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Courant limpide en eaux troubles

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Palais de Justice

Tout monde sait qu’à Paris, la qualité d’un spectacle se mesure au nombre de passe-droits qu’il faut mobiliser pour y accéder ainsi qu’à la densité des célébrités qu’on y croise à l’entracte. Autant dire que l’audition de Dominique Galouzeau de Villepin par le Tribunal chargé d’examiner des plaintes pour usage de faux et dénonciation calomnieuse dans le cadre du feuilleton Clearstream était le must de la saison avant d’avoir commencé. C’était l’endroit où il fallait être mercredi. Et je ne suis pas peu fière, pour une fois, d’y avoir été – ce qui semble indiquer que j’en suis. J’ai croisé des sommités de la politique, du journalisme et du barreau, échangé quelques mots avec quelques-unes d’entre elles, pris un air entendu quand l’un me glissait « Villepin est cuit » et affiché une moue complice quand l’autre me confiait « il sera relaxé ». Et puis, j’ai senti le souffle chaud de l’histoire, humé l’air de la tragédie. Et pas mal rigolé.

Si vous espérez y voir plus clair dans les eaux troubles de ce courant limpide, ne vous attardez pas trop ici. La vérité judiciaire, la seule qui compte en cette enceinte, paraît-il, ne m’a pas été révélée en une après-midi. Je ne saurais trop engager ceux dont la curiosité n’a pas été assouvie par les excellents conseils littéraires de Marc Cohen à se reporter aux articles de mes non moins excellents confrères qui ne sont pas là seulement pour la bagatelle pipoleuse et ont planté leur tente dans la salle d’audience depuis deux semaines (j’ai une petite préférence pour ceux de Stéphane Durand-Souffland dans Le Figaro mais je vous laisse fouiller à la recherche de perles) et pour certains, au Palais depuis 30 ou 40 ans.

On jouait donc à guichets fermés et, la veille de la représentation, les étourdis, retardataires et pipoles de seconde zone (je vous laisse choisir à quelle catégorie j’appartiens, en vrai, aux trois) s’agitaient en tout sens pour obtenir des billets de faveur. Une charmante Nathalie, amie d’amis, œuvrant au cabinet de Jean-Marie Bockel, fit l’essentiel – elle identifia la personne idoine et prépara le terrain. Celle-ci, une fort sympathique Sylvie, chargée de la presse au Tribunal (me semble-t-il), accepta d’inscrire mon nom sur une liste donnant accès au Palais de Justice sans avoir à patienter avec les touristes et le petit peuple (au moins deux heures d’attente à vue d’œil). La Justice est publique, mais parmi nous, certains sont plus publics que d’autres. Pour la salle d’audience, elle ne pouvait rien faire, assaillie de requêtes depuis le mois de juin. Sans compter celles qu’on ne peut pas refuser arrivées dans les deux jours précédents. Quant à moi, il ne me restait qu’à compter sur ma chance et ma tête de fille honnête.

Le Palais de Justice est l’un des endroits les plus romanesques de Paris, même si l’on n’y croise plus, de nos jours, que de pâles ou comiques doubles de Vautrin et Fouché. Arrivée devant « le 2 » (boulevard du Palais), autrement dit, l’entrée des artistes, je tends mon passeport à un gendarme tout-à-fait présentable qui me prête une attention distraite, alors que tourbillonne autour de lui un sympathique échalas. « Laissez-moi passer, je vous dis que je suis prévenu !» C’est trop beau : Denis Robert lui-même, avec sa bonne bouille et un air vaguement égaré. S’ensuit un échange de regards interrogateurs entre les deux gendarmes qui décident de laisser passer ce garçon visiblement inoffensif. Profitant de ces quelques secondes, je m’engage résolument vers le portique et en quelques secondes, je suis dans l’immense salle des pas perdus, devant la 1ère chambre correctionnelle devant laquelle a été érigé un vaste périmètre de sécurité. Les habitués, avocats, journalistes dûment badgés et accrédités, prévenus, parties civiles vont et viennent sous les yeux des porteurs de caméras, micros et perches agglutinés autour des barrières. Apercevant un ami, je fonce vers lui en essayant d’avoir l’air d’avoir quelque chose d’important à faire. Bingo. C’est mon jour.

À l’intérieur, règne encore un aimable bazar. On papote, on arrange sa robe, on répond aux messages. Des chaises ont été rajoutées dans tous les espaces libres. J’aperçois Jean-Michel Apathie, Jean-Pierre Elkabbach, et quelques autres gloires du PAF, celles qui ne se déplacent que pour les événements planétaires (Je me demande où est Alain Duhamel). Edwy Plenel, visiblement enchanté d’être là, ne se mêle pas à la corporation. C’est qu’il est tout à la fois partie civile, c’est-à-dire victime, un rôle qu’il affectionne particulièrement, et grand témoin. La veille, il a pu donner toute sa mesure en donnant à la Cour son avis éclairé – non, pour de vrai, il paraît qu’il a été très bon. Je ne sais pas pourquoi mais je me demande si c’est lui qui a fait porter une rose qui attend madame de Villepin devant la salle d’audience. Finalement, ça m’étonnerait, vu que la rose est emballée dans un papier tricolore.

Peu avant 13h30, on entend soudain la voix de Dominique de Villepin, diffusée par les haut-parleurs installés dans la salle, comme s’il parlait du ciel – ou de l’au-delà. Quelques secondes à peine, puis la voix s’éteint. Pas mal, comme effet spécial. Juste avant l’arrivée de la Cour, on fait entrer une petite dizaine de personnes qui, je suppose, constituent le public. Les vrais gens, quoi.

La lumière ne s’éteint pas, mais ça commence quand même. Devant moi, je peux observer le câne aisément reconnaissable de mon ami Richard Malka, l’un des avocats de Clearstream (le salaud !). Dominique de Villepin entre en scène. « Monsieur le président, Mesdames les juges, Monsieur le juge ». Bon, faut pas croire, c’est pas marrant tout le temps, surtout pour ceux qui, comme moi, ne sont pas familiers de « la réunion du 9 janvier », « de la note du tant » et des formules un peu obscures du général Rondot. Tout de même, c’est marrant, la façon dont ces gens gouvernent. Leurs trucs de conspirateurs, la façon dont ils passent d’une remise de décoration à la gestion des secrets d’Etat. Leur habitude de se fliquer les uns les autres, leurs raisonnements tordus et leur manie de tout écrire. Peut-être qu’ils jouent très bien la comédie mais on a l’impression qu’ils y ont vraiment cru « au réseau de financement occulte qui menaçait la sécurité de l’Etat ». C’est ce que dit Gergorin, et, je suis peut-être naïve mais, là-dessus, je le crois. « Si l’affaire avait été réelle, elle eût été majeure ». Le plus étonnant est bien que d’aussi brillants cerveaux aient pu se faire enfumer par cette histoire de listings occultes. Que d’inavouables arrière-pensées et d’éventuelles manipulations aient ensuite transformé ce pétard mouillé en bombe politique ne nous apprend rien de très nouveau sur la nature humaine.

Il tient tellement le coup, DDV (son petit nom dans les carnets Rondot) que l’échange avec le président est souvent ennuyeux. De plus, on l’entend, mal, le président, au point qu’un confrère lance : « Micro ! ». Il y a tout de même quelques moments cocasses. Quand il explique, par exemple, qu’il a toujours agi en conformité avec les « lignes directrices énoncées par le président de la République sur la moralisation de la vie internationale ». Il rappelle au passage qu’il avait à l’époque, la charge des affaires du monde. Et aussi quand il évoque l’été 2005, moment où ses services lui apprennent que Le Point prépare une « une ». Ceux qui pensent que c’est lui qui a balancé sont évidemment des méchantes langues mal informées. Dommage, le président ne relève pas. Il est aussi question des journalistes dans une note du patron de la DST de l’époque qui a interrogé l’un de ses agents dont le nom figure dans le listing. Dans le courant de la discussion, celui-ci a juré qu’il n’avait jamais eu de contact direct avec « les journalistes recensés comme sources ouvertes par la DST ». Sur les bancs de la presse, on regarde ailleurs.

Mais le moment le plus fort est à venir. Le président fait venir à la barre Jean-Louis Gergorin qui a été cuisiné des heures durant la veille. « Restez là, monsieur de Villepin. » Cela donne, en substance, cet échange surréaliste.
– Le président : Dominique de Villepin dit n’avoir jamais su qui était « la source »
– Gergorin : Je l’en ai informé dès le 9 janvier.
– Le président, à Villepin :  Connaissiez-vous le nom d’Imad Lahoud
– Villepin : Absolument pas.
– Le président à Gergorin: Qui a eu l’idée de contacter un juge ?
– Gergorin : Cette idée a été formulée à voix haute par Dominique de Villepin au cours d’une réunion en avril. Il a ensuite fait, assez solennellement, état d’une instruction du Président.
– Le président, à Villepin : Avez-vous invoqué une instruction présidentielle ?
– Villepin : Pas le moins du monde.

L’un de ces deux hommes ment. Et il a des nerfs d’acier. Chapeau l’artiste. J’ai bien fait de venir.

Tefal contre fœtal !

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Le Réseau Environnement-Santé, qui regroupe des ONG, des médecins et des scientifiques a piqué une grosse colère hier, lors d’une conférence de presse contre un de ustensiles préférés des ménagères. D’après le RES, les poêles anti-adhésives contiennent du PFOA, une substance qui, ajoutée à d’autres composés perfluorés, comme le PFOS (acide perfluorooctane sulfonique) provoquerait notamment une baisse sensible de la qualité du sperme. En conséquence de quoi le Réseau demande qu’on revienne fissa à la bonne vieille poêle en fonte ou en acier. Précision importante: quelles que soient les spécifications techniques de l’ustensile de cuisine choisi, il est recommandé de ne pas faire frire les spermatozoïdes avant usage.

Merci la grippe

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Flickr/Michael Desmarais.
Flickr/Michael Desmarais.

J’ai comme l’impression que vous n’avez pas bien compris ce qu’on vous répète en boucle : avec la grippe AH1N1, on va tous y passer ! Oui, je sais, vous aviez sans doute d’autres projets en vue pour la rentrée (faire redécorer votre pavillon par Valérie Damidot ou vous lancer dans le commerce équitable de fausses Rolex). Malheureusement, il va falloir remettre tout ça à votre prochaine métempsycose, parce que techniquement, ce sera pas possible dans cette vie-là

D’un autre côté, réjouissez-vous : vous partirez avant d’avoir été ruiné par la crise financière. Profitez-en donc pour acheter à crédit des trucs hors de prix : puisque vous ne paierez que deux ou trois mensualités, ce serait vraiment dommage de se priver. En plus, votre prodigalité relancera la croissance, pour d’éventuels rescapés qui n’oublieront pas la grandeur d’âme dont vous aurez fait preuve face à l’adversité. De toute façon, c’est pas maintenant que vous allez ouvrir un Livret A !

Autre avantage substantiel procuré par cette pandémie ravageuse : vous allez pouvoir lever le pied – et le coude surtout ! – en matière alimentaire. Laissez pourrir vos cinq fruits et légumes quotidiens dans le frigo, et reprenez une troisième portion d’apfelstrudel. Côté liquide, et sans vouloir vous inciter à l’alcoolisme, je vous rappelle que l’eau se raréfie et que, de toute façon, les nappes phréatiques sont polluées par des pesticides industriels aux vertus mortifères éprouvées. Le rhum, le Sancerre et la Guinness sont garantis 0 % défoliants, eux. Quant au tabac enfin, c’est vraiment pas le moment d’arrêter puisque, je vous le rappelle, H1N1 vous aura chopé avant que vos poumons soient assez goudronnés pour pouvoir intenter un procès à la Seita.

Mourir idiot : n’est-ce pas là une de nos hantises les plus « prégnantes » – selon le qualificatif cher à ceux qui n’ont généralement rien à dire ? Il y a tant de facettes du réel qui demeurent pour nous autant de virtualités ne demandant qu’à s’accomplir dans l’aujourd’hui de nos vies… En gros : soyez désormais no-limit ! Vivez à tout instant dans une spontanéité, un arbitraire et une démesure nietzschéennes. Si la vertu est dans le juste milieu[1. In medio stat virtus (expression à placer lors d’un dîner en ville).], fuyez-les ; montez le son et foncez ! Bon, au cas où vous seriez bouddhiste, attendez-vous quand même à vous réincarner pendant quelques générations en mollusque sous-marin. Dites-vous néanmoins que, dans cette hypothèse, cela purifiera votre karma devenu aussi chargé que votre foie et votre casier judiciaire…

Paul Gégauff, bientôt de retour

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Il y a au moins une vraie bonne nouvelle dans cette rentrée littéraire. Le 22 octobre, Tous mes amis de Paul Gégauff, un recueil de nouvelles introuvable depuis sa première édition chez Julliard sera réédité dans la collection Les Inclassables des éditions Alphée, collection dirigée par Arnaud Le Guern. Paul Gégauff était un admirable écrivain dégagé, comme il y a des écrivains engagés, qui donna l’essentiel de sa production littéraire, soit quatre romans, dans les années cinquante aux Editions de Minuit ce qui faisait de lui une sorte de Roger Nimier égaré dans le catalogue glacé du Nouveau Roman. Scénariste préféré de Chabrol, il travailla également pour Barbet Shroeder (More) ou René Clément (Plein soleil), et de quelques autres moins glorieux mais il fallait bien manger, se payer des décapotables et sortir de jolies actrices. Gégauff, grand séducteur, fit même plusieurs apparitions comme acteur, notamment dans Une partie de plaisir en 1975.

Paul Gégauff est mort pendant un réveillon arrosé de Noël 1983, en Norvège, poignardé à soixante-et-un ans par sa compagne de vingt-cinq. Il n’était manifestement pas équipé pour traverser les années quatre-vingt, ce qui est tout à son honneur. On ne sera pas sans vous reparler de cet admirable feu follet.

Le mirage Die Linke

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Affiche de campagne de Die Linke : Taxer la richesse !
Affiche de campagne de Die Linke : Taxer la richesse !

Une véritable jubilation s’est manifestée au sein de la gauche de la gauche française après les résultats des élections législatives allemandes du 27 septembre. De Jean-Luc Mélenchon à Benoît Hamon, on a salué avec enthousiasme le succès relatif du parti Die Linke (La Gauche) qui a obtenu près de 12% des suffrages, contre 8,8% en 2005. A l’exception du NPA de Krivine et Besancenot, qui pointe les contradictions internes de cette formation hétéroclite, tout ceux qui contestent les ouvertures de la direction du PS et de Dany Cohn-Bendit en direction du Modem se sentent confortés dans leur stratégie de rassemblement de la gauche et de l’extrême gauche.

Il n’est pas inutile de leur rappeler que la montée en puissance de Die Linke en Allemagne survient dans un contexte de recul historique de l’ensemble de la gauche (SPD, Verts, Die Linke), qui totalise moins de 46% des suffrages contre 48,5% à la droite (CDU, CSU, FDP). Il faut également noter que les 6% de voix qui se sont portées sur des petites listes sont principalement allées vers des formations de droite ou d’extrême droite, à l’exception de la liste des Pirates (2%) dont le positionnement idéologique est pour le moins flou.

Le « succès » de Die Linke est le résultat d’un vote-sanction contre le SPD d’une fraction de l’électorat social-démocrate qui n’a toujours pas digéré les réformes effectuées par Gerhard Schröder lorsqu’il était chancelier (Agenda 2010) pour restaurer la compétitivité de l’économie allemande en réduisant les prestations sociales (santé et assurance chômage).

Le talent oratoire des deux principaux leaders de Die Linke, l’ex-social démocrate Oskar Lafontaine et l’ex-communiste Gregor Gysi, jamais en reste de rhétorique populiste, a mis en lumière, par contraste, le faible charisme de leurs concurrents du SPD et des Verts. Ces derniers n’ont pas retrouvé de personnalités capables d’enflammer les foules par leur verbe depuis le retrait de la vie politique de Gerhard Schröder et de Joshka Fischer.

Mais ces atouts conjoncturels ne sauraient masquer le caractère hétérogène et fondamentalement instable d’un parti composé de nostalgiques de l’ex-RDA, de syndicalistes ouest-allemands en délicatesse avec un SPD paralysé dans une  » grande coalition » avec la CDU d’Angela Merkel, et d’une nébuleuse de groupements gauchistes et altermondialistes.

D’ores et déjà, des tensions se font jour entre les tenants d’une stratégie visant à faire de Die Linke un parti koalitionfähig (capable de former une coalition au niveau fédéral[1. Die Linke participe au gouvernement du Land de Berlin avec le SPD, et pourrait bientôt entrer dans ceux du Brandebourg et de la Sarre. Mais cette alliance demeure exclue au niveau fédéral par le SPD.], et ceux qui ne sont pas près de sacrifier les grands principes (sortie de l’OTAN, nationalisation de banques) au réalisme pour participer à un gouvernement avec le SPD et les Verts.
La présence, encore massive, dans ses rangs, d’anciens militants et responsables du SED, le Parti communiste est-allemand, le rend vulnérable à des campagnes de diabolisation menées par la droite. Il faut être un grand rêveur, comme Alexandre Adler, pour voir en Gregor Gysi un futur Barack Obama à l’allemande au motif que ses parents ont été, jadis, des membres de l’Orchestre rouge[2. Entendu le 29 septembre, vers 8h30 sur France Culture. L’Orchestre rouge était un réseau d’espionnage antinazi, animé par des antifascistes allemands pour le compte de l’URSS.]. Les Allemands d’aujourd’hui, même s’ils apprécient ses bons mots et son humour dans les talk-shows à la télévision ont une mémoire moins sélective, et se souviennent que son père, Klaus Gysi fut aussi un haut dignitaire du Parti communiste, ambassadeur puis ministre de la culture d’Erich Honecker…

D’autre part, le retour du SPD dans l’opposition, et les changements à la tête du parti qui vont intervenir dans les prochains jours (à la différence de ce qui se passe en France avec le PS, on ne garde pas une équipe qui perd) devraient lui permettre de renouer le contact perdu avec sa clientèle traditionnelle des ouvriers et des classes moyennes.

Il lui reste, et c’est la où le bât blesse, à élaborer une stratégie d’alliances pour revenir au pouvoir dans un contexte globalement défavorable à la social-démocratie à l’échelle européenne.
La droitisation du gouvernement fédéral va, bien sûr, lui donner du grain à moudre sur des thèmes où il se retrouvera côte à côte avec Die Linke et les Verts : l’opposition aux centrales nucléaires, à la participation de la Bundeswehr aux opérations en Afghanistan, les atteintes aux acquis sociaux.
S’il jette par dessus bord l’héritage réaliste (certains diront social-libéral) de Gerhard Schröder, le SPD risque de s’aliéner une partie des nouvelles classes moyennes urbaines pour se replier sur ses bastions traditionnels de la vieille industrie en déclin.
S’il y reste attaché, en l’adaptant au contexte de cette après-crise pour lequel l’Allemagne semble mieux placée que ses principaux voisins européens, il va se trouver en difficulté avec ses alliés potentiels à gauche.

Comme il ne faut pas trop compter sur des erreurs politiques majeures d’une Angela Merkel à la prudence proverbiale pour pallier ces handicaps, la gauche allemande de gouvernement n’est pas dans une position plus favorable que son homologue française.

Union sacrée antifashioniste

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L’Angleterre, connue pour son laxisme vis-à-vis des tendances les plus radicales de l’Islam, n’est néanmoins pas un pays où on peut faire subir tout et n’importe quoi aux femmes. Ainsi le gouvernement de sa Gracieuse Majesté s’apprête à légiférer, avec le soutien des syndicats, pour interdire sur les lieux de travail un accessoire vestimentaire rétrograde et attentatoire à la dignité des salariées. En conséquence de quoi, on ne va pas interdire la burqa, faut pas rêver, mais les escarpins à talons hauts, accusés de provoquer ampoules, durillons et lumbagos…

Mon Clearstream à moi

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mamet

On gagne beaucoup de temps mettant à profit ses heures de travail pour ouvrir un roman, un bon, s’entend. Essayez, vous verrez. Plutôt que de suivre H24, le nez collé sur l’écran plat, les rebondissements du procès Clearstream, plongez-vous dans La Compagnie de Robert Littell ou dans La quatrième Durango de Ross Thomas.

On peut même, à condition d’avoir un collègue qui badge en votre lieu et place avec dextérité, sécher le bureau de temps à autre et aller voir dans les salles d’art et essai quelques bons vieux films, américains eux aussi, cela va de soi. Par exemple Sens unique de Roger Donaldson ou La Prisonnière espagnole de David Mamet

Toutes ces œuvres, qui n’ont a priori pas grand chose en commun – à part d’être plus crédibles qu’un listing d’Imad Lahoud et méchamment mieux troussées qu’un roman de Denis Robert –, nous disent tout ce qu’il faut savoir sur l’affaire Clearstram.

Vous n’y verrez bien sûr rien sur les secrets de la banque luxembourgeoise ou sur le tripatouillage intéressé de son fichier clients. En revanche, vous y découvrirez des superbes mécaniques d’intoxication, de désinformation, de déstabilisation, toutes assises, dès leur conception, sur une manip visant à faire passer la cible d’un complot pour l’instigateur de celui-ci. En refermant l’un de ces livres, ou après avoir vu un de ces films, vous aurez au moins compris qu’il est parfaitement vain de savoir qui de Villepin ou de Sarkozy est le faux coupable et qui la fausse victime, à moins d’avoir des opinions arrêtées sur la problématique de l’œuf et de la poule.

Une fois qu’on suppute tout ça, l’amertume, plus que l’aventure, est au coin de la rue. Mais c’est pas grave. Au moins, vous saurez que vous ne saurez rien. Socrate l’a dit il y a 2500 ans, et à ma connaissance, c’est toujours d’actu. Car le pire client, pour ceux qui font la politique aujourd’hui, c’est celui qui sait qu’on lui raconte des histoires. Et donc écoute d’une oreille parfois attentive, parfois distraite mais toujours en n’en pensant pas moins, bref celui qui peut rêver de lendemains qui chantent sans pour autant croire au Père Noël (cette dernière allusion n’est pas tout à fait gratuite : Santa Claus a été inventé par des communicants, ceux de Coca-Cola en l’espèce).

Maintenant que j’ai clairement exposé qu’à mon humble avis, on ne saura jamais qui de DDV ou de NS qui a cherché en premier à niquer l’autre, on pourrait croire l’affaire purgée. Erreur. Reste une ultime hypothèse. Et si nos Machiavel’s Twins postnéogaullistes étaient tous deux innocents ?

Là, ce n’est pas vers la littérature ou le cinéma qu’il faut se tourner, pour entrevoir une solution viable mais vers l’exquise contre-culture corporate (là encore , elle est souvent d’origine US, mais je n’y peux rien si ça me parle plus que Derrida ou Bourdieu). Contre-culture qui nous a donné des petits bijoux tels la loi de Murphy (la tartine tombe toujours sur la face beurrée) ; la loi de Barton (en connectant une prise USB sur le port ad hoc, on est certain de la brancher du mauvais côté), ou encore la fabuleuse loi de Hofstadter sur les délais, process et autres rétroplannings qui stipule : « Ça prend toujours plus de temps qu’on croit, même en prenant en compte la loi de Hofstadter. » Rien de tout cela ne concerne directement Clearstream (quoique, mais bon…).

En revanche, on est en plein dedans avec un autre théorème issu de la vie de bureau : le Rasoir d’Hanlon,. C’est une plaisante dérivation d’un incontournable de la philo médiévale, le fameux « rasoir d’Ockham » : en VO « Entia non sunt multiplicanda prater necessitatem », en VF simplifiée : « Entre deux hypothèses valables, choisissez la plus simple. » Or pour Hanlon, la bêtise humaine est universellement la solution la plus simple à bien des équations réputées insolubles.

La loi du rasoir d’Hanlon s’énonce ainsi : « Never attribute to malice that which can be adequately explained by stupidity » ce qui signifie en gros : « N’attribuez jamais au calcul ce que la stupidité suffit à expliquer. »

Si ça se trouve, c’est la vraie bonne piste, et plus je regarde Rondot et Gergorin, ou encore Lahoud et Denis Robert, et plus j’y crois : et si tout ça n’était qu’une conjuration des imbéciles ?

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Cohn-Bendit et Tartuffe sont dans un bateau

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Nous apprenons, par Libération, que « Daniel Cohn-Bendit critique la position de Frédéric Mitterrand sur Polanski ». Nous ne relèverons pas la formulation pour la moins ambiguë de la phrase, nous nous contenterons de souligner qu’il y en a tout de même qui ne manquent pas d’air, chose normale me direz-vous pour un écologiste. Mais tout de même, reprocher à Frédéric Mitterrand d’avoir qualifié « d’absolument épouvantable » l’arrestation de Polanski au prétexte que, nous dit notre libéral-libertaire préféré : « C’est une des histoires les plus dures puisque c’est vrai qu’il y a eu viol sur une jeune fille de 13 ans » est quand même extrêmement gonflé. Surtout de la part d’un homme qui, en bon représentant de ce néofascisme de l’idéologie du désir dont parlait le regretté Michel Clouscard, avait, vers 1975, écrit des choses plus que sujettes à caution sur la sexualité des enfants. Cela lui avait été rapproché de manière bien maladroite et inélégante par Bayrou pendant les Européennes. Est-ce à cette occasion que Cohn-Bendit a été contaminé par un virus bien plus redoutable que le H1N1, celui de la balance pour reproduire à son tour, comme les enfants maltraités, ce qu’il a subi ? Ou est-ce parfum d’ordre moral que, allez savoir pourquoi, nombre de Verts trainent dans leur sillage tant ils sont persuadés d’être dans le camp du Bien ?

L’affaire Polanski, un Roman d’aéroport

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Roman Polanski, bientôt devant la justice américaine ?
Roman Polanski, bientôt devant la justice américaine ?

Il y en a un qui a dû bien rigoler sous sa tente lorsqu’un messager lui a transmis la nouvelle de l’arrestation, à Zurich, de Roman Polanski. C’est Mouammar Kadhafi, qui tient toujours la Confédération Helvétique par les parties génitales, en retenant depuis plus d’un an à Tripoli deux de ses citoyens pour obtenir le châtiment des policiers et juges de Genève responsables de l’arrestation – justifiée – de son fils Hannibal. Il ne devrait donc pas se gêner pour poursuivre son jeu du chat libyen avec la souris suisse, dans un contexte où tous les pipoles de la planète tombent à bras raccourcis sur les justices de la Suisse et des Etats-Unis.

D’un pur point de vue de droit, l’arrestation en vue d’extradition de Roman Polanski à l’aéroport de Zurich est parfaitement conforme aux accords judiciaires qui lient Berne et Washington. Le viol sur mineure, crime dont est accusé Roman Polanski, même si les faits sont vieux de trente-deux ans, n’est prescrit ni en droit suisse, ni en droit américain. Comme le cinéaste n’encourt pas la peine de mort, rien ne s’oppose donc à son extradition.

Pas même le fait que, possédant un chalet à Gstaad, Polanski se soit, ces dernières années, rendu à plusieurs reprises en Suisse pour respirer le bon air des montagnes. Ce n’est pas parce que la police et la justice ont été négligentes par le passé que le cinéaste était autorisé à croire qu’elles avaient passé l’éponge.

Aux yeux de la justice américaine, Polanski, plus que d’une pratique sexuelle prohibée par la loi, s’est rendu coupable de felony, cet abus de confiance envers une justice qui vous a cru sur parole. Il a fui à l’étranger alors qu’une ordonnance d’incarcération avait été imposée par un juge à la suite d’un plea bargain, un compromis judiciaire où il reconnaissait les faits en échange d’une incrimination moins grave.

Cela n’a rien à voir avec cette vieille histoire de viol présumé, pour lequel la victime, d’ailleurs, a depuis longtemps sinon pardonné, du moins cessé de demander réparation en échange de compensations financières. Polanski, donc, a une ardoise avec la justice américaine qu’il lui est impossible, selon les lois en vigueur, d’effacer sans comparaître physiquement devant un tribunal californien.

Voilà pour les faits. Mais on ne peut s’empêcher de penser que la justice et le gouvernement helvétiques n’étaient pas mécontents de jouer un mauvais tour à une administration américaine qui n’a cessé, ces derniers mois, de les harceler au sujet de la levée du secret bancaire pour les contribuables des Etats-Unis cherchant à échapper à l’impôt en plaçant leur argent dans les établissements financiers suisses.

Comme la séparation des pouvoirs n’est pas un vain mot outre-Atlantique, il sera impossible au président Obama d’exercer son droit de grâce avant que Polanski n’ait été jugé pour les faits reprochés, qui peuvent lui valoir jusqu’à cinquante ans de prison. Il va faire l’objet de pressions de l’opinion publique internationale sans être en mesure d’influer sur le cours des choses.

La mobilisation en faveur de Polanski est impressionnante : les deux Etats dont il possèdent la nationalité, la Pologne et la France émettent des protestations d’autant plus véhémentes qu’elles n’auront aucune chance d’entraver le processus judiciaire. Hollywood, Saint-Germain des Prés, Prenzlauer Berg et autres sanctuaires urbains de la culture et du bon goût sont au bord de l’insurrection et réclament la libération immédiate de l’auteur du Pianiste.

Dans ce genre de situation, la méthode Kadhafi se révèle plus efficace que la mobilisation des intellectuels et des artistes. On pourrait, par exemple séquestrer Jean-Luc Godard dans le centre de rétention de Roissy, lors de son prochain voyage à Paris, et lui repasser en boucle les inepties maoïstes qu’il a commis jadis. Ou enfermer Roger Federer dans les toilettes de Roland Garros si Polanski est toujours sous clé en mai prochain.

D’ores et déjà, il semble indécent que notre président arbore la Patek Philippe offerte par son épouse. Les seuls combats vraiment perdus sont ceux que l’on n’a pas livrés.

Mieux que Facebook : le réseau social-démocrate

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L’excellent blog French Politics de l’universitaire américain Arthur Goldhammer est bien cruel avec notre Net politique. Certes, on a eu raison, explique-t-il de se gausser des pitreries 2.0 de Ségo, mais la concurrence socialiste ne vaut guère mieux. A titre d’exemple, on nous renvoie vers le tout nouveau site bertranddelanoe.net, qui, il est vrai, ne casse pas des briques, graphiquement parlant. Sauf que là, au moins, le contenu est de très haut niveau. Certes, il y a fort peu d’internautes qui y interviennent, mais quelle classe, quelle lucidité, quel esprit ! Un exemple ? Voilà ce qu’y écrit un certain Baptiste : « Bonjour Bertrand Delanoë. Le message qui suit est un soutien.
 Soutien pour votre action à Paris.
 Soutien pour votre exigence dans tous les dossiers auxquels vous devez faire face. 
Soutien pour votre fidélité, votre loyauté en politique.
 Soutien pour votre intégrité qui est en totale opposition avec nos maires précédents et de nombreux responsables politiques qui empoisonnent nos débats publics. 
Soutien pour votre courage en politique.
 Enfin soutien pour le futur, car aujourd’hui vous êtes le seul qui, rassemblant les qualités précédemment citées, possède l’envergure nécessaire à la construction d’un projet alternatif à la droite pour les échéances électorales de 2012. Ne renoncez pas. Je vous en prie. Nous comptons sur vous.
 Allez jusqu’au bout, Vous n’avez rien à perdre. Rien de rien…» On espère que Bertrand aura le courage de répondre à de telles critiques…

Courant limpide en eaux troubles

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Palais de Justice

Tout monde sait qu’à Paris, la qualité d’un spectacle se mesure au nombre de passe-droits qu’il faut mobiliser pour y accéder ainsi qu’à la densité des célébrités qu’on y croise à l’entracte. Autant dire que l’audition de Dominique Galouzeau de Villepin par le Tribunal chargé d’examiner des plaintes pour usage de faux et dénonciation calomnieuse dans le cadre du feuilleton Clearstream était le must de la saison avant d’avoir commencé. C’était l’endroit où il fallait être mercredi. Et je ne suis pas peu fière, pour une fois, d’y avoir été – ce qui semble indiquer que j’en suis. J’ai croisé des sommités de la politique, du journalisme et du barreau, échangé quelques mots avec quelques-unes d’entre elles, pris un air entendu quand l’un me glissait « Villepin est cuit » et affiché une moue complice quand l’autre me confiait « il sera relaxé ». Et puis, j’ai senti le souffle chaud de l’histoire, humé l’air de la tragédie. Et pas mal rigolé.

Si vous espérez y voir plus clair dans les eaux troubles de ce courant limpide, ne vous attardez pas trop ici. La vérité judiciaire, la seule qui compte en cette enceinte, paraît-il, ne m’a pas été révélée en une après-midi. Je ne saurais trop engager ceux dont la curiosité n’a pas été assouvie par les excellents conseils littéraires de Marc Cohen à se reporter aux articles de mes non moins excellents confrères qui ne sont pas là seulement pour la bagatelle pipoleuse et ont planté leur tente dans la salle d’audience depuis deux semaines (j’ai une petite préférence pour ceux de Stéphane Durand-Souffland dans Le Figaro mais je vous laisse fouiller à la recherche de perles) et pour certains, au Palais depuis 30 ou 40 ans.

On jouait donc à guichets fermés et, la veille de la représentation, les étourdis, retardataires et pipoles de seconde zone (je vous laisse choisir à quelle catégorie j’appartiens, en vrai, aux trois) s’agitaient en tout sens pour obtenir des billets de faveur. Une charmante Nathalie, amie d’amis, œuvrant au cabinet de Jean-Marie Bockel, fit l’essentiel – elle identifia la personne idoine et prépara le terrain. Celle-ci, une fort sympathique Sylvie, chargée de la presse au Tribunal (me semble-t-il), accepta d’inscrire mon nom sur une liste donnant accès au Palais de Justice sans avoir à patienter avec les touristes et le petit peuple (au moins deux heures d’attente à vue d’œil). La Justice est publique, mais parmi nous, certains sont plus publics que d’autres. Pour la salle d’audience, elle ne pouvait rien faire, assaillie de requêtes depuis le mois de juin. Sans compter celles qu’on ne peut pas refuser arrivées dans les deux jours précédents. Quant à moi, il ne me restait qu’à compter sur ma chance et ma tête de fille honnête.

Le Palais de Justice est l’un des endroits les plus romanesques de Paris, même si l’on n’y croise plus, de nos jours, que de pâles ou comiques doubles de Vautrin et Fouché. Arrivée devant « le 2 » (boulevard du Palais), autrement dit, l’entrée des artistes, je tends mon passeport à un gendarme tout-à-fait présentable qui me prête une attention distraite, alors que tourbillonne autour de lui un sympathique échalas. « Laissez-moi passer, je vous dis que je suis prévenu !» C’est trop beau : Denis Robert lui-même, avec sa bonne bouille et un air vaguement égaré. S’ensuit un échange de regards interrogateurs entre les deux gendarmes qui décident de laisser passer ce garçon visiblement inoffensif. Profitant de ces quelques secondes, je m’engage résolument vers le portique et en quelques secondes, je suis dans l’immense salle des pas perdus, devant la 1ère chambre correctionnelle devant laquelle a été érigé un vaste périmètre de sécurité. Les habitués, avocats, journalistes dûment badgés et accrédités, prévenus, parties civiles vont et viennent sous les yeux des porteurs de caméras, micros et perches agglutinés autour des barrières. Apercevant un ami, je fonce vers lui en essayant d’avoir l’air d’avoir quelque chose d’important à faire. Bingo. C’est mon jour.

À l’intérieur, règne encore un aimable bazar. On papote, on arrange sa robe, on répond aux messages. Des chaises ont été rajoutées dans tous les espaces libres. J’aperçois Jean-Michel Apathie, Jean-Pierre Elkabbach, et quelques autres gloires du PAF, celles qui ne se déplacent que pour les événements planétaires (Je me demande où est Alain Duhamel). Edwy Plenel, visiblement enchanté d’être là, ne se mêle pas à la corporation. C’est qu’il est tout à la fois partie civile, c’est-à-dire victime, un rôle qu’il affectionne particulièrement, et grand témoin. La veille, il a pu donner toute sa mesure en donnant à la Cour son avis éclairé – non, pour de vrai, il paraît qu’il a été très bon. Je ne sais pas pourquoi mais je me demande si c’est lui qui a fait porter une rose qui attend madame de Villepin devant la salle d’audience. Finalement, ça m’étonnerait, vu que la rose est emballée dans un papier tricolore.

Peu avant 13h30, on entend soudain la voix de Dominique de Villepin, diffusée par les haut-parleurs installés dans la salle, comme s’il parlait du ciel – ou de l’au-delà. Quelques secondes à peine, puis la voix s’éteint. Pas mal, comme effet spécial. Juste avant l’arrivée de la Cour, on fait entrer une petite dizaine de personnes qui, je suppose, constituent le public. Les vrais gens, quoi.

La lumière ne s’éteint pas, mais ça commence quand même. Devant moi, je peux observer le câne aisément reconnaissable de mon ami Richard Malka, l’un des avocats de Clearstream (le salaud !). Dominique de Villepin entre en scène. « Monsieur le président, Mesdames les juges, Monsieur le juge ». Bon, faut pas croire, c’est pas marrant tout le temps, surtout pour ceux qui, comme moi, ne sont pas familiers de « la réunion du 9 janvier », « de la note du tant » et des formules un peu obscures du général Rondot. Tout de même, c’est marrant, la façon dont ces gens gouvernent. Leurs trucs de conspirateurs, la façon dont ils passent d’une remise de décoration à la gestion des secrets d’Etat. Leur habitude de se fliquer les uns les autres, leurs raisonnements tordus et leur manie de tout écrire. Peut-être qu’ils jouent très bien la comédie mais on a l’impression qu’ils y ont vraiment cru « au réseau de financement occulte qui menaçait la sécurité de l’Etat ». C’est ce que dit Gergorin, et, je suis peut-être naïve mais, là-dessus, je le crois. « Si l’affaire avait été réelle, elle eût été majeure ». Le plus étonnant est bien que d’aussi brillants cerveaux aient pu se faire enfumer par cette histoire de listings occultes. Que d’inavouables arrière-pensées et d’éventuelles manipulations aient ensuite transformé ce pétard mouillé en bombe politique ne nous apprend rien de très nouveau sur la nature humaine.

Il tient tellement le coup, DDV (son petit nom dans les carnets Rondot) que l’échange avec le président est souvent ennuyeux. De plus, on l’entend, mal, le président, au point qu’un confrère lance : « Micro ! ». Il y a tout de même quelques moments cocasses. Quand il explique, par exemple, qu’il a toujours agi en conformité avec les « lignes directrices énoncées par le président de la République sur la moralisation de la vie internationale ». Il rappelle au passage qu’il avait à l’époque, la charge des affaires du monde. Et aussi quand il évoque l’été 2005, moment où ses services lui apprennent que Le Point prépare une « une ». Ceux qui pensent que c’est lui qui a balancé sont évidemment des méchantes langues mal informées. Dommage, le président ne relève pas. Il est aussi question des journalistes dans une note du patron de la DST de l’époque qui a interrogé l’un de ses agents dont le nom figure dans le listing. Dans le courant de la discussion, celui-ci a juré qu’il n’avait jamais eu de contact direct avec « les journalistes recensés comme sources ouvertes par la DST ». Sur les bancs de la presse, on regarde ailleurs.

Mais le moment le plus fort est à venir. Le président fait venir à la barre Jean-Louis Gergorin qui a été cuisiné des heures durant la veille. « Restez là, monsieur de Villepin. » Cela donne, en substance, cet échange surréaliste.
– Le président : Dominique de Villepin dit n’avoir jamais su qui était « la source »
– Gergorin : Je l’en ai informé dès le 9 janvier.
– Le président, à Villepin :  Connaissiez-vous le nom d’Imad Lahoud
– Villepin : Absolument pas.
– Le président à Gergorin: Qui a eu l’idée de contacter un juge ?
– Gergorin : Cette idée a été formulée à voix haute par Dominique de Villepin au cours d’une réunion en avril. Il a ensuite fait, assez solennellement, état d’une instruction du Président.
– Le président, à Villepin : Avez-vous invoqué une instruction présidentielle ?
– Villepin : Pas le moins du monde.

L’un de ces deux hommes ment. Et il a des nerfs d’acier. Chapeau l’artiste. J’ai bien fait de venir.

Tefal contre fœtal !

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Le Réseau Environnement-Santé, qui regroupe des ONG, des médecins et des scientifiques a piqué une grosse colère hier, lors d’une conférence de presse contre un de ustensiles préférés des ménagères. D’après le RES, les poêles anti-adhésives contiennent du PFOA, une substance qui, ajoutée à d’autres composés perfluorés, comme le PFOS (acide perfluorooctane sulfonique) provoquerait notamment une baisse sensible de la qualité du sperme. En conséquence de quoi le Réseau demande qu’on revienne fissa à la bonne vieille poêle en fonte ou en acier. Précision importante: quelles que soient les spécifications techniques de l’ustensile de cuisine choisi, il est recommandé de ne pas faire frire les spermatozoïdes avant usage.

Merci la grippe

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Flickr/Michael Desmarais.
Flickr/Michael Desmarais.
Flickr/Michael Desmarais.

J’ai comme l’impression que vous n’avez pas bien compris ce qu’on vous répète en boucle : avec la grippe AH1N1, on va tous y passer ! Oui, je sais, vous aviez sans doute d’autres projets en vue pour la rentrée (faire redécorer votre pavillon par Valérie Damidot ou vous lancer dans le commerce équitable de fausses Rolex). Malheureusement, il va falloir remettre tout ça à votre prochaine métempsycose, parce que techniquement, ce sera pas possible dans cette vie-là

D’un autre côté, réjouissez-vous : vous partirez avant d’avoir été ruiné par la crise financière. Profitez-en donc pour acheter à crédit des trucs hors de prix : puisque vous ne paierez que deux ou trois mensualités, ce serait vraiment dommage de se priver. En plus, votre prodigalité relancera la croissance, pour d’éventuels rescapés qui n’oublieront pas la grandeur d’âme dont vous aurez fait preuve face à l’adversité. De toute façon, c’est pas maintenant que vous allez ouvrir un Livret A !

Autre avantage substantiel procuré par cette pandémie ravageuse : vous allez pouvoir lever le pied – et le coude surtout ! – en matière alimentaire. Laissez pourrir vos cinq fruits et légumes quotidiens dans le frigo, et reprenez une troisième portion d’apfelstrudel. Côté liquide, et sans vouloir vous inciter à l’alcoolisme, je vous rappelle que l’eau se raréfie et que, de toute façon, les nappes phréatiques sont polluées par des pesticides industriels aux vertus mortifères éprouvées. Le rhum, le Sancerre et la Guinness sont garantis 0 % défoliants, eux. Quant au tabac enfin, c’est vraiment pas le moment d’arrêter puisque, je vous le rappelle, H1N1 vous aura chopé avant que vos poumons soient assez goudronnés pour pouvoir intenter un procès à la Seita.

Mourir idiot : n’est-ce pas là une de nos hantises les plus « prégnantes » – selon le qualificatif cher à ceux qui n’ont généralement rien à dire ? Il y a tant de facettes du réel qui demeurent pour nous autant de virtualités ne demandant qu’à s’accomplir dans l’aujourd’hui de nos vies… En gros : soyez désormais no-limit ! Vivez à tout instant dans une spontanéité, un arbitraire et une démesure nietzschéennes. Si la vertu est dans le juste milieu[1. In medio stat virtus (expression à placer lors d’un dîner en ville).], fuyez-les ; montez le son et foncez ! Bon, au cas où vous seriez bouddhiste, attendez-vous quand même à vous réincarner pendant quelques générations en mollusque sous-marin. Dites-vous néanmoins que, dans cette hypothèse, cela purifiera votre karma devenu aussi chargé que votre foie et votre casier judiciaire…

Paul Gégauff, bientôt de retour

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Il y a au moins une vraie bonne nouvelle dans cette rentrée littéraire. Le 22 octobre, Tous mes amis de Paul Gégauff, un recueil de nouvelles introuvable depuis sa première édition chez Julliard sera réédité dans la collection Les Inclassables des éditions Alphée, collection dirigée par Arnaud Le Guern. Paul Gégauff était un admirable écrivain dégagé, comme il y a des écrivains engagés, qui donna l’essentiel de sa production littéraire, soit quatre romans, dans les années cinquante aux Editions de Minuit ce qui faisait de lui une sorte de Roger Nimier égaré dans le catalogue glacé du Nouveau Roman. Scénariste préféré de Chabrol, il travailla également pour Barbet Shroeder (More) ou René Clément (Plein soleil), et de quelques autres moins glorieux mais il fallait bien manger, se payer des décapotables et sortir de jolies actrices. Gégauff, grand séducteur, fit même plusieurs apparitions comme acteur, notamment dans Une partie de plaisir en 1975.

Paul Gégauff est mort pendant un réveillon arrosé de Noël 1983, en Norvège, poignardé à soixante-et-un ans par sa compagne de vingt-cinq. Il n’était manifestement pas équipé pour traverser les années quatre-vingt, ce qui est tout à son honneur. On ne sera pas sans vous reparler de cet admirable feu follet.

Le mirage Die Linke

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Affiche de campagne de Die Linke : Taxer la richesse !
Affiche de campagne de Die Linke : Taxer la richesse !
Affiche de campagne de Die Linke : Taxer la richesse !

Une véritable jubilation s’est manifestée au sein de la gauche de la gauche française après les résultats des élections législatives allemandes du 27 septembre. De Jean-Luc Mélenchon à Benoît Hamon, on a salué avec enthousiasme le succès relatif du parti Die Linke (La Gauche) qui a obtenu près de 12% des suffrages, contre 8,8% en 2005. A l’exception du NPA de Krivine et Besancenot, qui pointe les contradictions internes de cette formation hétéroclite, tout ceux qui contestent les ouvertures de la direction du PS et de Dany Cohn-Bendit en direction du Modem se sentent confortés dans leur stratégie de rassemblement de la gauche et de l’extrême gauche.

Il n’est pas inutile de leur rappeler que la montée en puissance de Die Linke en Allemagne survient dans un contexte de recul historique de l’ensemble de la gauche (SPD, Verts, Die Linke), qui totalise moins de 46% des suffrages contre 48,5% à la droite (CDU, CSU, FDP). Il faut également noter que les 6% de voix qui se sont portées sur des petites listes sont principalement allées vers des formations de droite ou d’extrême droite, à l’exception de la liste des Pirates (2%) dont le positionnement idéologique est pour le moins flou.

Le « succès » de Die Linke est le résultat d’un vote-sanction contre le SPD d’une fraction de l’électorat social-démocrate qui n’a toujours pas digéré les réformes effectuées par Gerhard Schröder lorsqu’il était chancelier (Agenda 2010) pour restaurer la compétitivité de l’économie allemande en réduisant les prestations sociales (santé et assurance chômage).

Le talent oratoire des deux principaux leaders de Die Linke, l’ex-social démocrate Oskar Lafontaine et l’ex-communiste Gregor Gysi, jamais en reste de rhétorique populiste, a mis en lumière, par contraste, le faible charisme de leurs concurrents du SPD et des Verts. Ces derniers n’ont pas retrouvé de personnalités capables d’enflammer les foules par leur verbe depuis le retrait de la vie politique de Gerhard Schröder et de Joshka Fischer.

Mais ces atouts conjoncturels ne sauraient masquer le caractère hétérogène et fondamentalement instable d’un parti composé de nostalgiques de l’ex-RDA, de syndicalistes ouest-allemands en délicatesse avec un SPD paralysé dans une  » grande coalition » avec la CDU d’Angela Merkel, et d’une nébuleuse de groupements gauchistes et altermondialistes.

D’ores et déjà, des tensions se font jour entre les tenants d’une stratégie visant à faire de Die Linke un parti koalitionfähig (capable de former une coalition au niveau fédéral[1. Die Linke participe au gouvernement du Land de Berlin avec le SPD, et pourrait bientôt entrer dans ceux du Brandebourg et de la Sarre. Mais cette alliance demeure exclue au niveau fédéral par le SPD.], et ceux qui ne sont pas près de sacrifier les grands principes (sortie de l’OTAN, nationalisation de banques) au réalisme pour participer à un gouvernement avec le SPD et les Verts.
La présence, encore massive, dans ses rangs, d’anciens militants et responsables du SED, le Parti communiste est-allemand, le rend vulnérable à des campagnes de diabolisation menées par la droite. Il faut être un grand rêveur, comme Alexandre Adler, pour voir en Gregor Gysi un futur Barack Obama à l’allemande au motif que ses parents ont été, jadis, des membres de l’Orchestre rouge[2. Entendu le 29 septembre, vers 8h30 sur France Culture. L’Orchestre rouge était un réseau d’espionnage antinazi, animé par des antifascistes allemands pour le compte de l’URSS.]. Les Allemands d’aujourd’hui, même s’ils apprécient ses bons mots et son humour dans les talk-shows à la télévision ont une mémoire moins sélective, et se souviennent que son père, Klaus Gysi fut aussi un haut dignitaire du Parti communiste, ambassadeur puis ministre de la culture d’Erich Honecker…

D’autre part, le retour du SPD dans l’opposition, et les changements à la tête du parti qui vont intervenir dans les prochains jours (à la différence de ce qui se passe en France avec le PS, on ne garde pas une équipe qui perd) devraient lui permettre de renouer le contact perdu avec sa clientèle traditionnelle des ouvriers et des classes moyennes.

Il lui reste, et c’est la où le bât blesse, à élaborer une stratégie d’alliances pour revenir au pouvoir dans un contexte globalement défavorable à la social-démocratie à l’échelle européenne.
La droitisation du gouvernement fédéral va, bien sûr, lui donner du grain à moudre sur des thèmes où il se retrouvera côte à côte avec Die Linke et les Verts : l’opposition aux centrales nucléaires, à la participation de la Bundeswehr aux opérations en Afghanistan, les atteintes aux acquis sociaux.
S’il jette par dessus bord l’héritage réaliste (certains diront social-libéral) de Gerhard Schröder, le SPD risque de s’aliéner une partie des nouvelles classes moyennes urbaines pour se replier sur ses bastions traditionnels de la vieille industrie en déclin.
S’il y reste attaché, en l’adaptant au contexte de cette après-crise pour lequel l’Allemagne semble mieux placée que ses principaux voisins européens, il va se trouver en difficulté avec ses alliés potentiels à gauche.

Comme il ne faut pas trop compter sur des erreurs politiques majeures d’une Angela Merkel à la prudence proverbiale pour pallier ces handicaps, la gauche allemande de gouvernement n’est pas dans une position plus favorable que son homologue française.

Union sacrée antifashioniste

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L’Angleterre, connue pour son laxisme vis-à-vis des tendances les plus radicales de l’Islam, n’est néanmoins pas un pays où on peut faire subir tout et n’importe quoi aux femmes. Ainsi le gouvernement de sa Gracieuse Majesté s’apprête à légiférer, avec le soutien des syndicats, pour interdire sur les lieux de travail un accessoire vestimentaire rétrograde et attentatoire à la dignité des salariées. En conséquence de quoi, on ne va pas interdire la burqa, faut pas rêver, mais les escarpins à talons hauts, accusés de provoquer ampoules, durillons et lumbagos…

Mon Clearstream à moi

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mamet

On gagne beaucoup de temps mettant à profit ses heures de travail pour ouvrir un roman, un bon, s’entend. Essayez, vous verrez. Plutôt que de suivre H24, le nez collé sur l’écran plat, les rebondissements du procès Clearstream, plongez-vous dans La Compagnie de Robert Littell ou dans La quatrième Durango de Ross Thomas.

On peut même, à condition d’avoir un collègue qui badge en votre lieu et place avec dextérité, sécher le bureau de temps à autre et aller voir dans les salles d’art et essai quelques bons vieux films, américains eux aussi, cela va de soi. Par exemple Sens unique de Roger Donaldson ou La Prisonnière espagnole de David Mamet

Toutes ces œuvres, qui n’ont a priori pas grand chose en commun – à part d’être plus crédibles qu’un listing d’Imad Lahoud et méchamment mieux troussées qu’un roman de Denis Robert –, nous disent tout ce qu’il faut savoir sur l’affaire Clearstram.

Vous n’y verrez bien sûr rien sur les secrets de la banque luxembourgeoise ou sur le tripatouillage intéressé de son fichier clients. En revanche, vous y découvrirez des superbes mécaniques d’intoxication, de désinformation, de déstabilisation, toutes assises, dès leur conception, sur une manip visant à faire passer la cible d’un complot pour l’instigateur de celui-ci. En refermant l’un de ces livres, ou après avoir vu un de ces films, vous aurez au moins compris qu’il est parfaitement vain de savoir qui de Villepin ou de Sarkozy est le faux coupable et qui la fausse victime, à moins d’avoir des opinions arrêtées sur la problématique de l’œuf et de la poule.

Une fois qu’on suppute tout ça, l’amertume, plus que l’aventure, est au coin de la rue. Mais c’est pas grave. Au moins, vous saurez que vous ne saurez rien. Socrate l’a dit il y a 2500 ans, et à ma connaissance, c’est toujours d’actu. Car le pire client, pour ceux qui font la politique aujourd’hui, c’est celui qui sait qu’on lui raconte des histoires. Et donc écoute d’une oreille parfois attentive, parfois distraite mais toujours en n’en pensant pas moins, bref celui qui peut rêver de lendemains qui chantent sans pour autant croire au Père Noël (cette dernière allusion n’est pas tout à fait gratuite : Santa Claus a été inventé par des communicants, ceux de Coca-Cola en l’espèce).

Maintenant que j’ai clairement exposé qu’à mon humble avis, on ne saura jamais qui de DDV ou de NS qui a cherché en premier à niquer l’autre, on pourrait croire l’affaire purgée. Erreur. Reste une ultime hypothèse. Et si nos Machiavel’s Twins postnéogaullistes étaient tous deux innocents ?

Là, ce n’est pas vers la littérature ou le cinéma qu’il faut se tourner, pour entrevoir une solution viable mais vers l’exquise contre-culture corporate (là encore , elle est souvent d’origine US, mais je n’y peux rien si ça me parle plus que Derrida ou Bourdieu). Contre-culture qui nous a donné des petits bijoux tels la loi de Murphy (la tartine tombe toujours sur la face beurrée) ; la loi de Barton (en connectant une prise USB sur le port ad hoc, on est certain de la brancher du mauvais côté), ou encore la fabuleuse loi de Hofstadter sur les délais, process et autres rétroplannings qui stipule : « Ça prend toujours plus de temps qu’on croit, même en prenant en compte la loi de Hofstadter. » Rien de tout cela ne concerne directement Clearstream (quoique, mais bon…).

En revanche, on est en plein dedans avec un autre théorème issu de la vie de bureau : le Rasoir d’Hanlon,. C’est une plaisante dérivation d’un incontournable de la philo médiévale, le fameux « rasoir d’Ockham » : en VO « Entia non sunt multiplicanda prater necessitatem », en VF simplifiée : « Entre deux hypothèses valables, choisissez la plus simple. » Or pour Hanlon, la bêtise humaine est universellement la solution la plus simple à bien des équations réputées insolubles.

La loi du rasoir d’Hanlon s’énonce ainsi : « Never attribute to malice that which can be adequately explained by stupidity » ce qui signifie en gros : « N’attribuez jamais au calcul ce que la stupidité suffit à expliquer. »

Si ça se trouve, c’est la vraie bonne piste, et plus je regarde Rondot et Gergorin, ou encore Lahoud et Denis Robert, et plus j’y crois : et si tout ça n’était qu’une conjuration des imbéciles ?

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Cohn-Bendit et Tartuffe sont dans un bateau

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Nous apprenons, par Libération, que « Daniel Cohn-Bendit critique la position de Frédéric Mitterrand sur Polanski ». Nous ne relèverons pas la formulation pour la moins ambiguë de la phrase, nous nous contenterons de souligner qu’il y en a tout de même qui ne manquent pas d’air, chose normale me direz-vous pour un écologiste. Mais tout de même, reprocher à Frédéric Mitterrand d’avoir qualifié « d’absolument épouvantable » l’arrestation de Polanski au prétexte que, nous dit notre libéral-libertaire préféré : « C’est une des histoires les plus dures puisque c’est vrai qu’il y a eu viol sur une jeune fille de 13 ans » est quand même extrêmement gonflé. Surtout de la part d’un homme qui, en bon représentant de ce néofascisme de l’idéologie du désir dont parlait le regretté Michel Clouscard, avait, vers 1975, écrit des choses plus que sujettes à caution sur la sexualité des enfants. Cela lui avait été rapproché de manière bien maladroite et inélégante par Bayrou pendant les Européennes. Est-ce à cette occasion que Cohn-Bendit a été contaminé par un virus bien plus redoutable que le H1N1, celui de la balance pour reproduire à son tour, comme les enfants maltraités, ce qu’il a subi ? Ou est-ce parfum d’ordre moral que, allez savoir pourquoi, nombre de Verts trainent dans leur sillage tant ils sont persuadés d’être dans le camp du Bien ?

L’affaire Polanski, un Roman d’aéroport

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Roman Polanski, bientôt devant la justice américaine ?
Roman Polanski, bientôt devant la justice américaine ?
Roman Polanski, bientôt devant la justice américaine ?

Il y en a un qui a dû bien rigoler sous sa tente lorsqu’un messager lui a transmis la nouvelle de l’arrestation, à Zurich, de Roman Polanski. C’est Mouammar Kadhafi, qui tient toujours la Confédération Helvétique par les parties génitales, en retenant depuis plus d’un an à Tripoli deux de ses citoyens pour obtenir le châtiment des policiers et juges de Genève responsables de l’arrestation – justifiée – de son fils Hannibal. Il ne devrait donc pas se gêner pour poursuivre son jeu du chat libyen avec la souris suisse, dans un contexte où tous les pipoles de la planète tombent à bras raccourcis sur les justices de la Suisse et des Etats-Unis.

D’un pur point de vue de droit, l’arrestation en vue d’extradition de Roman Polanski à l’aéroport de Zurich est parfaitement conforme aux accords judiciaires qui lient Berne et Washington. Le viol sur mineure, crime dont est accusé Roman Polanski, même si les faits sont vieux de trente-deux ans, n’est prescrit ni en droit suisse, ni en droit américain. Comme le cinéaste n’encourt pas la peine de mort, rien ne s’oppose donc à son extradition.

Pas même le fait que, possédant un chalet à Gstaad, Polanski se soit, ces dernières années, rendu à plusieurs reprises en Suisse pour respirer le bon air des montagnes. Ce n’est pas parce que la police et la justice ont été négligentes par le passé que le cinéaste était autorisé à croire qu’elles avaient passé l’éponge.

Aux yeux de la justice américaine, Polanski, plus que d’une pratique sexuelle prohibée par la loi, s’est rendu coupable de felony, cet abus de confiance envers une justice qui vous a cru sur parole. Il a fui à l’étranger alors qu’une ordonnance d’incarcération avait été imposée par un juge à la suite d’un plea bargain, un compromis judiciaire où il reconnaissait les faits en échange d’une incrimination moins grave.

Cela n’a rien à voir avec cette vieille histoire de viol présumé, pour lequel la victime, d’ailleurs, a depuis longtemps sinon pardonné, du moins cessé de demander réparation en échange de compensations financières. Polanski, donc, a une ardoise avec la justice américaine qu’il lui est impossible, selon les lois en vigueur, d’effacer sans comparaître physiquement devant un tribunal californien.

Voilà pour les faits. Mais on ne peut s’empêcher de penser que la justice et le gouvernement helvétiques n’étaient pas mécontents de jouer un mauvais tour à une administration américaine qui n’a cessé, ces derniers mois, de les harceler au sujet de la levée du secret bancaire pour les contribuables des Etats-Unis cherchant à échapper à l’impôt en plaçant leur argent dans les établissements financiers suisses.

Comme la séparation des pouvoirs n’est pas un vain mot outre-Atlantique, il sera impossible au président Obama d’exercer son droit de grâce avant que Polanski n’ait été jugé pour les faits reprochés, qui peuvent lui valoir jusqu’à cinquante ans de prison. Il va faire l’objet de pressions de l’opinion publique internationale sans être en mesure d’influer sur le cours des choses.

La mobilisation en faveur de Polanski est impressionnante : les deux Etats dont il possèdent la nationalité, la Pologne et la France émettent des protestations d’autant plus véhémentes qu’elles n’auront aucune chance d’entraver le processus judiciaire. Hollywood, Saint-Germain des Prés, Prenzlauer Berg et autres sanctuaires urbains de la culture et du bon goût sont au bord de l’insurrection et réclament la libération immédiate de l’auteur du Pianiste.

Dans ce genre de situation, la méthode Kadhafi se révèle plus efficace que la mobilisation des intellectuels et des artistes. On pourrait, par exemple séquestrer Jean-Luc Godard dans le centre de rétention de Roissy, lors de son prochain voyage à Paris, et lui repasser en boucle les inepties maoïstes qu’il a commis jadis. Ou enfermer Roger Federer dans les toilettes de Roland Garros si Polanski est toujours sous clé en mai prochain.

D’ores et déjà, il semble indécent que notre président arbore la Patek Philippe offerte par son épouse. Les seuls combats vraiment perdus sont ceux que l’on n’a pas livrés.

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Mieux que Facebook : le réseau social-démocrate

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L’excellent blog French Politics de l’universitaire américain Arthur Goldhammer est bien cruel avec notre Net politique. Certes, on a eu raison, explique-t-il de se gausser des pitreries 2.0 de Ségo, mais la concurrence socialiste ne vaut guère mieux. A titre d’exemple, on nous renvoie vers le tout nouveau site bertranddelanoe.net, qui, il est vrai, ne casse pas des briques, graphiquement parlant. Sauf que là, au moins, le contenu est de très haut niveau. Certes, il y a fort peu d’internautes qui y interviennent, mais quelle classe, quelle lucidité, quel esprit ! Un exemple ? Voilà ce qu’y écrit un certain Baptiste : « Bonjour Bertrand Delanoë. Le message qui suit est un soutien.
 Soutien pour votre action à Paris.
 Soutien pour votre exigence dans tous les dossiers auxquels vous devez faire face. 
Soutien pour votre fidélité, votre loyauté en politique.
 Soutien pour votre intégrité qui est en totale opposition avec nos maires précédents et de nombreux responsables politiques qui empoisonnent nos débats publics. 
Soutien pour votre courage en politique.
 Enfin soutien pour le futur, car aujourd’hui vous êtes le seul qui, rassemblant les qualités précédemment citées, possède l’envergure nécessaire à la construction d’un projet alternatif à la droite pour les échéances électorales de 2012. Ne renoncez pas. Je vous en prie. Nous comptons sur vous.
 Allez jusqu’au bout, Vous n’avez rien à perdre. Rien de rien…» On espère que Bertrand aura le courage de répondre à de telles critiques…