Ma droite, c’est celle qui s’active en bas de chez moi, dans les vallées de cette Haute-Savoie que les commentateurs des dimanches soirs d’élections s’obstinent à confondre avec la Savoie géographiquement voisine, mais politiquement plus équilibrée. La Haute-Savoie est solidement ancrée à droite depuis plus d’un demi-siècle, après que les notables rad-socs de la IIIe République se furent déconsidérés par leurs compromissions avec Vichy.[access capability= »lire_inedits »]
Depuis, deux électeurs haut-savoyards sur trois lui apportent leurs suffrages, et les cinq députés et trois sénateurs du département sont soit UMP, soit − pour un seul d’entre eux − Nouveau Centre.
Cette situation ne se traduit pas pour autant par une ambiance délicieusement bisounours au sein de la droite locale, bien au contraire. Les ambitions personnelles sont d’autant plus aiguisées que l’adversaire politique ne risque pas de venir mettre tout le monde d’accord en raflant un mandat, petit ou grand…
Alors, ça flingue à chaque virage des petites routes de montagnes, et Dieu sait s’ils sont nombreux. Aujourd’hui, la droite départementale a un patron : c’est Bernard Accoyer, député d’Annecy-le-Vieux et président de l’Assemblée nationale. Ancien médecin oto-rhino-laryngologiste, ce considérable personnage essaie de mener sa boutique politique locale avec la bonhomie et l’esprit de tolérance dont il fait preuve au « perchoir » du Palais-Bourbon.
Mais, depuis quelques années, quelques jeunes blanc-becs, comme le député-maire de Bonneville, Martial Saddier, 42 ans mais déjà deux mandats de député au compteur, affûtent la chaîne de leur tronçonneuse pour dézinguer ce brave « Accoye » (prononcer accoille) et devenir les parrains politiques du département du Mont-Blanc. Les déboires nationaux de l’UMP et de Nicolas Sarkozy n’ont rien qui puisse trop chagriner les Iznogoud d’altitude. À supposer que Sarko se ramasse une gamelle en 2012, Accoyer se retrouverait député de base et Saddier et ses sbires seraient en bonne position pour le débarquer. Le score calamiteux de l’UMP aux régionales de 2010 avait déjà incité Martial le bien-nommé à déclencher les hostilités par un communiqué de presse faisant porter le chapeau de cette débâcle au président de l’Assemblée nationale. Accoyer, qui est en fait un faux brave, avait répliqué en torpillant depuis Paris les projets de Saddier visant à intégrer à sa communauté de communes de Bonneville quelques municipalités bien dotées, mais fort peu désireuses de passer sous l’autorité d’un ambitieux forcené doublé d’un mégalo redoutable. J’exagère ? La page d’accueil de son site internet le présente comme « député du Mont-Blanc et du décolletage ». Comme si le plus haut sommet d’Europe avait voté Saddier et que celui-ci représentait à lui seul la puissante industrie micromécanique de la vallée de l’Arve !
Sociologiquement, la droite haut-savoyarde s’appuie non plus, comme jadis, sur un monde agricole d’orientation démocrate-chrétienne : les paysans producteurs de reblochon sont devenus ultra-minoritaires par rapport aux gens vivant de l’industrie, du tourisme, des services et de la proximité du marché du travail suisse. Cette droite des PME, des commerçants, des professions libérales n’en peut plus de la proximité de Sarkozy avec les patrons du CAC 40 et la bande du Fouquet’s. Car ce sont ces messieurs des multinationales qui tordent le bras (et je suis poli) aux PME locales pour qu’elles délocalisent vers des paysages moins somptueux mais plus attractifs en matière de salaires.
Les plus grincheux de ces petits patrons retournent chez Le Pen, entraînant avec eux un personnel pour qui la lutte des classes ne se déroule pas dans l’atelier, mais avec l’atelier, son patron, ses cadres et ses ouvriers contre les tours de La Défense…
Ma droite est malade, et ma gauche, hélas, déserte le terrain pour le céder à des écolos qui veulent du loup partout et des moutons nulle part. Mais à part ça, tout va bien, et l’herbe ne va pas cesser de pousser pour si peu.[/access]
Sauvons la liberté d’expression et le rap français en prime. Tel était l’enjeu de la bataille d’Hernani qui a agité le landernau ces dernières semaines. D’un côté, Pierre Bellanger, fondateur de Skyrock, retranché dans son bureau et refusant de quitter son poste de PDG en dépit de la demande de ses actionnaires. Face à lui, le vilain fonds d’investissement opéré par Axa (Axa Private Equities). Sur les conseils de ses cost-killers – effrayés par le coût de fonctionnement non pas de la radio, mais de son boss, 620.000 euros annuels selon La Tribune –, l’actionnaire de référence avait décidé qu’on pouvait faire aussi bien pour moins cher.
Quand je dis « bien », c’est une façon de parler, il suffit d’écouter cinq minutes Skyrock pour voir de quoi il retourne : le pire mélange qu’on puisse imaginer entre une musique hyperformatée (gangsta rap de CM2 pour les mecs, bluettes R n’B gluantes pour les filles) et entre deux morceaux, un flot continu de bite-couilles-cul-chatte déversés à l’antenne, tant par les animateurs que par les auditeurs qui y partagent H24 le fond de leur pensée.
Ce qui est sidérant, ce n’est pas le business-thriller façon repas des grands fauves dans National Geographic que nous sert l’assureur star du Cac 40 : il s’en produit tous les jours à l’ombre des back-offices, mais dans des secteurs aussi inintéressants pour l’avenir du pays, donc pour les médias, que l’agro-alimentaire, l’ingénierie nucléaire ou les semi-conducteurs. Cela dit, il est rare qu’un PDG se barricade dans son bureau sous la protection d’une escouade de rappeurs à cran. Mais on reste surtout scotché d’avoir vu en quelques jours toute la classe politique française se mobiliser pour clamer son amour du rap, de la radio, des jeunes et de la liberté d’expression, en un chœur unanime comme on n’en avait plus vu depuis les obsèques de Victor Hugo ou d’Annie Girardot.
Pas besoin de faire un dessin, Skyrock c’est la radio des 12-25, dont la moitié sont des 17-25 en âge de voter en 2012: la proximité de la présidentielle et la perspective d’une OPA sur les voix djeuns ont obligé les responsables politiques à écouter des trucs qui d’ordinaire ne tournent pas en boucle sur leurs iPods. J’imagine avec délice les nuits blanches des chargés de mission, qui ont dû rédiger en toute hâte des fiches détaillées sur la Fouine, Booba, Rohff ou encore sur le groupe à succès répondant au doux nom de Sexion d’assaut.
François Hollande (qui est aussi allé traîner sa taille de guêpe au Printemps de Bourges) a été le premier à se montrer « solidaire. » Jack Lang, vexé, a surenchéri aussitôt, suivi de très près par Benoît Hamon (qui lui, je le sais, aime vraiment le rap. Cela dit, moi aussi j’aime le rap, et c’est bien pour ça que je n’écoute jamais Skyrock : la daube pour boutonneux et boutonneuses qu’on y diffuse à jet continu risquerait de m’en dégoûter à vie). Cela dit il y a de fortes chances pour que je sois un sale menteur puisque Hollande a expliqué sur place : « Je ne suis pas là pour faire de la politique sur le dos de Skyrock. » Ni lui, ni Laurent Wauquiez, ni Rama Yade, ni Benjamin Lancar, le neuneu des Jeunes Pop, ni Xavier Bertrand, qui a déclaré à l’antenne, en direct sur l’émission Planète Rap « Skyrock sans Pierre, c’est plus Skyrock ! ». Mais bon c’est normal que le ministre du Travail se démène pour sauver un emploi menacé par une multinationale du CAC.
Qui donc avait fait entrer Axa dans le capital ?
Bellanger, ci-devant héraut de la radio vraiment libre (durant un ou deux ans) après que la droite avait bridé pendant des décennies la bande FM, a historiquement des amis à gauche. Qu’il a su remobiliser sans peine, grâce au dirigeant socialiste Malek Boutih, qui se trouve aussi être le chargé des relations publiques de la radio[1. Ce qui en soi n’a rien de répréhensible, tout le monde a le droit de travailler. Le vrai truc choquant, c’est que si le Parti Socialiste était ce qu’il dit, Malek devrait être déjà député depuis au moins deux législatures…]. Mais comme la plupart des grands patrons, Bellanger a su répartir ses œufs entre divers paniers, et pas seulement celui de son pote Xavier. Skyrock a ainsi passé des contrats depuis 2010 avec le SIG (Secrétariat d’information du gouvernement) pour consulter les jeunes sur diverses politiques publiques et faire la promotion de celles-ci. Ça crée des liens…
De toute façon, même sans ses réseaux, même sans amis politiques à droite et à gauche, son Fort-Chabrol avait tout pour plaire aux masses : le génie de Bellanger est d’avoir su donner à son cas particulier le bruit et l’odeur de l’intérêt général. Jeunes contre vieux, issus de contre de souche, et bien sûr petit contre gros, cette dernière mise en scène étant la plus obscène de toutes.
Oui, le capitalisme c’est brutal. Oui, quand on signe avec Axa Private Equity une entrée au capital valorisée à 80 millions en 2006 puis 100 millions en 2008, il ne faut pas s’attendre à trop de compassion quand les résultats ne sont pas assez bons. Oui ; Bellanger est puni par là où il à péché[2. Misère ! A force d’écouter Skyrock pour écrire ce papier, j’ai failli écrire « par là où il a pécho.»]. Au fil des années, le patron de Skyrock a toujours été le promoteur d’une déréglementation tous azimuts de la FM (ouverture du capital, volume de publicité, puissance des émetteurs, attribution des fréquences…) Il est assez cocasse de le voir jouer l’agneau pascal après 30 ans passés à faire entrer tous les loups de passage dans la bergerie.
Mais comme dans les meilleurs sitcoms, le gentil sera finalement sauvé in extremis. Bellanger va rester en place puisqu’il a trouvé un accord avec une banque, le Crédit Agricole, pour racheter les parts de son méchant actionnaire. Le directeur général du Crédit Agricole, Jean-Paul Chifflet, s’est empressé d’annoncer la nouvelle en direct aux auditeurs de Skyrock, ce mercredi, à 17 heures. Une annonce ovationnée par les animateurs et auditeurs. « Je vais changer de banque et tout mettre au Crédit Agricole », a expliqué l’animateur Fred à l’antenne.
Tout ça pour ça, donc. Pas fichue de se bouger le cul pour les Tunisiens et les Egyptiens quand ceux-ci nous appelaient au secours, même pas cap aujourd’hui d’organiser une manif de plus de mille pèlerins pour soutenir les Libyens ou les Syriens, notre belle jeunesse de France aura su se mobiliser en masse pour qu’un poids lourd de la bancassurance puisse évincer d’un secteur-clé un de ses concurrents –et rafler au passage un des trésors de guerre de la maison : le fichier très détaillé (adresse mail, âge, sexe, code postal) de millions de titulaires de skyblogs[3. Officiellement rebaptisés « Skyrock blogs » depuis 3 ans, mais tout le monde persiste à les appeler comme ça]. Depuis pas mal de temps déjà, le Crédit Agricole se revendique avec insistance dans sa com’ comme «la première banque des jeunes avec 28 % du marché», chacun aura donc compris que s’il a volé au secours de Bellanger, c’est uniquement pour soutenir la liberté d’expression, et son corollaire naturel, le sous-rap de merde français. Sans oublier le droit inaliénable des ados à déverser sur les ondes leurs intéressantes pensées pipi-caca-popo – où se mêle parfois, cependant, un peu de sexe, genre : « Ma meuf veut pas m’ sucer, j’fais quoi ? »
Je sais, on m’accusera encore de voir le mal partout. Je dois être trop vieux. Le rebelle acnéique lui, n’y verra pas de problème. Normal, il est le problème.
Le régime syrien ne manque ni de ressources ni d’imagination. En plus de la répression brutale, le gouvernement n’oublie pas de proposer un storytelling touchant : la contestation n’est qu’un complot étranger manipulant certains Syriens honnêtes mais naïfs. L’agence de presse officielle Sanna ne cesse de parler des bandes armées qui sèment la terreur mais restait jusqu’alors assez vague quand il s’agissait de détails. Désormais, les autorités syriennes commencent à expliciter leur conte de fées : tenez-vous bien, derrière les manifestations et le bain de sang en Syrie se trouve… le Liban !
Pour être exact, il ne s’agit pas de tous les Libanais – il ne faut pas généraliser ni stigmatiser. Le coupable désigné de plus en plus ouvertement depuis quelques jours est « Le courant du futur », le parti politique de Saad Hariri. A Damas on est trop intelligent pour désigner directement M. Hariri qui est toujours, rappelons-le, Premier ministre par intérim. Les accusations syriennes visent plutôt l’un de députés de la majorité sortante, Jamal Jarrah.
Cela a commencé il y a une quinzaine de jours quand la télévision syrienne a diffusé des interviews de deux individus qui auraient avoué avoir transporté en Syrie, à la demande de M. Jaarah, de l’argent et des armes pour ce que les autorités syriennes appellent « les insurgés ». Puis, l’ambassadeur de la Syrie a Beyrouth a lui-même réitéré ces accusations contre le député libanais.
Les autorités syriennes se sont dites « prêtes à fournir à leurs homologues libanais les preuves, les données, ainsi que les témoignages et enregistrements si le parlement libanais lève l’immunité du député cité et si ce dernier est traduit devant le tribunal compétent ». Et quelques jours plus tard le Hezbollah a demandé – je vous le dis car vous n’arriverez jamais à le deviner seul – que Jarrah soit traduit devant la justice pour « violation du traité de fraternité et coopération entre la Syrie et le Liban ».
Assad essaie donc de faire d’une pierre deux coups, trouver un bouc émissaire et régler ses comptes au Liban car M. Jarrah est l’un de ceux qui ont toujours soutenu le travail du tribunal international sur l’assassinat de Rafiq Hariri et un fervent opposant de la Syrie et son principal allié local, le Hezbollah.
Le président syrien espère donc débloquer la crise politique libanaise, affaiblir le camp du 14 mars et mettre un bâton de plus dans les roues de l’enquête internationale sur l’assassinat de Hariri père. La visite urgente et intrigante avant-hier de Walid Joumblatt, le leader druze, à Damas devrait être comprise dans ce contexte-là : pour réussir son coup, Assad a besoin de Joumblatt pour mettre toutes les chances de son côté.
Entretemps, le ministre des Affaires étrangères du Liban – membre non permanent du Conseil de sécurité – a demandé à son ambassadeur à l’ONU de ne pas soutenir le projet de condamnation de la Syrie… Fini le hommous, le moujadara, le taboulé ou la chawarma : le nouveau plat national libanais est sans aucun doute la salade de couleuvres…
image : capture d'écran Canal+ par Manuel Abramowitcz
Le temps s’est arrêté à Paris. Nous sommes au soir du premier tour des cantonales. J’ai l’impression que je viens de rêver les dix années écoulées – et ça ne me rajeunit même pas. Nous sommes en 2002, dans l’insupportable suspense de l’entre-deux tours. « Tragédie », « Front républicain », « danger », « barrage ». « Leurs valeurs et les nôtres ». Les mêmes mots des grands jours, les mêmes visages graves, à peine vieillis. Les mêmes sermons. Le même mépris pour les 20 % d’imbéciles ou de salauds qui ont voté pour un parti antirépublicain que la République, on se demande bien pourquoi, tolère en son sein – et qui menace d’obtenir un ou deux élus sur l’ensemble des conseils généraux de France, c’est dire si l’heure est grave.[access capability= »lire_inedits »]
Le lyrisme gentillet de la résistance par temps de paix se conjugue au refus obstiné de s’interroger sur ce que ces Français pas comme les autres ont dans le ventre. Politiques et éditorialistes se relaient pour condamner, dénoncer, accuser ces électeurs moisis, imperméables aux joies de l’échange et aux richesses de l’altérité. Nul ne semble sensible à la contradiction interne d’un discours qui adore la transgression mais déteste ceux qui votent en dehors des clous et célèbre la différence mais voue aux gémonies ceux qui ont le front de voir les choses différemment. « Des gros cons », décrètera quelques jours plus tard une humoriste de service public, tout étonnée que les intéressés lui retournent le compliment. Face au « parti de la haine », la haine est un devoir sacré. Interrogeant Fabien Engelmann, le délégué CGT passé du NPA au FN, Pascale Clark se garde bien de chercher à percer l’énigme de ce parcours. L’auditeur aura seulement appris que sa réprobation morale à elle était inébranlable – et, s’il a pris la peine de tendre l’oreille, que le gars était bien élevé et sympathique.
En 2002, après l’élection de Jacques Chirac par près de 80 % des électeurs, les organisateurs des festivités antifascistes semblaient vaguement penauds, comme au lendemain d’une soirée arrosée où on a dit beaucoup de bêtises. Dégrisés, ils n’étaient plus très sûrs de ne pas avoir combattu un danger imaginaire. Il leur fallait bien admettre que Jean-Marie Le Pen ne s’était, ni de près ni de loin, approché du pouvoir. L’autocritique avait succédé au festival des certitudes. La gauche reconnaissait qu’elle avait « perdu le peuple » et jurait qu’on ne l’y reprendrait plus. La diabolisation, le cordon sanitaire et toutes ces merveilleuses inventions qui avaient amené le FN à 20 %, c’était du passé. Cette fois, on avait compris qu’il fallait comprendre.
Promesses d’ivrognes. On dirait que dans le phénomène Le Pen, quelque chose empêche de penser comme si toute tentative de dépasser la seule indignation était le début d’une pente glissante menant à la complaisance puis au ralliement. Tels les trois petits singes de la tradition orientale, nous nous faisons une gloire de ne rien entendre, de ne rien voir et de ne rien (leur) dire[1. Après tout, moi aussi je recycle : j’avais déjà utilisé cette image en 2002…].
En écrivant ces lignes, un autre danger me saute à la figure, celui d’opposer une surdité à une autre surdité, de répondre à l’autisme par l’autisme. Si le seul nom de Le Pen suscite chez tant de gens sincères et intelligents un effroi viscéral, il doit y avoir des raisons, peut-être même des bonnes. Il est tout aussi absurde de réduire cet effroi à une posture ou à une faiblesse d’esprit que de rejeter dans les ténèbres des heures les plus noires tous ceux qui, comme ma modeste personne, pensent que la progression électorale du Front ne traduit pas un refus, mais un désir frustré de République – que les électeurs se fourrent ou non le doigt dans l’œil est une autre affaire.
Si on croit que les « gags pétomanes » du « Vieux » sur les chambres à gaz, les Juifs et les Arabes traduisent ses convictions profondes, son succès a de quoi effrayer. J’ai pour ma part l’intuition que cette fuite en avant dans la provocation révèle plutôt un goût illimité pour le franchissement des limites. De plus, il est sans doute plus excitant d’être l’unique Malin que l’un des innombrables et interchangeables serviteurs d’un Dieu contesté. On m’a dit que même en privé, Jean-Marie Le Pen était affecté d’une obsession juive. Possible. Est-ce la marque d’une haine venue de la nuit nazie ? Pas sûr. Le Pen est attaché à un monde des peuples et il redoute de voir le sien disparaître. Alors, peut-être nourrit-il une admiration envieuse pour « ce peuple-là » et son acharnement à survivre sans cadre juridique commun ni consensus minimal sur le sens de l’appartenance. Ce ne serait pas mieux, me dira-t-on. Peut-être, mais ce serait différent.
De toute façon, nous n’en savons rien, ni les uns ni les autres. Du reste, l’essentiel n’est pas de savoir si Jean-Marie Le Pen est le raciste et l’antisémite que l’on croit mais si ses électeurs et plus encore ceux de sa fille les suivent à cause de ce point de détail ou malgré lui.
Quoi qu’il en soit, nous n’avons pas le choix. Au choc des autismes, il existe un seul remède, celui des arguments. Parce qu’ils ont nécessairement partie liée avec le réel. Evitons autant la résistance pascaleclarkiste que le contrepied marinolepéniste. Ce sera à notre ni-ni à nous.
Admettons que l’erreur n’est pas une faute morale et reprenons notre querelle. Le FN a-t-il changé avec le passage de témoin du père à la fille ? Je le crois, même si le « tournant » de celle-ci est en partie tactique. En politique, les discours obligent. Et si on me parle de sa rhétorique de la haine, qu’on me cite des phrases précises. Je ne l’entends pas faire de distinction entre les Français selon leur origine ou leur religion, mais demander à tous d’adhérer à la règle du jeu. Je n’aime pas, pour ma part, sa France de la Corrèze plutôt que du Zambèze et encore moins sa conception de la préférence nationale. Que certains droits soient réservés aux nationaux, c’est l’évidence même. Mais je détesterais que ma qualité de ressortissante me donne la priorité en matière d’emploi et de logement. Dans la vraie vie, les étrangers installés légalement en France doivent avoir les droits de tous. Ce qui m’importe c’est qu’ils acceptent les mêmes devoirs. Cela fait peut-être d’excellentes raisons de ne pas voter pour le FN, pas de l’exclure de la République.
Les inquiétudes de ses électeurs sont-elles dépourvues de tout fondement ? Puisque la peur du chômage et du déclassement sont unanimement tenues pour raisonnables, ce sont évidemment les peurs « identitaires » qui sont en cause : celles qui ont à voir avec l’immigration, l’insécurité, notre capacité à intégrer les différences culturelles sans perdre notre culture et celle de l’islam à s’adapter aux usages forgés par notre histoire. Peut-on sérieusement prétendre que la machine à fabriquer des Français marche aussi bien avec les immigrants venus d’Afrique ou du Maghreb qu’avec des Portugais ou des Chinois ? Par définition, seuls les problèmes se voient. Mais les problèmes existent. Il parait que ces sujets sont trop sensibles. Trop sensibles pour quoi, pour être confiés aux électeurs ? Faudrait-il discuter seulement des sujets sur lesquels nous sommes d’accord ? C’est bien parce que ce sont des sujets sensibles qu’il faut les affronter.
Je l’admets, je force un chouia le trait. Nous ne sommes pas en 2002. Le cœur n’y est plus vraiment. L’écroulement, en deux jours, du « Front républicain » a certes suscité des protestations, mais rien de comparable avec la bronca des régionales de 1997, quand certains patrons de régions, pour conserver leur pouvoir, avaient « vendu leur âme ». Aujourd’hui, tout le monde reconnaît sans enthousiasme qu’on ne peut pas changer le peuple. Il ne reste qu’à lui trouver quelques excuses en dénonçant ceux qui l’ont perverti. Ce qui explique l’ouverture de la chasse aux crypto-lepénistes sévissant dans les médias.
Les « réacs » sont partout. C’est le marronnier du moment. Un quarteron de journalistes félons menace la République ! D’un journal à l’autre, la liste des suspects et l’acte d’accusation varient mais la thèse est immuable. Zemmour, Ménard, Brunet, Rioufol, votre servante et quelques autres que je ne dénoncerai pas ici, avec Alain Finkielkraut comme tête pensante : nous avons « levé » les tabous, autorisant les pensées les plus nauséabondes à s’exprimer sans honte. Passons sur les différences qui nous séparent, lire notre prose avec discernement serait sans doute trop demander à nos procureurs. Passons aussi sur la générosité qui impute nos analyses à des postures et nos convictions au souci de faire prospérer notre petit fonds de commerce – pas assez pour le mien. Nos valeureux adversaires qui résistent dans les catacombes pour des salaires de misère. Il est assez extravagant d’entendre les voix les plus familières du PAF se lamenter en boucle de notre « omniprésence ». Il est vrai que les paroles dissidentes peuvent s’exprimer, mais j’aimerais bien savoir où est le scandale. Je ne trouve normal, juste énervant, d’entendre chaque jour la délicieuse Pascale Clark prêchi-prêcher chaque jours, j’aime bien, quand je le peux, regarder Aphatie sur Canal +. Au nom de quelle conception dévoyée du pluralisme serait-il intolérable que d’autres se fassent entendre ? Au lieu de réclamer des têtes, ces estimables redresseurs de tort devraient se réjouir d’avoir des adversaires avec qui ferrailler. Mais demande-t-on à la Vérité de parler avec le mensonge, au Bien de négocier avec le Mal ?
À moins d’une dizaine nous aurions plus d’influence que tous nos confrères réunis puisque nous ferions, par notre parole maléfique, monter le FN ? Merci du compliment. Mais peu me chaut. Si dire la vérité , c’est faire le jeu du FN, eh bien tant pis. Entre la vérité et Marine, je choisis la vérité.[/access]
Existerait-il un portrait-robot du délinquant en lien avec son pays d’origine ? Serait-on prédestiné à commettre des infractions selon un mode opératoire particulier qui signerait sa nationalité ? L’actualité récente semble le prouver sans conteste. Troublant et imparable…
En France des aigrefins avaient brillamment mis en œuvre, au préjudice de la société gérant les chèques-vacances, la technique du faux ordre de virement, ce qui leur a permis de détourner en douceur plus de 900 000 €, virés sur un de leurs comptes en Chine. Enivrés par leur succès, ils ont alors imaginé d’en faire autant avec les services de l’Elysée, prouvant ainsi qu’ils étaient bien français puisque nullement tenus à l’impossible. Nos escrocs ont donc imaginé de réclamer le règlement d’une pseudo-facture impayée due à Air France pour des voyages officiels. Idée géniale, car chacun sait, et notamment à la Présidence, que notre chef de l’Etat actuel se déplace beaucoup, et pas en DS. Pour rendre plus crédible cette demande subite, un des délinquants a téléphoné aux services ad hoc de la Présidence, en se faisant passer pour l’un des directeurs d’Air France et en se plaignant amèrement dans le registre : « C’est inadmissible d’imposer à des prestataires de service de tels délais de paiement ! Comment voulez-vous qu’on s’en sorte ? Quelle honte ! » Cette manifestation d’humeur typiquement frenchie a convaincu l’interlocuteur élyséen qu’il s’agissait bien d’une demande légitime émanant de la compagnie aérienne….
Bon, comme il existe une morale, la tentative a échoué : l’envoi de la facture et les instructions de virement ne comportaient pas le code réglementaire qui, seul, aurait authentifié une démarche licite. Mais on admire quand même le louable effort d’inscrire le forfait dans la plus pure essence nationale : montant élevé de la facture (deux millions) en conformité avec le rang du Prince ; dédain assumé pour le détail même des prestations, d’où une facture globale, car en France l’intendance suit toujours ; amabilité légendaire du commerçant qui vous engueule tout le temps (à l’origine de tant de dépressions de jeunes Japonaises récemment débarquées sur le sol français) et exigence impérieuse de solution immédiate, marque absolue du bon droit du demandeur…
Nous avons bel et bien assisté là à une escroquerie à la râlerie, spécialité française s’il en est ! N’étant candidat à aucune élection, j’admets volontiers que toute démonstration portant sur un fait unique est sans portée. Aussi devons-nous admirer l’ingéniosité américaine en la matière pour nous convaincre qu’elle use d’autres ressorts et de ses propres expédients.
Greg Mortenson a écrit un best-seller (vendu à plus de 4 millions d’exemplaires) intitulé Trois tasses de thé, récit tiré, pensait-on, d’une expérience édifiante et vécue. Après avoir échoué dans l’ascension du K2 (deuxième plus haut sommet de l’Himalaya et du monde), l’alpiniste Greg Mortenson se perd et se retrouve au fin fond d’une vallée pakistanaise où, après avoir été recueilli, requinqué à coup de tasses de thé, soigné et finalement sauvé par des autochtones aussi hospitaliers que dénués de tout, il décide, tel Mac Arthur, de revenir et de construire des écoles.
Aussitôt rentré au bercail, il crée une fondation, la Central Asia Institute (CAI et non CIA, comme je l’entends murmurer par certains anti-américains primaires), qui s’engage à construire peu ou prou 170 écoles au pays perdu de ses sauveteurs. Greg Mortenson trouve des donateurs parmi les personnalités connues et reconnues. Barak Obama himself reverse 10 % du chèque de son prix Nobel à CAI.
Total respect, sauf qu’après que la chaîne CBS a mis son nez dans l’affaire, le conte de fées s’est soudain transformé en sordide feuilleton judiciaire. Tout d’abord, le rescapé Greg Mortenson aurait beaucoup inventé et fabulé. Pour un Français, ça le rendrait presque sympathique, il pourrait même présenter le journal de 20 heures….
Pour les vertueux Américains, ça coince, surtout lorsque la supercherie est dénoncée par le journaliste Jon Krakauer qui, circonstance aggravante, a réussi, lui, à gravir l’Everest…. Mais le vrai problème est ailleurs. Il semble que malgré l’importance des fonds récoltés, 41 millions d’euros, le compte n’y soit pas s’agissant de la construction d’écoles. Certaines des écoles qu’il revendique existaient déjà bien avant que Mortenson les ait financées, d’autres n’existent toujours pas, d’autres ne sont que des hangars vides et ainsi de suite.
De plus, la Fondation CAI a permis à Greg Mortenson de s’enrichir personnellement en supportant tous les frais de déplacement de ses conférences vendues 30 000 € l’unité. CAI a aussi acheté aux libraires des dizaines de milliers d’exemplaires de Trois tasses de thé, permettant ainsi à l’auteur de percevoir des droits d’auteur à son seul avantage, sans compter les sommes non affectées à l’objet de la Fondation qui ont bien dû atterrir dans une poche quelconque.
Une enquête a été ouverte dans l’État du Montana où se trouve le siège social de CAI. Sommé de s’expliquer par les uns et les autres, le principal intéressé se fait systématiquement porter pâle au motif qu’il serait une personne timide et introvertie, peu rompue aux dangers du cirque médiatique. Très touchante défense de la part d’un monsieur qui donne environ 160 conférences par an…
Bref, dans cette fraude présumée made in USA, nous voyons à l’œuvre non pas le scénario indigent d’un feuilleton à la française genre Louis la Brocante, mais une surproduction comme seul Hollywood sait en fignoler avec happy end et morale d’accompagnement incluse : 3 tasses de thé offertes qui seront restituées au centuple du centuple aux bienfaiteurs, ou comment filer ad nauseam la métaphore de la bonne action récompensée.
Reconnaissons, en étant beaux joueurs, que la méthode Mortenson témoigne d’une ambition qui manque un peu à notre et artisanale tentative hexagonale de carambouille, visât-elle le plus haut échelon de l’État. Il s’agissait ni plus ni moins de lutter contre l’obscurantisme et le fanatisme dans les zones tribales d’Afghanistan et du Pakistan en offrant l’accès pour tous à l’éducation, y compris aux filles. Une escroquerie au souffle wilsonien comme seuls les Etats-Unis peuvent en générer.
On retiendra de tout cela que ce n’est sûrement pas en râlant que Greg Mortenson aurait attiré le moindre kopeck et, de la même façon, ce n’est pas en se contentant de raconter une belle histoire qu’on aurait failli arnaquer la Présidence française.
Comme quoi les identités, les particularismes, les frontières ont encore un sens à l’heure de l’escroquerie internationale et mondialisée.
Hugo Chavez persiste et signe. Après avoir dénoncé le complot occidental en Libye, il attire notre attention sur la cabale qui se trame contre la Syrie. Si vous aviez parié qu’Assad allait remporter haut la main le concours du discours orwellien de l’année 2011, la lecture des propos du président vénézuélien risque de vous faire regretter cette décision hâtive.
Ainsi, le jour où Assad a lancé son armée pour mater la contestation, Chavez a choisi de lui adresser un message de soutien personnel, suivi, comme d’habitude, d’une analyse lucide et limpide des enjeux : « J’envoie d’ici nos salutations au président Bachar el-Assad [..] Des terroristes se sont infiltrés en Syrie, provoquant de la violence et des morts, et une fois de plus le coupable (désigné) est le président sans que la moindre enquête ait été menée ».
Est-ce qu’une personne disposant des toutes ses facultés intellectuelles peut croire à cela ? Qui peut avaler cette histoire d’« infiltrés » qui sèment depuis six semaines la pagaille en Syrie ? Et même en acceptant cette hypothèse bolivarienne loufoque des agents de l’extérieur, comment se fait-il qu’ils arrivent si bien à mobiliser les Syriens ? Devrais-je rappeler à ce grand penseur révolutionnaire qu’une étincelle, même étrangère, aurait toujours besoin de poudre pour faire exploser le système ?
La suite du discours est de la même eau. Chavez y dénonce bien sûr les arrières pensées de la communauté internationale « Ils commencent à se dire : sanctionnons le gouvernement [syrien], gelons leurs avoirs, bloquons-les, bombardons les pour défendre le peuple – quel cynisme ! Mais que voulez-vous, c’est l’Empire [les Etats-Unis], c’est une folie impériale ». En Lybie on peut faire croire que l’Occident cherche à mettre la main sur le pétrole, mais en Syrie ? L’embarras à Paris, Washington, Berlin et Jérusalem rappelle les premiers jours de la révolution égyptienne et personne ne fait preuve d’un grand enthousiasme à l’idée de faire face à ce nouveau casse-tête.
Quels sont donc ces enjeux stratégiques qui justifieraient des menées déstabilisatrices de l’Occident ? En Syrie, il n’y a ni pétrole, ni gaz, ni uranium, ni rien de semblable en sous-sol. En revanche on y produit les meilleures pistaches de la planète. Une enquête exclusive de Causeur prouve que Chavez a raison. Nous sommes à même de prouver qu’il existe un vaste complot visant à mettre la main sur le marché mondial des pistaches. Vous ne nous croyez pas ? Il suffit de regarder les chiffres ! L’Iran dispose aujourd’hui de 33% de la production mondiale et avec l’aide la Syrie et de la Turquie, les mollahs risquent de créer un cartel, une sorte d’OPEP de l’apéro (sans alcool, hein). Le nucléaire iranien n’est qu’un écran de fumée pour masquer la mainmise de Téhéran sur le marché des pistaches, produit que les think tanks américains appellent – non sans raison – « le biscuit apéritive des pauvres ».
Je vous laisse imaginer les conséquences – pour la région, pour le processus de paix mais aussi pour le monde – d’un succès iranien dans ce domaine. On comprend mieux pourquoi la CIA a monté de toute pièce – épaulée bien entendu par le Mossad – la révolution syrienne. Face à de tels enjeux, il faut assumer ses responsabilités.
Après avoir trempé une première fois Les pieds dans l’eau de ses souvenirs, Benoît Duteurtre nous livre un nouveau récit autobiographique. Etant né en avril 1976, j’étais à l’évidence prédestiné à aimer L’été 76. Il n’y a guère avant lui que Shakespeare dans Richard III – « Now is the winter of our discontent made glorious summer by this sun of York » – qui se soit risqué à évoquer le soleil de mon premier été. Tandis que je me familiarisais alors avec mon statut d’estivant primo-arrivant et que ma mère me faisait boire trois litres d’eau toutes les demi-heures, Duteurtre était déjà un jeune caïd catholique baignant dans les joies naissantes de son seizième été.
« Je venais de rater le grand prix du Charme. » Dès les premières lignes, en quelques mots, nous reconnaissons à coup sûr le charme et l’humour inimitables du style de Benoît Duteurtre. « L’absence d’attraction physique mutuelle nous rapprochait. » Qui d’autre que lui peut évoquer de cette façon son premier amour ? L’écriture de Duteurtre ressemble à une course-poursuite dans laquelle la nostalgie et l’auto-ironie se pourchassent tour à tour l’une l’autre, comme deux inlassables comparses.
Dans L’été 76, il réveille et peint avec une émotion pudique et beaucoup de force évocatrice le bouillonnement inquiet de l’adolescence, cet instant de grâce fragile où, de grands enthousiasmes en violents abattements, une personnalité humaine unique prend forme peu à peu. Au cœur du récit, un premier amour inattendu et atypique. Non seulement le jeune Benoît aime une femme, mais en outre celle-ci est une intraitable militante anarchiste, un peu plus âgée que lui, dont il admire la rigueur et la sévérité. Cette époque est décidément surprenante : le jeune homme est encore certain qu’il deviendra médecin de campagne, il est fasciné par Pierre Boulez, invente les aventures d’un Zarathoustra hippie et écrit des poésies plus hermétiques que Mallarmé dans sa période zébrée.
Hélène est un ouragan révolutionnaire qui s’abat délicieusement sur le jeune chrétien de gauche pacifiste et modéré, sans le gagner toutefois entièrement à sa cause. Leur amour possède un lieu privilégié. Leur communion sensuelle s’accomplit dans la découverte exaltée des arts : la littérature, la musique, la peinture, l’aventure des avant-gardes, qui sont la chair de leur chair. « Mon sentiment pour elle n’était pas exactement platonique : ce désir de sensualité frissonnante voulait seulement rester à la surface des choses ; il supposait l’effleurement et la suggestion plutôt que l’affrontement et l’étreinte. »
Au creux de L’été 76, Duteurtre raconte la naissance d’une sensibilité et ses premiers pas d’écrivain. Il évoque ses lectures de Giono en pleine nature, ses rencontres avec Monet, Debussy et Led Zeppelin. Sa fidélité à « un mélange de luxe et de vie pastorale ». La révélation de sa vocation d’ermite hédoniste, chez qui l’hédonisme ne rime pas avec l’avachissement mais avec le travail et l’amour héroïque et profond de la légèreté et de la forme.
Dans un « postlude songeur », Duteurtre nous confie son rêve de vie éternelle : la poursuite sans fin de cette splendide vie boiteuse, une délicieuse éternité de prose.
Thierry Mariani, secrétaire d’État aux transports, est le fondateur de la Droite populaire.
Muriel Gremillet : On soupçonne la Droite populaire d’être favorable aux alliances avec Front national. Qu’en est-il ?
Thierry Mariani : Ai-je besoin de répondre à cette question ? Tout le monde sait que, si je m’étais allié avec le FN dans ma région, je serais aujourd’hui président du Conseil régional. Or, j’ai toujours été élu contre le Front.[access capability= »lire_inedits »] Mais cette politique du soupçon est l’éternelle posture de la gauche qui ne sait plus comment nous attaquer. Parce que nous posons les vraies questions, que nous osons traiter un certain nombre de sujets dont Chirac ne voulait pas, on nous qualifie de « populistes » et on nous reproche de chasser sur les terres du FN. Moi je crois qu’aucune thématique et aucun électeur ne sont la propriété de l’extrême droite. Je suis par ailleurs convaincu que l’installation du FN dans le paysage électoral n’est pas inéluctable. Que le peuple, abandonné par la gauche, ne déserte pas la droite : telle est précisément la raison d’être de la Droite populaire.
MG : Et comment comptez-vous garder le peuple à droite ?
TM : Il faut parler clair. Il ne s’agit pas de se résigner mais les Français savent bien qu’en matière économique, nous sommes dépendants de l’étranger : nous ne contrôlons plus notre monnaie, les cours des matières premières fluctuent, la mondialisation avance à grands pas. Quand le pétrole flambe, que la droite ou la gauche soient au pouvoir, les prix à la pompe augmentent. Nous devons en revanche exercer la plénitude de nos pouvoirs régaliens et prendre des décisions en matière de sécurité, de justice, d’immigration. Par ailleurs, il nous faut assurer le service après-vente de nos réformes. Et nous en avons mené beaucoup : successions, peines-planchers, assouplissement des 35 heures, Université, cartes judiciaire et hospitalière, suppression de la taxe professionnelle… et la réforme des ports que je suis en train de mener… Certes, on ne gagne pas sur un bilan, mais on peut perdre sur lui.
MG : Quelle sera la thématique de l’élection présidentielle de 2012 ?
TM : La première demande des Français, aujourd’hui, c’est la protection. Le candidat qui gagnera sera celui qui protégera le mieux la population de la mondialisation, du déclassement, de la perte des avantages acquis. La droite va proposer de protéger en s’adaptant, car notre vieux pays réalise un peu brutalement aujourd’hui qu’il n’est plus seul dans le monde. Les socialistes, eux, jouent les infirmières, avec le care de Martine Aubry. Ils promettent de dresser une ligne Maginot : on connaît le résultat de ce genre de protection. Nous, nous voulons protéger mais en entrant de plain-pied dans le XXIe siècle.
MG : Dans ce contexte, les centristes n’ont-ils pas une carte à jouer, en incarnant une droite de l’apaisement ?
TM : Entre 1995 et 2007, la France était apaisée. S’est-elle donné les moyens de conserver son rang ? La France des centristes, c’est celle du renoncement, de l’endormissement. Ce n’est pas parce que nous sommes en paix que nous pouvons nous dispenser de faire un effort. Ceux qui laissent croire que la solution, c’est l’apaisement, sont juste dans un jeu de séduction dangereux.
MG : Mais les 5 % que pourrait réaliser un candidat centriste à la présidentielle pourraient coûter cher à Nicolas Sarkozy…
TM : Certes, mais les 17 % d’une autre candidate pourraient être bien plus coûteux. Il nous faut retrouver notre élan, notre centre de gravité de 2007. La Droite populaire pense que c’est celui qui attirera la droite qui gagnera. Je crois qu’aujourd’hui, les électeurs qui votent FN n’y croient pas vraiment, mais qu’ils veulent nous envoyer un message. Notre collectif parlementaire va continuer à faire des propositions, à avancer des thèmes. Nous n’avons pas vocation à être une écurie présidentielle, ni même une sous-chapelle de l’UMP ; nous sommes un objet politique non identifié, sans argent, sans appareil, simplement doté d’une charte qui proclame des valeurs fortes. Après notre succès au Parlement, il nous faut lancer le deuxième étage de la fusée en gagnant la confiance des Français. Notre but est simple : que Nicolas Sarkozy réussisse à la présidentielle. Pour cela, il doit revenir à ses fondamentaux. C’est depuis qu’il cherche le consensus systématique qu’il chute dans l’opinion.[/access]
L’accélération de la contestation en Syrie depuis le 22 avril démontre que la stratégie de Bachar el-Assad a échoué. S’il peut s’accrocher encore au pouvoir, c’est uniquement grâce à la force brute. Suite à ses discours creux et à son cynisme ahurissant, les mots n’ont plus de sens aujourd’hui à Damas. Le régime touche le fond, réduit au degré zéro de la politique. Assad braque un revolver sur la tempe de chaque citoyen pour rester au pouvoir. Aucun régime ne peut tenir longtemps dans ces conditions car, pour paraphraser le célèbre mot d’Abraham Lincoln : on peut faire peur à tout le monde pendant un certain temps ; on peut également faire peur à un certain nombre de gens tout le temps ; mais on ne peut pas faire peur à tout le monde tout le temps. Pourtant, c’est à cet exercice suicidaire que Bachar el-Assad se livre depuis cette fin de semaine.
Aucun pouvoir, aussi démocratique et libéral soit-il, ne peut faire l’économie de la peur du gendarme. Mais la matraque n’est qu’un dernier ressort et une réminiscence symbolique rappelant le lien entre pouvoir et force. Le consentement de millions d’individus repose essentiellement sur le sentiment que celui qui détient le pouvoir a le droit de gouverner et mérite une coopération. Pour que le système fonctionne le pouvoir doit s’appuyer sur une certaine légitimité – divine, démocratique ou charismatique. Plus le pouvoir est légitime, plus il s’éloigne de la force, car les citoyens acceptent les règles du jeu et croient qu’ils peuvent agir autrement que par la violence pour se faire entendre. En revanche, quand il n’y plus de légitimité, le pouvoir retrouve son origine primitive et redevient force. C’est le cas aujourd’hui de la Syrie : sans baïonnettes, Assad serait lynché, ses proches pendus, ses biens pillés et sa résidence brûlée. Il suffit de regarder la façon dont les Egyptiens traitent Hosni Moubarak et ses fils – qui ne sont pourtant pas allés aussi loin qu’Assad – pour imaginer le sort que les Syriens réservent à leur président.
Un régime sans légitimité comme celui de Bachar el-Assad doit appliquer une savante économie de la force, seul moyen de survivre. Selon tous les indices, Assad a choisi la terreur, la meilleure façon de démultiplier la force : tuer des centaines pour en effrayer des millions. Pour que ça marche, la violence doit frapper aveuglément, distillant un sentiment d’effroi, paralysant et réduisant la société en un troupeau politiquement docile. Il faut terroriser et isoler, faire en sorte que chaque individu ait aussi peur de la police que de son voisin. Or, semble-t-il, les Syriens n’ont plus peur les uns des autres, ce qui est très fâcheux pour un régime policier. Pour restaurer la dissuasion, le régime n’a d’autre choix que la violence directe.
Voilà pourquoi des snipers embusqués sur les toits tirent sur les passants ou dans les cortèges d’obsèques. Ces tireurs d’élite ne visent personne en particulier mais le peuple syrien tout entier. Il faut empêcher à tout prix les rassemblements qui libèrent les individus de leurs craintes, l’occupation permanente des places publiques avant que ces sit-in ne deviennent des « places Tahrir ».
C’est ainsi qu’il y a quelques jours à Djebla, ville côtière au nord de Lattaquié, à l’issue des discussions – plutôt positives – entre les dignitaires locaux et le gouverneur, la répression s’abattait. Pour être efficace, la violence terrorisante doit surprendre par sa démesure et son caractère aveugle et arbitraire.
Assad père, ancien pilote de chasse et chef de l’armée de l’air syrienne, léguait à son fils le manche à balai. Ce dernier semble avoir le même niveau de compétences qu’un autre pilote célèbre, Mohammed Atta, leader des terroristes du 11 septembre : il n’a pas appris ni à faire décoller ni à poser un avion. Le résultat est que le régime « décroche » et, malgré les gestes de plus en plus violents, les gouvernails ne répondent plus. La Syrie, en plein piqué, va-t-elle s’écraser ? Y-a-t-il un (autre) pilote dans l’avion ?
Dans son immense générosité, Xavier Bertrand vient d’autoriser à partir de 2012 la prise en compte du congé maternité dans le calcul des retraites. On passera sur l’évidente discrimination à l’encontre des hommes qui n’ont pas la chance de connaître les multiples bonheurs de la grossesse (nausées, rétention d’eau, envie compulsive de harengs marinés).
Mais bon, il faut bien reconnaître que cette mesure permettra aux vieux parents qui auront eu la chance d’avoir une nombreuse progéniture non pas d’avoir une retraite avec un montant digne de ce nom vers 70 ans, il ne faut pas rêver, mais de pouvoir compter sur leurs neufs enfants touchant le smic ou le RSA pour assurer leur survie, un peu à la manière chinoise si bien évoquée par le grand écrivain Lao She dans Quatre générations sous un même toit.
Ma droite, c’est celle qui s’active en bas de chez moi, dans les vallées de cette Haute-Savoie que les commentateurs des dimanches soirs d’élections s’obstinent à confondre avec la Savoie géographiquement voisine, mais politiquement plus équilibrée. La Haute-Savoie est solidement ancrée à droite depuis plus d’un demi-siècle, après que les notables rad-socs de la IIIe République se furent déconsidérés par leurs compromissions avec Vichy.[access capability= »lire_inedits »]
Depuis, deux électeurs haut-savoyards sur trois lui apportent leurs suffrages, et les cinq députés et trois sénateurs du département sont soit UMP, soit − pour un seul d’entre eux − Nouveau Centre.
Cette situation ne se traduit pas pour autant par une ambiance délicieusement bisounours au sein de la droite locale, bien au contraire. Les ambitions personnelles sont d’autant plus aiguisées que l’adversaire politique ne risque pas de venir mettre tout le monde d’accord en raflant un mandat, petit ou grand…
Alors, ça flingue à chaque virage des petites routes de montagnes, et Dieu sait s’ils sont nombreux. Aujourd’hui, la droite départementale a un patron : c’est Bernard Accoyer, député d’Annecy-le-Vieux et président de l’Assemblée nationale. Ancien médecin oto-rhino-laryngologiste, ce considérable personnage essaie de mener sa boutique politique locale avec la bonhomie et l’esprit de tolérance dont il fait preuve au « perchoir » du Palais-Bourbon.
Mais, depuis quelques années, quelques jeunes blanc-becs, comme le député-maire de Bonneville, Martial Saddier, 42 ans mais déjà deux mandats de député au compteur, affûtent la chaîne de leur tronçonneuse pour dézinguer ce brave « Accoye » (prononcer accoille) et devenir les parrains politiques du département du Mont-Blanc. Les déboires nationaux de l’UMP et de Nicolas Sarkozy n’ont rien qui puisse trop chagriner les Iznogoud d’altitude. À supposer que Sarko se ramasse une gamelle en 2012, Accoyer se retrouverait député de base et Saddier et ses sbires seraient en bonne position pour le débarquer. Le score calamiteux de l’UMP aux régionales de 2010 avait déjà incité Martial le bien-nommé à déclencher les hostilités par un communiqué de presse faisant porter le chapeau de cette débâcle au président de l’Assemblée nationale. Accoyer, qui est en fait un faux brave, avait répliqué en torpillant depuis Paris les projets de Saddier visant à intégrer à sa communauté de communes de Bonneville quelques municipalités bien dotées, mais fort peu désireuses de passer sous l’autorité d’un ambitieux forcené doublé d’un mégalo redoutable. J’exagère ? La page d’accueil de son site internet le présente comme « député du Mont-Blanc et du décolletage ». Comme si le plus haut sommet d’Europe avait voté Saddier et que celui-ci représentait à lui seul la puissante industrie micromécanique de la vallée de l’Arve !
Sociologiquement, la droite haut-savoyarde s’appuie non plus, comme jadis, sur un monde agricole d’orientation démocrate-chrétienne : les paysans producteurs de reblochon sont devenus ultra-minoritaires par rapport aux gens vivant de l’industrie, du tourisme, des services et de la proximité du marché du travail suisse. Cette droite des PME, des commerçants, des professions libérales n’en peut plus de la proximité de Sarkozy avec les patrons du CAC 40 et la bande du Fouquet’s. Car ce sont ces messieurs des multinationales qui tordent le bras (et je suis poli) aux PME locales pour qu’elles délocalisent vers des paysages moins somptueux mais plus attractifs en matière de salaires.
Les plus grincheux de ces petits patrons retournent chez Le Pen, entraînant avec eux un personnel pour qui la lutte des classes ne se déroule pas dans l’atelier, mais avec l’atelier, son patron, ses cadres et ses ouvriers contre les tours de La Défense…
Ma droite est malade, et ma gauche, hélas, déserte le terrain pour le céder à des écolos qui veulent du loup partout et des moutons nulle part. Mais à part ça, tout va bien, et l’herbe ne va pas cesser de pousser pour si peu.[/access]
Sauvons la liberté d’expression et le rap français en prime. Tel était l’enjeu de la bataille d’Hernani qui a agité le landernau ces dernières semaines. D’un côté, Pierre Bellanger, fondateur de Skyrock, retranché dans son bureau et refusant de quitter son poste de PDG en dépit de la demande de ses actionnaires. Face à lui, le vilain fonds d’investissement opéré par Axa (Axa Private Equities). Sur les conseils de ses cost-killers – effrayés par le coût de fonctionnement non pas de la radio, mais de son boss, 620.000 euros annuels selon La Tribune –, l’actionnaire de référence avait décidé qu’on pouvait faire aussi bien pour moins cher.
Quand je dis « bien », c’est une façon de parler, il suffit d’écouter cinq minutes Skyrock pour voir de quoi il retourne : le pire mélange qu’on puisse imaginer entre une musique hyperformatée (gangsta rap de CM2 pour les mecs, bluettes R n’B gluantes pour les filles) et entre deux morceaux, un flot continu de bite-couilles-cul-chatte déversés à l’antenne, tant par les animateurs que par les auditeurs qui y partagent H24 le fond de leur pensée.
Ce qui est sidérant, ce n’est pas le business-thriller façon repas des grands fauves dans National Geographic que nous sert l’assureur star du Cac 40 : il s’en produit tous les jours à l’ombre des back-offices, mais dans des secteurs aussi inintéressants pour l’avenir du pays, donc pour les médias, que l’agro-alimentaire, l’ingénierie nucléaire ou les semi-conducteurs. Cela dit, il est rare qu’un PDG se barricade dans son bureau sous la protection d’une escouade de rappeurs à cran. Mais on reste surtout scotché d’avoir vu en quelques jours toute la classe politique française se mobiliser pour clamer son amour du rap, de la radio, des jeunes et de la liberté d’expression, en un chœur unanime comme on n’en avait plus vu depuis les obsèques de Victor Hugo ou d’Annie Girardot.
Pas besoin de faire un dessin, Skyrock c’est la radio des 12-25, dont la moitié sont des 17-25 en âge de voter en 2012: la proximité de la présidentielle et la perspective d’une OPA sur les voix djeuns ont obligé les responsables politiques à écouter des trucs qui d’ordinaire ne tournent pas en boucle sur leurs iPods. J’imagine avec délice les nuits blanches des chargés de mission, qui ont dû rédiger en toute hâte des fiches détaillées sur la Fouine, Booba, Rohff ou encore sur le groupe à succès répondant au doux nom de Sexion d’assaut.
François Hollande (qui est aussi allé traîner sa taille de guêpe au Printemps de Bourges) a été le premier à se montrer « solidaire. » Jack Lang, vexé, a surenchéri aussitôt, suivi de très près par Benoît Hamon (qui lui, je le sais, aime vraiment le rap. Cela dit, moi aussi j’aime le rap, et c’est bien pour ça que je n’écoute jamais Skyrock : la daube pour boutonneux et boutonneuses qu’on y diffuse à jet continu risquerait de m’en dégoûter à vie). Cela dit il y a de fortes chances pour que je sois un sale menteur puisque Hollande a expliqué sur place : « Je ne suis pas là pour faire de la politique sur le dos de Skyrock. » Ni lui, ni Laurent Wauquiez, ni Rama Yade, ni Benjamin Lancar, le neuneu des Jeunes Pop, ni Xavier Bertrand, qui a déclaré à l’antenne, en direct sur l’émission Planète Rap « Skyrock sans Pierre, c’est plus Skyrock ! ». Mais bon c’est normal que le ministre du Travail se démène pour sauver un emploi menacé par une multinationale du CAC.
Qui donc avait fait entrer Axa dans le capital ?
Bellanger, ci-devant héraut de la radio vraiment libre (durant un ou deux ans) après que la droite avait bridé pendant des décennies la bande FM, a historiquement des amis à gauche. Qu’il a su remobiliser sans peine, grâce au dirigeant socialiste Malek Boutih, qui se trouve aussi être le chargé des relations publiques de la radio[1. Ce qui en soi n’a rien de répréhensible, tout le monde a le droit de travailler. Le vrai truc choquant, c’est que si le Parti Socialiste était ce qu’il dit, Malek devrait être déjà député depuis au moins deux législatures…]. Mais comme la plupart des grands patrons, Bellanger a su répartir ses œufs entre divers paniers, et pas seulement celui de son pote Xavier. Skyrock a ainsi passé des contrats depuis 2010 avec le SIG (Secrétariat d’information du gouvernement) pour consulter les jeunes sur diverses politiques publiques et faire la promotion de celles-ci. Ça crée des liens…
De toute façon, même sans ses réseaux, même sans amis politiques à droite et à gauche, son Fort-Chabrol avait tout pour plaire aux masses : le génie de Bellanger est d’avoir su donner à son cas particulier le bruit et l’odeur de l’intérêt général. Jeunes contre vieux, issus de contre de souche, et bien sûr petit contre gros, cette dernière mise en scène étant la plus obscène de toutes.
Oui, le capitalisme c’est brutal. Oui, quand on signe avec Axa Private Equity une entrée au capital valorisée à 80 millions en 2006 puis 100 millions en 2008, il ne faut pas s’attendre à trop de compassion quand les résultats ne sont pas assez bons. Oui ; Bellanger est puni par là où il à péché[2. Misère ! A force d’écouter Skyrock pour écrire ce papier, j’ai failli écrire « par là où il a pécho.»]. Au fil des années, le patron de Skyrock a toujours été le promoteur d’une déréglementation tous azimuts de la FM (ouverture du capital, volume de publicité, puissance des émetteurs, attribution des fréquences…) Il est assez cocasse de le voir jouer l’agneau pascal après 30 ans passés à faire entrer tous les loups de passage dans la bergerie.
Mais comme dans les meilleurs sitcoms, le gentil sera finalement sauvé in extremis. Bellanger va rester en place puisqu’il a trouvé un accord avec une banque, le Crédit Agricole, pour racheter les parts de son méchant actionnaire. Le directeur général du Crédit Agricole, Jean-Paul Chifflet, s’est empressé d’annoncer la nouvelle en direct aux auditeurs de Skyrock, ce mercredi, à 17 heures. Une annonce ovationnée par les animateurs et auditeurs. « Je vais changer de banque et tout mettre au Crédit Agricole », a expliqué l’animateur Fred à l’antenne.
Tout ça pour ça, donc. Pas fichue de se bouger le cul pour les Tunisiens et les Egyptiens quand ceux-ci nous appelaient au secours, même pas cap aujourd’hui d’organiser une manif de plus de mille pèlerins pour soutenir les Libyens ou les Syriens, notre belle jeunesse de France aura su se mobiliser en masse pour qu’un poids lourd de la bancassurance puisse évincer d’un secteur-clé un de ses concurrents –et rafler au passage un des trésors de guerre de la maison : le fichier très détaillé (adresse mail, âge, sexe, code postal) de millions de titulaires de skyblogs[3. Officiellement rebaptisés « Skyrock blogs » depuis 3 ans, mais tout le monde persiste à les appeler comme ça]. Depuis pas mal de temps déjà, le Crédit Agricole se revendique avec insistance dans sa com’ comme «la première banque des jeunes avec 28 % du marché», chacun aura donc compris que s’il a volé au secours de Bellanger, c’est uniquement pour soutenir la liberté d’expression, et son corollaire naturel, le sous-rap de merde français. Sans oublier le droit inaliénable des ados à déverser sur les ondes leurs intéressantes pensées pipi-caca-popo – où se mêle parfois, cependant, un peu de sexe, genre : « Ma meuf veut pas m’ sucer, j’fais quoi ? »
Je sais, on m’accusera encore de voir le mal partout. Je dois être trop vieux. Le rebelle acnéique lui, n’y verra pas de problème. Normal, il est le problème.
Le régime syrien ne manque ni de ressources ni d’imagination. En plus de la répression brutale, le gouvernement n’oublie pas de proposer un storytelling touchant : la contestation n’est qu’un complot étranger manipulant certains Syriens honnêtes mais naïfs. L’agence de presse officielle Sanna ne cesse de parler des bandes armées qui sèment la terreur mais restait jusqu’alors assez vague quand il s’agissait de détails. Désormais, les autorités syriennes commencent à expliciter leur conte de fées : tenez-vous bien, derrière les manifestations et le bain de sang en Syrie se trouve… le Liban !
Pour être exact, il ne s’agit pas de tous les Libanais – il ne faut pas généraliser ni stigmatiser. Le coupable désigné de plus en plus ouvertement depuis quelques jours est « Le courant du futur », le parti politique de Saad Hariri. A Damas on est trop intelligent pour désigner directement M. Hariri qui est toujours, rappelons-le, Premier ministre par intérim. Les accusations syriennes visent plutôt l’un de députés de la majorité sortante, Jamal Jarrah.
Cela a commencé il y a une quinzaine de jours quand la télévision syrienne a diffusé des interviews de deux individus qui auraient avoué avoir transporté en Syrie, à la demande de M. Jaarah, de l’argent et des armes pour ce que les autorités syriennes appellent « les insurgés ». Puis, l’ambassadeur de la Syrie a Beyrouth a lui-même réitéré ces accusations contre le député libanais.
Les autorités syriennes se sont dites « prêtes à fournir à leurs homologues libanais les preuves, les données, ainsi que les témoignages et enregistrements si le parlement libanais lève l’immunité du député cité et si ce dernier est traduit devant le tribunal compétent ». Et quelques jours plus tard le Hezbollah a demandé – je vous le dis car vous n’arriverez jamais à le deviner seul – que Jarrah soit traduit devant la justice pour « violation du traité de fraternité et coopération entre la Syrie et le Liban ».
Assad essaie donc de faire d’une pierre deux coups, trouver un bouc émissaire et régler ses comptes au Liban car M. Jarrah est l’un de ceux qui ont toujours soutenu le travail du tribunal international sur l’assassinat de Rafiq Hariri et un fervent opposant de la Syrie et son principal allié local, le Hezbollah.
Le président syrien espère donc débloquer la crise politique libanaise, affaiblir le camp du 14 mars et mettre un bâton de plus dans les roues de l’enquête internationale sur l’assassinat de Hariri père. La visite urgente et intrigante avant-hier de Walid Joumblatt, le leader druze, à Damas devrait être comprise dans ce contexte-là : pour réussir son coup, Assad a besoin de Joumblatt pour mettre toutes les chances de son côté.
Entretemps, le ministre des Affaires étrangères du Liban – membre non permanent du Conseil de sécurité – a demandé à son ambassadeur à l’ONU de ne pas soutenir le projet de condamnation de la Syrie… Fini le hommous, le moujadara, le taboulé ou la chawarma : le nouveau plat national libanais est sans aucun doute la salade de couleuvres…
image : capture d'écran Canal+ par Manuel Abramowitcz
Le temps s’est arrêté à Paris. Nous sommes au soir du premier tour des cantonales. J’ai l’impression que je viens de rêver les dix années écoulées – et ça ne me rajeunit même pas. Nous sommes en 2002, dans l’insupportable suspense de l’entre-deux tours. « Tragédie », « Front républicain », « danger », « barrage ». « Leurs valeurs et les nôtres ». Les mêmes mots des grands jours, les mêmes visages graves, à peine vieillis. Les mêmes sermons. Le même mépris pour les 20 % d’imbéciles ou de salauds qui ont voté pour un parti antirépublicain que la République, on se demande bien pourquoi, tolère en son sein – et qui menace d’obtenir un ou deux élus sur l’ensemble des conseils généraux de France, c’est dire si l’heure est grave.[access capability= »lire_inedits »]
Le lyrisme gentillet de la résistance par temps de paix se conjugue au refus obstiné de s’interroger sur ce que ces Français pas comme les autres ont dans le ventre. Politiques et éditorialistes se relaient pour condamner, dénoncer, accuser ces électeurs moisis, imperméables aux joies de l’échange et aux richesses de l’altérité. Nul ne semble sensible à la contradiction interne d’un discours qui adore la transgression mais déteste ceux qui votent en dehors des clous et célèbre la différence mais voue aux gémonies ceux qui ont le front de voir les choses différemment. « Des gros cons », décrètera quelques jours plus tard une humoriste de service public, tout étonnée que les intéressés lui retournent le compliment. Face au « parti de la haine », la haine est un devoir sacré. Interrogeant Fabien Engelmann, le délégué CGT passé du NPA au FN, Pascale Clark se garde bien de chercher à percer l’énigme de ce parcours. L’auditeur aura seulement appris que sa réprobation morale à elle était inébranlable – et, s’il a pris la peine de tendre l’oreille, que le gars était bien élevé et sympathique.
En 2002, après l’élection de Jacques Chirac par près de 80 % des électeurs, les organisateurs des festivités antifascistes semblaient vaguement penauds, comme au lendemain d’une soirée arrosée où on a dit beaucoup de bêtises. Dégrisés, ils n’étaient plus très sûrs de ne pas avoir combattu un danger imaginaire. Il leur fallait bien admettre que Jean-Marie Le Pen ne s’était, ni de près ni de loin, approché du pouvoir. L’autocritique avait succédé au festival des certitudes. La gauche reconnaissait qu’elle avait « perdu le peuple » et jurait qu’on ne l’y reprendrait plus. La diabolisation, le cordon sanitaire et toutes ces merveilleuses inventions qui avaient amené le FN à 20 %, c’était du passé. Cette fois, on avait compris qu’il fallait comprendre.
Promesses d’ivrognes. On dirait que dans le phénomène Le Pen, quelque chose empêche de penser comme si toute tentative de dépasser la seule indignation était le début d’une pente glissante menant à la complaisance puis au ralliement. Tels les trois petits singes de la tradition orientale, nous nous faisons une gloire de ne rien entendre, de ne rien voir et de ne rien (leur) dire[1. Après tout, moi aussi je recycle : j’avais déjà utilisé cette image en 2002…].
En écrivant ces lignes, un autre danger me saute à la figure, celui d’opposer une surdité à une autre surdité, de répondre à l’autisme par l’autisme. Si le seul nom de Le Pen suscite chez tant de gens sincères et intelligents un effroi viscéral, il doit y avoir des raisons, peut-être même des bonnes. Il est tout aussi absurde de réduire cet effroi à une posture ou à une faiblesse d’esprit que de rejeter dans les ténèbres des heures les plus noires tous ceux qui, comme ma modeste personne, pensent que la progression électorale du Front ne traduit pas un refus, mais un désir frustré de République – que les électeurs se fourrent ou non le doigt dans l’œil est une autre affaire.
Si on croit que les « gags pétomanes » du « Vieux » sur les chambres à gaz, les Juifs et les Arabes traduisent ses convictions profondes, son succès a de quoi effrayer. J’ai pour ma part l’intuition que cette fuite en avant dans la provocation révèle plutôt un goût illimité pour le franchissement des limites. De plus, il est sans doute plus excitant d’être l’unique Malin que l’un des innombrables et interchangeables serviteurs d’un Dieu contesté. On m’a dit que même en privé, Jean-Marie Le Pen était affecté d’une obsession juive. Possible. Est-ce la marque d’une haine venue de la nuit nazie ? Pas sûr. Le Pen est attaché à un monde des peuples et il redoute de voir le sien disparaître. Alors, peut-être nourrit-il une admiration envieuse pour « ce peuple-là » et son acharnement à survivre sans cadre juridique commun ni consensus minimal sur le sens de l’appartenance. Ce ne serait pas mieux, me dira-t-on. Peut-être, mais ce serait différent.
De toute façon, nous n’en savons rien, ni les uns ni les autres. Du reste, l’essentiel n’est pas de savoir si Jean-Marie Le Pen est le raciste et l’antisémite que l’on croit mais si ses électeurs et plus encore ceux de sa fille les suivent à cause de ce point de détail ou malgré lui.
Quoi qu’il en soit, nous n’avons pas le choix. Au choc des autismes, il existe un seul remède, celui des arguments. Parce qu’ils ont nécessairement partie liée avec le réel. Evitons autant la résistance pascaleclarkiste que le contrepied marinolepéniste. Ce sera à notre ni-ni à nous.
Admettons que l’erreur n’est pas une faute morale et reprenons notre querelle. Le FN a-t-il changé avec le passage de témoin du père à la fille ? Je le crois, même si le « tournant » de celle-ci est en partie tactique. En politique, les discours obligent. Et si on me parle de sa rhétorique de la haine, qu’on me cite des phrases précises. Je ne l’entends pas faire de distinction entre les Français selon leur origine ou leur religion, mais demander à tous d’adhérer à la règle du jeu. Je n’aime pas, pour ma part, sa France de la Corrèze plutôt que du Zambèze et encore moins sa conception de la préférence nationale. Que certains droits soient réservés aux nationaux, c’est l’évidence même. Mais je détesterais que ma qualité de ressortissante me donne la priorité en matière d’emploi et de logement. Dans la vraie vie, les étrangers installés légalement en France doivent avoir les droits de tous. Ce qui m’importe c’est qu’ils acceptent les mêmes devoirs. Cela fait peut-être d’excellentes raisons de ne pas voter pour le FN, pas de l’exclure de la République.
Les inquiétudes de ses électeurs sont-elles dépourvues de tout fondement ? Puisque la peur du chômage et du déclassement sont unanimement tenues pour raisonnables, ce sont évidemment les peurs « identitaires » qui sont en cause : celles qui ont à voir avec l’immigration, l’insécurité, notre capacité à intégrer les différences culturelles sans perdre notre culture et celle de l’islam à s’adapter aux usages forgés par notre histoire. Peut-on sérieusement prétendre que la machine à fabriquer des Français marche aussi bien avec les immigrants venus d’Afrique ou du Maghreb qu’avec des Portugais ou des Chinois ? Par définition, seuls les problèmes se voient. Mais les problèmes existent. Il parait que ces sujets sont trop sensibles. Trop sensibles pour quoi, pour être confiés aux électeurs ? Faudrait-il discuter seulement des sujets sur lesquels nous sommes d’accord ? C’est bien parce que ce sont des sujets sensibles qu’il faut les affronter.
Je l’admets, je force un chouia le trait. Nous ne sommes pas en 2002. Le cœur n’y est plus vraiment. L’écroulement, en deux jours, du « Front républicain » a certes suscité des protestations, mais rien de comparable avec la bronca des régionales de 1997, quand certains patrons de régions, pour conserver leur pouvoir, avaient « vendu leur âme ». Aujourd’hui, tout le monde reconnaît sans enthousiasme qu’on ne peut pas changer le peuple. Il ne reste qu’à lui trouver quelques excuses en dénonçant ceux qui l’ont perverti. Ce qui explique l’ouverture de la chasse aux crypto-lepénistes sévissant dans les médias.
Les « réacs » sont partout. C’est le marronnier du moment. Un quarteron de journalistes félons menace la République ! D’un journal à l’autre, la liste des suspects et l’acte d’accusation varient mais la thèse est immuable. Zemmour, Ménard, Brunet, Rioufol, votre servante et quelques autres que je ne dénoncerai pas ici, avec Alain Finkielkraut comme tête pensante : nous avons « levé » les tabous, autorisant les pensées les plus nauséabondes à s’exprimer sans honte. Passons sur les différences qui nous séparent, lire notre prose avec discernement serait sans doute trop demander à nos procureurs. Passons aussi sur la générosité qui impute nos analyses à des postures et nos convictions au souci de faire prospérer notre petit fonds de commerce – pas assez pour le mien. Nos valeureux adversaires qui résistent dans les catacombes pour des salaires de misère. Il est assez extravagant d’entendre les voix les plus familières du PAF se lamenter en boucle de notre « omniprésence ». Il est vrai que les paroles dissidentes peuvent s’exprimer, mais j’aimerais bien savoir où est le scandale. Je ne trouve normal, juste énervant, d’entendre chaque jour la délicieuse Pascale Clark prêchi-prêcher chaque jours, j’aime bien, quand je le peux, regarder Aphatie sur Canal +. Au nom de quelle conception dévoyée du pluralisme serait-il intolérable que d’autres se fassent entendre ? Au lieu de réclamer des têtes, ces estimables redresseurs de tort devraient se réjouir d’avoir des adversaires avec qui ferrailler. Mais demande-t-on à la Vérité de parler avec le mensonge, au Bien de négocier avec le Mal ?
À moins d’une dizaine nous aurions plus d’influence que tous nos confrères réunis puisque nous ferions, par notre parole maléfique, monter le FN ? Merci du compliment. Mais peu me chaut. Si dire la vérité , c’est faire le jeu du FN, eh bien tant pis. Entre la vérité et Marine, je choisis la vérité.[/access]
Existerait-il un portrait-robot du délinquant en lien avec son pays d’origine ? Serait-on prédestiné à commettre des infractions selon un mode opératoire particulier qui signerait sa nationalité ? L’actualité récente semble le prouver sans conteste. Troublant et imparable…
En France des aigrefins avaient brillamment mis en œuvre, au préjudice de la société gérant les chèques-vacances, la technique du faux ordre de virement, ce qui leur a permis de détourner en douceur plus de 900 000 €, virés sur un de leurs comptes en Chine. Enivrés par leur succès, ils ont alors imaginé d’en faire autant avec les services de l’Elysée, prouvant ainsi qu’ils étaient bien français puisque nullement tenus à l’impossible. Nos escrocs ont donc imaginé de réclamer le règlement d’une pseudo-facture impayée due à Air France pour des voyages officiels. Idée géniale, car chacun sait, et notamment à la Présidence, que notre chef de l’Etat actuel se déplace beaucoup, et pas en DS. Pour rendre plus crédible cette demande subite, un des délinquants a téléphoné aux services ad hoc de la Présidence, en se faisant passer pour l’un des directeurs d’Air France et en se plaignant amèrement dans le registre : « C’est inadmissible d’imposer à des prestataires de service de tels délais de paiement ! Comment voulez-vous qu’on s’en sorte ? Quelle honte ! » Cette manifestation d’humeur typiquement frenchie a convaincu l’interlocuteur élyséen qu’il s’agissait bien d’une demande légitime émanant de la compagnie aérienne….
Bon, comme il existe une morale, la tentative a échoué : l’envoi de la facture et les instructions de virement ne comportaient pas le code réglementaire qui, seul, aurait authentifié une démarche licite. Mais on admire quand même le louable effort d’inscrire le forfait dans la plus pure essence nationale : montant élevé de la facture (deux millions) en conformité avec le rang du Prince ; dédain assumé pour le détail même des prestations, d’où une facture globale, car en France l’intendance suit toujours ; amabilité légendaire du commerçant qui vous engueule tout le temps (à l’origine de tant de dépressions de jeunes Japonaises récemment débarquées sur le sol français) et exigence impérieuse de solution immédiate, marque absolue du bon droit du demandeur…
Nous avons bel et bien assisté là à une escroquerie à la râlerie, spécialité française s’il en est ! N’étant candidat à aucune élection, j’admets volontiers que toute démonstration portant sur un fait unique est sans portée. Aussi devons-nous admirer l’ingéniosité américaine en la matière pour nous convaincre qu’elle use d’autres ressorts et de ses propres expédients.
Greg Mortenson a écrit un best-seller (vendu à plus de 4 millions d’exemplaires) intitulé Trois tasses de thé, récit tiré, pensait-on, d’une expérience édifiante et vécue. Après avoir échoué dans l’ascension du K2 (deuxième plus haut sommet de l’Himalaya et du monde), l’alpiniste Greg Mortenson se perd et se retrouve au fin fond d’une vallée pakistanaise où, après avoir été recueilli, requinqué à coup de tasses de thé, soigné et finalement sauvé par des autochtones aussi hospitaliers que dénués de tout, il décide, tel Mac Arthur, de revenir et de construire des écoles.
Aussitôt rentré au bercail, il crée une fondation, la Central Asia Institute (CAI et non CIA, comme je l’entends murmurer par certains anti-américains primaires), qui s’engage à construire peu ou prou 170 écoles au pays perdu de ses sauveteurs. Greg Mortenson trouve des donateurs parmi les personnalités connues et reconnues. Barak Obama himself reverse 10 % du chèque de son prix Nobel à CAI.
Total respect, sauf qu’après que la chaîne CBS a mis son nez dans l’affaire, le conte de fées s’est soudain transformé en sordide feuilleton judiciaire. Tout d’abord, le rescapé Greg Mortenson aurait beaucoup inventé et fabulé. Pour un Français, ça le rendrait presque sympathique, il pourrait même présenter le journal de 20 heures….
Pour les vertueux Américains, ça coince, surtout lorsque la supercherie est dénoncée par le journaliste Jon Krakauer qui, circonstance aggravante, a réussi, lui, à gravir l’Everest…. Mais le vrai problème est ailleurs. Il semble que malgré l’importance des fonds récoltés, 41 millions d’euros, le compte n’y soit pas s’agissant de la construction d’écoles. Certaines des écoles qu’il revendique existaient déjà bien avant que Mortenson les ait financées, d’autres n’existent toujours pas, d’autres ne sont que des hangars vides et ainsi de suite.
De plus, la Fondation CAI a permis à Greg Mortenson de s’enrichir personnellement en supportant tous les frais de déplacement de ses conférences vendues 30 000 € l’unité. CAI a aussi acheté aux libraires des dizaines de milliers d’exemplaires de Trois tasses de thé, permettant ainsi à l’auteur de percevoir des droits d’auteur à son seul avantage, sans compter les sommes non affectées à l’objet de la Fondation qui ont bien dû atterrir dans une poche quelconque.
Une enquête a été ouverte dans l’État du Montana où se trouve le siège social de CAI. Sommé de s’expliquer par les uns et les autres, le principal intéressé se fait systématiquement porter pâle au motif qu’il serait une personne timide et introvertie, peu rompue aux dangers du cirque médiatique. Très touchante défense de la part d’un monsieur qui donne environ 160 conférences par an…
Bref, dans cette fraude présumée made in USA, nous voyons à l’œuvre non pas le scénario indigent d’un feuilleton à la française genre Louis la Brocante, mais une surproduction comme seul Hollywood sait en fignoler avec happy end et morale d’accompagnement incluse : 3 tasses de thé offertes qui seront restituées au centuple du centuple aux bienfaiteurs, ou comment filer ad nauseam la métaphore de la bonne action récompensée.
Reconnaissons, en étant beaux joueurs, que la méthode Mortenson témoigne d’une ambition qui manque un peu à notre et artisanale tentative hexagonale de carambouille, visât-elle le plus haut échelon de l’État. Il s’agissait ni plus ni moins de lutter contre l’obscurantisme et le fanatisme dans les zones tribales d’Afghanistan et du Pakistan en offrant l’accès pour tous à l’éducation, y compris aux filles. Une escroquerie au souffle wilsonien comme seuls les Etats-Unis peuvent en générer.
On retiendra de tout cela que ce n’est sûrement pas en râlant que Greg Mortenson aurait attiré le moindre kopeck et, de la même façon, ce n’est pas en se contentant de raconter une belle histoire qu’on aurait failli arnaquer la Présidence française.
Comme quoi les identités, les particularismes, les frontières ont encore un sens à l’heure de l’escroquerie internationale et mondialisée.
Hugo Chavez persiste et signe. Après avoir dénoncé le complot occidental en Libye, il attire notre attention sur la cabale qui se trame contre la Syrie. Si vous aviez parié qu’Assad allait remporter haut la main le concours du discours orwellien de l’année 2011, la lecture des propos du président vénézuélien risque de vous faire regretter cette décision hâtive.
Ainsi, le jour où Assad a lancé son armée pour mater la contestation, Chavez a choisi de lui adresser un message de soutien personnel, suivi, comme d’habitude, d’une analyse lucide et limpide des enjeux : « J’envoie d’ici nos salutations au président Bachar el-Assad [..] Des terroristes se sont infiltrés en Syrie, provoquant de la violence et des morts, et une fois de plus le coupable (désigné) est le président sans que la moindre enquête ait été menée ».
Est-ce qu’une personne disposant des toutes ses facultés intellectuelles peut croire à cela ? Qui peut avaler cette histoire d’« infiltrés » qui sèment depuis six semaines la pagaille en Syrie ? Et même en acceptant cette hypothèse bolivarienne loufoque des agents de l’extérieur, comment se fait-il qu’ils arrivent si bien à mobiliser les Syriens ? Devrais-je rappeler à ce grand penseur révolutionnaire qu’une étincelle, même étrangère, aurait toujours besoin de poudre pour faire exploser le système ?
La suite du discours est de la même eau. Chavez y dénonce bien sûr les arrières pensées de la communauté internationale « Ils commencent à se dire : sanctionnons le gouvernement [syrien], gelons leurs avoirs, bloquons-les, bombardons les pour défendre le peuple – quel cynisme ! Mais que voulez-vous, c’est l’Empire [les Etats-Unis], c’est une folie impériale ». En Lybie on peut faire croire que l’Occident cherche à mettre la main sur le pétrole, mais en Syrie ? L’embarras à Paris, Washington, Berlin et Jérusalem rappelle les premiers jours de la révolution égyptienne et personne ne fait preuve d’un grand enthousiasme à l’idée de faire face à ce nouveau casse-tête.
Quels sont donc ces enjeux stratégiques qui justifieraient des menées déstabilisatrices de l’Occident ? En Syrie, il n’y a ni pétrole, ni gaz, ni uranium, ni rien de semblable en sous-sol. En revanche on y produit les meilleures pistaches de la planète. Une enquête exclusive de Causeur prouve que Chavez a raison. Nous sommes à même de prouver qu’il existe un vaste complot visant à mettre la main sur le marché mondial des pistaches. Vous ne nous croyez pas ? Il suffit de regarder les chiffres ! L’Iran dispose aujourd’hui de 33% de la production mondiale et avec l’aide la Syrie et de la Turquie, les mollahs risquent de créer un cartel, une sorte d’OPEP de l’apéro (sans alcool, hein). Le nucléaire iranien n’est qu’un écran de fumée pour masquer la mainmise de Téhéran sur le marché des pistaches, produit que les think tanks américains appellent – non sans raison – « le biscuit apéritive des pauvres ».
Je vous laisse imaginer les conséquences – pour la région, pour le processus de paix mais aussi pour le monde – d’un succès iranien dans ce domaine. On comprend mieux pourquoi la CIA a monté de toute pièce – épaulée bien entendu par le Mossad – la révolution syrienne. Face à de tels enjeux, il faut assumer ses responsabilités.
Après avoir trempé une première fois Les pieds dans l’eau de ses souvenirs, Benoît Duteurtre nous livre un nouveau récit autobiographique. Etant né en avril 1976, j’étais à l’évidence prédestiné à aimer L’été 76. Il n’y a guère avant lui que Shakespeare dans Richard III – « Now is the winter of our discontent made glorious summer by this sun of York » – qui se soit risqué à évoquer le soleil de mon premier été. Tandis que je me familiarisais alors avec mon statut d’estivant primo-arrivant et que ma mère me faisait boire trois litres d’eau toutes les demi-heures, Duteurtre était déjà un jeune caïd catholique baignant dans les joies naissantes de son seizième été.
« Je venais de rater le grand prix du Charme. » Dès les premières lignes, en quelques mots, nous reconnaissons à coup sûr le charme et l’humour inimitables du style de Benoît Duteurtre. « L’absence d’attraction physique mutuelle nous rapprochait. » Qui d’autre que lui peut évoquer de cette façon son premier amour ? L’écriture de Duteurtre ressemble à une course-poursuite dans laquelle la nostalgie et l’auto-ironie se pourchassent tour à tour l’une l’autre, comme deux inlassables comparses.
Dans L’été 76, il réveille et peint avec une émotion pudique et beaucoup de force évocatrice le bouillonnement inquiet de l’adolescence, cet instant de grâce fragile où, de grands enthousiasmes en violents abattements, une personnalité humaine unique prend forme peu à peu. Au cœur du récit, un premier amour inattendu et atypique. Non seulement le jeune Benoît aime une femme, mais en outre celle-ci est une intraitable militante anarchiste, un peu plus âgée que lui, dont il admire la rigueur et la sévérité. Cette époque est décidément surprenante : le jeune homme est encore certain qu’il deviendra médecin de campagne, il est fasciné par Pierre Boulez, invente les aventures d’un Zarathoustra hippie et écrit des poésies plus hermétiques que Mallarmé dans sa période zébrée.
Hélène est un ouragan révolutionnaire qui s’abat délicieusement sur le jeune chrétien de gauche pacifiste et modéré, sans le gagner toutefois entièrement à sa cause. Leur amour possède un lieu privilégié. Leur communion sensuelle s’accomplit dans la découverte exaltée des arts : la littérature, la musique, la peinture, l’aventure des avant-gardes, qui sont la chair de leur chair. « Mon sentiment pour elle n’était pas exactement platonique : ce désir de sensualité frissonnante voulait seulement rester à la surface des choses ; il supposait l’effleurement et la suggestion plutôt que l’affrontement et l’étreinte. »
Au creux de L’été 76, Duteurtre raconte la naissance d’une sensibilité et ses premiers pas d’écrivain. Il évoque ses lectures de Giono en pleine nature, ses rencontres avec Monet, Debussy et Led Zeppelin. Sa fidélité à « un mélange de luxe et de vie pastorale ». La révélation de sa vocation d’ermite hédoniste, chez qui l’hédonisme ne rime pas avec l’avachissement mais avec le travail et l’amour héroïque et profond de la légèreté et de la forme.
Dans un « postlude songeur », Duteurtre nous confie son rêve de vie éternelle : la poursuite sans fin de cette splendide vie boiteuse, une délicieuse éternité de prose.
Thierry Mariani, secrétaire d’État aux transports, est le fondateur de la Droite populaire.
Muriel Gremillet : On soupçonne la Droite populaire d’être favorable aux alliances avec Front national. Qu’en est-il ?
Thierry Mariani : Ai-je besoin de répondre à cette question ? Tout le monde sait que, si je m’étais allié avec le FN dans ma région, je serais aujourd’hui président du Conseil régional. Or, j’ai toujours été élu contre le Front.[access capability= »lire_inedits »] Mais cette politique du soupçon est l’éternelle posture de la gauche qui ne sait plus comment nous attaquer. Parce que nous posons les vraies questions, que nous osons traiter un certain nombre de sujets dont Chirac ne voulait pas, on nous qualifie de « populistes » et on nous reproche de chasser sur les terres du FN. Moi je crois qu’aucune thématique et aucun électeur ne sont la propriété de l’extrême droite. Je suis par ailleurs convaincu que l’installation du FN dans le paysage électoral n’est pas inéluctable. Que le peuple, abandonné par la gauche, ne déserte pas la droite : telle est précisément la raison d’être de la Droite populaire.
MG : Et comment comptez-vous garder le peuple à droite ?
TM : Il faut parler clair. Il ne s’agit pas de se résigner mais les Français savent bien qu’en matière économique, nous sommes dépendants de l’étranger : nous ne contrôlons plus notre monnaie, les cours des matières premières fluctuent, la mondialisation avance à grands pas. Quand le pétrole flambe, que la droite ou la gauche soient au pouvoir, les prix à la pompe augmentent. Nous devons en revanche exercer la plénitude de nos pouvoirs régaliens et prendre des décisions en matière de sécurité, de justice, d’immigration. Par ailleurs, il nous faut assurer le service après-vente de nos réformes. Et nous en avons mené beaucoup : successions, peines-planchers, assouplissement des 35 heures, Université, cartes judiciaire et hospitalière, suppression de la taxe professionnelle… et la réforme des ports que je suis en train de mener… Certes, on ne gagne pas sur un bilan, mais on peut perdre sur lui.
MG : Quelle sera la thématique de l’élection présidentielle de 2012 ?
TM : La première demande des Français, aujourd’hui, c’est la protection. Le candidat qui gagnera sera celui qui protégera le mieux la population de la mondialisation, du déclassement, de la perte des avantages acquis. La droite va proposer de protéger en s’adaptant, car notre vieux pays réalise un peu brutalement aujourd’hui qu’il n’est plus seul dans le monde. Les socialistes, eux, jouent les infirmières, avec le care de Martine Aubry. Ils promettent de dresser une ligne Maginot : on connaît le résultat de ce genre de protection. Nous, nous voulons protéger mais en entrant de plain-pied dans le XXIe siècle.
MG : Dans ce contexte, les centristes n’ont-ils pas une carte à jouer, en incarnant une droite de l’apaisement ?
TM : Entre 1995 et 2007, la France était apaisée. S’est-elle donné les moyens de conserver son rang ? La France des centristes, c’est celle du renoncement, de l’endormissement. Ce n’est pas parce que nous sommes en paix que nous pouvons nous dispenser de faire un effort. Ceux qui laissent croire que la solution, c’est l’apaisement, sont juste dans un jeu de séduction dangereux.
MG : Mais les 5 % que pourrait réaliser un candidat centriste à la présidentielle pourraient coûter cher à Nicolas Sarkozy…
TM : Certes, mais les 17 % d’une autre candidate pourraient être bien plus coûteux. Il nous faut retrouver notre élan, notre centre de gravité de 2007. La Droite populaire pense que c’est celui qui attirera la droite qui gagnera. Je crois qu’aujourd’hui, les électeurs qui votent FN n’y croient pas vraiment, mais qu’ils veulent nous envoyer un message. Notre collectif parlementaire va continuer à faire des propositions, à avancer des thèmes. Nous n’avons pas vocation à être une écurie présidentielle, ni même une sous-chapelle de l’UMP ; nous sommes un objet politique non identifié, sans argent, sans appareil, simplement doté d’une charte qui proclame des valeurs fortes. Après notre succès au Parlement, il nous faut lancer le deuxième étage de la fusée en gagnant la confiance des Français. Notre but est simple : que Nicolas Sarkozy réussisse à la présidentielle. Pour cela, il doit revenir à ses fondamentaux. C’est depuis qu’il cherche le consensus systématique qu’il chute dans l’opinion.[/access]
L’accélération de la contestation en Syrie depuis le 22 avril démontre que la stratégie de Bachar el-Assad a échoué. S’il peut s’accrocher encore au pouvoir, c’est uniquement grâce à la force brute. Suite à ses discours creux et à son cynisme ahurissant, les mots n’ont plus de sens aujourd’hui à Damas. Le régime touche le fond, réduit au degré zéro de la politique. Assad braque un revolver sur la tempe de chaque citoyen pour rester au pouvoir. Aucun régime ne peut tenir longtemps dans ces conditions car, pour paraphraser le célèbre mot d’Abraham Lincoln : on peut faire peur à tout le monde pendant un certain temps ; on peut également faire peur à un certain nombre de gens tout le temps ; mais on ne peut pas faire peur à tout le monde tout le temps. Pourtant, c’est à cet exercice suicidaire que Bachar el-Assad se livre depuis cette fin de semaine.
Aucun pouvoir, aussi démocratique et libéral soit-il, ne peut faire l’économie de la peur du gendarme. Mais la matraque n’est qu’un dernier ressort et une réminiscence symbolique rappelant le lien entre pouvoir et force. Le consentement de millions d’individus repose essentiellement sur le sentiment que celui qui détient le pouvoir a le droit de gouverner et mérite une coopération. Pour que le système fonctionne le pouvoir doit s’appuyer sur une certaine légitimité – divine, démocratique ou charismatique. Plus le pouvoir est légitime, plus il s’éloigne de la force, car les citoyens acceptent les règles du jeu et croient qu’ils peuvent agir autrement que par la violence pour se faire entendre. En revanche, quand il n’y plus de légitimité, le pouvoir retrouve son origine primitive et redevient force. C’est le cas aujourd’hui de la Syrie : sans baïonnettes, Assad serait lynché, ses proches pendus, ses biens pillés et sa résidence brûlée. Il suffit de regarder la façon dont les Egyptiens traitent Hosni Moubarak et ses fils – qui ne sont pourtant pas allés aussi loin qu’Assad – pour imaginer le sort que les Syriens réservent à leur président.
Un régime sans légitimité comme celui de Bachar el-Assad doit appliquer une savante économie de la force, seul moyen de survivre. Selon tous les indices, Assad a choisi la terreur, la meilleure façon de démultiplier la force : tuer des centaines pour en effrayer des millions. Pour que ça marche, la violence doit frapper aveuglément, distillant un sentiment d’effroi, paralysant et réduisant la société en un troupeau politiquement docile. Il faut terroriser et isoler, faire en sorte que chaque individu ait aussi peur de la police que de son voisin. Or, semble-t-il, les Syriens n’ont plus peur les uns des autres, ce qui est très fâcheux pour un régime policier. Pour restaurer la dissuasion, le régime n’a d’autre choix que la violence directe.
Voilà pourquoi des snipers embusqués sur les toits tirent sur les passants ou dans les cortèges d’obsèques. Ces tireurs d’élite ne visent personne en particulier mais le peuple syrien tout entier. Il faut empêcher à tout prix les rassemblements qui libèrent les individus de leurs craintes, l’occupation permanente des places publiques avant que ces sit-in ne deviennent des « places Tahrir ».
C’est ainsi qu’il y a quelques jours à Djebla, ville côtière au nord de Lattaquié, à l’issue des discussions – plutôt positives – entre les dignitaires locaux et le gouverneur, la répression s’abattait. Pour être efficace, la violence terrorisante doit surprendre par sa démesure et son caractère aveugle et arbitraire.
Assad père, ancien pilote de chasse et chef de l’armée de l’air syrienne, léguait à son fils le manche à balai. Ce dernier semble avoir le même niveau de compétences qu’un autre pilote célèbre, Mohammed Atta, leader des terroristes du 11 septembre : il n’a pas appris ni à faire décoller ni à poser un avion. Le résultat est que le régime « décroche » et, malgré les gestes de plus en plus violents, les gouvernails ne répondent plus. La Syrie, en plein piqué, va-t-elle s’écraser ? Y-a-t-il un (autre) pilote dans l’avion ?
Dans son immense générosité, Xavier Bertrand vient d’autoriser à partir de 2012 la prise en compte du congé maternité dans le calcul des retraites. On passera sur l’évidente discrimination à l’encontre des hommes qui n’ont pas la chance de connaître les multiples bonheurs de la grossesse (nausées, rétention d’eau, envie compulsive de harengs marinés).
Mais bon, il faut bien reconnaître que cette mesure permettra aux vieux parents qui auront eu la chance d’avoir une nombreuse progéniture non pas d’avoir une retraite avec un montant digne de ce nom vers 70 ans, il ne faut pas rêver, mais de pouvoir compter sur leurs neufs enfants touchant le smic ou le RSA pour assurer leur survie, un peu à la manière chinoise si bien évoquée par le grand écrivain Lao She dans Quatre générations sous un même toit.