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Un tramway nommé délire

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Mercredi dernier, une rame de la RATP a servi à évacuer des roms illégalement installés en Seine Saint-Denis. Et là… c’est le drame ! Insatisfaits de dénoncer le mélange des genres entre la police et la régie des transports, réquisitionnée pour l’occasion, tout ce que la gauche bourgeoise compte de belles âmes s’indigne.

Vous à qui on ne la fait plus, vous connaissez l’expression pavlovienne, tout de go reprise par Cécile Duflot : l’affaire rappelle « les heures les plus sombres de notre histoire et réveille en nous une monstrueuse évocation ».

Maréchal, nous y voilà ! Les trains transitant par Drancy vers les camps de la mort, la rafle du Vel d’Hiv, le triste rôle de la SNCF dans le convoyage des déportés : le décor est planté. Et le conseiller général communiste de Seine-Saint Denis Gilles Garnier d’évoquer ses « souvenirs d’école ou de cinéma ». A croire qu’après avoir trop longtemps cultivé le révisionnisme stalinien, au PCF, on se repasse en boucle le larmoyant Elle s’appelait Sarah. Ou que la lecture des pensées de Charles Berling et Josiane Balasko a remplacé celle des œuvres complètes de Marx.

Bien malgré eux, ces esprits humanistes nous jettent dans les bras de Claude Guéant, ministre de la parole, pardon de l’Intérieur, qui parlent d’ « amalgames scandaleux » de la part des tenants de Vichy forever.

Sans s’enflammer, deux remarques suffisent à démonter leurs comparaisons déplacées. Primo, comme me le faisait judicieusement remarquer mon confrère Renaud Chenu, « en 1942 on utilisait des trams pour mettre les roms DANS des camps. Aujourd’hui c’est pour les en SORTIR ». Secundo, lesdits roms ne sont ni internés ni voués à l’extermination, la France leur fournit même une indemnité de départ pour qu’ils se réinstallent le moins mal possible en Roumanie et en Bulgarie.

Deux pays où le sort des Roms s’avère nettement moins enviable qu’à Paris ou Montreuil. Mais de ça, on n’entend guère parler chez les indignés précités.

Vérité en deçà des Balkans…

Grèce : la tragédie a assez duré

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Avant-hier, la forte hausse du CAC 40 confirmait mon analyse de « la crise économique (qui) suspend son vol ». Mais voici qu’entre temps, les choses se sont considérablement compliquées à Athènes, dont le parlement juge « la dette hors de contrôle ».

Ajoutons à ce triste constat que les négociations pour appliquer le plan de « soutien » à la Grèce n’en finissent plus. Ainsi, sa ratification par les parlements nationaux est actuellement bloquée par les atermoiements de la Finlande. Depuis le 21 juillet, Helsinki – qui doit contribuer à hauteur de 2% des montants – refuse en effet d’accorder sa garantie sans obtenir de contrepartie de la Grèce . Athènes pourrait par exemple céder une de ses entreprises publiques à Helsinki si elle ne parvenait pas à rembourser ses dettes.

Si la Finlande obtenait gain de cause, cela ouvrirait une boîte de Pandore. L’Autriche, les Pays Bas, la Slovaquie ont d’ores et déjà formulé des exigences similaires, ce qui a fait hurler Jean-Claude Trichet ainsi que l’Allemagne et la France.
Bien évidemment, la Grèce ne peut fournir aucune garantie équivalente au montant du plan d’aide. Bref, contre toute attente, les difficultés qui s’amoncellent risquent de faire capoter la négociation du plan d’aide.

A Athènes, le ministre des finances a beau s’efforcer de répondre aux desiderata de la troïka bureaucratique (FMI, BCE et Commission européenne), la situation se tend. Le parlement grec ne se contente pas de tirer la sonnette d’alarme. Il affirme carrément que les différents plans d’austérité « ne peuvent pas restaurer l’état des finances », n’hésitant pas à contredire la politique suivie par le gouvernement grec depuis un an et demi !
Ses résultats sont totalement désastreux : après une chute du PIB de plus de 4% l’an dernier, la récession devrait s’aggraver en 2011, le second trimestre ayant même enregistré une dépression de 6.9% . Dire que la troïka avait prévu une légère croissance pour 2012 ! Même pioche pour le déficit budgétaire, qui dépasse lui aussi les prévisions les plus pessimistes : loin de la baisse de 7.6% attendue cette année, il s’aggrave en 2011.

Sans jouer les Cassandre, on peut dire que cette issue était prévisible. L’austérité sauvage imposée à Athènes pour renflouer ses créanciers plombe tellement la croissance grecque que l’augmentation des recettes permise par la réduction des dépenses et la hausse des impôts reste sans effets. S’ils restent englués dans le cadre actuel, les Grecs s’enfonceront dans une impasse et un troisième plan sera bientôt lancé, sans plus de succès que les précédents.

A terme, toute la question est de savoir si l’Union Européenne autorisera Athènes à restructurer sa dette ou si les dirigeants grecs, lassés de saigner leur pays, ne seront pas tentés d’imiter le précédent argentin. La Grèce se rapproche en effet de la situation de l’Argentine de 1999, lorsque Buenos Aires organisait une déflation pour retrouver sa compétitivité perdue face au Brésil et aux dragons asiatiques. Entre 1998 et 2001, le PIB argentin baissa de 10%, avant que la grave crise de 2002 aboutisse à une dévaluation et à un défaut de paiement. Cette période de gros temps avait finalement abouti au redressement de l’économie argentine.

Comme pour l’Argentine au tournant du siècle, la Grèce s’oriente probablement vers un défaut partiel sur sa dette devenue irremboursable, Une sortie de l’euro et une dévaluation de la nouvelle drachme paraissent non moins inévitables. La seule inconnue est de savoir quand tout cela arrivera. Pour rendre l’ajustement monétaire et économique moins brutal, le plus tôt serait le mieux.

Si la Grèce était sortie de l’euro cette année, elle devrait restructurer une dette équivalente à 160% de son PIB. Si rien n’est fait pour enrayer les processus en cours, ce chiffre déjà astronomique atteindra des sommets dans les mois et les années à venir.

A moins de vouloir se retrouver le couteau sous la gorge, les Grecs gagneraient à méditer l’exemple argentin…

Téléphone morose

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On m’aurait dit que j’écrirai un jour ce que je vais écrire je ne l’aurais pas cru. Et pourtant si ! Telle que vous me voyez, je vais rejoindre la horde des féministes ! Et j’ai une excellente raison !

Voyez plutôt : L’entreprise TeleNav a sondé 500 Américains âgés de plus de seize ans pour savoir à quel point nous sommes accros à nos GSM ! Et bien le résultat fait froid dans le dos !

Passons sur le fait que 55 % des personnes interrogées ont déclaré qu’elles pourraient se passer de café pendant une semaine plutôt que de se priver de leur téléphone portable. Et sur celui que 70 % ont affirmé qu’elles se passeraient d’alcool et 63 % de chocolat pendant la même période pour conserver leur portable en poche.

Après tout, le café, l’alcool et le choco, c’est pas désagréable, mais je serai la première à admettre que ça ne vaut pas une parlotte avec les copines.

Plus étrange, 21 % des sondés accepteraient de se passer de leurs chaussures pendant une semaine pour garder leur gsm. Là, je pense qu’on tombe dans l’addiction ! En effet, qu’est-ce qui galbe mieux un mollet qu’une jolie paire d’escarpins ? On ne peut tout de même rester sur la pointe des pieds pendant une semaine ! Ce serait la douloureuse crampe de la voûte plantaire assurée !

Plus inquiétant, 22% accepteraient de boycotter leur brosse à dents pour pouvoir continuer à utiliser leur mobile ! Là, c’est carrément dégueulasse !

Mais hélas, le pire est à venir !

Sur les 500 Amerloques, un tiers, vous avez bien lu : un tiers, a répondu préférer abandonner le sexe pendant une semaine plutôt que de se passer de téléphone pendant la même période.

Ben, merde !

Alors là, franchement, ce coup-ci, je rejoints les suffragettes, et je vous ordonne, Messieurs, d’oser le clito ! Même s’il faut laisser tomber le texto !

Non, mais !

Bettencourt, l’éternel retour

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Image : Ika Marie Jeanne

L’affaire Bettencourt, c’est un peu le running gag du quinquennat Sarkozy. Scoop du siècle, l’infirmière de Liliane Bettencourt aurait confié à la juge Isabelle Prévost-Desprez avoir assisté à la remise d’une enveloppe d’argent à Nicolas Sarkozy en 2007. Cette révélation est extraite du livre Sarko m’a tuer, c’est dire si elle est sérieuse. L’infirmière a immédiatement démenti cette allégation. Dont acte. Hier, nouveau rebond dans cette mascarade d’État aux effets gigognes : Gérard Davet, co-auteur de l’ouvrage pré-cité et journaliste au Monde, aurait été espionné par la DCRI.

L’information vient cette fois de la juge Sylvie Zimmermann, qui instruit la plainte déposée par Le Monde en septembre dernier pour « atteinte au secret des sources ». Le contre espionnage avait ainsi demandé à Orange de lui fournir les relevés téléphoniques du journaliste. Son crime ? Un article daté du 19 juillet 2010 où il rendait compte des déclarations à la police de Patrice de Maistre, lors de sa garde à vue du 15 juillet. On y apprenait entre autres qu’Éric Woerth, ministre du Budget à l’époque des faits, lui aurait demandé d’embaucher sa femme au sein de la société Clymène qui gère la fortune de Liliane Bettencourt. On connaît la suite, qui marqua le début du calvaire pour le couple maudit sacrifié en place publique. Les petits conflits d’intérêts, passe encore, mais là c’était trop gros. Signe du destin, David Sénat, conseiller technique de Michelle Alliot-Marie et « source » supposée du Monde, sera muté comme magistrat à Cayenne.

En pleine conférence internationale sur la reconstruction de la Libye, l’exécutif s’illustre donc en se vautrant une nouvelle fois dans cette mauvaise habitude française : écouter aux portes.

Dès le 2 novembre 2010, sous la plume de Claude Angeli, Le Canard enchaîné rapportait cette affaire d’espionnage de manière très circonstanciée. Depuis, les regards se dirigeaient vers la DCRI et l’Élysée, qui qualifia à l’époque les accusations du Canard de « farfelues  ». Mais l’accusateur farfelu était bien placé pour savoir que la DCRI ne mégote pas sur les moyens pour identifier des sources enquiquinantes pour le pouvoir. Ainsi, en avril 2009, lorsque l’administration américaine fit savoir à ses homologues du Quai d’Orsay qu’il était gênant de lire le feuilleton de leurs échanges confidentiels, en particulier sur l’Iran, page 3 du Canard, les services de monsieur Kouchner déposèrent une plainte contre X. La DCRI fut alors chargée de débusquer les sources d’Angeli sous l’égide d’un juge antiterroriste. De quoi jeter un froid entre pouvoir politique et journalistes ! Finalement, après l’audition de nombreux diplomates, l’affaire n’alla pas bien loin, les journalistes du Canard ayant trop de métier pour permettre à leurs sources de se faire prendre la main dans le sac par des barbouzes ès « fadettes ».

Car la « fadette », petit nom des relevés téléphoniques, est la valeur montante dans le jeu de cache-cache entre un pouvoir jaloux de ses petits secrets et des journalistes bien décidés à les révéler. Dernier exemple en date, les accusations « farfelues » qui avaient poussé le ministre de l’intérieur de l’époque, Brice Hortefeux, à monter au créneau, pour préciser que « La DCRI, ce n’est pas la Stasi, son rôle n’est pas de tracasser les journalistes », se révèlent aujourd’hui tout à fait exactes. C’est pour le moins gênant.

L’actuel taulier de la place Beauvau, Claude Guéant, l’a reconnu avec un grand art de la nuance sur France Info : « Il y a eu des repérages de communications téléphoniques, ce qui est tout à fait différent d’écoutes ». Ce rétropédalage jésuitique ne fera pas oublier la loi sur la liberté de la presse[1. Réformée le 4 janvier 2010.] stipulant qu’il « ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources » des journalistes. Même avec une interprétation très large, on constate que la loi a été malmenée, sinon violée, dans cette affaire.

Certes, ces « repérages » apparaissent comme de petites mesquineries policières sans commune mesure avec la chape de plomb que ferait peser sur la presse une véritable police politique. Il n’en reste pas moins que la loi n’est pas un gadget, et que si nos gouvernants exigent avec raison qu’elle soit scrupuleusement appliquée en bas, elle devrait être tout aussi respectée en haut.

Quant au jeu du chat et de la souris entre les journalistes d’investigation et le pouvoir, il perdurera quelles que soient les subtilités de la loi sur la « protection des sources ».

Ainsi vont les traditions : elles persistent.

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Greenpeace, agence de notation écologique

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Crédit photo : David_Reverchon

Tremblez candidats à la présidentielle : Greenpeace va peser de tout son poids dans la campagne. Sa filiale française vient en effet de rendre public son premier « stress test » des candidats en notant leur programme énergétique. Stress Test ? En fait, un très banal questionnaire, truffé de marronniers comme : « Êtes-vous pour ou contre la sortie du nucléaire ? », « Êtes-vous favorable à une révision de l’écotaxe poids lourds ? » ou encore « Êtes-vous pour ou contre la limitation de la vitesse à 120 km/h sur les autoroutes ?  » (au passage, de quoi je me mêle, les amis, risque-t-on d’écraser un dauphin lorsqu’on roule à 130 ?). On retiendra aussi l’épatant « Considérez-vous possible que les EnR constituent la majorité du mix énergétique, quand ? ».

Une fois dissipé le fou rire provoqué par cette dernière question, il faut hélas revenir au fond du problème : avec son QCM, Greenpeace classe à sa façon les candidats, qui ne deviennent plus seulement bons (pardon, chez Greenpeace, on dit « engagés ») ou mauvais (pardon, là il faut dire « rétrogrades »), mais qualifiés ou pas pour gouverner la France. Tenez-vous le pour dit : la multinationale écolo rêve ni plus ni moins que de dicter la politique énergétique de la France.

Certes, on pourrait prendre ce test pour ce qu’il est : pas grand-chose. Après tout, syndicats, associations et autres lobbies profitent des périodes électorales pour sonder les candidats : de la défense de la filière porcine aux intermittents du spectacle en passant par le statut du parent divorcé, les questionnaires pleuvent comme à Gravelotte. Et les candidats y répondent avec empressement et application. Ce serait idiot d’être à poil le jour où un de ces sujets de niche finira par faire la une du Parisien.

Quand je dis que les candidats répondent, n’allez surtout pas me prendre au mot. Un peu comme lorsque votre petite sœur écrit à Warner Music pour recevoir une photo dédicacée de Sliimy, il ne faut pas se fier à la signature. En réalité, les questionneurs mettent à contribution des bataillons de stagiaires de Sciences Po, vaguement militants, qui sont réquisitionnés dans les staffs de campagne pour répondre en copiant-collant les programmes de leur candidat préféré. Généralement, l’écho de ces questionnaires ne dépasse pas le site internet de ces chapelles 1901, et c’est très bien comme ça.

Greenpeace n’innove donc pas vraiment. Si ce n’est par le climat de terreur qu’elle crée autour de son « stress test » et sa force de frappe médiatique. Ainsi, personne n’osera appeler un chat un chat un chat et parler de questionnaire, toute la presse reprendra en chœur la terminologie grotesque et pontifiante de « stress test » sans la moindre trace d’ironie ou de distance critique : c’est Greenpeace, hein…

Pourtant, même en ne procédant qu’à une lecture disons, journalistique, du questionnaire, il y a de quoi, justement, se questionner. Bizarrement, Eva Joly sort triomphante de l’épreuve. On pourrait aussi s’interroger sur deux couacs qui viennent entacher la régularité de ce concours de beauté, mais pour ça, c’est comme avant de signer chez Orange ou SFR, il faut lire les toutes petites lignes qui accompagnent le beau fichier Power Point de l’ONG. Première fausse note : si des candidats ne se sont pas sentis obligés de répondre aux sommations de la boutique écolo, ils sont d’entrée de jeu disqualifiés, ou plutôt qualifiés de « rétrogrades », soit la pire des catégories qu’on imagine peuplée de nucléocrates amateurs de DDT et de grosses cylindrées.

Jean-Louis Borloo, le géniteur du Grenelle de l’environnement, se retrouve donc en bas de tableau parce qu’il a dû oublier le questionnaire au bureau avant de partir en vacances. Ou plus exactement, parce qu’il n’a pas souhaité répondre « car il n’est pas encore officiellement candidat». Notons que Chevènement, qui pour l’instant se contente de menacer d’être candidat, a lui répondu et est donc automatiquement classé plus écolo que Borloo. Drôle, non ?

Le second biais du test est idéologique. On a beau retourner le fichier, on ne voit pas les réponses de Nathalie Arthaud de LO, ou celles de Marine Le Pen. Là encore, il faut lire les petites lignes explicatives de « l’étude », et il est important à ce stade de delirium ecologis de ne pas oublier les guillemets pour vous expliquer le pourquoi de cette absence : « Greenpeace, explique le document, est une organisation apolitique. Nous avons décidé d’exclure de notre classement Lutte Ouvrière et le Front National. Greenpeace considère que Lutte Ouvrière est un parti non démocratique. De son côté, le Front National est en opposition totale avec des valeurs parmi les plus chères à Greenpeace, notamment le pacifisme et la non-violence. La « préférence nationale » prônée par le Front National est une forme de discrimination que Greenpeace récuse absolument ».

LO et le FN n’auront pas le droit de nous dire à quelle vitesse il faut rouler sur les autoroutes ou comment gérer le MOX. Proposons donc à Greenpeace de ne plus envoyer son formulaire qu’à la candidate d’Europe Ecologie-Les Verts. Ça lui éviterait de se frotter à des gens qui ne pensent pas comme elle, ce qui est aussi, ne l’oublions pas, le principe des élections. Ou alors invitons-la gentiment à faire ce qu’elle sait faire : des pétitions pour sauver les baleines dans la forêt d’Amazonie.

Touche pas à mon despote !

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Jamel Debbouze dans Le fabuleux destin d'Amélie Poulain.

De temps en temps, entre deux affaires de chiens corréziens décimés par des boulettes empoisonnées, la presse quotidienne régionale sort quelques révélations de derrière les fagots. L’entretien qu’a récemment accordé Jamel Debbouze à L’Est-Eclair ne déroge pas à la règle. Comme les personnages d’Amélie Poulain, qu’il marqua de son jeu facétieux, Jamel aime : les révoltes arabes, Martine Aubry et sa gestion municipale à Lille, son « super » mentor (et non moins paternel) Jacques Delors, la France diverse, etc. En esprit cartésien, il n’aime pas : la droite, le Front National, les critiques de l’immigration qui « rapporte beaucoup d’argent et rend service à la France », le 21 avril 2002, et j’en passe…

L’esprit charitable et néanmoins taquin d’où sont sorties ces lignes n’insistera pas sur la frivolité politique qui vous fait passer de Ségolène Royal à Martine Aubry en moins de temps qu’il n’en faut pour comprendre leurs prétendues divergences idéologiques. Après tout, Debbouze ne sera ni le premier ni le dernier à retourner sa veste au détriment de l’ex-chouchoute des sondages : de Pierre Bergé à Dominique Besnehard, on sait certains people peu enclins à se porter au secours des causes désespérées. Lorsque les agences de notation politique que sont Sofres, Ipsos ou l’Ifop abaissent votre cote de popularité, vous n’avez plus que vos yeux pour pleurer ou Sainte Rita à implorer.

Aujourd’hui, c’est décidé, Jamel vote donc Aubry avec la dévotion des convertis (« J’aime cette meuf ! »). Celui que les médias ont propulsé porte-parole des banlieues – sous prétexte qu’il y est né avant de faire fortune, le même raisonnement déterministe conduisant logiquement Alain Madelin à se proclamer représentant de la classe ouvrière – martèle que Martine sera la meilleure pour le job. Sur quels critères ? Le j’aime/j’aime pas bien sûr. Syllogisme implacable. Aubry traite merveilleusement l’immigration à Lille, elle impulsera donc un mouvement de rectification dans ce pays gangréné par le conservatisme. Son premier fan le dit haut et fort : « Franchement, ma seule ambition, c’est que l’immigration soit un jour respectée. J’en souffre encore aujourd’hui et je trouve ça déplorable ».

Pis, si Marine Le Pen se qualifie pour le second tour de la présidentielle – ne parlons pas de victoire -, l’humoriste « change de crémerie ». Un 21 avril ça va explique-t-il, deux bonjour les dégâts. Il ne supporterait plus d’habiter dans cette France-là, une démocratie où le verdict des urnes lui semblerait décidément trop malodorant.
Antifasciste patenté, Jamel ne se contente pas de faire le ménage en France, il se penche aussi sur le sort des pays arabes, ces grands oubliés de la déesse Démocratie. Il se félicite des bouleversements intervenus dans les pays arabes depuis que la grogne partie de Sidi Bouzid ébranle jusqu’au plus petit patelin yéménite.

Ce qu’il y a de croustillant dans cet enthousiasme à géométrie variable, ce n’est pas tant que Jamel s’effraie du danger que représenterait le Front National pour nos libertés, danger largement imaginaire à mon avis, ni qu’il balaie d’un revers de la main le péril islamiste.
Non, le plus drôle, c’est son silence assourdissant sur la vague de répression qui a secoué le Maroc ces derniers mois, l’arrestation puis la libération tardive d’opposants par son ami Mohammed VI, tendrement surnommé « M6 » par ses intimes.

Non content d’adresser de réguliers satisfecit à la politique d’ouverture en trompe l’œil de son ami le Roi, Debbouze reste muet sur le « mouvement du 20 février », plate-forme de l’opposition marocaine constituée début 2011 après la répression brutale d’émeutes populaires. Cette structure démocratique dénonce la dernière réforme constitutionnelle de Mohammed VI comme de la poudre aux yeux et appelle les artistes à boycotter les événements culturels du pays de l’Atlas.

Las, comme si de rien n’était, Jamel a organisé en juin dernier la nouvelle édition du Festival international du rire du Marrakech. Allez, ne soyons pas mauvaises langues, et attribuons ce militantisme paillette à un très haut sens moral : après tout, Debbouze pense peut-être qu’une fois arrivée au pouvoir, la terrrifiante Marine Le Pen maltraiterait ENCORE PLUS ses opposants que le bon roi M6…

Taxe sur les sodas : gabelle sucrée, addition salée

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Nicolas Sarkozy – pardon – François Fillon a annoncé l’instauration d’une nouvelle taxe sur les boissons avec sucre ajouté. Comme c’est devenu l’habitude en France, l’impôt n’est plus (ou du moins plus seulement) une contribution des citoyens au budget de l’Etat mais aussi un outil d’ingénierie sociale qui permet aux sages qui nous gouvernent de remodeler cette société imparfaite selon leurs désirs. Ainsi donc, au-delà des 100 millions d’euros dont le premier ministre espère alléger nos poches, il est également question cette fois-ci de lutter contre l’obésité.

Anecdotique me direz-vous.

Eh bien peut être pas. Ça a commencé avec l’élue de mon cœur, qui ne se mêle pourtant jamais de politique mais se trouve être une grande consommatrice de Coca Cola. Sitôt qu’elle a appris la nouvelle par l’entremise d’une amie (ce qui est, en soi, déjà surprenant) elle est rentrée dans une sainte colère et m’a immédiatement cuisiné en long en large et en travers sur le montant des nombreux impôts indirects dont nous abreuve la citadelle de Bercy. Dès le lendemain, mon boucher s’y met à son tour : lui qui est d’habitude aussi bavard qu’une tombe ne trouve pas de mots assez durs pour qualifier ce gouvernement et ceux qui l’ont précédé. Et ainsi de suite…

Je ne sais pas si vous avez la même impression, mais j’ai rarement vu et entendu autant d’honnêtes citoyens s’offusquer d’un nouvel impôt. On parle d’une nouvelle gabelle et j’ai même vu une « Soda Party »[1. Référence à la « Boston Tea Party » de 1773.] se créer sur Facebook[2. Le CSA a récemment interdit de nommer les réseaux sociaux à la télévision ; dans la presse écrite, il me semble que c’est encore autorisé.] et attirer en quelques jours un nombre considérable de sympathisants. La gabelle, une « Soda Party » : fichtre ! Si ce ne sont pas des références explicitement révolutionnaires, elles le sont au moins implicitement.

Notre premier ministre croyait sans doute qu’une énième taxe à la consommation et, qui plus est une taxe assortie d’un objectif aussi mollement consensuel que l’impérieuse nécessité de lutter contre l’obésité, passerait comme une lettre à la Poste[3. Hors périodes de grèves.]. C’est bien mal connaître l’histoire. Les révoltes populaires, insurrections et autres révolutions ont bien souvent des origines bêtement fiscales.

Le jeune loup plaît au vieux lion

« Voici venu le temps des jeunes lions ! » s’était exclamé Arnaud Montebourg en 2007, au lendemain de sa réélection à l’Assemblée Nationale, alors qu’il s’envisageait déjà en socialiste « nouvelle formule ».

C’est avec un autre félin, le « vieux lion de Belfort » que le candidat à la primaire socialiste a débattu hier soir lors d’un colloque intitulé : « L’Europe dans la mondialisation : que faire ? » organisé au Palais-Bourbon. Loin de l’atmosphère « cimetière des éléphants » qui se dégage parfois des symposiums socialistes, ce numéro de duettistes correspondait à ce que l’on serait en droit d’attendre de véritables primaires : on y parla politique, et pas seulement stratégie individuelle.

L’un des protagonistes de l’événement ne participera pas aux «primaires citoyennes de la gauche ». Il ne souhaite en aucune façon s’engager dans ce processus qui contraindra les vaincus à adouber le vainqueur. Les militants du Mouvement Républicain et Citoyen présents dans la salle font d’ailleurs circuler une brochure rédigée par le « Ché » : « Pourquoi je serai candidat ». Comme en 2007, le sénateur de Belfort se réserve la possibilité « d’y aller ». Sans accepter pour autant de lever le doute, il affirme avoir pour principale ambition de « peser dans le débat ».

Le colloque commence par une mise en bouche de l’économiste Jacques Sapir, auteur de La démondialisation, qui intervient aux côtés du journaliste économique Jean-Michel Quatrepoint, et du président de la Fondation Terra Nova, que Montebourg finira par moucher : « Alain Minc est désormais plus à gauche qu’Olivier Ferrand » !

Ce dernier recycle l’antienne selon laquelle « l’euro nous protège », ouvrant un échange musclé avec Sapir et Quatrepoint. Un tel débat souligne sans simagrées les profonds désaccords entre les « deux gauches ». L’une interventionniste et volontariste est souvent nommée « souverainiste ». L’autre, plus libérale que sociale, conserve une foi intacte dans les bienfaits du « doux commerce » et dénonce rien de moins que le « protectionnisme bestial ». Devant ce fossé idéologique, on se demande si ces deux gauches seront un jour réconciliables, voire si le clivage droite-gauche reste pertinent. Aujourd’hui, la véritable ligne de démarcation politique ne séparerait-elle pas les sociaux-libéraux des nationaux-républicains ? Quoi qu’on en pense, la confrontation entre experts des deux bords a l’immense mérite de soulever cette question.

Avec les deux vedettes de la soirée, Jean-Pierre Chevènement et Arnaud Montebourg, il a aussi été question de politique. Mais de débat, il n’y en a guère tant leurs vues convergent. Le public venu en nombre assiste davantage au scellement d’une entente qu’à une confrontation.

Les légères nuances sur l’appréciation de la crise, qui semblent un temps apparaître, se dissipent rapidement. Pour le belfortain, l’euro est ainsi « la question centrale » ignorée par les candidats socialistes à La Rochelle. Or, Chevènement ne réclame pas une mise à mort immédiate de la monnaie unique mais entend dévaluer un euro surcoté par rapport au dollar et au yuan. Sauver la monnaie unique : tel est le « plan A » que Chevènement souhaite voir appliqué pour ne pas contraindre les gouvernements à revenir aux monnaies nationales et à transformer l’euro en simple monnaie extérieure commune.

A ses côtés, Arnaud Montebourg ne dit pas autre chose: « un responsable politique peut craindre l’écroulement de l’euro, mais il ne peut pas parier là-dessus (…) je défends une stratégie de monétisation de la dette ». Visiblement, les secousses estivales générées par la « nervosité des marchés » et le second plan de sauvetage de la Grèce ont décillé les yeux de celui dont Daoud Boughezala disait ici même avec raison : « Montebourg ne remet jamais explicitement en cause l’indépendance de la Banque Centrale Européenne. La responsabilité des gouvernements européens coupables d’une surévaluation de l’euro par rapport au dollar et au yuan n’est pas évoquée (dans son livre Votez pour la démondialisation) ».

Jeune et vieux lion veulent donc pousser la BCE à intervenir directement sur les marchés[1. Comme elle l’a fait cet été en rachetant des titres de dette italienne et espagnole.], quitte à violer de façon consciente et assumée les traités de Maastricht et de Lisbonne. Ils posent d’ailleurs le même diagnostic : l’euro n’est pas une monnaie économique. Elle souffre d’un vice de conception qui a fait diverger gravement les économies de la zone, et nous a amenés dans une situation périlleuse. Mais tous deux concèdent qu’en dépit de ses tares, l’euro mérite d’être sauvé, pour ne pas nous faire sombrer avec lui.

D’autres points d’accord se font jour entre le sénateur et le député. S’il est attendu de voir Chevènement réaffirmer la nécessité d’une défense française indépendante, il n’en est pas moins rassérénant d’écouter Montebourg regretter « l’abaissement des fonctions régaliennes de l’Etat ». Dans ces conditions, on comprend que l’aîné assure son cadet de son « estime  ». Et Chevènement d’ajouter, comme pour l’adouber, que Montebourg « fraye les chemins de l’avenir ». La lune de miel va si loin que le socialiste exhorte l’assemblée à « voter Jean-Pierre Montebourg » au premier tour de la primaire !

On l’aura compris : les deux hommes font front commun contre la mondialisation et le système néolibéral. Au train où vont les choses, l’on ne serait pas surpris d’entendre bientôt murmurer « Chevènement soutient Montebourg ».

Assad à sec

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Selon le quotidien saoudien Acharq Al-Awsat, qui cite des sources sécuritaires « autorisées », l’appareil de répression syrien montre des signes d’essoufflement : de plus en plus d’officiers de l’armée régulière font défection, et, phénomène nouveau, la milice alaouite de la Shabiha, pourtant acquise au clan Assad, commence même à se rebeller.

Ses milliers de membres[1. Ils seraient entre cinq et dix mille, selon les estimations] aux allures de brutes bodybuildées ne réclament pas plus de démocratie, tant s’en faut. Ces gros bras pour la plupart originaires du littoral syrien, fief de la famille Assad, veulent tout simplement être payés. Car voilà l’origine du problème : l’Etat syrien ne peut plus rétribuer les paramilitaires qui lui servent de porte-flingues depuis le début de la contestation. Devant les retards de paiement, les miliciens menacent de faire grève.

De deux choses l’une : soit le président syrien croit à sa propre propagande et, sûr de sa victoire, applique une politique de rigueur, soit il laisse se vider les caisses de la Banque Centrale syrienne. A en croire Acharq Al-Awsat, cette dernière hypothèse est en train de se réaliser. Malgré une aide iranienne de quelque cinq milliards de dollars, le nerf de la guerre commence à manquer, ce qui s’avère pour le moins problématique. Car même le noyau dur du clan Assad n’accomplit pas le sale boulot par amour désintéressé de la patrie.

Il faut dire que les honoraires des gars de la Shabiha ont de quoi choquer. Ces cerbères qui maintiennent ce régime subclaquant sous respiration artificielle monnaient la prestation 2000 livres syriennes (30 euros) par jour, tarif qui grimpe jusqu’à 7 000 voire 10 000 livres le vendredi, jour hebdomadaire des manifestations anti-Assad. Les membres de la Shabiha en mission à Alep bénéficient même d’une « prime » exceptionnelle (5000 livres par jour au lieu de 2000) pour maintenir l’ordre dans cette ville stratégique restée à l’écart de la contestation. Dans un pays où le salaire moyen ne dépasse pas les 15000 livres (230 euros), de tels molosses coûtent un bras, sans parler des véhicules et du matériel que l’Etat met gracieusement à leur disposition.

Et si les Syriens faisaient marcher la planche à billets ? Après tout, la Syrie ne fait pas partie de la zone euro et Bachar Al-Assad a bien d’autres chats à fouetter que l’inflation. Hélas pour Assad, la Syrie n’en est pas capable. Jusqu’à une date récente, les livres syriennes étaient fabriquées en Autriche… avant qu’au vu des événements, l’imprimeur décide de rompre son contrat avec Damas. En conséquence de quoi la Banque centrale syrienne n’est plus approvisionnée en billets de banque depuis des semaines, ce qui réduit ses marges de manœuvre monétaires à une peau de chagrin.
Faut de pouvoir créer de la masse monétaire, les Assad doivent compter sur leurs derniers deniers et opérer des choix cornéliens : couper dans les dépenses sociales (subvention du pain et des produits alimentaires de base), augmenter les impôts indirects (sur l’essence, la restauration, etc.), ou bien rogner les salaires des fonctionnaires et des militaires.

Quelle que soit la mesure adoptée, elle a peu de chance de renforcer la popularité d’un pouvoir exsangue qui a si longtemps joué la montre. Après avoir renvoyé un ministre turc à ses chères études, rejeté l’offre de médiation arabe et poliment remercié un émissaire russe, Damas paraît résolument sourd et aveugle.

Avec la fin du Ramadan, l’opposition fraichement structurée dans un Conseil de transition parrainé par la Turquie, appelle à redoubler les cortèges pour faire tomber Assad. Alors que les montagnes de dollars de Kadhafi n’ont pu enrayer sa chute, la ruine de l’Etat syrien pourrait bientôt sonner le glas de l’oligarchie baathiste.

En savoir toujours plus sur Anders Breivik

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 » Comme tous mes amis peuvent en témoigner, je n’aurais pas fait de mal à une mouche « , proclame Anders Breivik qui pose d’un air protecteur à coté de sa mère et de sa demi-soeur. Ce jeune homme reçu dans la meilleure société d’Oslo, participant à des fêtes, candidat municipal du Parti du Progrès raconte qu’à douze ans, il faisait les quatre cents coups avec des amis immigrés, taguant sans relâche les bâtiments d’Oslo. Ses potes s’appelaient Omar, un Turc, Jonathan, un Érythréen, Wazim, un Pakistanais…il fréquente également le milieu de la gauche radicale et la scène hip hop.

Il observe avec curiosité d’abord, inquiétude ensuite, colère enfin que tous ses copains musulmans sont solidaires dans les bagarres et fiers de leur religion. Les Norvégiens d’origine, qu’il décrit comme des mauviettes, se laissent dépouiller sans réagir. Quand il s’en indigne publiquement, il est taxé de raciste. C’est pour lui l’injustice originelle.  » Je me rappelle, dit-il, avoir pensé à un certain moment : ce système me rend malade « . Il n’en veut pas à ses potes africains ou arabes, mais aux petits blondinets baignant dans leur bonne conscience et leur lâcheté. D’où le choix de sa cible : l’université des jeunes socialistes.

Passer à l’acte est une autre affaire. S’il reconnaît volontiers avoir un ego relativement enflé et se montrer souvent arrogant, il reconnaît que transformer une ferme bio en fabrique d’explosifs tout en demeurant un mec branché n’est pas une mince affaire. Pour tenir le coup, dit-il, il est important de s’amuser chaque jour. Son journal est rempli de recettes pour rester motivé : manger du chocolat, fumer, écouter de la musique trance, jouer aux jeux vidéo, manger un bon repas au restaurant, bref  » instaurer un système de récompense « .

Anders Breivik insiste sur le fait que sa démarche n’est pas égoïste : ce qu’il veut, c’est protéger ses  » frères et sœurs européens « . Il agit, comme pratiquement tous les criminels, par amour. Ce qui démontre une fois de plus que l’amour est infiniment plus destructeur que la haine.

Un tramway nommé délire

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Mercredi dernier, une rame de la RATP a servi à évacuer des roms illégalement installés en Seine Saint-Denis. Et là… c’est le drame ! Insatisfaits de dénoncer le mélange des genres entre la police et la régie des transports, réquisitionnée pour l’occasion, tout ce que la gauche bourgeoise compte de belles âmes s’indigne.

Vous à qui on ne la fait plus, vous connaissez l’expression pavlovienne, tout de go reprise par Cécile Duflot : l’affaire rappelle « les heures les plus sombres de notre histoire et réveille en nous une monstrueuse évocation ».

Maréchal, nous y voilà ! Les trains transitant par Drancy vers les camps de la mort, la rafle du Vel d’Hiv, le triste rôle de la SNCF dans le convoyage des déportés : le décor est planté. Et le conseiller général communiste de Seine-Saint Denis Gilles Garnier d’évoquer ses « souvenirs d’école ou de cinéma ». A croire qu’après avoir trop longtemps cultivé le révisionnisme stalinien, au PCF, on se repasse en boucle le larmoyant Elle s’appelait Sarah. Ou que la lecture des pensées de Charles Berling et Josiane Balasko a remplacé celle des œuvres complètes de Marx.

Bien malgré eux, ces esprits humanistes nous jettent dans les bras de Claude Guéant, ministre de la parole, pardon de l’Intérieur, qui parlent d’ « amalgames scandaleux » de la part des tenants de Vichy forever.

Sans s’enflammer, deux remarques suffisent à démonter leurs comparaisons déplacées. Primo, comme me le faisait judicieusement remarquer mon confrère Renaud Chenu, « en 1942 on utilisait des trams pour mettre les roms DANS des camps. Aujourd’hui c’est pour les en SORTIR ». Secundo, lesdits roms ne sont ni internés ni voués à l’extermination, la France leur fournit même une indemnité de départ pour qu’ils se réinstallent le moins mal possible en Roumanie et en Bulgarie.

Deux pays où le sort des Roms s’avère nettement moins enviable qu’à Paris ou Montreuil. Mais de ça, on n’entend guère parler chez les indignés précités.

Vérité en deçà des Balkans…

Grèce : la tragédie a assez duré

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Avant-hier, la forte hausse du CAC 40 confirmait mon analyse de « la crise économique (qui) suspend son vol ». Mais voici qu’entre temps, les choses se sont considérablement compliquées à Athènes, dont le parlement juge « la dette hors de contrôle ».

Ajoutons à ce triste constat que les négociations pour appliquer le plan de « soutien » à la Grèce n’en finissent plus. Ainsi, sa ratification par les parlements nationaux est actuellement bloquée par les atermoiements de la Finlande. Depuis le 21 juillet, Helsinki – qui doit contribuer à hauteur de 2% des montants – refuse en effet d’accorder sa garantie sans obtenir de contrepartie de la Grèce . Athènes pourrait par exemple céder une de ses entreprises publiques à Helsinki si elle ne parvenait pas à rembourser ses dettes.

Si la Finlande obtenait gain de cause, cela ouvrirait une boîte de Pandore. L’Autriche, les Pays Bas, la Slovaquie ont d’ores et déjà formulé des exigences similaires, ce qui a fait hurler Jean-Claude Trichet ainsi que l’Allemagne et la France.
Bien évidemment, la Grèce ne peut fournir aucune garantie équivalente au montant du plan d’aide. Bref, contre toute attente, les difficultés qui s’amoncellent risquent de faire capoter la négociation du plan d’aide.

A Athènes, le ministre des finances a beau s’efforcer de répondre aux desiderata de la troïka bureaucratique (FMI, BCE et Commission européenne), la situation se tend. Le parlement grec ne se contente pas de tirer la sonnette d’alarme. Il affirme carrément que les différents plans d’austérité « ne peuvent pas restaurer l’état des finances », n’hésitant pas à contredire la politique suivie par le gouvernement grec depuis un an et demi !
Ses résultats sont totalement désastreux : après une chute du PIB de plus de 4% l’an dernier, la récession devrait s’aggraver en 2011, le second trimestre ayant même enregistré une dépression de 6.9% . Dire que la troïka avait prévu une légère croissance pour 2012 ! Même pioche pour le déficit budgétaire, qui dépasse lui aussi les prévisions les plus pessimistes : loin de la baisse de 7.6% attendue cette année, il s’aggrave en 2011.

Sans jouer les Cassandre, on peut dire que cette issue était prévisible. L’austérité sauvage imposée à Athènes pour renflouer ses créanciers plombe tellement la croissance grecque que l’augmentation des recettes permise par la réduction des dépenses et la hausse des impôts reste sans effets. S’ils restent englués dans le cadre actuel, les Grecs s’enfonceront dans une impasse et un troisième plan sera bientôt lancé, sans plus de succès que les précédents.

A terme, toute la question est de savoir si l’Union Européenne autorisera Athènes à restructurer sa dette ou si les dirigeants grecs, lassés de saigner leur pays, ne seront pas tentés d’imiter le précédent argentin. La Grèce se rapproche en effet de la situation de l’Argentine de 1999, lorsque Buenos Aires organisait une déflation pour retrouver sa compétitivité perdue face au Brésil et aux dragons asiatiques. Entre 1998 et 2001, le PIB argentin baissa de 10%, avant que la grave crise de 2002 aboutisse à une dévaluation et à un défaut de paiement. Cette période de gros temps avait finalement abouti au redressement de l’économie argentine.

Comme pour l’Argentine au tournant du siècle, la Grèce s’oriente probablement vers un défaut partiel sur sa dette devenue irremboursable, Une sortie de l’euro et une dévaluation de la nouvelle drachme paraissent non moins inévitables. La seule inconnue est de savoir quand tout cela arrivera. Pour rendre l’ajustement monétaire et économique moins brutal, le plus tôt serait le mieux.

Si la Grèce était sortie de l’euro cette année, elle devrait restructurer une dette équivalente à 160% de son PIB. Si rien n’est fait pour enrayer les processus en cours, ce chiffre déjà astronomique atteindra des sommets dans les mois et les années à venir.

A moins de vouloir se retrouver le couteau sous la gorge, les Grecs gagneraient à méditer l’exemple argentin…

Téléphone morose

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On m’aurait dit que j’écrirai un jour ce que je vais écrire je ne l’aurais pas cru. Et pourtant si ! Telle que vous me voyez, je vais rejoindre la horde des féministes ! Et j’ai une excellente raison !

Voyez plutôt : L’entreprise TeleNav a sondé 500 Américains âgés de plus de seize ans pour savoir à quel point nous sommes accros à nos GSM ! Et bien le résultat fait froid dans le dos !

Passons sur le fait que 55 % des personnes interrogées ont déclaré qu’elles pourraient se passer de café pendant une semaine plutôt que de se priver de leur téléphone portable. Et sur celui que 70 % ont affirmé qu’elles se passeraient d’alcool et 63 % de chocolat pendant la même période pour conserver leur portable en poche.

Après tout, le café, l’alcool et le choco, c’est pas désagréable, mais je serai la première à admettre que ça ne vaut pas une parlotte avec les copines.

Plus étrange, 21 % des sondés accepteraient de se passer de leurs chaussures pendant une semaine pour garder leur gsm. Là, je pense qu’on tombe dans l’addiction ! En effet, qu’est-ce qui galbe mieux un mollet qu’une jolie paire d’escarpins ? On ne peut tout de même rester sur la pointe des pieds pendant une semaine ! Ce serait la douloureuse crampe de la voûte plantaire assurée !

Plus inquiétant, 22% accepteraient de boycotter leur brosse à dents pour pouvoir continuer à utiliser leur mobile ! Là, c’est carrément dégueulasse !

Mais hélas, le pire est à venir !

Sur les 500 Amerloques, un tiers, vous avez bien lu : un tiers, a répondu préférer abandonner le sexe pendant une semaine plutôt que de se passer de téléphone pendant la même période.

Ben, merde !

Alors là, franchement, ce coup-ci, je rejoints les suffragettes, et je vous ordonne, Messieurs, d’oser le clito ! Même s’il faut laisser tomber le texto !

Non, mais !

Bettencourt, l’éternel retour

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Image : Ika Marie Jeanne

L’affaire Bettencourt, c’est un peu le running gag du quinquennat Sarkozy. Scoop du siècle, l’infirmière de Liliane Bettencourt aurait confié à la juge Isabelle Prévost-Desprez avoir assisté à la remise d’une enveloppe d’argent à Nicolas Sarkozy en 2007. Cette révélation est extraite du livre Sarko m’a tuer, c’est dire si elle est sérieuse. L’infirmière a immédiatement démenti cette allégation. Dont acte. Hier, nouveau rebond dans cette mascarade d’État aux effets gigognes : Gérard Davet, co-auteur de l’ouvrage pré-cité et journaliste au Monde, aurait été espionné par la DCRI.

L’information vient cette fois de la juge Sylvie Zimmermann, qui instruit la plainte déposée par Le Monde en septembre dernier pour « atteinte au secret des sources ». Le contre espionnage avait ainsi demandé à Orange de lui fournir les relevés téléphoniques du journaliste. Son crime ? Un article daté du 19 juillet 2010 où il rendait compte des déclarations à la police de Patrice de Maistre, lors de sa garde à vue du 15 juillet. On y apprenait entre autres qu’Éric Woerth, ministre du Budget à l’époque des faits, lui aurait demandé d’embaucher sa femme au sein de la société Clymène qui gère la fortune de Liliane Bettencourt. On connaît la suite, qui marqua le début du calvaire pour le couple maudit sacrifié en place publique. Les petits conflits d’intérêts, passe encore, mais là c’était trop gros. Signe du destin, David Sénat, conseiller technique de Michelle Alliot-Marie et « source » supposée du Monde, sera muté comme magistrat à Cayenne.

En pleine conférence internationale sur la reconstruction de la Libye, l’exécutif s’illustre donc en se vautrant une nouvelle fois dans cette mauvaise habitude française : écouter aux portes.

Dès le 2 novembre 2010, sous la plume de Claude Angeli, Le Canard enchaîné rapportait cette affaire d’espionnage de manière très circonstanciée. Depuis, les regards se dirigeaient vers la DCRI et l’Élysée, qui qualifia à l’époque les accusations du Canard de « farfelues  ». Mais l’accusateur farfelu était bien placé pour savoir que la DCRI ne mégote pas sur les moyens pour identifier des sources enquiquinantes pour le pouvoir. Ainsi, en avril 2009, lorsque l’administration américaine fit savoir à ses homologues du Quai d’Orsay qu’il était gênant de lire le feuilleton de leurs échanges confidentiels, en particulier sur l’Iran, page 3 du Canard, les services de monsieur Kouchner déposèrent une plainte contre X. La DCRI fut alors chargée de débusquer les sources d’Angeli sous l’égide d’un juge antiterroriste. De quoi jeter un froid entre pouvoir politique et journalistes ! Finalement, après l’audition de nombreux diplomates, l’affaire n’alla pas bien loin, les journalistes du Canard ayant trop de métier pour permettre à leurs sources de se faire prendre la main dans le sac par des barbouzes ès « fadettes ».

Car la « fadette », petit nom des relevés téléphoniques, est la valeur montante dans le jeu de cache-cache entre un pouvoir jaloux de ses petits secrets et des journalistes bien décidés à les révéler. Dernier exemple en date, les accusations « farfelues » qui avaient poussé le ministre de l’intérieur de l’époque, Brice Hortefeux, à monter au créneau, pour préciser que « La DCRI, ce n’est pas la Stasi, son rôle n’est pas de tracasser les journalistes », se révèlent aujourd’hui tout à fait exactes. C’est pour le moins gênant.

L’actuel taulier de la place Beauvau, Claude Guéant, l’a reconnu avec un grand art de la nuance sur France Info : « Il y a eu des repérages de communications téléphoniques, ce qui est tout à fait différent d’écoutes ». Ce rétropédalage jésuitique ne fera pas oublier la loi sur la liberté de la presse[1. Réformée le 4 janvier 2010.] stipulant qu’il « ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources » des journalistes. Même avec une interprétation très large, on constate que la loi a été malmenée, sinon violée, dans cette affaire.

Certes, ces « repérages » apparaissent comme de petites mesquineries policières sans commune mesure avec la chape de plomb que ferait peser sur la presse une véritable police politique. Il n’en reste pas moins que la loi n’est pas un gadget, et que si nos gouvernants exigent avec raison qu’elle soit scrupuleusement appliquée en bas, elle devrait être tout aussi respectée en haut.

Quant au jeu du chat et de la souris entre les journalistes d’investigation et le pouvoir, il perdurera quelles que soient les subtilités de la loi sur la « protection des sources ».

Ainsi vont les traditions : elles persistent.

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Greenpeace, agence de notation écologique

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Crédit photo : David_Reverchon

Tremblez candidats à la présidentielle : Greenpeace va peser de tout son poids dans la campagne. Sa filiale française vient en effet de rendre public son premier « stress test » des candidats en notant leur programme énergétique. Stress Test ? En fait, un très banal questionnaire, truffé de marronniers comme : « Êtes-vous pour ou contre la sortie du nucléaire ? », « Êtes-vous favorable à une révision de l’écotaxe poids lourds ? » ou encore « Êtes-vous pour ou contre la limitation de la vitesse à 120 km/h sur les autoroutes ?  » (au passage, de quoi je me mêle, les amis, risque-t-on d’écraser un dauphin lorsqu’on roule à 130 ?). On retiendra aussi l’épatant « Considérez-vous possible que les EnR constituent la majorité du mix énergétique, quand ? ».

Une fois dissipé le fou rire provoqué par cette dernière question, il faut hélas revenir au fond du problème : avec son QCM, Greenpeace classe à sa façon les candidats, qui ne deviennent plus seulement bons (pardon, chez Greenpeace, on dit « engagés ») ou mauvais (pardon, là il faut dire « rétrogrades »), mais qualifiés ou pas pour gouverner la France. Tenez-vous le pour dit : la multinationale écolo rêve ni plus ni moins que de dicter la politique énergétique de la France.

Certes, on pourrait prendre ce test pour ce qu’il est : pas grand-chose. Après tout, syndicats, associations et autres lobbies profitent des périodes électorales pour sonder les candidats : de la défense de la filière porcine aux intermittents du spectacle en passant par le statut du parent divorcé, les questionnaires pleuvent comme à Gravelotte. Et les candidats y répondent avec empressement et application. Ce serait idiot d’être à poil le jour où un de ces sujets de niche finira par faire la une du Parisien.

Quand je dis que les candidats répondent, n’allez surtout pas me prendre au mot. Un peu comme lorsque votre petite sœur écrit à Warner Music pour recevoir une photo dédicacée de Sliimy, il ne faut pas se fier à la signature. En réalité, les questionneurs mettent à contribution des bataillons de stagiaires de Sciences Po, vaguement militants, qui sont réquisitionnés dans les staffs de campagne pour répondre en copiant-collant les programmes de leur candidat préféré. Généralement, l’écho de ces questionnaires ne dépasse pas le site internet de ces chapelles 1901, et c’est très bien comme ça.

Greenpeace n’innove donc pas vraiment. Si ce n’est par le climat de terreur qu’elle crée autour de son « stress test » et sa force de frappe médiatique. Ainsi, personne n’osera appeler un chat un chat un chat et parler de questionnaire, toute la presse reprendra en chœur la terminologie grotesque et pontifiante de « stress test » sans la moindre trace d’ironie ou de distance critique : c’est Greenpeace, hein…

Pourtant, même en ne procédant qu’à une lecture disons, journalistique, du questionnaire, il y a de quoi, justement, se questionner. Bizarrement, Eva Joly sort triomphante de l’épreuve. On pourrait aussi s’interroger sur deux couacs qui viennent entacher la régularité de ce concours de beauté, mais pour ça, c’est comme avant de signer chez Orange ou SFR, il faut lire les toutes petites lignes qui accompagnent le beau fichier Power Point de l’ONG. Première fausse note : si des candidats ne se sont pas sentis obligés de répondre aux sommations de la boutique écolo, ils sont d’entrée de jeu disqualifiés, ou plutôt qualifiés de « rétrogrades », soit la pire des catégories qu’on imagine peuplée de nucléocrates amateurs de DDT et de grosses cylindrées.

Jean-Louis Borloo, le géniteur du Grenelle de l’environnement, se retrouve donc en bas de tableau parce qu’il a dû oublier le questionnaire au bureau avant de partir en vacances. Ou plus exactement, parce qu’il n’a pas souhaité répondre « car il n’est pas encore officiellement candidat». Notons que Chevènement, qui pour l’instant se contente de menacer d’être candidat, a lui répondu et est donc automatiquement classé plus écolo que Borloo. Drôle, non ?

Le second biais du test est idéologique. On a beau retourner le fichier, on ne voit pas les réponses de Nathalie Arthaud de LO, ou celles de Marine Le Pen. Là encore, il faut lire les petites lignes explicatives de « l’étude », et il est important à ce stade de delirium ecologis de ne pas oublier les guillemets pour vous expliquer le pourquoi de cette absence : « Greenpeace, explique le document, est une organisation apolitique. Nous avons décidé d’exclure de notre classement Lutte Ouvrière et le Front National. Greenpeace considère que Lutte Ouvrière est un parti non démocratique. De son côté, le Front National est en opposition totale avec des valeurs parmi les plus chères à Greenpeace, notamment le pacifisme et la non-violence. La « préférence nationale » prônée par le Front National est une forme de discrimination que Greenpeace récuse absolument ».

LO et le FN n’auront pas le droit de nous dire à quelle vitesse il faut rouler sur les autoroutes ou comment gérer le MOX. Proposons donc à Greenpeace de ne plus envoyer son formulaire qu’à la candidate d’Europe Ecologie-Les Verts. Ça lui éviterait de se frotter à des gens qui ne pensent pas comme elle, ce qui est aussi, ne l’oublions pas, le principe des élections. Ou alors invitons-la gentiment à faire ce qu’elle sait faire : des pétitions pour sauver les baleines dans la forêt d’Amazonie.

Touche pas à mon despote !

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Jamel Debbouze dans Le fabuleux destin d'Amélie Poulain.

De temps en temps, entre deux affaires de chiens corréziens décimés par des boulettes empoisonnées, la presse quotidienne régionale sort quelques révélations de derrière les fagots. L’entretien qu’a récemment accordé Jamel Debbouze à L’Est-Eclair ne déroge pas à la règle. Comme les personnages d’Amélie Poulain, qu’il marqua de son jeu facétieux, Jamel aime : les révoltes arabes, Martine Aubry et sa gestion municipale à Lille, son « super » mentor (et non moins paternel) Jacques Delors, la France diverse, etc. En esprit cartésien, il n’aime pas : la droite, le Front National, les critiques de l’immigration qui « rapporte beaucoup d’argent et rend service à la France », le 21 avril 2002, et j’en passe…

L’esprit charitable et néanmoins taquin d’où sont sorties ces lignes n’insistera pas sur la frivolité politique qui vous fait passer de Ségolène Royal à Martine Aubry en moins de temps qu’il n’en faut pour comprendre leurs prétendues divergences idéologiques. Après tout, Debbouze ne sera ni le premier ni le dernier à retourner sa veste au détriment de l’ex-chouchoute des sondages : de Pierre Bergé à Dominique Besnehard, on sait certains people peu enclins à se porter au secours des causes désespérées. Lorsque les agences de notation politique que sont Sofres, Ipsos ou l’Ifop abaissent votre cote de popularité, vous n’avez plus que vos yeux pour pleurer ou Sainte Rita à implorer.

Aujourd’hui, c’est décidé, Jamel vote donc Aubry avec la dévotion des convertis (« J’aime cette meuf ! »). Celui que les médias ont propulsé porte-parole des banlieues – sous prétexte qu’il y est né avant de faire fortune, le même raisonnement déterministe conduisant logiquement Alain Madelin à se proclamer représentant de la classe ouvrière – martèle que Martine sera la meilleure pour le job. Sur quels critères ? Le j’aime/j’aime pas bien sûr. Syllogisme implacable. Aubry traite merveilleusement l’immigration à Lille, elle impulsera donc un mouvement de rectification dans ce pays gangréné par le conservatisme. Son premier fan le dit haut et fort : « Franchement, ma seule ambition, c’est que l’immigration soit un jour respectée. J’en souffre encore aujourd’hui et je trouve ça déplorable ».

Pis, si Marine Le Pen se qualifie pour le second tour de la présidentielle – ne parlons pas de victoire -, l’humoriste « change de crémerie ». Un 21 avril ça va explique-t-il, deux bonjour les dégâts. Il ne supporterait plus d’habiter dans cette France-là, une démocratie où le verdict des urnes lui semblerait décidément trop malodorant.
Antifasciste patenté, Jamel ne se contente pas de faire le ménage en France, il se penche aussi sur le sort des pays arabes, ces grands oubliés de la déesse Démocratie. Il se félicite des bouleversements intervenus dans les pays arabes depuis que la grogne partie de Sidi Bouzid ébranle jusqu’au plus petit patelin yéménite.

Ce qu’il y a de croustillant dans cet enthousiasme à géométrie variable, ce n’est pas tant que Jamel s’effraie du danger que représenterait le Front National pour nos libertés, danger largement imaginaire à mon avis, ni qu’il balaie d’un revers de la main le péril islamiste.
Non, le plus drôle, c’est son silence assourdissant sur la vague de répression qui a secoué le Maroc ces derniers mois, l’arrestation puis la libération tardive d’opposants par son ami Mohammed VI, tendrement surnommé « M6 » par ses intimes.

Non content d’adresser de réguliers satisfecit à la politique d’ouverture en trompe l’œil de son ami le Roi, Debbouze reste muet sur le « mouvement du 20 février », plate-forme de l’opposition marocaine constituée début 2011 après la répression brutale d’émeutes populaires. Cette structure démocratique dénonce la dernière réforme constitutionnelle de Mohammed VI comme de la poudre aux yeux et appelle les artistes à boycotter les événements culturels du pays de l’Atlas.

Las, comme si de rien n’était, Jamel a organisé en juin dernier la nouvelle édition du Festival international du rire du Marrakech. Allez, ne soyons pas mauvaises langues, et attribuons ce militantisme paillette à un très haut sens moral : après tout, Debbouze pense peut-être qu’une fois arrivée au pouvoir, la terrrifiante Marine Le Pen maltraiterait ENCORE PLUS ses opposants que le bon roi M6…

Taxe sur les sodas : gabelle sucrée, addition salée

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Nicolas Sarkozy – pardon – François Fillon a annoncé l’instauration d’une nouvelle taxe sur les boissons avec sucre ajouté. Comme c’est devenu l’habitude en France, l’impôt n’est plus (ou du moins plus seulement) une contribution des citoyens au budget de l’Etat mais aussi un outil d’ingénierie sociale qui permet aux sages qui nous gouvernent de remodeler cette société imparfaite selon leurs désirs. Ainsi donc, au-delà des 100 millions d’euros dont le premier ministre espère alléger nos poches, il est également question cette fois-ci de lutter contre l’obésité.

Anecdotique me direz-vous.

Eh bien peut être pas. Ça a commencé avec l’élue de mon cœur, qui ne se mêle pourtant jamais de politique mais se trouve être une grande consommatrice de Coca Cola. Sitôt qu’elle a appris la nouvelle par l’entremise d’une amie (ce qui est, en soi, déjà surprenant) elle est rentrée dans une sainte colère et m’a immédiatement cuisiné en long en large et en travers sur le montant des nombreux impôts indirects dont nous abreuve la citadelle de Bercy. Dès le lendemain, mon boucher s’y met à son tour : lui qui est d’habitude aussi bavard qu’une tombe ne trouve pas de mots assez durs pour qualifier ce gouvernement et ceux qui l’ont précédé. Et ainsi de suite…

Je ne sais pas si vous avez la même impression, mais j’ai rarement vu et entendu autant d’honnêtes citoyens s’offusquer d’un nouvel impôt. On parle d’une nouvelle gabelle et j’ai même vu une « Soda Party »[1. Référence à la « Boston Tea Party » de 1773.] se créer sur Facebook[2. Le CSA a récemment interdit de nommer les réseaux sociaux à la télévision ; dans la presse écrite, il me semble que c’est encore autorisé.] et attirer en quelques jours un nombre considérable de sympathisants. La gabelle, une « Soda Party » : fichtre ! Si ce ne sont pas des références explicitement révolutionnaires, elles le sont au moins implicitement.

Notre premier ministre croyait sans doute qu’une énième taxe à la consommation et, qui plus est une taxe assortie d’un objectif aussi mollement consensuel que l’impérieuse nécessité de lutter contre l’obésité, passerait comme une lettre à la Poste[3. Hors périodes de grèves.]. C’est bien mal connaître l’histoire. Les révoltes populaires, insurrections et autres révolutions ont bien souvent des origines bêtement fiscales.

Le jeune loup plaît au vieux lion

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« Voici venu le temps des jeunes lions ! » s’était exclamé Arnaud Montebourg en 2007, au lendemain de sa réélection à l’Assemblée Nationale, alors qu’il s’envisageait déjà en socialiste « nouvelle formule ».

C’est avec un autre félin, le « vieux lion de Belfort » que le candidat à la primaire socialiste a débattu hier soir lors d’un colloque intitulé : « L’Europe dans la mondialisation : que faire ? » organisé au Palais-Bourbon. Loin de l’atmosphère « cimetière des éléphants » qui se dégage parfois des symposiums socialistes, ce numéro de duettistes correspondait à ce que l’on serait en droit d’attendre de véritables primaires : on y parla politique, et pas seulement stratégie individuelle.

L’un des protagonistes de l’événement ne participera pas aux «primaires citoyennes de la gauche ». Il ne souhaite en aucune façon s’engager dans ce processus qui contraindra les vaincus à adouber le vainqueur. Les militants du Mouvement Républicain et Citoyen présents dans la salle font d’ailleurs circuler une brochure rédigée par le « Ché » : « Pourquoi je serai candidat ». Comme en 2007, le sénateur de Belfort se réserve la possibilité « d’y aller ». Sans accepter pour autant de lever le doute, il affirme avoir pour principale ambition de « peser dans le débat ».

Le colloque commence par une mise en bouche de l’économiste Jacques Sapir, auteur de La démondialisation, qui intervient aux côtés du journaliste économique Jean-Michel Quatrepoint, et du président de la Fondation Terra Nova, que Montebourg finira par moucher : « Alain Minc est désormais plus à gauche qu’Olivier Ferrand » !

Ce dernier recycle l’antienne selon laquelle « l’euro nous protège », ouvrant un échange musclé avec Sapir et Quatrepoint. Un tel débat souligne sans simagrées les profonds désaccords entre les « deux gauches ». L’une interventionniste et volontariste est souvent nommée « souverainiste ». L’autre, plus libérale que sociale, conserve une foi intacte dans les bienfaits du « doux commerce » et dénonce rien de moins que le « protectionnisme bestial ». Devant ce fossé idéologique, on se demande si ces deux gauches seront un jour réconciliables, voire si le clivage droite-gauche reste pertinent. Aujourd’hui, la véritable ligne de démarcation politique ne séparerait-elle pas les sociaux-libéraux des nationaux-républicains ? Quoi qu’on en pense, la confrontation entre experts des deux bords a l’immense mérite de soulever cette question.

Avec les deux vedettes de la soirée, Jean-Pierre Chevènement et Arnaud Montebourg, il a aussi été question de politique. Mais de débat, il n’y en a guère tant leurs vues convergent. Le public venu en nombre assiste davantage au scellement d’une entente qu’à une confrontation.

Les légères nuances sur l’appréciation de la crise, qui semblent un temps apparaître, se dissipent rapidement. Pour le belfortain, l’euro est ainsi « la question centrale » ignorée par les candidats socialistes à La Rochelle. Or, Chevènement ne réclame pas une mise à mort immédiate de la monnaie unique mais entend dévaluer un euro surcoté par rapport au dollar et au yuan. Sauver la monnaie unique : tel est le « plan A » que Chevènement souhaite voir appliqué pour ne pas contraindre les gouvernements à revenir aux monnaies nationales et à transformer l’euro en simple monnaie extérieure commune.

A ses côtés, Arnaud Montebourg ne dit pas autre chose: « un responsable politique peut craindre l’écroulement de l’euro, mais il ne peut pas parier là-dessus (…) je défends une stratégie de monétisation de la dette ». Visiblement, les secousses estivales générées par la « nervosité des marchés » et le second plan de sauvetage de la Grèce ont décillé les yeux de celui dont Daoud Boughezala disait ici même avec raison : « Montebourg ne remet jamais explicitement en cause l’indépendance de la Banque Centrale Européenne. La responsabilité des gouvernements européens coupables d’une surévaluation de l’euro par rapport au dollar et au yuan n’est pas évoquée (dans son livre Votez pour la démondialisation) ».

Jeune et vieux lion veulent donc pousser la BCE à intervenir directement sur les marchés[1. Comme elle l’a fait cet été en rachetant des titres de dette italienne et espagnole.], quitte à violer de façon consciente et assumée les traités de Maastricht et de Lisbonne. Ils posent d’ailleurs le même diagnostic : l’euro n’est pas une monnaie économique. Elle souffre d’un vice de conception qui a fait diverger gravement les économies de la zone, et nous a amenés dans une situation périlleuse. Mais tous deux concèdent qu’en dépit de ses tares, l’euro mérite d’être sauvé, pour ne pas nous faire sombrer avec lui.

D’autres points d’accord se font jour entre le sénateur et le député. S’il est attendu de voir Chevènement réaffirmer la nécessité d’une défense française indépendante, il n’en est pas moins rassérénant d’écouter Montebourg regretter « l’abaissement des fonctions régaliennes de l’Etat ». Dans ces conditions, on comprend que l’aîné assure son cadet de son « estime  ». Et Chevènement d’ajouter, comme pour l’adouber, que Montebourg « fraye les chemins de l’avenir ». La lune de miel va si loin que le socialiste exhorte l’assemblée à « voter Jean-Pierre Montebourg » au premier tour de la primaire !

On l’aura compris : les deux hommes font front commun contre la mondialisation et le système néolibéral. Au train où vont les choses, l’on ne serait pas surpris d’entendre bientôt murmurer « Chevènement soutient Montebourg ».

Assad à sec

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Selon le quotidien saoudien Acharq Al-Awsat, qui cite des sources sécuritaires « autorisées », l’appareil de répression syrien montre des signes d’essoufflement : de plus en plus d’officiers de l’armée régulière font défection, et, phénomène nouveau, la milice alaouite de la Shabiha, pourtant acquise au clan Assad, commence même à se rebeller.

Ses milliers de membres[1. Ils seraient entre cinq et dix mille, selon les estimations] aux allures de brutes bodybuildées ne réclament pas plus de démocratie, tant s’en faut. Ces gros bras pour la plupart originaires du littoral syrien, fief de la famille Assad, veulent tout simplement être payés. Car voilà l’origine du problème : l’Etat syrien ne peut plus rétribuer les paramilitaires qui lui servent de porte-flingues depuis le début de la contestation. Devant les retards de paiement, les miliciens menacent de faire grève.

De deux choses l’une : soit le président syrien croit à sa propre propagande et, sûr de sa victoire, applique une politique de rigueur, soit il laisse se vider les caisses de la Banque Centrale syrienne. A en croire Acharq Al-Awsat, cette dernière hypothèse est en train de se réaliser. Malgré une aide iranienne de quelque cinq milliards de dollars, le nerf de la guerre commence à manquer, ce qui s’avère pour le moins problématique. Car même le noyau dur du clan Assad n’accomplit pas le sale boulot par amour désintéressé de la patrie.

Il faut dire que les honoraires des gars de la Shabiha ont de quoi choquer. Ces cerbères qui maintiennent ce régime subclaquant sous respiration artificielle monnaient la prestation 2000 livres syriennes (30 euros) par jour, tarif qui grimpe jusqu’à 7 000 voire 10 000 livres le vendredi, jour hebdomadaire des manifestations anti-Assad. Les membres de la Shabiha en mission à Alep bénéficient même d’une « prime » exceptionnelle (5000 livres par jour au lieu de 2000) pour maintenir l’ordre dans cette ville stratégique restée à l’écart de la contestation. Dans un pays où le salaire moyen ne dépasse pas les 15000 livres (230 euros), de tels molosses coûtent un bras, sans parler des véhicules et du matériel que l’Etat met gracieusement à leur disposition.

Et si les Syriens faisaient marcher la planche à billets ? Après tout, la Syrie ne fait pas partie de la zone euro et Bachar Al-Assad a bien d’autres chats à fouetter que l’inflation. Hélas pour Assad, la Syrie n’en est pas capable. Jusqu’à une date récente, les livres syriennes étaient fabriquées en Autriche… avant qu’au vu des événements, l’imprimeur décide de rompre son contrat avec Damas. En conséquence de quoi la Banque centrale syrienne n’est plus approvisionnée en billets de banque depuis des semaines, ce qui réduit ses marges de manœuvre monétaires à une peau de chagrin.
Faut de pouvoir créer de la masse monétaire, les Assad doivent compter sur leurs derniers deniers et opérer des choix cornéliens : couper dans les dépenses sociales (subvention du pain et des produits alimentaires de base), augmenter les impôts indirects (sur l’essence, la restauration, etc.), ou bien rogner les salaires des fonctionnaires et des militaires.

Quelle que soit la mesure adoptée, elle a peu de chance de renforcer la popularité d’un pouvoir exsangue qui a si longtemps joué la montre. Après avoir renvoyé un ministre turc à ses chères études, rejeté l’offre de médiation arabe et poliment remercié un émissaire russe, Damas paraît résolument sourd et aveugle.

Avec la fin du Ramadan, l’opposition fraichement structurée dans un Conseil de transition parrainé par la Turquie, appelle à redoubler les cortèges pour faire tomber Assad. Alors que les montagnes de dollars de Kadhafi n’ont pu enrayer sa chute, la ruine de l’Etat syrien pourrait bientôt sonner le glas de l’oligarchie baathiste.

En savoir toujours plus sur Anders Breivik

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 » Comme tous mes amis peuvent en témoigner, je n’aurais pas fait de mal à une mouche « , proclame Anders Breivik qui pose d’un air protecteur à coté de sa mère et de sa demi-soeur. Ce jeune homme reçu dans la meilleure société d’Oslo, participant à des fêtes, candidat municipal du Parti du Progrès raconte qu’à douze ans, il faisait les quatre cents coups avec des amis immigrés, taguant sans relâche les bâtiments d’Oslo. Ses potes s’appelaient Omar, un Turc, Jonathan, un Érythréen, Wazim, un Pakistanais…il fréquente également le milieu de la gauche radicale et la scène hip hop.

Il observe avec curiosité d’abord, inquiétude ensuite, colère enfin que tous ses copains musulmans sont solidaires dans les bagarres et fiers de leur religion. Les Norvégiens d’origine, qu’il décrit comme des mauviettes, se laissent dépouiller sans réagir. Quand il s’en indigne publiquement, il est taxé de raciste. C’est pour lui l’injustice originelle.  » Je me rappelle, dit-il, avoir pensé à un certain moment : ce système me rend malade « . Il n’en veut pas à ses potes africains ou arabes, mais aux petits blondinets baignant dans leur bonne conscience et leur lâcheté. D’où le choix de sa cible : l’université des jeunes socialistes.

Passer à l’acte est une autre affaire. S’il reconnaît volontiers avoir un ego relativement enflé et se montrer souvent arrogant, il reconnaît que transformer une ferme bio en fabrique d’explosifs tout en demeurant un mec branché n’est pas une mince affaire. Pour tenir le coup, dit-il, il est important de s’amuser chaque jour. Son journal est rempli de recettes pour rester motivé : manger du chocolat, fumer, écouter de la musique trance, jouer aux jeux vidéo, manger un bon repas au restaurant, bref  » instaurer un système de récompense « .

Anders Breivik insiste sur le fait que sa démarche n’est pas égoïste : ce qu’il veut, c’est protéger ses  » frères et sœurs européens « . Il agit, comme pratiquement tous les criminels, par amour. Ce qui démontre une fois de plus que l’amour est infiniment plus destructeur que la haine.