstiendrai de dire un seul mot sur le contenu de ses romans, puisque ce n’est rien.

Pour finir, Le Point livre cet étincelant développement de la pensée en phase terminale de notre Zafon fou : « Le business marche comme ça, et ceux qui ne le comprennent pas ne survivront pas. La terre est de plus en plus peuplée, et le marché culturel saturé de produits. Seuls quelques-uns émergent. Pour les publier, il faut savoir prendre les plus grands risques. Après, je ne force personne : on joue, ou on ne joue pas. »

Zafon, c’est l’heure où Don Quichotte renonce en pleurant à combattre ses chers moulins, parce qu’ils se sont transformés en éoliennes mutantes.

La recension est agrémentée d’une photographie de ce sinistre porcin prêt à éclater d’infatuation, affublé d’une casquette « dragon » et de lunettes de star américaine. J’apprends enfin que Zafon, qui s’est exilé à Los Angeles et non à Marseille comme l’y invitait son patronyme, s’est en outre illustré par son courageux combat contre le franquisme – mais uniquement celui qu’il prête généreusement à l’actuel milieu culturel espagnol qui refuse frileusement les évidences de l’ultralibéralisme ou du darwinisme littéraire dont il veut être le champion toutes catégories.

Dans ses deux romans, Zafon évoque son fameux « cimetière des livres oubliés ». Nous ne doutons aucunement que l’humanité aura la joie et le soulagement d’y retrouver très prochainement ses œuvres complètes. Puisque la vanité, contrairement à la littérature, Zafon comme neige au soleil…

Le jeu de l'ange

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La Mecque vs Hollywood

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Radio France au bout des doigts, photo Benoît Derrier (flickr.com)
Radio France au bout des doigts, photo Benoît Derrier (flickr.com)

Longtemps je me suis réveillé de bonne heure le samedi matin. Comme tous les célibataires endurcis, j’avais mes habitudes. Le jour du seigneur juif, j’allumais la radio sur France Culture un peu avant huit heures et j’imposais le silence dans mon lit pendant deux émissions.

Je ne connaissais alors que la voix de celle qui terrorisait les terroristes médiatiques, et qui aujourd’hui, se fait obéir par une bande de francs-tireurs et d’anarchistes, mais les meilleures choses ayant une fin, je découvris un matin en ouvrant le poste qu’une voix masculine et gnangnan avait pris sa place et très vite, je compris que j’avais gagné une heure de sommeil le samedi et que je pouvais annuler la moitié de mes rendez-vous radiophoniques. Maintenant, c’est entre neuf et dix qu’on doit se la fermer.

J’ignore ce qui avait motivé ce remplacement. Peut-être le nouveau directeur avait-il jugé qu’il y avait trop de juifs à France Culture et décidé d’un transfert de personnel entre la station et le ministère du même nom pour donner à d’autres minorités la visibilité que la République doit à tous ses enfants. Je râlais un temps mais après tout, personne n’est obligé d’écouter la radio.

Alors ce matin du samedi 30 août, en appuyant sur le bouton du transistor un peu trop tôt, quand j’ai retrouvé la voix molle de l’usurpateur, j’étais à deux doigts de la faire taire quand elle énonça le thème de l’émission du jour : Comment les pays arabes peuvent bâtir des industries culturelles puissantes ? Si elle avait été diffusée le soir, je m’en serais tenu à ma première intention de peur de passer la nuit dans les cauchemars mais il me restait la journée pour me moquer par écrit et je choisis d’écouter le programme jusqu’au bout.

L’invité, Frédéric Sichler, ancien directeur de studio canal, recruté par le prince Al Whalid, le Rupert Murdoch arabe et l’un des nombreux petits-fils du roi saoudien Ibn Séoud, expliqua qu’à la tête du groupe de médias Rotana basé en Egypte, il était missionné pour promouvoir le cinéma arabe sur la scène internationale et lutter contre l’hégémonie planétaire d’Hollywood.

Après un calcul simple, il nous fit remarquer qu’en divisant le nombre de salles par le nombre d’Arabes dans le monde, le compte n’y était pas et qu’il œuvrait à réparer cette injustice. Espérons qu’aucun juge européen n’était à l’écoute car le besoin de se mêler de ce qui ne les regarde pas et de légiférer là où personne n’a rien demandé est grand chez ces gens-là.

Mais nous ne devons pas craindre que l’on impose des quotas de films arabes dans nos salles et ce n’est pas par la loi que notre mercenaire entend partir à la conquête de l’industrie culturelle mais avec la même arme que tout le monde : la séduction du public. C’est dire la difficulté de la tâche. En effet, de son propre aveu, il n’y a pas de star arabe mondiale depuis Omar Sharif. Il y a bien Ben Laden mais des court-métrages mal foutus, sous-titrés, avec des flingues certes mais sans la moindre gonzesse, ça risque d’être un peu juste pour séduire un public occidental jeune, habitué au sexe, au suspens et aux effets spéciaux. Evidemment, on ne peut pas réduire le cinéma arabe aux vidéos d’Al Qaïda mais la censure a toujours plombé le 7e art en terre d’islam. En Egypte, on ne tourne pas sans la présence du censeur, en Arabie saoudite une prohibition totale vient d’être levée après trente ans. La censure varie avec les époques et les régimes, les codes sont rarement écrits mais juges, ministres et imams exigent coupes et interdictions. La plupart des talents sont en exil et bien souvent, leurs films qui font la tournée des festivals dans le monde ne sont pas visibles dans leur propre pays. Quand les islamistes occupent le terrain, les cinémas sont brûlés comme à Rafah et Gaza. Les films palestiniens visibles en Europe sont réalisés par des Arabes israéliens qui jouissent d’une liberté d’expression unique, financés par l’Etat juif. Une société de production a vu le jour à Abu Dhabi, alimentée par l’argent de l’or noir et dirigée par un américain piqué à Walt Disney mais le cahier des charges est lourd. Les films produits doivent respecter les valeurs de l’islam et ne pas critiquer les régimes de la région, sauf un, on peut le supposer.

Un cinéma financé et sous la coupe de musulmans attachés au respect des valeurs de l’islam qui interdit par exemple le baiser dans les films risque d’être difficilement exportable. Quel œuvre diffusée en occident ces dernières années aurait pu échapper à une telle censure ? Microcosmos ? Pas sûr ! Il aurait fallu pour ça couper la scène des escargots pour éviter les fatwas. Retirez de nos films tout ce qui n’est pas l’islam, qu’est ce qui reste ? Un navet sans harissa !

Nous pouvons donc espérer être à l’abri des valeurs de l’islam sur grand écran pendant quelque temps encore et nous satisfaire de l’approche occidentale proposée dans les films de Geert Wilders.

Pour revenir à l’émission et au dialogue entre l’animateur Frédéric Martel et son invité, le ton faillit bien monter quand le journaliste évoqua un incident, peut être parce qu’il avait eu lieu à deux pas du siège de la société du président de Rotana : l’arrestation de 52 homosexuels après une descente sur le Nil et sur le Queenboat de la police égyptienne. Mr Sichler, sans doute habitué à esquiver ces vérités qui dérangent lui rétorqua qu’il fallait rester sur l’essentiel et ne pas se perdre dans les détails et que nous autres occidentaux ne comprenions pas ces choses là. Ce qui me fit regretter qu’un homme aussi habile à appliquer la realpolitik au service du commerce se soit vendu à une puissance étrangère au lieu de servir les intérêts de l’industrie française.

Quant à Frédéric Martel, animé soudain par un esprit de résistance qui lui restait peut être d’un ancêtre glorieux et lointain, un autre grand Charles, il fit honneur aux valeurs du monde libre en défendant le droit des hommes à ne pas opprimer les femmes dans un Orient où c’est plutôt mal vu.

TGV pour l’IVG

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Que les choses soient claires, l’avortement, je suis pour. Sans cette invention géniale, j’aurais sans doute été contraint de fuir mes responsabilités paternelles sous une autre identité dans un de ces pays où, quand on a trop de gosses, on peut toujours en offrir quelque-uns en martyrs à la cause. Du temps de mon grand-père, quand on était un peu trop distrait, on était bon pour envisager la layette. Pour celles et ceux qui ne savaient pas manier l’aiguille à tricoter, c’étaient bien des dépenses en perspective. Alors, quand j’ai entendu à la télévision que dans la région espagnole de Navarre, sous la pression des catholiques, la pratique de l’IVG avait été bannie, j’ai tendu l’oreille. Juste à temps pour recueillir ce commentaire indigné : « À l’avenir pour se faire avorter, les femmes devront quitter la région et faire deux heures de route. » Je me suis d’abord demandé si le journaliste n’avait pas dit « avorter » pour « accoucher ». Mais même pour celles qui doivent faire ça toutes les semaines, j’ai du mal à penser qu’il s’agit là d’une atteinte intolérable à leurs libertés. Les droits des femmes ont fait de sacrés progrès pour qu’on en soit aujourd’hui à lutter pour un avortement de proximité.

La bande à Baader n’était pas complètement à l’Est

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Selon un documentaire que vient de diffuser la chaîne ARD, Verena Becker, activiste éminente de la Fraction Armée Rouge (RAF), était une informatrice des services allemands de l’Ouest. Soupçonnée d’être impliquée dans l’assassinat le 7 avril 1977 du procureur général Siegfried Buback – qui a aussi coûté la vie à deux autres personnes – Becker a été arrêtée le 28 août dernier à son domicile berlinois, suite à un supplément d’enquête sur la base de nouveaux échantillons d’ADN. Le fils de M. Buback dit avoir toujours eu le sentiment que Verena Becker – arrêtée en 1977, condamnée à la perpétuité mais relâchée en 1989 – était protégée. Dans le doc d’ARD, Winfried Ridder, officier de renseignements, affirme que Becker a pris contact avec ses services suite à des problèmes personnels et que les informations – très précieuses – qu’elle avait fournies lui avaient été payées à l’époque 100 000 marks.

Quoi de neuf ? Jules Renard !

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Robert Lynen et Harry Baur dans <em>Poil de carotte,</em> porté au cinéma par Julien Duvivier en 1932.
Robert Lynen et Harry Baur dans Poil de carotte, porté au cinéma par Julien Duvivier en 1932.

Dans le semi-remorque de la rentrée littéraire 2009, les revues spécialisées ont dénombré six cent cinquante-neuf romans, y compris les produits d’importation. À force d’en lire les recensions, je me suis rappelé que moi aussi je devrais en pondre un – et que même, selon mes meilleurs amis, ça devrait être fait depuis longtemps ! D’après ce que j’ai compris, un roman, par les temps qui courent, ça vous pose son homme. C’est une carte de visite, un diplôme. Au pire, un truc un peu comme le bac : on ne peut rien faire avec, mais on ne peut rien faire sans. Le problème, c’est que je n’arrive même pas à en lire[1. Des romans.]. J’ai longtemps hésité avant de faire ce coming-out : est-ce bien utile de se déconsidérer ainsi alors que, pour la première fois dans l’histoire de l’écrit, le genre romanesque est devenu à lui seul synonyme de littérature – tout le reste (essais, pamphlets, poèmes, récits, journaux…) étant entassé au rayon « divers » ?

C’est Jules Renard qui m’a décidé. Collégien, j’avais trouvé son bref Poil de carotte « long et plat comme le sabre de Charlemagne » – comme disait mon maître Charles Pasqua. Et surtout dispensable, alors qu’il m’était imposé ; son Journal, c’est tout l’inverse : indispensable et sous-estimé. Ce trésor à portée de main, comme d’habitude, je ne l’ai découvert que bien plus tard[2. Ça me rappelle le beau thème du concours de poésie organisé par Charles d’Orléans : « Nous mourons de soif à côté de la fontaine. » Même qu’à ce qu’il paraît, c’est Villon qui a gagné.] : le temps que soit passé l’arrière-dégoût de gavage scolaire qui m’avait tant fait de mal. Et c’est en le lisant que j’ai compris: idéalement, j’aurais souhaité que le petit Jules commençât son Journal vingt ans plus tôt – et qu’il nous raconte ainsi son enfance malheureuse et sa maman méchante au jour le jour, à chaud, à vif.

C’est absurde, je sais, mais c’est juste pour que vous compreniez. Avec tout son talent, le Renard romancier me touche infiniment moins que le diariste. Or tout le monde n’est pas Jules Renard, et plus personne ne tient son Journal.

Je parle ici bien sûr du seul vrai Journal, celui à qui l’on peut tout confier : le posthume. Le dead man writing effraye à juste titre les survivants: il tire sur tout ce qui bouge sans se soucier des représailles.

Tel n’est hélas pas le cas de son entourage. Léautaud vivait dans la terreur que son Journal soit caviardé… comme celui de Renard. Marinette, son épouse aimante et attentionnée, n’en a pas moins autodafé allègrement une bonne moitié, avant de s’exclamer devant ses éditeurs : « Maintenant, vous pouvez être tranquilles : nous avons tout brûlé ! » Quel gâchis, soit dit en passant : que Mme Renard n’a-t-elle conservé et transmis ces quelque mille pages qui, un siècle plus tard, ne provoqueraient plus la moindre polémique – faute de combattants ?

Cependant, les mille pages qu’elle a bien voulu nous laisser suffisent pour apprécier l’œil et la plume de cet oiseau rare. Je sais bien que, ces décennies-ci, la mode serait plutôt à Saint-Simon. Mais l’exercice n’est pas le même: le duc parle de tout sauf de lui; en parlant de lui, Jules Renard parle de tout.

Et ce qui le rend crédible quand il croque les autres, c’est l’allant avec lequel le Renard se déchiquète lui-même. Tout au long du Journal, il n’a de cesse d’étaler ses contradictions intellectuelles de démocrate hostile au suffrage universel ; d’antimilitariste revanchard ; d’athée interpellant Dieu ; de révolté, mais surtout à l’idée de n’être pas académicien Goncourt ; de « socialiste, mais pas pratiquant », comme il dit joliment.

Sur le plan moral, c’est pire ! Il faut lire, en date du 1er janvier 1895, cet examen de conscience qui est à mes yeux un des sommets du Journal – et dont je ne résiste pas au plaisir de, etc. : « De plus en plus égoïste: rien à faire. (…) M’être trop réjoui en m’apitoyant sur la malheur des autres. (…) Trop fait le petit garçon avec mes maîtres, et, avec les plus jeunes que moi, le bon grand homme qui ne fait pas exprès d’avoir du génie. Trop regardé aux kiosques pour voir si on me reproduisait (…) Trop aimé mes enfants, par pose de bon papa, trop étalé l’indifférence de mon cœur à l’égard de ma famille. M’être trop attendri sur les pauvres, auxquels je ne donne rien sous prétexte qu’on ne sait jamais (…) M’être trop noirci quand je savais qu’on n’allait protester, avoir trop flatté pour qu’on me flatte. Je suis un misérable, je le sais. Je n’en suis pas plus fier. Je le sais, et je continuerai. »

Comment, s’il vous plaît, ne pas aimer cet homme qui n’est dupe de rien, surtout pas de lui-même, et qui le dit si bien ? Même si, là encore, il se « noircit » : l’arriviste au cœur sec qu’il dépeint est aussi, est surtout une âme écartelée, avide d’affection et rongée par le doute. Il doute des autres, de lui-même, de son œuvre, et du sens de tout. Il pleure son père suicidé, hait indéfectiblement sa marâtre et voue à Marinette un amour magique : « Je t’ai aimée comme la nature, je t’ai regardée comme un bel arbre, je t’ai respirée comme une haie en fleurs, je t’ai savourée comme la prune ou la cerise », écrit-il deux ans avant sa mort.

Voilà ! J’espère bien avoir l’occasion de reparler de mon Jules, moraliste, ironiste et poète, y compris dans ces colonnes virtuelles. En attendant, à ceux qui seraient passés à côté, je ne saurais trop conseiller de se plonger dans ce journal indémodable, et pour cause : en fait de nature humaine, mutatis mutandis, rien ne change.

« Il faut feuilleter tous les livres et n’en lire qu’un ou deux », notait Renard en date du 15 août 1898. S’il avait raison, alors son Journal est l’un des deux.

Jules Renard : Journal 1887-1910

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Clearstream, acte 2

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Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy, photo Franck Prevel (flickr.com).
Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy, photo Franck Prevel (flickr.com).

La scène politique et médiatique ayant horreur du vide, l’arrêt provisoire de la baston au Parti socialiste a déjà laissé place aux aventures de Dominique Galouzeau de Villepin, ci-devant Premier ministre traîné en justice pour « complicité de dénonciation calomnieuse » dans la ténébreuse affaire Clearstream.

Ce procès, qui doit s’ouvrir le 21 septembre, est l’aboutissement judiciaire du combat sans merci que Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy se sont livrés en 2004-2005 pour la prise de contrôle de l’UMP, clé de la présidentielle de 2007.

D’ores et déjà, la machine éditoriale et médiatique[1. Une histoire de fous, du journaliste Frédéric Charpier, qui vient de paraître au Seuil, raconte par le menu les détails parfois hallucinants de ce feuilleton politico-barbouzard.] s’est mise en mouvement pour donner à cet événement un écho à la mesure des enjeux des deux principaux protagonistes de cette affaire. Pour le président de la République, il s’agit de terrasser définitivement l’ancien Premier ministre au moyen d’une sanction pénale propre à l’écarter définitivement de la vie politique. La clémence ne faisant pas partie des valeurs cultivées par notre président, surtout lorsqu’elle ne semble d’aucune utilité politique, il n’y a pas de raison qu’il se prive du délicat plaisir de voir son ancien rival se faire écraser la gueule à coups de talon. Pour DDV, l’objectif est de sortir renforcé de cette épreuve, sinon par une relaxe, du moins en accréditant l’idée, dans l’opinion, qu’il a été victime de l’acharnement judiciaire d’un Nicolas Sarkozy mettant sans vergogne la justice française au service de la défense de ses intérêts personnels.

Nous allons donc assister à un combat de titans qui va nous replonger dans les affaires de coulisses du chiraquisme finissant, dans les arrière-cuisines où se mitonnent les coups tordus et les coups foireux, pendant que, sur le devant de la scène, on fait semblant de former une famille politique unie et chaleureuse.

L’affaire Clearstream n’est que l’un des volets du dispositif mis en place par Dominique de Villepin, dès son arrivée au gouvernement en 2002, pour barrer la route de la présidence de la République à Nicolas Sarkozy. Elle survient un peu par hasard, grâce à Jean-Louis Gergorin, ancien collègue du diplomate Villepin lorsqu’il œuvrait au centre d’analyse et de prévision (CAP) du Quai d’Orsay. Gergorin, qui a pantouflé comme vice-président d’EADS, informe le ministre qu’un informaticien de haut vol, Imad Lahoud, a « forcé » l’ordinateur de la banque de compensation luxembourgeoise Clearstream. Lahoud se serait procuré des listings de clients de cette banque, où figurent, entre autres, des comptes au nom de « Nagy » et « Bocsa », qui désignent clairement Sarkozy, dont le patronyme complet est Nicolas Sarkozy de Nagy-Bocsa.

Ce dernier est persuadé que Villepin l’a sciemment maintenu dans l’ignorance de l’existence de ces listings et incité Gergorin à les transmettre de manière anonyme au juge d’instruction Renaud van Ruymbeke, pour lancer la justice sur les traces de manipulations financières illicites dont Sarkozy se serait rendu coupable.

Villepin, de son côté, nie avoir rencontré Gergorin après janvier 2004, alors que Gergorin affirme, lui, l’avoir tenu régulièrement au courant de l’évolution de cette affaire en lui rendant régulièrement visite par la porte de derrière de la Place Beauvau, où Villepin officie alors comme ministre de l’Intérieur.

Au bout du compte, ces listings se révéleront avoir été trafiqués par Imad Lahoud pour mouiller Sarkozy et certains de ses amis, comme l’actuel ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux.

Dominique de Villepin est un personnage singulier dans le paysage politique français. Franchement mégalomaniaque, il se pique de rassembler dans sa seule et unique personne les talents de Talleyrand, Fouché, Chateaubriand et Rimbaud, après les avoir purifiés de toutes les scories qui noircissent l’image de ces illustres modèles.

Ecrivain prolifique, il s’est distingué récemment par un livre racontant l’épopée des Cent Jours de Napoléon, du retour de l’Ile d’Elbe jusqu’à Waterloo, montrant ainsi qu’il a un sens aigu du tragique de l’Histoire. Cela dit, la lecture de certains de ses essais politiques, comme Le requin et la mouette, peut se révéler franchement hilarante, surtout lorsque l’on prononce à haute voix des phrases où la boursouflure du style le dispute au creux de la pensée.

L’homme est fermement persuadé qu’il est promis à un destin à la mesure des plus grands hommes de notre histoire nationale, qu’il est l’incarnation de cet homme d’Etat total, tel qu’il n’en surgit qu’une fois par siècle dans notre pays. Celui-ci s’impose non seulement par son charisme à des concitoyens qui lui reconnaissent l’onction transcendantale, mais il survole, tel l’aigle, la vie politique mondiale comme la vie littéraire de la capitale. La place au XXe siècle étant occupée par Charles de Gaulle, celle du XXIe doit échoir au seul qui en ait la dimension, Dominique Galouzeau de Villepin bien sûr. On sent d’ailleurs, dans les propos qu’il tient sur Sarkozy, tout le mépris qu’il porte à cet usurpateur moral : « Nous avons besoin de garde-fous. Or, tout repose sur la vertu du président lui-même. Les prédécesseurs de Nicolas Sarkozy avaient une conception de leur fonction qui les conduisait à se fixer des limites, prenant en compte l’exigence de sérénité, le rôle d’arbitre, la possibilité d’un recours. Protégeons les dirigeants contre eux-mêmes, en encadrant mieux les pouvoirs », déclare-t-il ainsi dans son entretien publié dans le dernier numéro de L’Express. On notera qu’aucune élection autre que celle qui conduit à l’Elysée n’intéresse notre homme : de minimis non curat praetor.

Cette mégalomanie ne l’empêche pas, pourtant, de montrer une certaine habileté tactique pour préserver ses chances d’arriver à ses fins. Occuper le champ politique comme opposant déterminé au président de la République alors que l’on ne pèse rien, ou presque, dans la famille politique dont on se réclame est assez bien joué : son éventuelle condamnation pourrait alors être interprétée comme une manière peu élégante de se débarrasser d’un concurrent gênant.

Mais derrière le Villepin gardien d’une flamme gaulliste tombée en déshérence après le tournant atlantiste de la France sarkozienne, on ne peut s’empêcher d’entrevoir un manipulateur sans scrupules, activant les réseaux les plus improbables pour discréditer ses adversaires. Ainsi, cette connivence avec Edwy Plenel, avec qui il partage, sinon la philosophie politique générale, du moins une fascination pour le monde des « services » de haute et basse police. On pouvait entendre dans les cocktails, dîners et autres mondanités parisiennes des années 2004-2005 des « éléments de langages » diffusés, avec une adaptation à chaque milieu visé, tendant à démontrer qu’il n’était pas digne de la France de se doter d’un président de la République de si petite taille et dont, de surcroît, l’épouse court le guilledou avec un publicitaire juif marocain. La publication par Paris Match, alors dirigé par Alain Genestar [2. Alain Génestar se fait passer pour une victime de la vindicte sarkozienne qui aurait poussé son « frère » Arnaud Lagardère à le débarquer de la direction de la rédaction de Paris Match. La réalité est plus complexe, même si l’on peut s’offusquer de cette intervention d’un homme politique dans le monde de la presse. Il suffisait d’écouter les chroniques de Génestar sur RFI, où le ministre de tutelle Villepin avait favorisé son embauche comme éditorialiste, pour percevoir son inclination villepiniste…], un affidé de Villepin, des photos de l’idylle new-yorkaise de Cécilia Sarkozy et Richard Attias, fit disjoncter celui qui n’était alors que candidat à la présidence de la République et qui s’employa alors, avec succès, à faire virer Genestar. Mais Nicolas Sarkozy n’était pas dupe : derrière le « coup » médiatique de Paris Match se profilait l’ombre de celui que Jacques Chirac avait choisi pour lui barrer le chemin de l’Elysée.

Pour rassembler ses partisans, Dominique de Villepin vient de créer une structure animée par l’ancienne secrétaire d’Etat aux DOM-TOM, Brigitte Girardin. Cela s’appelle le Club Villepin, une sorte de rallye du XVIe pour adeptes du TSS (Tout Sauf Sarko). Reste à savoir si les personnes pourvues d’un casier judiciaire pourront rester membres du club…

Une histoire de fous: Le roman noir de l'affaire Clearstream

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Michael Jackson, enchères et en os

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Le célèbre gant de Michael Jackson a été vendu plus de trente-deux mille euros pour le compte du Hard Rock Hôtel et Casino de Las Vegas, lors d’enchères qui se sont tenues à Melbourne. Incrusté de diamants Swaroski, la star en avait fait un de ses accessoires fétiches depuis 1996. On parle de l’exposer dans le musée du prestigieux établissement, mais il n’est pas impossible, en ces temps de pandémie de grippe H1N1, que le directeur de ce grand hôtel-casino peuplé de joueurs que l’addiction fait baver, pleurer ou éructer ne soit décidé à le garder pour lui. En effet, comme toutes les reliques de saint, le gant de Michael Jackson est sans doute paré de vertus miraculeuses (changement de couleur de peau à volonté, disparition de l’appendice nasal, succès irrésistible auprès des jeunes gens, rentrées d’argent colossales, etc.).

« C’était à Megara, faubourg de Carthage… »

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Ça s’était joué de peu en Irak où l’attention du public avait été attirée sur le nombre élevé de « soldats de fortune » employés par les étasuniens, véritables armées privées chargées de la sécurité ou du transport des VIP mais aussi, à l’occasion, prenant part directement aux combats comme dans la meurtrière bataille de Falloujah. Néanmoins, leur nombre était resté inférieur à celui des soldats de l’armée régulière. Il semble que ce ne soit plus le cas en Afghanistan où la privatisation de la guerre a atteint un nouveau stade. Officiellement, il y aurait plus de 60 000 « civils » pour 52 000 soldats en uniforme dans les rangs nord-américains. Sachant que les civils en question ont plus souvent un soufflant dans la pogne qu’un stylo d’intendance, on peut donc passer outre la précaution oratoire et parler de mercenaires. On ne saurait trop recommander à l’état-major US la lecture de Salammbô de Gustave Flaubert : ce roman raconte la révolte de mercenaires en colère contre leurs employeurs carthaginois qui n’avaient plus les moyens de les payer. Et quelque chose nous dit que les caisses à Washington, après le sauvetage des banques, ne doivent guère être plus remplies que celles d’Hamilcar Barca. Ça la ficherait mal, à peine de retour de Kaboul, de les voir faire le siège de la Maison Blanche…

Salammbô

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Faurecia, une polémique qui ne vous grandit pas

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La taille du président : un enjeu politique ?
La taille du président : un enjeu politique ?
La taille du président : un enjeu politique ?

Ah la bonne histoire ! Après les vrais-faux clients d’hypermarché conviés à accueillir spontanément Luc Chatel, les salariés de petite taille convoqués pour ne pas faire de l’ombre au président. Tous mes confrères se sont jetés avec gourmandise sur cette affaire d’Etat sur laquelle Google Actualités proposait au bout de 24 heures 283 articles allant tous dans le même sens (en vrai, je ne les ai pas tous lus, mais dans mon échantillon représentatif, il n’y avait pas de voix discordante). Je vous livre celui de Marianne2, parce que ce sont des copains et que, pour cette raison, c’est d’abord à eux que j’ai envie de dire : pas ça, pas vous ! Oui pour la critique politique, même féroce, et au besoin assaisonnée d’un zeste de mauvaise foi idéologique. Passe encore que vous fassiez semblant de croire que le bouclier fiscal suffit à qualifier, résumer et condamner le sarkozysme tout entier. Entièrement d’accord avec vous pour tirer à boulets rouges sur la politique de l’Education nationale et sur l’anti-intellectualisme déprimant qui perce parfois dans les propos présidentiels. Mais que vous cédiez au complotisme ricaneur qui est la marque de fabrique du journalisme faussement subversif, que vous adhériez à la sarkophobie bête et méchante qui tient lieu de pensée aux mutins de Panurge, bref que vous chassiez en meute vous aussi, voilà qui me désole.

Ecoutez avec une oreille un peu moins prête à approuver le confrère de la RTBF interrogé par notre grande amie Pascale Clarke sur France Inter. Allez-vous, vous aussi, vous faire embobiner par ses airs de héros en veste à poche, de baroudeur solitaire et incorruptible, qui ne voyage pas, lui, dans la caravane présidentielle ? Pour ceux qui n’ont pas saisi le message, en France, les journalistes sont aux ordres, la preuve c’est que tous les médias se sont fendus d’un sujet hier. Il est un peu étrange que l’on nous explique dans la même phrase que les journalistes sont muselés et qu’ils résistent, mais cela doit signifier que les muselés ce sont les autres.

Revenons sur ce reportage. Si un conseiller à l’Elysée a ordonné que pas une tête ne dépasse, il faut immédiatement le renvoyer, parce qu’il s’agirait d’une initiative non seulement stupide mais aussi fort mal exécutée. Le reportage montre en effet, non pas face au président mais derrière lui, ce qui est encore plus voyant, ses agents de sécurité et quelques-uns de ses ministres qui ont une ou deux bonnes têtes de plus que lui. Puis on entend le journaliste poser une question pas du tout fermée : « Avez-vous été choisie en fonction de votre taille ? » On imagine qu’il n’a pas eu la bonne réponse du premier coup, mais il se trouve effectivement une dame pour expliquer qu’elle a été choisie en raison de sa petite taille (au fait, moi je veux bien des places au premier rang de la tribune présidentielle pour le prochain défilé du 14 Juillet).

Il est curieux qu’une profession qui a fait du soupçon systématique de toute parole le synonyme de déontologie prenne celle-ci pour argent comptant au prétexte qu’elle n’a pas été prononcée par un puissant mais par un « vrai gens ». Bien sûr, rien ne permet d’exclure que cette dame dise la vérité. Rien ne permet non plus d’avoir la certitude que ses propos ne lui ont pas été soufflés ou, tout simplement, qu’elle n’a pas saisi là l’occasion d’avoir son quart d’heure de célébrité. Mais comme ce témoignage s’insérait parfaitement dans l’histoire que vous adorez raconter, vous ne vous êtes pas trop posé de questions. Vous aviez envie d’y croire. Et c’est plus grave à mon avis que d’y avoir cru sans preuve – à moins évidemment que le témoignage d’un syndicaliste recueilli par Rue 89 en soit une. « Je peux vous assurer que nous avons la certitude, de source sûre et fiable, que cette exigence n’est pas sortie de la tête d’un responsable de Faurecia et qu’il s’agit bien d’une requête venant de l’Elysée », a-t-il déclaré. Mais Henri Guaino, cher Philippe Cohen, nous a fait cette réponse : « Nous ne sommes pas assez bêtes pour faire ce genre de choses, de toute façon ça se sait toujours et ça nous retombe dessus. » Sauf à considérer que l’Elysée est peuplé par une bande de crétins, l’argument mérite au moins d’être entendu. Seulement, à vous, on ne vous la fait pas. Guaino défend le président, c’est son job. Et le syndicaliste, il ne défend rien, vous croyez ?

Supposons cependant qu’un conseiller zélé ait réellement monté l’opération « des petits pour Sarkozy et que cet épisode grotesque recèle une part de vérité. Cela ne m’explique pas pourquoi cette affaire vous semble si délectable et ce qu’elle prouve à vos yeux. Bien sûr, vous ne mangez pas de n’importe quel pain, votre genre c’est l’analyse, pas l’anathème. Ce qui vous importe dans cette affaire c’est exclusivement ce qu’elle révèle de la communication présidentielle. S’il s’agit de nous annoncer que les voyages des personnalités sont des mises en scène destinées aux caméras, franchement, la révélation est un peu faisandée. Je vous accorde que tout cela manque autant de spontanéité et d’authenticité que la visite d’Obama sur les plages du débarquement (qui n’a pas, si ma mémoire est exacte, suscité tant de critique quant à son organisation militaire et extra-territoriale). Pour ma part, je trouve que les grands de ce monde devraient avoir le cuir un peu plus épais et supporter d’être confrontés directement à la colère populaire – à condition qu’elle s’exprime avec une courtoisie minimale. Je le répète, si quelqu’un a manigancé cette affaire de public sur-mesure, il devrait être viré dans la seconde. Mais je l’avoue, j’ai du mal à croire que le président soit assez naïf pour avoir été à la manœuvre dans cette sottise. En tout cas, j’attends des éléments un peu plus tangibles. Sans doute suis-je aveuglée par mon sarkozysme primaire.

En vérité, j’ai l’impression que vous voulez vous persuader, notamment pour confirmer votre premier jugement, que Nicolas Sarkozy est infantile, agité, vulgaire, aveuglé par son narcissisme, en un mot ridicule – et qu’il n’est que cela. Pour tous les autres, vous avez souvent des indulgences, au moins de la compréhension, parfois de l’admiration. Mais chez lui, rien ne trouve grâce. Seuls comptent ses travers, petits et grands. Au bout du compte, vous participez à ce que vous réprouvez, la délégitimation de l’adversaire. Ce faisant vous vous alliez à ces vrais puissants que sont les humoristes, à peu près inamovibles depuis qu’ils se sont décerné le brevet de rebelles en chef et que la profession les vénère comme la pointe avancée de l’anti-sarkozysme.

Vous qui n’aimez pas que l’on s’attaque aux hommes pour combattre les idées, n’êtes-vous pas gêné par le fait que la taille du président soit devenue un tel objet de moqueries ? Il met des talonnettes, la belle affaire. Est-ce si risible de souffrir d’un vague complexe ? L’est-ce au point que l’on nous en rebatte les oreilles depuis deux ans ? Cela change-t-il sa manière de gouverner ? Et faites-moi grâce, s’il vous plait des avis d’experts et autres psychanalystes de médias – un psy qui accepte de se prononcer sur un patient qui n’en est pas un et qu’il n’a jamais reçu ne me paraît pas une source très fiable.

Heureusement, je vous connais. Je sais que vous ne voyez pas que ce journalisme politique qu’il vous arrive de pratiquer à l’insu de votre plein gré est à la remorque et à l’unisson des amuseurs professionnels. Or leur rire n’est pas grinçant, il se contente d’être méchant. Il s’en prend aux têtes de turc et ignore les vaches sacrées (les vraies). Martine est boulotte, Nicolas est petit : oui, vraiment, quel courage de dire des choses si subversives qu’on les répète en boucle sur toutes les ondes et tous les plateaux ! Il est vrai qu’il nous arrive à tous de rigoler en les écoutant, mais ce n’est pas ce qu’il y a de mieux en nous qui rigole. L’autre soir, je me suis infligée sur France 2 la soirée « Rire contre le racisme ». Sur les quarante sketchs qui se sont succédé, une bonne partie était destinée à rappeler que nous sommes un pays peuplé de racistes dont les autorités sont obsédées par la « lutte contre les étrangers ». Passons (j’y reviendrai). L’un des sketchs supposé montrer que la France était différente, pour le pire, pas pour le meilleur, se finissait ainsi : « Chez les autres, on dit « pute ». Chez nous on dit « première dame ». » Un samedi soir à 22 h 30, sur la principale chaîne du Service public (à la botte du président), on insulte son épouse de la façon la plus minable qui soit – pour rire bien sûr.

Moi ça ne me fait pas rire. Je n’ai envie de vivre dans ce monde-là. Et vous non plus.

Big Brother is not watched…

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C’est le site anglais digitalspy qui l’affirme, les marques d’audience de la finale de Big Brother, samedi dernier, ont été les plus mauvais que l’émission ait jamais connu : moins de trois millions de spectateurs, contre cinq millions l’an dernier – chiffre déjà jugé calamiteux à l’époque. Il se murmure outre-Manche que l’édition 2009 risque fort d’être la dernière. Rappelons que Big Brother a servi de modèle à Loft Story sur M6 lequel a engendré à son tour l’infect Secret Story sur TF1. Mais à Boulogne, on ignore sûrement que les audiences des programmes de trash reality s’effondrent dans le monde entier, avant même la finale de cette année, la direction de la chaîne a tenu à annoncer que l’édition 2010 était déjà programmée. Encore un été pourri en perspective…

Zafon : Des ombres et du vent

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Carlos Ruiz Zafón, le plus mauvais écrivain espagnol depuis Cervantès ?
Carlos Ruiz Zafón, le plus mauvais écrivain espagnol depuis Cervantès ?
Carlos Ruiz Zafón, le plus mauvais écrivain espagnol depuis Cervantès ?

Parmi les « poids lourds de la rentrée littéraire », pour reprendre l’une des cent navrantes métaphores routières et routinières qui, mêlées à leurs cent-dix-huit métaphores sportives, constitue la langue mort-née de nos amis les journalistes, s’il y a un putain de camion, c’est Zafon. Son Jeu de l’ange mérite d’être signalé aux êtres sensibles comme un colossal semi-remorque entièrement rempli de matières fécales et auquel il convient d’échapper coûte que coûte.

Zafon populaire ? Et comment ! En publiant L’ombre du vent en 2001, vendu à onze millions d’exemplaires, ce marchand de courants d’air pour grandes surfaces est non seulement devenu « l’Espagnol le plus lu depuis Cervantès », mais aussi le plus mauvais écrivain espagnol depuis Cervantès. Autant en rapporte le vent…

Je dois à la récente critique du Point l’éreintant désagrément de connaître désormais l’existence de Carlos Ruiz Zafon. Zafon la caisse, apprend-on dans l’article, aurait touché 1,4 million d’euros de la part de son éditeur Robert Zafon – pardon, Laffont – pour les seuls droits français de son nouveau roman. Autant dire que la kilotonne de merde est en forte hausse.

Mais la perle de l’article demeure la stupéfiante citation de Zafon de pension extraite de son site Internet anglais : « I am in the business of storytelling. » Je serrerais bien plus volontiers la main d’un serial-killer pédophile que celle d’un homme capable d’une telle proclamation. C’est avec un sursaut de surprise que j’ai constaté que Christophe Ono-Dit-Bio traduit cette phrase par : « Mon boulot, c’est de raconter des histoires », alors qu’elle signifie à l’évidence en bon français : « Je suis dans le business du storytelling. » Ce diamant d’abjection mérite d’être préservé dans toute sa pureté. Zafon, c’est le néant du storytelling industriel désinhibé se contemplant dans son miroir en bavant d’autosatisfaction. Zafon, c’est la fin de l’Histoire et la fin des histoires. Le plus grand ennemi de Cervantès. Je m’abstiendrai de dire un seul mot sur le contenu de ses romans, puisque ce n’est rien.

Pour finir, Le Point livre cet étincelant développement de la pensée en phase terminale de notre Zafon fou : « Le business marche comme ça, et ceux qui ne le comprennent pas ne survivront pas. La terre est de plus en plus peuplée, et le marché culturel saturé de produits. Seuls quelques-uns émergent. Pour les publier, il faut savoir prendre les plus grands risques. Après, je ne force personne : on joue, ou on ne joue pas. »

Zafon, c’est l’heure où Don Quichotte renonce en pleurant à combattre ses chers moulins, parce qu’ils se sont transformés en éoliennes mutantes.

La recension est agrémentée d’une photographie de ce sinistre porcin prêt à éclater d’infatuation, affublé d’une casquette « dragon » et de lunettes de star américaine. J’apprends enfin que Zafon, qui s’est exilé à Los Angeles et non à Marseille comme l’y invitait son patronyme, s’est en outre illustré par son courageux combat contre le franquisme – mais uniquement celui qu’il prête généreusement à l’actuel milieu culturel espagnol qui refuse frileusement les évidences de l’ultralibéralisme ou du darwinisme littéraire dont il veut être le champion toutes catégories.

Dans ses deux romans, Zafon évoque son fameux « cimetière des livres oubliés ». Nous ne doutons aucunement que l’humanité aura la joie et le soulagement d’y retrouver très prochainement ses œuvres complètes. Puisque la vanité, contrairement à la littérature, Zafon comme neige au soleil…

Le jeu de l'ange

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La Mecque vs Hollywood

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Radio France au bout des doigts, photo Benoît Derrier (flickr.com)
Radio France au bout des doigts, photo Benoît Derrier (flickr.com)
Radio France au bout des doigts, photo Benoît Derrier (flickr.com)

Longtemps je me suis réveillé de bonne heure le samedi matin. Comme tous les célibataires endurcis, j’avais mes habitudes. Le jour du seigneur juif, j’allumais la radio sur France Culture un peu avant huit heures et j’imposais le silence dans mon lit pendant deux émissions.

Je ne connaissais alors que la voix de celle qui terrorisait les terroristes médiatiques, et qui aujourd’hui, se fait obéir par une bande de francs-tireurs et d’anarchistes, mais les meilleures choses ayant une fin, je découvris un matin en ouvrant le poste qu’une voix masculine et gnangnan avait pris sa place et très vite, je compris que j’avais gagné une heure de sommeil le samedi et que je pouvais annuler la moitié de mes rendez-vous radiophoniques. Maintenant, c’est entre neuf et dix qu’on doit se la fermer.

J’ignore ce qui avait motivé ce remplacement. Peut-être le nouveau directeur avait-il jugé qu’il y avait trop de juifs à France Culture et décidé d’un transfert de personnel entre la station et le ministère du même nom pour donner à d’autres minorités la visibilité que la République doit à tous ses enfants. Je râlais un temps mais après tout, personne n’est obligé d’écouter la radio.

Alors ce matin du samedi 30 août, en appuyant sur le bouton du transistor un peu trop tôt, quand j’ai retrouvé la voix molle de l’usurpateur, j’étais à deux doigts de la faire taire quand elle énonça le thème de l’émission du jour : Comment les pays arabes peuvent bâtir des industries culturelles puissantes ? Si elle avait été diffusée le soir, je m’en serais tenu à ma première intention de peur de passer la nuit dans les cauchemars mais il me restait la journée pour me moquer par écrit et je choisis d’écouter le programme jusqu’au bout.

L’invité, Frédéric Sichler, ancien directeur de studio canal, recruté par le prince Al Whalid, le Rupert Murdoch arabe et l’un des nombreux petits-fils du roi saoudien Ibn Séoud, expliqua qu’à la tête du groupe de médias Rotana basé en Egypte, il était missionné pour promouvoir le cinéma arabe sur la scène internationale et lutter contre l’hégémonie planétaire d’Hollywood.

Après un calcul simple, il nous fit remarquer qu’en divisant le nombre de salles par le nombre d’Arabes dans le monde, le compte n’y était pas et qu’il œuvrait à réparer cette injustice. Espérons qu’aucun juge européen n’était à l’écoute car le besoin de se mêler de ce qui ne les regarde pas et de légiférer là où personne n’a rien demandé est grand chez ces gens-là.

Mais nous ne devons pas craindre que l’on impose des quotas de films arabes dans nos salles et ce n’est pas par la loi que notre mercenaire entend partir à la conquête de l’industrie culturelle mais avec la même arme que tout le monde : la séduction du public. C’est dire la difficulté de la tâche. En effet, de son propre aveu, il n’y a pas de star arabe mondiale depuis Omar Sharif. Il y a bien Ben Laden mais des court-métrages mal foutus, sous-titrés, avec des flingues certes mais sans la moindre gonzesse, ça risque d’être un peu juste pour séduire un public occidental jeune, habitué au sexe, au suspens et aux effets spéciaux. Evidemment, on ne peut pas réduire le cinéma arabe aux vidéos d’Al Qaïda mais la censure a toujours plombé le 7e art en terre d’islam. En Egypte, on ne tourne pas sans la présence du censeur, en Arabie saoudite une prohibition totale vient d’être levée après trente ans. La censure varie avec les époques et les régimes, les codes sont rarement écrits mais juges, ministres et imams exigent coupes et interdictions. La plupart des talents sont en exil et bien souvent, leurs films qui font la tournée des festivals dans le monde ne sont pas visibles dans leur propre pays. Quand les islamistes occupent le terrain, les cinémas sont brûlés comme à Rafah et Gaza. Les films palestiniens visibles en Europe sont réalisés par des Arabes israéliens qui jouissent d’une liberté d’expression unique, financés par l’Etat juif. Une société de production a vu le jour à Abu Dhabi, alimentée par l’argent de l’or noir et dirigée par un américain piqué à Walt Disney mais le cahier des charges est lourd. Les films produits doivent respecter les valeurs de l’islam et ne pas critiquer les régimes de la région, sauf un, on peut le supposer.

Un cinéma financé et sous la coupe de musulmans attachés au respect des valeurs de l’islam qui interdit par exemple le baiser dans les films risque d’être difficilement exportable. Quel œuvre diffusée en occident ces dernières années aurait pu échapper à une telle censure ? Microcosmos ? Pas sûr ! Il aurait fallu pour ça couper la scène des escargots pour éviter les fatwas. Retirez de nos films tout ce qui n’est pas l’islam, qu’est ce qui reste ? Un navet sans harissa !

Nous pouvons donc espérer être à l’abri des valeurs de l’islam sur grand écran pendant quelque temps encore et nous satisfaire de l’approche occidentale proposée dans les films de Geert Wilders.

Pour revenir à l’émission et au dialogue entre l’animateur Frédéric Martel et son invité, le ton faillit bien monter quand le journaliste évoqua un incident, peut être parce qu’il avait eu lieu à deux pas du siège de la société du président de Rotana : l’arrestation de 52 homosexuels après une descente sur le Nil et sur le Queenboat de la police égyptienne. Mr Sichler, sans doute habitué à esquiver ces vérités qui dérangent lui rétorqua qu’il fallait rester sur l’essentiel et ne pas se perdre dans les détails et que nous autres occidentaux ne comprenions pas ces choses là. Ce qui me fit regretter qu’un homme aussi habile à appliquer la realpolitik au service du commerce se soit vendu à une puissance étrangère au lieu de servir les intérêts de l’industrie française.

Quant à Frédéric Martel, animé soudain par un esprit de résistance qui lui restait peut être d’un ancêtre glorieux et lointain, un autre grand Charles, il fit honneur aux valeurs du monde libre en défendant le droit des hommes à ne pas opprimer les femmes dans un Orient où c’est plutôt mal vu.

TGV pour l’IVG

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Que les choses soient claires, l’avortement, je suis pour. Sans cette invention géniale, j’aurais sans doute été contraint de fuir mes responsabilités paternelles sous une autre identité dans un de ces pays où, quand on a trop de gosses, on peut toujours en offrir quelque-uns en martyrs à la cause. Du temps de mon grand-père, quand on était un peu trop distrait, on était bon pour envisager la layette. Pour celles et ceux qui ne savaient pas manier l’aiguille à tricoter, c’étaient bien des dépenses en perspective. Alors, quand j’ai entendu à la télévision que dans la région espagnole de Navarre, sous la pression des catholiques, la pratique de l’IVG avait été bannie, j’ai tendu l’oreille. Juste à temps pour recueillir ce commentaire indigné : « À l’avenir pour se faire avorter, les femmes devront quitter la région et faire deux heures de route. » Je me suis d’abord demandé si le journaliste n’avait pas dit « avorter » pour « accoucher ». Mais même pour celles qui doivent faire ça toutes les semaines, j’ai du mal à penser qu’il s’agit là d’une atteinte intolérable à leurs libertés. Les droits des femmes ont fait de sacrés progrès pour qu’on en soit aujourd’hui à lutter pour un avortement de proximité.

La bande à Baader n’était pas complètement à l’Est

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Selon un documentaire que vient de diffuser la chaîne ARD, Verena Becker, activiste éminente de la Fraction Armée Rouge (RAF), était une informatrice des services allemands de l’Ouest. Soupçonnée d’être impliquée dans l’assassinat le 7 avril 1977 du procureur général Siegfried Buback – qui a aussi coûté la vie à deux autres personnes – Becker a été arrêtée le 28 août dernier à son domicile berlinois, suite à un supplément d’enquête sur la base de nouveaux échantillons d’ADN. Le fils de M. Buback dit avoir toujours eu le sentiment que Verena Becker – arrêtée en 1977, condamnée à la perpétuité mais relâchée en 1989 – était protégée. Dans le doc d’ARD, Winfried Ridder, officier de renseignements, affirme que Becker a pris contact avec ses services suite à des problèmes personnels et que les informations – très précieuses – qu’elle avait fournies lui avaient été payées à l’époque 100 000 marks.

Quoi de neuf ? Jules Renard !

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Robert Lynen et Harry Baur dans Poil de carotte, porté au cinéma par Julien Duvivier en 1932.
Robert Lynen et Harry Baur dans <em>Poil de carotte,</em> porté au cinéma par Julien Duvivier en 1932.
Robert Lynen et Harry Baur dans Poil de carotte, porté au cinéma par Julien Duvivier en 1932.

Dans le semi-remorque de la rentrée littéraire 2009, les revues spécialisées ont dénombré six cent cinquante-neuf romans, y compris les produits d’importation. À force d’en lire les recensions, je me suis rappelé que moi aussi je devrais en pondre un – et que même, selon mes meilleurs amis, ça devrait être fait depuis longtemps ! D’après ce que j’ai compris, un roman, par les temps qui courent, ça vous pose son homme. C’est une carte de visite, un diplôme. Au pire, un truc un peu comme le bac : on ne peut rien faire avec, mais on ne peut rien faire sans. Le problème, c’est que je n’arrive même pas à en lire[1. Des romans.]. J’ai longtemps hésité avant de faire ce coming-out : est-ce bien utile de se déconsidérer ainsi alors que, pour la première fois dans l’histoire de l’écrit, le genre romanesque est devenu à lui seul synonyme de littérature – tout le reste (essais, pamphlets, poèmes, récits, journaux…) étant entassé au rayon « divers » ?

C’est Jules Renard qui m’a décidé. Collégien, j’avais trouvé son bref Poil de carotte « long et plat comme le sabre de Charlemagne » – comme disait mon maître Charles Pasqua. Et surtout dispensable, alors qu’il m’était imposé ; son Journal, c’est tout l’inverse : indispensable et sous-estimé. Ce trésor à portée de main, comme d’habitude, je ne l’ai découvert que bien plus tard[2. Ça me rappelle le beau thème du concours de poésie organisé par Charles d’Orléans : « Nous mourons de soif à côté de la fontaine. » Même qu’à ce qu’il paraît, c’est Villon qui a gagné.] : le temps que soit passé l’arrière-dégoût de gavage scolaire qui m’avait tant fait de mal. Et c’est en le lisant que j’ai compris: idéalement, j’aurais souhaité que le petit Jules commençât son Journal vingt ans plus tôt – et qu’il nous raconte ainsi son enfance malheureuse et sa maman méchante au jour le jour, à chaud, à vif.

C’est absurde, je sais, mais c’est juste pour que vous compreniez. Avec tout son talent, le Renard romancier me touche infiniment moins que le diariste. Or tout le monde n’est pas Jules Renard, et plus personne ne tient son Journal.

Je parle ici bien sûr du seul vrai Journal, celui à qui l’on peut tout confier : le posthume. Le dead man writing effraye à juste titre les survivants: il tire sur tout ce qui bouge sans se soucier des représailles.

Tel n’est hélas pas le cas de son entourage. Léautaud vivait dans la terreur que son Journal soit caviardé… comme celui de Renard. Marinette, son épouse aimante et attentionnée, n’en a pas moins autodafé allègrement une bonne moitié, avant de s’exclamer devant ses éditeurs : « Maintenant, vous pouvez être tranquilles : nous avons tout brûlé ! » Quel gâchis, soit dit en passant : que Mme Renard n’a-t-elle conservé et transmis ces quelque mille pages qui, un siècle plus tard, ne provoqueraient plus la moindre polémique – faute de combattants ?

Cependant, les mille pages qu’elle a bien voulu nous laisser suffisent pour apprécier l’œil et la plume de cet oiseau rare. Je sais bien que, ces décennies-ci, la mode serait plutôt à Saint-Simon. Mais l’exercice n’est pas le même: le duc parle de tout sauf de lui; en parlant de lui, Jules Renard parle de tout.

Et ce qui le rend crédible quand il croque les autres, c’est l’allant avec lequel le Renard se déchiquète lui-même. Tout au long du Journal, il n’a de cesse d’étaler ses contradictions intellectuelles de démocrate hostile au suffrage universel ; d’antimilitariste revanchard ; d’athée interpellant Dieu ; de révolté, mais surtout à l’idée de n’être pas académicien Goncourt ; de « socialiste, mais pas pratiquant », comme il dit joliment.

Sur le plan moral, c’est pire ! Il faut lire, en date du 1er janvier 1895, cet examen de conscience qui est à mes yeux un des sommets du Journal – et dont je ne résiste pas au plaisir de, etc. : « De plus en plus égoïste: rien à faire. (…) M’être trop réjoui en m’apitoyant sur la malheur des autres. (…) Trop fait le petit garçon avec mes maîtres, et, avec les plus jeunes que moi, le bon grand homme qui ne fait pas exprès d’avoir du génie. Trop regardé aux kiosques pour voir si on me reproduisait (…) Trop aimé mes enfants, par pose de bon papa, trop étalé l’indifférence de mon cœur à l’égard de ma famille. M’être trop attendri sur les pauvres, auxquels je ne donne rien sous prétexte qu’on ne sait jamais (…) M’être trop noirci quand je savais qu’on n’allait protester, avoir trop flatté pour qu’on me flatte. Je suis un misérable, je le sais. Je n’en suis pas plus fier. Je le sais, et je continuerai. »

Comment, s’il vous plaît, ne pas aimer cet homme qui n’est dupe de rien, surtout pas de lui-même, et qui le dit si bien ? Même si, là encore, il se « noircit » : l’arriviste au cœur sec qu’il dépeint est aussi, est surtout une âme écartelée, avide d’affection et rongée par le doute. Il doute des autres, de lui-même, de son œuvre, et du sens de tout. Il pleure son père suicidé, hait indéfectiblement sa marâtre et voue à Marinette un amour magique : « Je t’ai aimée comme la nature, je t’ai regardée comme un bel arbre, je t’ai respirée comme une haie en fleurs, je t’ai savourée comme la prune ou la cerise », écrit-il deux ans avant sa mort.

Voilà ! J’espère bien avoir l’occasion de reparler de mon Jules, moraliste, ironiste et poète, y compris dans ces colonnes virtuelles. En attendant, à ceux qui seraient passés à côté, je ne saurais trop conseiller de se plonger dans ce journal indémodable, et pour cause : en fait de nature humaine, mutatis mutandis, rien ne change.

« Il faut feuilleter tous les livres et n’en lire qu’un ou deux », notait Renard en date du 15 août 1898. S’il avait raison, alors son Journal est l’un des deux.

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Clearstream, acte 2

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Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy, photo Franck Prevel (flickr.com).
Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy, photo Franck Prevel (flickr.com).
Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy, photo Franck Prevel (flickr.com).

La scène politique et médiatique ayant horreur du vide, l’arrêt provisoire de la baston au Parti socialiste a déjà laissé place aux aventures de Dominique Galouzeau de Villepin, ci-devant Premier ministre traîné en justice pour « complicité de dénonciation calomnieuse » dans la ténébreuse affaire Clearstream.

Ce procès, qui doit s’ouvrir le 21 septembre, est l’aboutissement judiciaire du combat sans merci que Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy se sont livrés en 2004-2005 pour la prise de contrôle de l’UMP, clé de la présidentielle de 2007.

D’ores et déjà, la machine éditoriale et médiatique[1. Une histoire de fous, du journaliste Frédéric Charpier, qui vient de paraître au Seuil, raconte par le menu les détails parfois hallucinants de ce feuilleton politico-barbouzard.] s’est mise en mouvement pour donner à cet événement un écho à la mesure des enjeux des deux principaux protagonistes de cette affaire. Pour le président de la République, il s’agit de terrasser définitivement l’ancien Premier ministre au moyen d’une sanction pénale propre à l’écarter définitivement de la vie politique. La clémence ne faisant pas partie des valeurs cultivées par notre président, surtout lorsqu’elle ne semble d’aucune utilité politique, il n’y a pas de raison qu’il se prive du délicat plaisir de voir son ancien rival se faire écraser la gueule à coups de talon. Pour DDV, l’objectif est de sortir renforcé de cette épreuve, sinon par une relaxe, du moins en accréditant l’idée, dans l’opinion, qu’il a été victime de l’acharnement judiciaire d’un Nicolas Sarkozy mettant sans vergogne la justice française au service de la défense de ses intérêts personnels.

Nous allons donc assister à un combat de titans qui va nous replonger dans les affaires de coulisses du chiraquisme finissant, dans les arrière-cuisines où se mitonnent les coups tordus et les coups foireux, pendant que, sur le devant de la scène, on fait semblant de former une famille politique unie et chaleureuse.

L’affaire Clearstream n’est que l’un des volets du dispositif mis en place par Dominique de Villepin, dès son arrivée au gouvernement en 2002, pour barrer la route de la présidence de la République à Nicolas Sarkozy. Elle survient un peu par hasard, grâce à Jean-Louis Gergorin, ancien collègue du diplomate Villepin lorsqu’il œuvrait au centre d’analyse et de prévision (CAP) du Quai d’Orsay. Gergorin, qui a pantouflé comme vice-président d’EADS, informe le ministre qu’un informaticien de haut vol, Imad Lahoud, a « forcé » l’ordinateur de la banque de compensation luxembourgeoise Clearstream. Lahoud se serait procuré des listings de clients de cette banque, où figurent, entre autres, des comptes au nom de « Nagy » et « Bocsa », qui désignent clairement Sarkozy, dont le patronyme complet est Nicolas Sarkozy de Nagy-Bocsa.

Ce dernier est persuadé que Villepin l’a sciemment maintenu dans l’ignorance de l’existence de ces listings et incité Gergorin à les transmettre de manière anonyme au juge d’instruction Renaud van Ruymbeke, pour lancer la justice sur les traces de manipulations financières illicites dont Sarkozy se serait rendu coupable.

Villepin, de son côté, nie avoir rencontré Gergorin après janvier 2004, alors que Gergorin affirme, lui, l’avoir tenu régulièrement au courant de l’évolution de cette affaire en lui rendant régulièrement visite par la porte de derrière de la Place Beauvau, où Villepin officie alors comme ministre de l’Intérieur.

Au bout du compte, ces listings se révéleront avoir été trafiqués par Imad Lahoud pour mouiller Sarkozy et certains de ses amis, comme l’actuel ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux.

Dominique de Villepin est un personnage singulier dans le paysage politique français. Franchement mégalomaniaque, il se pique de rassembler dans sa seule et unique personne les talents de Talleyrand, Fouché, Chateaubriand et Rimbaud, après les avoir purifiés de toutes les scories qui noircissent l’image de ces illustres modèles.

Ecrivain prolifique, il s’est distingué récemment par un livre racontant l’épopée des Cent Jours de Napoléon, du retour de l’Ile d’Elbe jusqu’à Waterloo, montrant ainsi qu’il a un sens aigu du tragique de l’Histoire. Cela dit, la lecture de certains de ses essais politiques, comme Le requin et la mouette, peut se révéler franchement hilarante, surtout lorsque l’on prononce à haute voix des phrases où la boursouflure du style le dispute au creux de la pensée.

L’homme est fermement persuadé qu’il est promis à un destin à la mesure des plus grands hommes de notre histoire nationale, qu’il est l’incarnation de cet homme d’Etat total, tel qu’il n’en surgit qu’une fois par siècle dans notre pays. Celui-ci s’impose non seulement par son charisme à des concitoyens qui lui reconnaissent l’onction transcendantale, mais il survole, tel l’aigle, la vie politique mondiale comme la vie littéraire de la capitale. La place au XXe siècle étant occupée par Charles de Gaulle, celle du XXIe doit échoir au seul qui en ait la dimension, Dominique Galouzeau de Villepin bien sûr. On sent d’ailleurs, dans les propos qu’il tient sur Sarkozy, tout le mépris qu’il porte à cet usurpateur moral : « Nous avons besoin de garde-fous. Or, tout repose sur la vertu du président lui-même. Les prédécesseurs de Nicolas Sarkozy avaient une conception de leur fonction qui les conduisait à se fixer des limites, prenant en compte l’exigence de sérénité, le rôle d’arbitre, la possibilité d’un recours. Protégeons les dirigeants contre eux-mêmes, en encadrant mieux les pouvoirs », déclare-t-il ainsi dans son entretien publié dans le dernier numéro de L’Express. On notera qu’aucune élection autre que celle qui conduit à l’Elysée n’intéresse notre homme : de minimis non curat praetor.

Cette mégalomanie ne l’empêche pas, pourtant, de montrer une certaine habileté tactique pour préserver ses chances d’arriver à ses fins. Occuper le champ politique comme opposant déterminé au président de la République alors que l’on ne pèse rien, ou presque, dans la famille politique dont on se réclame est assez bien joué : son éventuelle condamnation pourrait alors être interprétée comme une manière peu élégante de se débarrasser d’un concurrent gênant.

Mais derrière le Villepin gardien d’une flamme gaulliste tombée en déshérence après le tournant atlantiste de la France sarkozienne, on ne peut s’empêcher d’entrevoir un manipulateur sans scrupules, activant les réseaux les plus improbables pour discréditer ses adversaires. Ainsi, cette connivence avec Edwy Plenel, avec qui il partage, sinon la philosophie politique générale, du moins une fascination pour le monde des « services » de haute et basse police. On pouvait entendre dans les cocktails, dîners et autres mondanités parisiennes des années 2004-2005 des « éléments de langages » diffusés, avec une adaptation à chaque milieu visé, tendant à démontrer qu’il n’était pas digne de la France de se doter d’un président de la République de si petite taille et dont, de surcroît, l’épouse court le guilledou avec un publicitaire juif marocain. La publication par Paris Match, alors dirigé par Alain Genestar [2. Alain Génestar se fait passer pour une victime de la vindicte sarkozienne qui aurait poussé son « frère » Arnaud Lagardère à le débarquer de la direction de la rédaction de Paris Match. La réalité est plus complexe, même si l’on peut s’offusquer de cette intervention d’un homme politique dans le monde de la presse. Il suffisait d’écouter les chroniques de Génestar sur RFI, où le ministre de tutelle Villepin avait favorisé son embauche comme éditorialiste, pour percevoir son inclination villepiniste…], un affidé de Villepin, des photos de l’idylle new-yorkaise de Cécilia Sarkozy et Richard Attias, fit disjoncter celui qui n’était alors que candidat à la présidence de la République et qui s’employa alors, avec succès, à faire virer Genestar. Mais Nicolas Sarkozy n’était pas dupe : derrière le « coup » médiatique de Paris Match se profilait l’ombre de celui que Jacques Chirac avait choisi pour lui barrer le chemin de l’Elysée.

Pour rassembler ses partisans, Dominique de Villepin vient de créer une structure animée par l’ancienne secrétaire d’Etat aux DOM-TOM, Brigitte Girardin. Cela s’appelle le Club Villepin, une sorte de rallye du XVIe pour adeptes du TSS (Tout Sauf Sarko). Reste à savoir si les personnes pourvues d’un casier judiciaire pourront rester membres du club…

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