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Y’ a pas le feu au lac, mais


Martial Saddier photo : Greg YETCHMENIZA

Ma droite, c’est celle qui s’active en bas de chez moi, dans les vallées de cette Haute-Savoie que les commentateurs des dimanches soirs d’élections s’obstinent à confondre avec la Savoie géographiquement voisine, mais politiquement plus équilibrée. La Haute-Savoie est solidement ancrée à droite depuis plus d’un demi-siècle, après que les notables rad-socs de la IIIe République se furent déconsidérés par leurs compromissions avec Vichy.[access capability= »lire_inedits »]

Depuis, deux électeurs haut-savoyards sur trois lui apportent leurs suffrages, et les cinq députés et trois sénateurs du département sont soit UMP, soit − pour un seul d’entre eux − Nouveau Centre.
Cette situation ne se traduit pas pour autant par une ambiance délicieusement bisounours au sein de la droite locale, bien au contraire. Les ambitions personnelles sont d’autant plus aiguisées que l’adversaire politique ne risque pas de venir mettre tout le monde d’accord en raflant un mandat, petit ou grand…

Alors, ça flingue à chaque virage des petites routes de montagnes, et Dieu sait s’ils sont nombreux. Aujourd’hui, la droite départementale a un patron : c’est Bernard Accoyer, député d’Annecy-le-Vieux et président de l’Assemblée nationale. Ancien médecin oto-rhino-laryngologiste, ce considérable personnage essaie de mener sa boutique politique locale avec la bonhomie et l’esprit de tolérance dont il fait preuve au « perchoir » du Palais-Bourbon.

Mais, depuis quelques années, quelques jeunes blanc-becs, comme le député-maire de Bonneville, Martial Saddier, 42 ans mais déjà deux mandats de député au compteur, affûtent la chaîne de leur tronçonneuse pour dézinguer ce brave « Accoye » (prononcer accoille) et devenir les parrains politiques du département du Mont-Blanc. Les déboires nationaux de l’UMP et de Nicolas Sarkozy n’ont rien qui puisse trop chagriner les Iznogoud d’altitude. À supposer que Sarko se ramasse une gamelle en 2012, Accoyer se retrouverait député de base et Saddier et ses sbires seraient en bonne position pour le débarquer. Le score calamiteux de l’UMP aux régionales de 2010 avait déjà incité Martial le bien-nommé à déclencher les hostilités par un communiqué de presse faisant porter le chapeau de cette débâcle au président de l’Assemblée nationale. Accoyer, qui est en fait un faux brave, avait répliqué en torpillant depuis Paris les projets de Saddier visant à intégrer à sa communauté de communes de Bonneville quelques municipalités bien dotées, mais fort peu désireuses de passer sous l’autorité d’un ambitieux forcené doublé d’un mégalo redoutable. J’exagère ? La page d’accueil de son site internet le présente comme « député du Mont-Blanc et du décolletage ». Comme si le plus haut sommet d’Europe avait voté Saddier et que celui-ci représentait à lui seul la puissante industrie micromécanique de la vallée de l’Arve !

Sociologiquement, la droite haut-savoyarde s’appuie non plus, comme jadis, sur un monde agricole d’orientation démocrate-chrétienne : les paysans producteurs de reblochon sont devenus ultra-minoritaires par rapport aux gens vivant de l’industrie, du tourisme, des services et de la proximité du marché du travail suisse. Cette droite des PME, des commerçants, des professions libérales n’en peut plus de la proximité de Sarkozy avec les patrons du CAC 40 et la bande du Fouquet’s. Car ce sont ces messieurs des multinationales qui tordent le bras (et je suis poli) aux PME locales pour qu’elles délocalisent vers des paysages moins somptueux mais plus attractifs en matière de salaires.

Les plus grincheux de ces petits patrons retournent chez Le Pen, entraînant avec eux un personnel pour qui la lutte des classes ne se déroule pas dans l’atelier, mais avec l’atelier, son patron, ses cadres et ses ouvriers contre les tours de La Défense…

Ma droite est malade, et ma gauche, hélas, déserte le terrain pour le céder à des écolos qui veulent du loup partout et des moutons nulle part. Mais à part ça, tout va bien, et l’herbe ne va pas cesser de pousser pour si peu.[/access]

Avril 2011 · N°34

Article extrait du Magazine Causeur



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