Accueil Site Page 170

Lyrique: Dante & Dusapin, c’est du lourd!

La Divine Comédie de Dante semble résister à toute adaptation. Pascal Dusapin relève le défi !


Quoi de moins opératique, a priori, que Dante ? La Divine comédie, immense poème ésotérique, épopée composite, transcrite, diffusée, traduite au fil des siècles dans toutes les langues de la terre, se prête difficilement, et c’est peu dire, à une transposition sous forme de livret. C’est pourtant à l’œuvre intimidante du génial Florentin que s’attaque Pascal Dusapin dans Il viaggio, Dante, traversée lyrique qui s’agrège également La Vita nova et La Commedia, aux deux extrémités biographiques de l’aède médiéval (1265-67/1321).

Difficile d’accès

Créé au Festival d’Aix-en-Provence en juillet 2022, le spectacle est repris à l’Opéra-Bastille, jusqu’ au 6 avril prochain.  Sous les auspices de l’écrivain, poète et traducteur Frédéric Boyer, (en outre actuel directeur des éditions P.O.L) associé déjà par le passé au compositeur contemporain pour l’opéra Macbeth Underworld en 2019, le présent « opéra  en un prologue et sept tableaux » chemine donc dans ce monument vertigineux, pèlerinage dont les stations prennent nom ici :  Le départ, Chant de deuil, les Limbes, Les Cercles de l’enfer, Sortir du noir, Purgatoire, Le Paradis

A lire aussi: Patrick Besson : pas de quartier !

Il revient à Claus Guth, metteur en scène infiniment talentueux de donner chair à ce corpus passablement abstrait et difficile d’accès. (Hasard du calendrier, l’Opéra-Comique  reprenait, presque concurremment, la production aixoise de Samson, superbe « réinvention » d’une œuvre oubliée de Rameau). A l’enseigne de Dante, sous les ors du Palais Garnier, le rideau blanc, rigide et plissé qui ferme le plateau dans toute sa largeur se lève sur une sorte de cabinet de travail simplement meublé dans le goût XIXème, pièce percée d’une fenêtre dont les jalousies ouvrent sur la clarté du jour. Au mur, à côté de la table de travail, se reconnaît, encadré, le tableau de Botticelli qui dépeint L’Enfer tel un entonnoir où tournoient les âmes damnées…  Là, un Dante agonisant, costume noir, chemise blanche maculée de sang, revisite en pensée son amour pour Béatrice, voyageant à la recherche de ses souvenirs enfouis. Il est redoublé par la figure du « Giovane Dante » qu’il fut, grimé en jeune homme par une voix de mezzo. Les parois s’écartent bientôt, pour déployer en vidéo (signée Roland Horvath) sur grand écran en fond de scène, l’accident de voiture  qui, dans un nocturne paysage sylvestre, a supposément ravi Béatrice au poète… Les cercles de l’enfer développent leurs arcanes, figurées par les tonalités verdâtres d’un décor qui convoque toutes sortes de réminiscences, dont celles, incidemment, des univers propres à Lynch ou à Cronenberg (cf. le film Crash)…

IL VIAGGIO DANTE Opéra de Paris.

Tableaux oppressants

Sept tableaux hallucinés, donc, pour porter cette œuvre lyrique qui tient plus de l’oratorio que de l’opéra, sous la baguette de l’émérite maestro américain Kent Nagano. Il dirige avec le brio, la netteté qu’on lui connaît cette partition aride, angoissée, qui associe les chœurs (dans la fosse) à une orchestration où orgue, percussions (très présentes), voire  harmonica de verre et dispositif électroacoustique se combinent aux instruments traditionnels d’une formation classique, pour former une texture dense, oppressante, monodique, transpercée de citations mélodiques où transparaissent tout aussi bien telle phrase évoquant Puccini que tel morceau grégorien.. C’est donc sur ce spectre expressif éclectique, tonnant, privilégiant le registre grave, que montent les voix alternées du vieux Dante – le baryton Bo Skovhus – , de Béatrice – la soprano Jennifer France -, de la sainte Lucie – Danae Kontora – , de Virgile – la basse américaine David Leigh… Vocalement, la part la plus belle du spectacle revient sans aucun doute au jeune Dante, campé en travesti par la jeune mezzo allemande Christel Loetzsch, qu’on découvre sur la scène parisienne. Ses tourments se fichent en nous comme autant de flèches.  

A lire aussi: « La Belle au bois dormant », une fastueuse pièce-montée

On se souvient qu’à Pascal Dusapin le président Macron passait commande, en 2020, d’une œuvre – In Nomine Lucis –  pour célébrer l’entrée au Panthéon de Maurice Genevoix. À 69 ans, Dusapin ne serait-il pas devenu, en quelque sorte, le compositeur officiel de la République française ? En tout cas, Dusapin à l’enseigne de Dante, c’est encore du lourd !     


Il viaggio, Dante. Opéra de Pascal Dusapin. Avec Bo Skovhus, David Leigh, Christel Loetzsch, Jennifer France, Danae Kontora, Dominique Visse et Giaccomo Prestia (narrateur). Direction : Kent Nagano. Mise en scène : Claus Guth. Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris.
Durée : 2h
Palais Garnier, les 26, 28 mars, 3 et 9 avril à 20h. Le 6 avril à 14h30.      

Lovecraft et ses mondes fantastiques en Pléiade…

Howard Phillips Lovecraft (1890-1937), natif de Providence, maître du fantastique et de l’horreur, vient de faire son entrée dans la prestigieuse collection de la Pléiade, chez Gallimard, dans des traductions nouvelles.


Ce sont vingt-neuf histoires (ou tales en anglais) qui ont été sélectionnées, et sont proposées dans l’ordre chronologique de leur rédaction, de 1917 à 1935. Le choix s’est porté sur les meilleures ou les plus fameuses, comme « L’Appel de Cthulhu » ou « Les Rats dans les murs ». Les textes de Lovecraft, qui n’a jamais écrit de roman, s’inscrivent dans le genre de la nouvelle, ou, en anglais, novelette, parfois novella pour les plus longs. Ils ont tous paru dans des pulp magazines bon marché etpopulaires comme Weird Tales, le mot « weird » signifiant étrange ou bizarre (« supernatural »,indique pour synonyme mon dictionnaire d’Oxford, autrement dit en français : surnaturel). Néanmoins, l’œuvre weird de Lovecraft, élitiste convaincu, conserve une valeur avant-gardiste indiscutable.

Un univers morbide et décadent

Je me souviens avoir essayé de le lire lorsque j’étais adolescent. Mais je n’étais pas pleinement entré dans cet univers morbide et décadent, bien que les personnages extravagants peints par Lovecraft eussent dû s’accorder avec mes fantasmes d’alors. Je découvris ces quelques histoires dans un ou deux volumes en poche, trouvés dans la bibliothèque familiale, mais ils ne me laissèrent pas un souvenir impérissable, comme « Le Cas de Charles Dexter Ward ». Cette nouvelle édition vient donc fort à propos pour réévaluer un auteur maudit, dans tous les sens du terme. L’appareil critique propre à la collection de la Pléiade nous y aiderait peut-être. Il y a une introduction assez intéressante, que l’on doit à Laurent Folliot. On sent qu’il connaît par cœur l’œuvre de Lovecraft, mais il a une curieuse tendance à en énumérer les défauts. Ainsi, à propos du style lovecraftien, il écrit : « Un style dont il est vrai qu’avec sa débauche d’adjectifs, ses intensifieurs omniprésents, ses tics lexicaux, il se prête notoirement à la parodie, et auquel les jugements sévères n’ont pas manqué dès les premiers temps de sa réception auprès du grand public (Edmund Wilson, Borges entre autres). » Je ne savais pas qu’Emund Wilson et Borges, « entre autres », faisaient spécialement partie du « grand public ». Néanmoins, et à part ses redites, c’est une introduction très fournie, même si, bien sûr, il faudra au lecteur, grand public ou non, revenir en priorité au texte même de Lovecraft.

A lire aussi: Michel-Georges Micberth: vociférations acides made in seventies

La qualité littéraire de Lovecraft

C’est donc ce que j’ai fait et, je dois dire, avec un grand plaisir. Je ne suis plus l’adolescent inexpérimenté de 1979, et j’ai été frappé désormais par la qualité littéraire de Lovecraft. Il m’a suffi de relire un ou deux contes, pour être d’accord avec la fascination qu’il inspire par exemple à Michel Houellebecq. Dans son livre sur Lovecraft, intitulé Contre le monde, contre la vie, Houellebecq admet : « Nous sommes là à un moment où l’extrême acuité de la perception sensorielle est tout près de provoquer un basculement dans la perception philosophique du monde ; autrement dit, nous sommes là dans la poésie. » (Préface de 1998). Il ne faut pas oublier que Lovecraft est un contemporain des surréalistes. L’air du temps a agi sur lui comme sur eux, d’une manière, à suivre Houellebecq, pas si différente que ça dans l’un ou l’autre cas. Je laisse le lecteur en juger.

A lire aussi: « Elles » ou la cuisse

Des ruminations fin de siècle

Lors de mes premières lectures, dans les années 70, je ne sais plus si j’avais lu « La Clef d’argent », ce conte de Lovecraft nourri de l’influence de Poe et des écrivains décadents. C’est dans ces ruminations fin de siècle que Lovecraft a toujours excellé, il me semble. Lovecraft s’y inspire aussi de sa propre vie et de ses névroses d’écrivain solitaire. En même temps, il y exprime sa nostalgie de l’enfance. Le personnage principal en est un certain Randolph Carter. Voici comment nous le présente Laurent Folliot : « Au culte du réel, Carter tente enfin de substituer, dans une veine décadentiste, celui du bizarre et de l’ésotérisme. » Se révèlent à lui, notamment par l’entremise de ses rêves, toute une série d’autres mondes qu’il finit par faire siens au détriment de la vraie vie. Tout l’art de Lovecraft est dans la manière de nous raconter ce voyage dans les limbes, mais comme s’il s’agissait d’une histoire réaliste, c’est-à-dire avec le moins possible d’effets artificiels.

Lovecraft est un écrivain nécessaire. Ses textes, malgré leurs défauts sur lesquels on aura avantage à passer, possèdent un véritable élan qui transporte le lecteur hors de sa zone de confort habituel. Ses admirateurs s’y délectent d’un imaginaire grandiose, à base de mythologies perdues comme celle de Cthulhu, monstre abject définitivement associé au nom de Lovecraft. Aujourd’hui, grâce à cette formidable Pléiade, je refais connaissance avec Cthulhu et autres « Great Old Ones » (les « Grands Anciens »), et mon verdict est sans appel : « Lisez Lovecraft ! »

H. P. Lovecraft, Récits. Introduction par Laurent Folliot. Édition publiée sous la direction de Philippe Jaworski. Éd. Gallimard, collection « Bibliothèque de la Pléiade », 1408 pages.

Michel Houellebecq, H.P. Lovecraft, Contre le monde, contre la vie. Avec une introduction de Stephen King. Éd. du Rocher, 2005.

H.P. Lovecraft

Price: 15,30 €

16 used & new available from 12,99 €

Bouches cousues

0

Emilio, jeune artiste romain, assistant peintre, se retrouve plongé au cœur de nombreuses enquêtes suite à des crimes commis afin de dissuader le Roi Soleil de s’installer à Versailles. Une histoire captivante qui retrace les débuts de la police moderne, de la cour de Louis XIV jusqu’au pire quartier de la capitale.


Jacques Forgeas ne m’est pas inconnu. Le roman de Philippe Sollers, Une curieuse solitude, a été adapté à la télévision sous le titre Un jeune français. Le scénario et les dialogues étaient de Forgeas. Les lecteurs fidèles de Causeur savent que j’ai longtemps fréquenté l’auteur de Femmes. À chaque fois que l’occasion m’est donnée, j’évoque l’écrivain. Je suis gâté en ce moment car je lis le nouveau livre de Jean-Paul Enthoven, Je me retournerai souvent, dont je parlerai lors d’un prochain article, où il est question de Sollers. Mais revenons à Jacques Forgeas qui publie Les fantômes de Versailles, un polar épatant se déroulant en l’an 1673.

Crime sordide

Versailles n’est pas encore Versailles. Il y a davantage de marécages et de bois que de beaux jardins dessinés par Le Nôtre. S’exiler de Paris et construire un extraordinaire château ruineux fait grincer les dents de la noblesse et de la bourgeoisie réunies. Mais Louis XIV est un grand monarque qui voit grand. Il veut s’installer à Versailles et personne ne pourra s’y opposer.

À lire aussi du même auteur : Pierre Mérot rempile

Le lieutenant général de police du Roi Soleil l’a bien compris. C’est une sorte de Maigret en perruque et bas de soie qui apprécie le canard rôti accompagné de navets. Mais un crime sordide va bouleverser à la fois les méthodes d’investigation de la police et les médecins légistes. Le foie des victimes va délivrer ses secrets. Crime sordide, donc, d’une jeune femme assassinée sauvagement dans une rue de Paris à peine éclairée où prospèrent les rats – les détails sont précis, jamais anachroniques – à qui on a cousu la gourmande bouche. Cousue avec un fil de soie. Les inspecteurs Laruche et Torsac mènent l’enquête qui va réserver de nombreux rebondissements. Les crimes se succèdent et conduisent aux arcanes de la politique. C’est encore l’époque des poisons et celle de la guerre avec la Hollande. C’est également la période où Colbert est tout-puissant et contrôle une police secrète redoutable. Ajoutons à ce tableau, décrit avec brio par Forgeas – on voit qu’il est scénariste –, l’évocation de la duchesse de La Vallière, évincée par la nouvelle maîtresse du roi, la redoutable et jalouse Montespan. La Vallière s’apprête à entrer au couvent. Mais le roi exige du peintre Mignard de l’immortaliser. Comment va-t-il la représenter ? Le tableau mérite un décryptage, d’autant plus qu’intervient un jeune artiste romain, Emilio, amant de la comtesse de Cruissan. L’artiste est visiblement très doué, surtout pour dessiner les jeunes mortes aux bouches cousues. Il devient l’indic’ des services de La Reynie. Ce dernier, à l’intuition redoutable, veut connaître, sur les ordres royaux, les détails picturaux constituant le portrait de la femme mise au placard.

Réflexion sur l’art

Jacques Forgeas nous tient en haleine jusqu’au bout. Les dialogues sont aussi efficaces que ceux produits par les laboratoires hollywoodiens. Cela signifie qu’il n’y aucun remplissage psychologico-sociologique qui désespère le lecteur au bout de deux chapitres. Il y a, en revanche, une réflexion captivante sur l’art, avec un clin d’œil appuyé à Giotto. « Giotto, vois-tu, est l’inaccessible », dit Mignard à Emilio. L’artiste florentin est très au-dessus des espions, mouchards, sbires, de tous ces hommes sans existence totalement hors-la-loi, surnommés « les fantômes de Versailles. »

Jacques Forgeas, Les fantômes de Versailles, Albin Michel, 448p.

Les Fantômes de Versailles

Price: 22,90 €

14 used & new available from 13,74 €

Sax, danse et encre de Chine

Chaque semaine, Philippe Lacoche nous donne des nouvelles de Picardie…


À Amiens, il est célèbre dans les milieux artistiques et underground. Lorsqu’on évoque le nom de Jean Detrémont aux habitués de La Briqueterie et/ou de La Maison du Colonel, leurs yeux s’allument de plaisir. On les comprend. Jean est un poète délicat, dadaïste et inspiré comme un merle anarchiste sur une barricade de 1870, rue de Vaugirard. Ses mots se suivent, se retournent, se mordent, s’enfuient en riant et en laissant derrière eux une pluie de confettis poétiques, doux comme le crépon sur la peau tendre d’une rousse vingtenaire.

A lire aussi: Leur mère ne s’est pas ratée !

Il y a du Tristan Tzara, du Picabia, du Ribemont-Dessaignes et du Restif de La Bretonne dans les poèmes du sieur Detrémont. Mêmes influences et mêmes atmosphères dans ses dessins réalisés à l’encre de Chine et aux pinceaux moyens ; c’est délicat, frais, élancé comme des corps de femmes qui dansent, s’élèvent comme pour caresser les poils nuageux et duveteux du ventre du ciel (Les coquines !) On dirait des souffles ; oui, des souffles. Comme les souffles qu’il nous donne à entendre lorsqu’il improvise avec son saxophone soprano, cette manière de clarinette dont le bois aurait rouillé pour se transformer en cuivre. Jean est bon en tout : en poèmes, en dessins et en saxophone. Il est bon car il est libre. Nous nous connaissons depuis des années, lui et moi. Nous nous sommes rencontrés au cœur des années 1990, à la Lune des Pirates, à la faveur d’un concert improbable. Nous avons découvert que nous avions des amis en commun : l’écrivain et homme de radio Roger Vrigny, et le romancier, poète et confesseur – à la radio – de Paul Léautaud, Robert Mallet. Deux hommes exquis, talentueux ; ils nous manquent. Tout cela rapproche. Alors, il y a peu, quand j’ai appris que Jean organisait une exposition jusqu’au 11 avril, de dix-neuf de ses dessins à l’encre de Chine, au café Côté Jardin, à la Maison de la culture – la MACU – (« Moi, je ne dis pas Côté Jardin, mais Macubar ; ça fait plus Simenon », sourit-il), j’en attrapé la main aux ongles vernis de rose de ma Sauvageonne pour l’entraîner vers l’événement. Notre homme était là, devant ses œuvres. Il y avait du monde. Nous avons observé les dessins un par un ; ma Sauvageonne, comme la plupart des visiteurs, y voyait des corps de danseuses élancées. J’étais d’accord, sauf pour un où j’ai cru apercevoir une chèvre. Ma Sauvageonne l’a répété à Jean qui a ri aux éclats. « En fait, je ne fais aucune interprétation précise », m’a-t-il avoué. « Je rédige mes poèmes avant de dessiner. » C’est un peu ce qu’a fait l’écrivain et poète Sylvie Payet qui a bien observé, un par un, les fameux dessins et a écrit un poème de dix-neuf vers. (Un vers par dessin.) On pouvait le lire sur place ainsi que d’autres poèmes de Detrémont 1er, prince des créateurs. Des dessins, il en a fait cinq ou six mille, « mais seuls cinq cents sont exploitables », reconnaît-il. « Je ne leur donne pas de titre car je n’aime pas les cadres. Je ne vois rien dans mes œuvres. » Il ne voit peut-être rien dans ses dessins, cela ne l’empêche pas d’avoir du souffle. Soudain, il a attrapé son saxophone ; Marie-Laure Duplessis et Mouhcine se sont mis à danser sur le fil cuivré de l’instrument de Jean. C’était beau, superbe, magnifique, magique. Les formes gracieuses et sombres de Marie-Laure et de Mouhcine, portées par les effets de lumière. Ma Sauvageonne et moi étions ailleurs, ballottés par les petits cris de l’alto comme dans les entrailles d’un hippopotame volant, fascinés par les ombres des danseurs comme un Cendrars émerveillé par les danseuses du Brésil. Ma sauvageonne était tellement bousculée qu’elle en a perdu ses clés de voitures. On les a retrouvées le lendemain, comme par miracle. On n’a rien compris. Mais est-il nécessaire de tout comprendre pour être heureux ?

Les multiples solitudes

À l’occasion de la sortie en mars du recueil, Le goût de la solitude, textes choisis et présentés par Alexandre Maujean au Mercure de France, Monsieur Nostalgie nous parle de cet état qui va de l’enfermement à la béatitude…


« Français » et « solitude » sont des mots qui vont bien ensemble. Le Français traîne avec lui depuis un bon siècle et demi, une tentation intime de l’exfiltration monastique. Il y a en lui, la volonté du départ, pas très loin, en périphérie, hors la ville, ce n’est pas un grand explorateur, il rêve à un barbecue et à une partie de pêche, loin des emmerdements et des oukases. La maison individuelle ou la résidence secondaire sont les buts d’une vie pleinement réussie pour tous nos compatriotes. Le Français a le désir puissant de quitter le groupe, l’entreprise, l’association, ne parlons pas du parti politique, il le déserte depuis trente ans. Un billet de loto et il s’en irait, loin des ordres et des contre-ordres, de la férule administrative et des jalousies de bureau, en roue libre pour voir ce que ça fait d’être sans fil à la patte. Autonome. Sans compte à rendre. Le Français est un traînard à la manière de Jean-Pierre Marielle. Il révèle sa profonde nature dans le déport, ce léger désaxage provient certainement d’une culture égalitariste qui l’opprime depuis l’école. La France aime les sillons et déteste les têtes qui dépassent. Dans un pays qui a longtemps eu des velléités d’absorption et d’annihilation de l’individu au profit de la sainte République, il n’a rechigné « au vivre ensemble » qu’au prix d’intimidations et du cadenassage des idées. S’il n’avait tenu qu’à lui, il serait retourné dans sa province et aurait vécu comme ces nobliaux désargentés qui pataugent dans la gadoue du matin au soir et observent le délabrement de leur toiture en se lamentant.

A lire aussi: Olivier de Kersauson: « Cesser de se plaindre est une politesse et une affaire de bon sens »

Le Français n’est cependant pas un animal triste, il peut, en de rares occasions, jouir de la compagnie de ses congénères, lors d’un repas de famille et d’une sarabande sportive ; mais très vite, il reviendra à l’état de solitude. Son état premier. Quand le grand âge l’atteint, il s’accroche à son lopin de terre, à son petit appartement, à ses habitudes, à ses fantaisies ménagères car personne ne veut terminer son existence dans ces colonies lugubres avec d’autres Hommes de sa classe, ça lui rappellerait trop le service militaire. L’obligation de partager son quotidien avec d’autres inconnus, tout en se faisant dépouiller de sa maigre épargne, sont les sévices que nos aînés pourtant endurent. Le Français est aussi un être particulièrement versatile, enfermé dans la nasse sociale, il aura le désir de s’échapper et s’il lui venait d’être seul, vraiment seul, de souffrir alors de l’isolement et du manque d’attention, il supplierait pour une rencontre même facturée. Pour nous éclairer sur ce vaste champ, Alexandre Maujean a très habilement réuni des textes d’auteurs majeurs (Thoreau, Balzac, Roth, Kafka, Stevenson, etc…) autour de cinq grandes thématiques : retour à la nature, à l’isolement, exil intérieur, enfin seul et seul contre tous. Car la solitude est mouvante, instable, elle revêt à la fois des notions négatives et mortifères, mais également elle est soupape de sécurité, régénératrice du « moi ». Chaque écrivain la pare, selon son état d’humeur, de tous les vices ou de toutes les réjouissances. Pour Olivier de Kersauson, elle est constitutive de notre identité : « La solitude est le seul moment réel de notre vie ». Elle nous ancre et nous porte. « Même le voyage amoureux est un voyage solitaire » écrit-il. Thoreau ne dit pas autre chose, dans sa cabane du Massachusetts où il résidera deux années : « J’ai tout à moi seul mon horizon borné par les bois […] J’ai, pour ainsi dire, mon soleil, ma lune et mes étoiles, et un petit univers à moi seul ». Chez Dino Buzzati, la solitude se fait espoir pour le lieutenant Drogo affecté au fort Bastiani à la frontière du Royaume du Nord, longue attente en vue d’une hypothétique bataille : « Au fond, une simple bataille lui eût suffi, une seule bataille, mais sérieuse ; charger en grande tenue et pouvoir sourire en se précipitant vers les visages fermés des ennemis ». Du côté de Rutebeuf, la solitude est synonyme d’infortune plaintive : « L’amitié est morte : ce sont amis que vent emporte ». Et puis, il y a la solitude du Feu Follet, le recueil reprend le dialogue de Drieu la Rochelle entre Alain et Minou qui sortent du bar et marchent dans la rue. Alain avoue : « Ma vie, ce n’est que des moments perdus ».

Le goût de la solitude – Collection la petite mercure – Mercure de France 128 pages.

Le goût de la solitude

Price: 9,50 €

4 used & new available from 5,69 €

Patrick Besson : pas de quartier !

L’écrivain publie deux livres : Quel est le con un recueil de ses chroniques du Point, et Presque tout Corneille, un thriller loufoque inspiré par la tragédie classique. Avec talent et beaucoup d’humour, il passe la société contemporaine à la moulinette. C’est du lourd, ça dépote : du grand Besson !


Deux livres en à peine deux mois ; voilà ce que propose Patrick Besson. Et c’est du lourd ! Le premier, Quel est le con, est un recueil de certaines de ses chroniques parues dans Le Point ; le second, Presque tout Corneille, n’est rien d’autre qu’un thriller bien barré, directement inspiré par l’esprit des tragédies classiques, et notamment par le père du Cid. On se régale ; on rigole ; on s’indigne ; on en redemande.

Grève du sexe

Quel est le con. On l’interroge sur le pourquoi de ce titre provocateur ; il ironise, incisif : « Quel est le con, qui a écrit ce livre ? Mon ennemi : le pompiérisme idéologique et ses ridicules manifestations. » Est-il nécessaire de préciser qu’il tape fort, très fort ?

Le recueil part sur les chapeaux de roues avec « Adaptations ». Cinq minifictions dans lesquelles il brocarde le wokisme et la bien-pensance. Aragon et son Aurélien, nouvelle version : Aurélienne, grand reporter de retour de Bosnie rencontre Bernard, un provincial paumé. Coup de foudre. La femme d’Aurélienne file à Paris pour récupérer son épouse. Elle tombe amoureuse d’un unijambiste, (il a perdu sa jambe à Lesbos dans une charge de la police grecque alors qu’il tentait de se sauver d’un camp de migrants.) « Peu après, Aurélienne décédera dans un accident de la route provoqué par un camionneur RN dont les parents étaient communistes. »

Le ton est donné. Et Patrick Besson d’adapter Vingt mille lieues sous les mers, de Jules Verne, Crime et Châtiment, de Dostoïevski, Le Diable au corps, de Radiguet, et Le Grand Meaulnes, d’Alain-Fournier. Nous laisserons le lecteur découvrir les étonnantes et déroutantes transformations des héros.

À lire aussi : Hymne à la joie

Avec la chronique « Guerre des hommes », on rit jaune quand il décrit la haine des ultra-féministes à l’endroit de nous, les mecs. Ça fait froid dans le dos mais c’est tellement juste, tellement bien vu. Besson rappelle que « l’histoire nous apprend que la calomnie précède et annonce le crime ». Il se souvient que sans les pamphlets rédigés avant la Révolution contre l’Autrichienne, on n’aurait peut-être pas coupé la tête de Marie-Antoinette. Puisqu’on est des bons à rien et qu’on fait tout de travers, sage, il propose comme mesure de rétorsion la grève du sexe : « Plus aucun de nos pénis ne se dressera pour un membre du sexe féminin. » Na !

Dans « Miss France 2050 », il brosse le portrait de l’heureuse élue, Marie-Josette, ex-Miss Seine-Saint-Denis « dans le cadre de la diversité à la culture » ; elle est hautement intelligente et brillante, a notamment été élève de l’École normale supérieure ; elle est titulaire d’une double agrégation – grammaire et mathématiques –, a repris les études, puis s’est spécialisée dans la chirurgie du cerveau. Miss France 2050, âgée de 73 ans, pèse 119 kilos et mesure 1,49 mètre.

Avec « Brasillach dans la poche », il se demande pourquoi l’écrivain collabo ne figure plus en librairie alors que « Rebatet, Céline, Morand, Charonne, Drieu et Fraigneau y sont encore ». Dans « Faim de carrière », il évoque l’inénarrable Jack Lang qui, malgré qu’il ait dépassé de vingt-deux ans l’âge de la retraite, continue de travailler, « car il y a toujours des imprévus dans l’existence ». Que pense Patrick Besson du personnage ? « Il me fait rire, c’est déjà pas mal ! »

Décapité à la hache

Presque tout sur Corneille révolutionne le genre du thriller. Pas de chapitres, mais de courts textes – parfois des dialogues uppercuts – qui font avancer la narration et l’intrigue à la vitesse de la lumière. C’est prodigieusement nerveux et intelligent. Une fois encore, on rit beaucoup (l’humour de Besson n’est plus à prouver). Le décor est planté en Corse. Il y raconte les pérégrinations d’un homme qui veut retrouver son honneur en se vengeant de son ancien employeur qui l’a viré. Sa technique ? Battre l’ex-patron dans toutes les disciplines afin de l’humilier. Passent une épouse (dont le précédent mari, professeur de bulgare, est mort après avoir été renversé par un cycliste, rue de Lille, à Paris), des enfants, une jeune maîtresse (qui lit tout Corneille, ou presque) et un cousin fraîchement sorti de prison.

Un meurtre horrible surgit : l’ennemi est découvert décapité – à la hache ou à la scie, pas musicale mais on ne sait pas trop – dans la chambre du licencié apprenti vengeur. Le commissaire Bourbeillon, fumeur de cigarette électronique, mène l’enquête.

À lire aussi : Polar, caviar et propagande: Marignac revient en grande forme

Patrick Besson aurait-il lu tout Corneille pour écrire ce polar décapant et singulier ? « Presque tout Corneille. J’aime beaucoup cet auteur, surtout les pièces qu’il a écrites sous le nom de Molière : Le Misanthrope, Les Femmes savantes, etc. », répond-il, provocateur.

Et pourquoi la Corse ? « J’ai découvert la Corse avec ma troisième ex-femme à moitié corse. C’est une jolie terre d’amour. »

Quant à la vengeance, qui est presque un personnage de son livre, on finit par se demander s’il ne serait pas, lui-même, un peu rancunier. Point. « Je pardonne mais je n’oublie pas », dit-il. Et pourquoi donc un enseignant de langue bulgare ? « Tu connais quelqu’un qui parle bulgare, toi ? » sourit-il. Pourquoi a-t-il choisi de faire de son flic un vapoteur ? « J’ai horreur de l’électronique, y compris dans les cigarettes. Toutes ces vapeurs, on dirait des vieux trains. », confie-t-il.

Ses projets ? « Je viens de terminer un roman : Jennifer Carpenter. J’en prépare un autre, beaucoup plus drôle : La Vieillesse, la solitude, la maladie et la mort. Je dois aussi donner à Plon Le Dictionnaire amoureux du communisme. » Tout un programme !

À lire :

Patrick Besson, Quel est le con, « Encre Rock », Erick Bonnier, 2024.

quel est le con

Price: 18,00 €

6 used & new available from 9,51 €

Patrick Besson, Presque tout Corneille, Stock, 2025.

Presque tout Corneille

Price: 12,99 €

1 used & new available from 12,99 €

Marche contre le fascisme: quand la gauche manifeste avec ses pires contradictions

0

Séparatisme. Médine, LFI, les Hijabeuses et autres promoteurs du voile islamique défilent aujourd’hui contre le racisme et l’extrême droite, et la gauche s’empresse de leur emboîter le pas en bons idiots utiles. Enfin… idiots utiles, Céline Pina finit par en douter. Certains militants politiques sont désormais bien conscients de marcher main dans la main avec ceux qui prônent l’inégalité et l’intolérance.


Marcher contre le fascisme en compagnie d’islamistes notoires comme d’organisations ambigües en matière de lutte contre l’antisémitisme (LFI, LDH, Sud, Solidaire.s), voilà ce que s’apprête à faire la gauche ce 22 mars 2025 à l’occasion de la journée mondiale contre le racisme et le fascisme.

Une répétition de la tartufferie du 8 mars

Le 8 mars, cette même gauche n’avait déjà trouvé aucun problème à défiler auprès d’organisations pro-palestiniennes qui trouvaient parfaitement normal d’attaquer les organisations réclamant justice pour les femmes juives massacrées, enlevées et réduites en esclavage lors du pogrome du 7-Octobre. Cette gauche n’avait pas hésité à manifester pour le féminisme en truffant son cortège de drapeaux palestiniens : les mêmes drapeaux qui étaient agités au-dessus des corps démembrés des femmes violées que le Hamas ramenait à Gaza. Elle n’a pas hésité à manifester aux côtés de ceux qui expliquent que les auteurs d’un pogrome et d’un viol de masse sont des résistants et à magnifier un territoire, Gaza, où les femmes sont réduites à l’état de sexe et de ventre sur pattes pour le plus grand bénéfice des hommes.

La gauche aujourd’hui, c’est l’apothéose de Tartuffe pour la plus grande gloire des islamistes. C’est ainsi que tout ce que ce petit monde compte de vieilles gloires déplumées et d’artistes sur le déclin remet le couvert de l’exaltation dénonciatrice malsaine et veut s’ériger maintenant en rempart contre le fascisme. Il appelle donc à manifester le 22 mars. Et prend les accents de Jean Moulin pour nous alerter sur le retour des zeures sombres, là, maintenant, tout de suite !!! Mais quelles sont donc les dérives racistes et fascistes qui justifient une telle mobilisation ? Qui sont les nazis qui nous menacent ? Que réclament ces grands esprits tellement rayonnants que l’on se demande s’ils n’ont pas fondu ?

Médine, Assa Traoré, Annie Ernaux ou Blanche Gardin seront de la fête

L’appel à manifester répond à ces interrogations. Signé notamment par Médine, celui qui voulait chanter son album Jihad au Bataclan alors que l’on y a abattu aux cris d’Allah Akbar tant de nos compatriotes, par Blanche Gardin, qui se vante d’être antisémite tout en couinant parce que tout le monde a compris que ce n’était pas une blague, ou encore par Assa Traoré, qui explique que la police tue tout en passant au silence les activités criminelles de sa famille, l’appel défend les valeurs fondamentales des islamistes : c’est ainsi qu’il fait de l’antiracisme le promoteur du sexisme.

A lire aussi, du même auteur: Le grand remplacement de Louis Boyard

En effet il y a quatre revendications fondamentales dans ce texte et parmi elles, une des manières de lutter contre le fascisme et le racisme, selon ces gens, consiste à autoriser le voile dans le sport. Donc à autoriser un marqueur de l’infériorisation de la femme et un symbole de l’emprise islamiste. Et c’est là que les manipulateurs de l’islam politique sont très forts et que la gauche est quand-même parfaitement stupide : magnifier le signe religieux qui relègue la femme au rang d’éternelle mineure devient une mobilisation contre le fascisme ! Du coup, réclamer l’égalité pour les femmes devient islamophobe et raciste. On appelle cela faire d’un coup, deux pierres.

Les militantes islamistes en faveur du voile dans le foot, devant le Sénat, janvier 2022. Image: capture d’écran YOUTUBE / Le Parisien.

En effet, le point commun entre nazisme/fascisme (tel qu’utilisé dans la rhétorique de l’extrême-gauche), racisme et sexisme, c’est le refus d’accorder l’égalité en droit. Ce refus d’égalité est le reflet d’un déni farouche, celui qui repousse comme une donnée insupportable le fait que nous partageons la même dignité humaine. Ce refus de l’égalité se fait à raison de la couleur de peau ou à raison du sexe, notamment. Et ce dont on peut être sûr, c’est qu’une société inégalitaire a tendance à l’être dans tous les secteurs. Ainsi les sociétés fondées sur l’apartheid sexuel, comme les sociétés islamiques, sont des sociétés où le préjugé racial sera important comme le préjugé religieux et social. D’où la dhimmisation (infériorisation en droit d’une minorité et soumission à un tribut pour avoir le droit de se perpétuer) des autres religions, dhimmisation qui marque aussi la relégation sociale. Il suffit de regarder les sociétés maghrébines pour le constater.

Le premier marqueur de la lutte antifasciste et antiraciste est donc de travailler à la légitimation de l’infériorisation de la femme. Et les trois autres alors ? Selon l’appel, il s’agit de la remise en cause du droit du sol, du rétablissement du délit de séjour irrégulier et de l’interdiction du mariage sur notre sol d’un étranger en situation irrégulière. Or choisir de quelle façon la nationalité est accordée n’est pas un marqueur fasciste : le droit du sang et le droit du sol s’étant succédé sur le territoire français, comme européen, et cette prérogative faisant partie des attributs de la souveraineté. On est bien ici dans une hystérisation sans motif du débat public. Le délit de séjour irrégulier, quant à lui, est une réalité. C’est sa suppression qui fut d’une bêtise sans nom. Il n’y a rien de « fasciste » à ce qu’un pouvoir démocratique choisisse qui il accueille et à qui il refuse le droit d’entrer sur son territoire. Rien de choquant non plus à ce qu’il crée un délit afin de permettre qu’il y ait un support juridique à l’exécution d’une expulsion. Quant à l’interdiction du mariage, il fait référence au refus de Robert Ménard, le maire de Béziers, de marier un étranger en situation irrégulière. Il faut dire que la législation est ainsi faite que si un clandestin se marie, il devient de fait inexpulsable, le mariage produisant alors d’intéressants effets d’aubaine. Là encore rien qui ne justifie le procès en fascisme ou racisme.

Pour essayer de soulager les palpitations de nos Jean Moulin de bacs à sable, essayons de les ramener à quelques références historiques. Les lois fascistes ou nazies n’ont absolument rien à voir avec les exemples mis en avant. Si on ne prend que les lois fascistissimes des années 30, elles consistent en l’instauration du parti unique, l’extension des prérogatives du dirigeant, la suppression du parlement, la mise au pas des associations, la suppression des libertés publiques, le muselage de la presse par l’Etat… Quant aux lois nazies, si on se doute bien que l’amour du migrant n’était pas en leur cœur, leur cible était avant tout les juifs, et peu importe qu’ils aient ou non la nationalité allemande à l’époque, le résultat est que leur mort a été décidée, programmée, exécutée. Le sommet du ridicule est atteint quand les exemples du retour du grand méchant loup nazi sont Donal Trump et Elon Musk. J’ai peu de sympathie pour la brutalisation de la politique que ces deux trublions incarnent, mais force est de constater qu’ils sont surtout inconsistants. Le nazisme ou le fascisme sont des systèmes, à la fois de représentation du monde et de représentation des hommes. Ils veulent fonder un homme nouveau et mettre en œuvre une idéologie totale visant à contrôler tous les aspects de la vie en société et de la vie intime. Avec Donald Trump, on est en face d’un homme sans conviction, qui pense que la politique est affaire de deals. Ces personnalités peuvent s’avérer fort destructrices mais elles ne sont pas fascistes. Et surtout, elles sont les enfants des délires woke ou de l’emprise islamiste qui sont devenues l’identité de la gauche. Si celle-ci n’avait pas fait exploser tous les repères anthropologiques et toute décence commune, l’avènement d’un Trump n’aurait pas été possible. Sa marche vers le succès est elle-même liée à la violence du progressisme et à la terreur qu’a engendré le wokisme quand il s’est mis, hors de tout droit, à tenter de condamner ses cibles à la mort sociale.

Consciences rampantes

Ceci étant, si le danger fasciste ou nazi était réel, il est probable que ces grandes consciences enivrées d’elles-mêmes seraient toutes à plat ventre devant leur nouveau maitre. Elles rampent déjà devant les islamistes au point d’être incapables de se rendre compte du ridicule de leur appel et de leur propre instrumentalisation. Pour preuve ? Un des critères mis en avant dans la tribune pour accuser le gouvernement actuel d’être en plein sabbat totalitaire est son caractère islamophobe. Il faut dire que ce discours est le viatique des islamistes et la base de leur système de recrutement, il est basé sur l’installation d’un sentiment de persécution : « vous ne trouverez jamais votre place ici car ils ne peuvent accepter vos exigences religieuses, il ne vous reste donc plus qu’à devenir les maîtres ». C’est la base de l’emprise islamiste et de la logique séparatiste.

A lire aussi: Michaël Prazan: « les Frères musulmans ont une vision paranoïaque et complotiste du monde »

Et cela repose sur la négation du réel. En effet, ceux qui sont massivement ciblés par les actes racistes et antireligieux sont les juifs, alors qu’ils ne représentent que 0,6% de la population en France. En revanche, ceux qui subissent le moins d’attaques au nom de leurs religion sont les musulmans. En 2023, Plus de 1676 actes antijuifs ont été recensés, il n’y en avait que de 242 pour les actes anti-musulmans. Aujourd’hui la violence dite d’extrême-droite, qui se concentre sur les juifs, est bel et bien le fruit de l’antisémitisme arabo-musulman que chauffent à blanc les islamistes. Les fascistes et les racistes d’aujourd’hui sont moins à l’extrême-droite qu’on ne les retrouve chez ceux qui font la loi dans les quartiers. On dit souvent que « tous ne sont pas islamistes ». C’est vrai. Cependant, dans la jeunesse musulmane et dans les quartiers, une majorité le sont. Et sur le terrain, cela se voit. C’est donc en toute connaissance de cause que les alliés de LFI ont épousé la cause du fascisme islamique. 

Disons-le clairement : à un certain stade, on est plus un naïf inconscient et le terme d’idiot utile lui-même est complaisant. Ces gens sont des collaborateurs. Ils participent à la mise en danger de la seule communauté qui soit réellement menacée en France, la communauté juive. Et ils le font en tenant la main de leurs bourreaux et en diffusant des représentations qui nous menacent tous. Pour eux, le danger c’est le RN. Les Frères musulmans, qui furent les alliés des nazis et n’ont rien renié de cette époque sont au contraire leurs amis. C’est ainsi qu’après avoir défilé, au nom du droit des femmes avec des organisations qui soutiennent les violeurs et exploiteurs sexuels du Hamas, ils s’apprêtent à recommencer en compagnie de ceux qui inventent un génocide à Gaza pour justifier la haine antisémite en Europe. Alors, quand on ouvre la voie aux antisémites et que l’on justifie leur violence, peut-on vraiment continuer à être considéré comme une référence en matière de lutte antiraciste et antifasciste ? La réponse est clairement non. Il est donc temps de traiter ces personnalités pour ce qu’elles sont : des larbins du totalitarisme et de l’antisémitisme qui essaient de se faire passer pour des parangons de vertu. C’est en refusant de défiler à leurs côtés que l’on pose la première pierre du combat antifasciste aujourd’hui.

«Extrême»: un abus de langage?

Sophie de Menthon s’interroge avec malice sur ce drôle de paradoxe français où le RN est qualifié d’«extrême», alors que la gauche radicale, malgré ses excès, échappe curieusement à cette étiquette. Elle s’amuse aussi de cette Assemblée nationale devenue un véritable théâtre où les élus, plus occupés à s’entre-déchirer qu’à gouverner, semblent oublier que ce sont les électeurs, pas leurs égos, qui les ont mis là.


L’extrême droite ? Je suis bien consciente que poser la question de l’extrémisme du Rassemblement national, c’est déjà se faire accuser de le soutenir ! La potentielle inéligibilité de Marine Le Pen contraint à repenser aujourd’hui la réalité autrement.

Les Français majoritairement d’accord avec le RN sur l’immigration, mais pas le droit de le dire !

Il faut un bouc émissaire à la société française et au monde politique depuis toujours : on l’a de toute évidence trouvé et il fait plus que jamais l’affaire. C’est le « Rassemblement national », dit aussi « l’extrême droite », succédant au Front national, objet de tous les rejets (non sans raison d’ailleurs car les convictions de Jean-Marie Le Pen furent parfois insoutenables, entre autres pour son antisémitisme). Mais le père n’avait que très peu ou pas de points communs avec sa fille, Marine Le Pen, qui lui a aujourd’hui succédé avec le lourd héritage de ce patronyme. L’un, Jean-Marie Le Pen, était plutôt à droite et capitaliste, Marine Le Pen plutôt à gauche et protectionniste. Quant à l’antisémitisme, on peut franchement tout lui reprocher sauf cela, le combat du RN est essentiellement de limiter l’entrée des immigrés venant d’Afrique car tous nos malheurs, y compris économiques, viendraient de là.

A lire aussi, Céline Pina: Le grand remplacement de Louis Boyard

Justement, dans l’état de fragmentation où est la France, il serait bon de se poser la question du qualificatif d’« extrême » pour ce parti : extrême en quoi ? Une presque majorité des Français partage des convictions défendues par le RN même si économiquement elles sont loin d’être souhaitables et terrifient les chefs d’entreprise. De plus, on cherche en vain ce qu’il peut y avoir « de droite » dans ce programme de l’extrême droite, sinon toujours cet unanimisme autour de l’immigration, plus que jamais au goût du jour avec l’Algérie. La droite, la vraie, dont personne ne sait plus ce qu’elle représente, n’a pas de valeurs particulières à nous faire miroiter : la République ? la nation ? des valeurs, lesquelles ? mais tout cela est préempté de partout et galvaudé. Le danger vient d’ailleurs, et il est de ce fait incompréhensible que le Conseil d’Etat ait décidé que le qualificatif d’« extrême gauche » ne devait pas être utilisé pour la gauche : LFI et le PCF (qui n’en demandait pas tant). L’extrême gauche, donc, n’existe pas, même quand elle déshonore l’autre gauche et choque nos âmes de citoyens et de républicains. Que dire de l’ignoble caricature d’Hanouna ? Si elle émanait du RN, on verrait ses auteurs immédiatement devant les tribunaux et à juste titre, car elle fait preuve d’un racisme affiché qu’on ne tolèrerait jamais venant de ladite extrême droite. La pensée à tendance unique doit-elle aussi faire siennes les idées à la mode sur la drogue, l’élargissement antidrague et le verdissement des trottoirs, le tout sous couvert d’un État dépensier, clientéliste, bienveillant : un must politique ?

TPMM

La libérale que je suis se retrouve à aimer la gauche, la bonne gauche d’autrefois, d’avant les coupables rageurs de LFI et de leur chef auquel on passe absolument tout… touche pas à mon Mélenchon ! La gauche digne, celle d’Emmanuel Valls, Bernard Cazeneuve, Hubert Védrine, et Emmanuel Macron qui incarnait une pseudo-gauche libérale… Nous n’évoquerons pas François Hollande qui oscille entre des positions qu’il ne connaît pas lui-même.

A lire aussi: Immigration et démographie urbaine: les cartes à peine croyables de France Stratégie

Donc, devant ce nouveau clivage français hypocrite et assassin, que faire ? Le camp du bien est terrifiant et sectaire. Il est inadmissible qu’un mouvement patronal, par exemple, soit cloué au pilori s’il accepte d’être auditionné par le RN et de lui proposer ses travaux pour l’éduquer économiquement, alors que lorsqu’il reçoit François Ruffin, c’est un bon point malgré ses positions envers les « salauds de patrons ». Il est plus que temps que le monde politique des élus reprenne ses esprits. Ce fameux « front républicain » par exemple, instigué par ceux qui voudraient être réélus peu importe par qui, et sans vergogne par l’extrême gauche, pacte diabolique a donné naissance à un monstre tentaculaire qu’on appelle l’Assemblée nationale ; nos parlementaires y combattent avec un acharnement sans faille ceux grâce auxquels ils siègent : électeurs d’hier, ennemis mortels d’aujourd’hui. Aucun raisonnement nuancé, aucun sens de l’Etat sinon pour une surenchère administrative, aucune prospective sérieuse, aucune ambition désintéressée n’apparait. Il y a un moment où chaque Français doit se poser objectivement la question de son vote. La France serait majoritairement à droite, mais les médias, les ambitieux et les bobos la convaincront-ils à nouveau que nous ne sommes capables de voter que si l’on pense à notre place, et qu’on nous indique les barrages et exclusions obligatoires ? Qui aura le courage d’une union raisonnable des forces de droite, y compris de l’extrême centre (qui ferait mieux de choisir le camp de l’action et de l’esprit de décision) ?

Censure !

Une professeure à l’université de Téhéran fait lire à certains de ses étudiants des livres occidentaux interdits par le régime, afin de montrer son opposition au radicalisme iranien.


Avec Les Citronniers, La Fiancée syrienne ou encore La Visite de la fanfare, le réalisateur, scénariste et producteur israélien Eran Riklis a déjà donné toute la mesure de son talent. Observateur acide et sans concessions des sociétés qui l’environnent, il s’attaque cette fois à l’Iran et à son évolution mortifère depuis l’arrivée au pouvoir de l’intégrisme religieux. Il le fait avec un film au titre programme : Lire Lolita à Téhéran. Soit l’histoire vraie d’une enseignante iranienne revenue d’exil en 1978 et qui, jusqu’en 1997, a tenté de vivre et de travailler sous le régime des mollahs, avant un nouvel exil. Le film suit habilement la structure narrative du livre dont il s’inspire à travers les activités dissidentes et souterraines d’un « club de lecture » féminin bien décidé à braver les interdits d’une censure criminelle. Incarnée à la perfection par l’actrice iranienne Golshifteh Farahani (elle-même exilée à Paris depuis 2008), cette héroïne moderne est la plus vibrante des réponses à l’obscurantisme.

Maestro !

À l’heure où la Corrida est menacée, Albert Serra propose un film à couper le souffle sur le torero Andrés Roca Rey, afin de faire revivre cette tradition et nous en faire découvrir la richesse.


On plaint les confrères critiques qui risquent d’avoir du mal à imposer des articles sur le film du cinéaste espagnol Albert Serra, Tardes de soledad, et on se réjouit haut et fort, a contrario, que ce ne soit absolument pas le cas dans ces colonnes ! Car, oui, la tauromachie, sous toutes ses formes et toutes ses expressions, a littéralement bien mauvaise presse en France. Il est fini depuis belle lurette le temps béni où les lecteurs du Monde pouvaient se régaler à la lecture des chroniques taurines de Francis Marmande et ceux de Libération à celles de Jacques Durand, pour ne citer que ces deux plumes ô combien inspirées. Seuls désormais les quotidiens régionaux du Sud consacrent quelques pages à la corrida au moment des ferias. C’est dire si un film de deux heures sur un torero péruvien a toutes les chances de passer à la trappe, sacrifié sur l’autel de la bien-pensance qui sévit même en Espagne. Raison de plus pour dire tout le bien qu’on pense de ce film exceptionnel. On connaît le talent iconoclaste d’Albert Serra. Ses films ressemblent la plupart du temps à de saines et superbes provocations au bon sens du terme. Qu’il s’agisse, entre autres, de filmer Jean-Pierre Léaud dans La Mort de Louis XIV, film crépusculaire, ou de donner enfin à Benoît Magimel un rôle à la hauteur de son vertigineux talent avec Pacifiction: Tourment sur les îles. Cette fois, le héros s’appelle Andrés Roca Rey, né le 21 octobre 1996 à Lima, au Pérou, et devenu matador en 2015 dans les arènes de Nîmes sous la houlette d’Enrique Ponce et en présence de Juan Bautista. Tout a commencé bien avant, aux arènes de Lima, la Plaza de Acho, quand le 26 novembre 2006, âgé de 10 ans, le futur torero a rencontré un maestro de légende, El Juli.

À lire aussi : Robert Bresson: un joyau oublié restauré

À son propos, son ancien compatriote et prix Nobel de littérature, Mario Vargas Llosa n’a pas hésité à écrire : « Il représente le torero magique dont Manolete et Luis Procuna furent emblématiques mais aussi le toreo souriant, festif, joueur. » De fait, on pourrait le surnommer « Andrés Gueule d’Ange » tant son sourire est rémois. Pour le reste, c’est lui qui l’écrit autant avec sa sueur et son sang qu’avec son courage et son art sans pareil. Le film est à sa hauteur de prodige. On n’a jamais vu des corridas filmées de la sorte, au plus près du taureau, du torero et de sa cuadrilla. Pour obtenir ces images inédites, le cinéaste a utilisé en permanence trois ou quatre caméras qui captent aussi bien le regard de l’animal que les gestes du torero, et des moments d’une intensité foudroyante, quand on a l’impression, par exemple, que Roca Rey va y passer, littéralement embroché par la bête fauve aux cornes démesurées. Chez lui, la prise de risque est une seconde nature, surtout quand le taureau est comme un fou dangereux. C’est dans ces moments-là, comme le lui dit l’un de ses péones, qu’il est le plus admirable. Et Serra saisit ces instants hors du temps avec un brio inégalable. Jusqu’aux sons eux-mêmes qu’il parvient à capter grâce à des micros-cravates posés sur les épaules du torero ou sur les pattes du cheval du picador. Sans oublier la foule que l’on entend retenir son souffle dans les moments cruciaux.

A lire aussi: À Sao Paulo, sans famille

De tels procédés ne dissimulent rien de la réalité, y compris la souffrance animale qui dure parfois au-delà de ce que l’on croit être la mort jusqu’au coup de grâce final, le descabello que donne l’un des péones. Tant pis pour les âmes sensibles et tant pis aussi pour les vrais-faux aficionados : « La violence ne vient pas de moi, a l’intelligence de dire le cinéaste, elle appartient à la corrida. » Un torero et bandillero d’exception, Luis Francisco Espla, déclara un jour qu’en entrant dans l’arène, il sentait « le poids de son âme ». En effet, c’est bien de vie et de mort dont il est question dans le magnifique, sauvage, terrifiant et admirable film d’Albert Serra.

Lyrique: Dante & Dusapin, c’est du lourd!

0
Il Viaggio, Dante © Bernd Uhlig / Opéra national de Paris

La Divine Comédie de Dante semble résister à toute adaptation. Pascal Dusapin relève le défi !


Quoi de moins opératique, a priori, que Dante ? La Divine comédie, immense poème ésotérique, épopée composite, transcrite, diffusée, traduite au fil des siècles dans toutes les langues de la terre, se prête difficilement, et c’est peu dire, à une transposition sous forme de livret. C’est pourtant à l’œuvre intimidante du génial Florentin que s’attaque Pascal Dusapin dans Il viaggio, Dante, traversée lyrique qui s’agrège également La Vita nova et La Commedia, aux deux extrémités biographiques de l’aède médiéval (1265-67/1321).

Difficile d’accès

Créé au Festival d’Aix-en-Provence en juillet 2022, le spectacle est repris à l’Opéra-Bastille, jusqu’ au 6 avril prochain.  Sous les auspices de l’écrivain, poète et traducteur Frédéric Boyer, (en outre actuel directeur des éditions P.O.L) associé déjà par le passé au compositeur contemporain pour l’opéra Macbeth Underworld en 2019, le présent « opéra  en un prologue et sept tableaux » chemine donc dans ce monument vertigineux, pèlerinage dont les stations prennent nom ici :  Le départ, Chant de deuil, les Limbes, Les Cercles de l’enfer, Sortir du noir, Purgatoire, Le Paradis

A lire aussi: Patrick Besson : pas de quartier !

Il revient à Claus Guth, metteur en scène infiniment talentueux de donner chair à ce corpus passablement abstrait et difficile d’accès. (Hasard du calendrier, l’Opéra-Comique  reprenait, presque concurremment, la production aixoise de Samson, superbe « réinvention » d’une œuvre oubliée de Rameau). A l’enseigne de Dante, sous les ors du Palais Garnier, le rideau blanc, rigide et plissé qui ferme le plateau dans toute sa largeur se lève sur une sorte de cabinet de travail simplement meublé dans le goût XIXème, pièce percée d’une fenêtre dont les jalousies ouvrent sur la clarté du jour. Au mur, à côté de la table de travail, se reconnaît, encadré, le tableau de Botticelli qui dépeint L’Enfer tel un entonnoir où tournoient les âmes damnées…  Là, un Dante agonisant, costume noir, chemise blanche maculée de sang, revisite en pensée son amour pour Béatrice, voyageant à la recherche de ses souvenirs enfouis. Il est redoublé par la figure du « Giovane Dante » qu’il fut, grimé en jeune homme par une voix de mezzo. Les parois s’écartent bientôt, pour déployer en vidéo (signée Roland Horvath) sur grand écran en fond de scène, l’accident de voiture  qui, dans un nocturne paysage sylvestre, a supposément ravi Béatrice au poète… Les cercles de l’enfer développent leurs arcanes, figurées par les tonalités verdâtres d’un décor qui convoque toutes sortes de réminiscences, dont celles, incidemment, des univers propres à Lynch ou à Cronenberg (cf. le film Crash)…

IL VIAGGIO DANTE Opéra de Paris.

Tableaux oppressants

Sept tableaux hallucinés, donc, pour porter cette œuvre lyrique qui tient plus de l’oratorio que de l’opéra, sous la baguette de l’émérite maestro américain Kent Nagano. Il dirige avec le brio, la netteté qu’on lui connaît cette partition aride, angoissée, qui associe les chœurs (dans la fosse) à une orchestration où orgue, percussions (très présentes), voire  harmonica de verre et dispositif électroacoustique se combinent aux instruments traditionnels d’une formation classique, pour former une texture dense, oppressante, monodique, transpercée de citations mélodiques où transparaissent tout aussi bien telle phrase évoquant Puccini que tel morceau grégorien.. C’est donc sur ce spectre expressif éclectique, tonnant, privilégiant le registre grave, que montent les voix alternées du vieux Dante – le baryton Bo Skovhus – , de Béatrice – la soprano Jennifer France -, de la sainte Lucie – Danae Kontora – , de Virgile – la basse américaine David Leigh… Vocalement, la part la plus belle du spectacle revient sans aucun doute au jeune Dante, campé en travesti par la jeune mezzo allemande Christel Loetzsch, qu’on découvre sur la scène parisienne. Ses tourments se fichent en nous comme autant de flèches.  

A lire aussi: « La Belle au bois dormant », une fastueuse pièce-montée

On se souvient qu’à Pascal Dusapin le président Macron passait commande, en 2020, d’une œuvre – In Nomine Lucis –  pour célébrer l’entrée au Panthéon de Maurice Genevoix. À 69 ans, Dusapin ne serait-il pas devenu, en quelque sorte, le compositeur officiel de la République française ? En tout cas, Dusapin à l’enseigne de Dante, c’est encore du lourd !     


Il viaggio, Dante. Opéra de Pascal Dusapin. Avec Bo Skovhus, David Leigh, Christel Loetzsch, Jennifer France, Danae Kontora, Dominique Visse et Giaccomo Prestia (narrateur). Direction : Kent Nagano. Mise en scène : Claus Guth. Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris.
Durée : 2h
Palais Garnier, les 26, 28 mars, 3 et 9 avril à 20h. Le 6 avril à 14h30.      

Lovecraft et ses mondes fantastiques en Pléiade…

0
L'écrivain américain Howard Phillips Lovecraft (1890-1937). DR.

Howard Phillips Lovecraft (1890-1937), natif de Providence, maître du fantastique et de l’horreur, vient de faire son entrée dans la prestigieuse collection de la Pléiade, chez Gallimard, dans des traductions nouvelles.


Ce sont vingt-neuf histoires (ou tales en anglais) qui ont été sélectionnées, et sont proposées dans l’ordre chronologique de leur rédaction, de 1917 à 1935. Le choix s’est porté sur les meilleures ou les plus fameuses, comme « L’Appel de Cthulhu » ou « Les Rats dans les murs ». Les textes de Lovecraft, qui n’a jamais écrit de roman, s’inscrivent dans le genre de la nouvelle, ou, en anglais, novelette, parfois novella pour les plus longs. Ils ont tous paru dans des pulp magazines bon marché etpopulaires comme Weird Tales, le mot « weird » signifiant étrange ou bizarre (« supernatural »,indique pour synonyme mon dictionnaire d’Oxford, autrement dit en français : surnaturel). Néanmoins, l’œuvre weird de Lovecraft, élitiste convaincu, conserve une valeur avant-gardiste indiscutable.

Un univers morbide et décadent

Je me souviens avoir essayé de le lire lorsque j’étais adolescent. Mais je n’étais pas pleinement entré dans cet univers morbide et décadent, bien que les personnages extravagants peints par Lovecraft eussent dû s’accorder avec mes fantasmes d’alors. Je découvris ces quelques histoires dans un ou deux volumes en poche, trouvés dans la bibliothèque familiale, mais ils ne me laissèrent pas un souvenir impérissable, comme « Le Cas de Charles Dexter Ward ». Cette nouvelle édition vient donc fort à propos pour réévaluer un auteur maudit, dans tous les sens du terme. L’appareil critique propre à la collection de la Pléiade nous y aiderait peut-être. Il y a une introduction assez intéressante, que l’on doit à Laurent Folliot. On sent qu’il connaît par cœur l’œuvre de Lovecraft, mais il a une curieuse tendance à en énumérer les défauts. Ainsi, à propos du style lovecraftien, il écrit : « Un style dont il est vrai qu’avec sa débauche d’adjectifs, ses intensifieurs omniprésents, ses tics lexicaux, il se prête notoirement à la parodie, et auquel les jugements sévères n’ont pas manqué dès les premiers temps de sa réception auprès du grand public (Edmund Wilson, Borges entre autres). » Je ne savais pas qu’Emund Wilson et Borges, « entre autres », faisaient spécialement partie du « grand public ». Néanmoins, et à part ses redites, c’est une introduction très fournie, même si, bien sûr, il faudra au lecteur, grand public ou non, revenir en priorité au texte même de Lovecraft.

A lire aussi: Michel-Georges Micberth: vociférations acides made in seventies

La qualité littéraire de Lovecraft

C’est donc ce que j’ai fait et, je dois dire, avec un grand plaisir. Je ne suis plus l’adolescent inexpérimenté de 1979, et j’ai été frappé désormais par la qualité littéraire de Lovecraft. Il m’a suffi de relire un ou deux contes, pour être d’accord avec la fascination qu’il inspire par exemple à Michel Houellebecq. Dans son livre sur Lovecraft, intitulé Contre le monde, contre la vie, Houellebecq admet : « Nous sommes là à un moment où l’extrême acuité de la perception sensorielle est tout près de provoquer un basculement dans la perception philosophique du monde ; autrement dit, nous sommes là dans la poésie. » (Préface de 1998). Il ne faut pas oublier que Lovecraft est un contemporain des surréalistes. L’air du temps a agi sur lui comme sur eux, d’une manière, à suivre Houellebecq, pas si différente que ça dans l’un ou l’autre cas. Je laisse le lecteur en juger.

A lire aussi: « Elles » ou la cuisse

Des ruminations fin de siècle

Lors de mes premières lectures, dans les années 70, je ne sais plus si j’avais lu « La Clef d’argent », ce conte de Lovecraft nourri de l’influence de Poe et des écrivains décadents. C’est dans ces ruminations fin de siècle que Lovecraft a toujours excellé, il me semble. Lovecraft s’y inspire aussi de sa propre vie et de ses névroses d’écrivain solitaire. En même temps, il y exprime sa nostalgie de l’enfance. Le personnage principal en est un certain Randolph Carter. Voici comment nous le présente Laurent Folliot : « Au culte du réel, Carter tente enfin de substituer, dans une veine décadentiste, celui du bizarre et de l’ésotérisme. » Se révèlent à lui, notamment par l’entremise de ses rêves, toute une série d’autres mondes qu’il finit par faire siens au détriment de la vraie vie. Tout l’art de Lovecraft est dans la manière de nous raconter ce voyage dans les limbes, mais comme s’il s’agissait d’une histoire réaliste, c’est-à-dire avec le moins possible d’effets artificiels.

Lovecraft est un écrivain nécessaire. Ses textes, malgré leurs défauts sur lesquels on aura avantage à passer, possèdent un véritable élan qui transporte le lecteur hors de sa zone de confort habituel. Ses admirateurs s’y délectent d’un imaginaire grandiose, à base de mythologies perdues comme celle de Cthulhu, monstre abject définitivement associé au nom de Lovecraft. Aujourd’hui, grâce à cette formidable Pléiade, je refais connaissance avec Cthulhu et autres « Great Old Ones » (les « Grands Anciens »), et mon verdict est sans appel : « Lisez Lovecraft ! »

H. P. Lovecraft, Récits. Introduction par Laurent Folliot. Édition publiée sous la direction de Philippe Jaworski. Éd. Gallimard, collection « Bibliothèque de la Pléiade », 1408 pages.

Récits

Price: 76,00 €

8 used & new available from 76,00 €

Michel Houellebecq, H.P. Lovecraft, Contre le monde, contre la vie. Avec une introduction de Stephen King. Éd. du Rocher, 2005.

H.P. Lovecraft

Price: 15,30 €

16 used & new available from 12,99 €

Bouches cousues

0
Jacques Forgeas © Hélène Bozzi

Emilio, jeune artiste romain, assistant peintre, se retrouve plongé au cœur de nombreuses enquêtes suite à des crimes commis afin de dissuader le Roi Soleil de s’installer à Versailles. Une histoire captivante qui retrace les débuts de la police moderne, de la cour de Louis XIV jusqu’au pire quartier de la capitale.


Jacques Forgeas ne m’est pas inconnu. Le roman de Philippe Sollers, Une curieuse solitude, a été adapté à la télévision sous le titre Un jeune français. Le scénario et les dialogues étaient de Forgeas. Les lecteurs fidèles de Causeur savent que j’ai longtemps fréquenté l’auteur de Femmes. À chaque fois que l’occasion m’est donnée, j’évoque l’écrivain. Je suis gâté en ce moment car je lis le nouveau livre de Jean-Paul Enthoven, Je me retournerai souvent, dont je parlerai lors d’un prochain article, où il est question de Sollers. Mais revenons à Jacques Forgeas qui publie Les fantômes de Versailles, un polar épatant se déroulant en l’an 1673.

Crime sordide

Versailles n’est pas encore Versailles. Il y a davantage de marécages et de bois que de beaux jardins dessinés par Le Nôtre. S’exiler de Paris et construire un extraordinaire château ruineux fait grincer les dents de la noblesse et de la bourgeoisie réunies. Mais Louis XIV est un grand monarque qui voit grand. Il veut s’installer à Versailles et personne ne pourra s’y opposer.

À lire aussi du même auteur : Pierre Mérot rempile

Le lieutenant général de police du Roi Soleil l’a bien compris. C’est une sorte de Maigret en perruque et bas de soie qui apprécie le canard rôti accompagné de navets. Mais un crime sordide va bouleverser à la fois les méthodes d’investigation de la police et les médecins légistes. Le foie des victimes va délivrer ses secrets. Crime sordide, donc, d’une jeune femme assassinée sauvagement dans une rue de Paris à peine éclairée où prospèrent les rats – les détails sont précis, jamais anachroniques – à qui on a cousu la gourmande bouche. Cousue avec un fil de soie. Les inspecteurs Laruche et Torsac mènent l’enquête qui va réserver de nombreux rebondissements. Les crimes se succèdent et conduisent aux arcanes de la politique. C’est encore l’époque des poisons et celle de la guerre avec la Hollande. C’est également la période où Colbert est tout-puissant et contrôle une police secrète redoutable. Ajoutons à ce tableau, décrit avec brio par Forgeas – on voit qu’il est scénariste –, l’évocation de la duchesse de La Vallière, évincée par la nouvelle maîtresse du roi, la redoutable et jalouse Montespan. La Vallière s’apprête à entrer au couvent. Mais le roi exige du peintre Mignard de l’immortaliser. Comment va-t-il la représenter ? Le tableau mérite un décryptage, d’autant plus qu’intervient un jeune artiste romain, Emilio, amant de la comtesse de Cruissan. L’artiste est visiblement très doué, surtout pour dessiner les jeunes mortes aux bouches cousues. Il devient l’indic’ des services de La Reynie. Ce dernier, à l’intuition redoutable, veut connaître, sur les ordres royaux, les détails picturaux constituant le portrait de la femme mise au placard.

Réflexion sur l’art

Jacques Forgeas nous tient en haleine jusqu’au bout. Les dialogues sont aussi efficaces que ceux produits par les laboratoires hollywoodiens. Cela signifie qu’il n’y aucun remplissage psychologico-sociologique qui désespère le lecteur au bout de deux chapitres. Il y a, en revanche, une réflexion captivante sur l’art, avec un clin d’œil appuyé à Giotto. « Giotto, vois-tu, est l’inaccessible », dit Mignard à Emilio. L’artiste florentin est très au-dessus des espions, mouchards, sbires, de tous ces hommes sans existence totalement hors-la-loi, surnommés « les fantômes de Versailles. »

Jacques Forgeas, Les fantômes de Versailles, Albin Michel, 448p.

Les Fantômes de Versailles

Price: 22,90 €

14 used & new available from 13,74 €

Sax, danse et encre de Chine

0
Jean Détremont © Philippe Lacoche

Chaque semaine, Philippe Lacoche nous donne des nouvelles de Picardie…


À Amiens, il est célèbre dans les milieux artistiques et underground. Lorsqu’on évoque le nom de Jean Detrémont aux habitués de La Briqueterie et/ou de La Maison du Colonel, leurs yeux s’allument de plaisir. On les comprend. Jean est un poète délicat, dadaïste et inspiré comme un merle anarchiste sur une barricade de 1870, rue de Vaugirard. Ses mots se suivent, se retournent, se mordent, s’enfuient en riant et en laissant derrière eux une pluie de confettis poétiques, doux comme le crépon sur la peau tendre d’une rousse vingtenaire.

A lire aussi: Leur mère ne s’est pas ratée !

Il y a du Tristan Tzara, du Picabia, du Ribemont-Dessaignes et du Restif de La Bretonne dans les poèmes du sieur Detrémont. Mêmes influences et mêmes atmosphères dans ses dessins réalisés à l’encre de Chine et aux pinceaux moyens ; c’est délicat, frais, élancé comme des corps de femmes qui dansent, s’élèvent comme pour caresser les poils nuageux et duveteux du ventre du ciel (Les coquines !) On dirait des souffles ; oui, des souffles. Comme les souffles qu’il nous donne à entendre lorsqu’il improvise avec son saxophone soprano, cette manière de clarinette dont le bois aurait rouillé pour se transformer en cuivre. Jean est bon en tout : en poèmes, en dessins et en saxophone. Il est bon car il est libre. Nous nous connaissons depuis des années, lui et moi. Nous nous sommes rencontrés au cœur des années 1990, à la Lune des Pirates, à la faveur d’un concert improbable. Nous avons découvert que nous avions des amis en commun : l’écrivain et homme de radio Roger Vrigny, et le romancier, poète et confesseur – à la radio – de Paul Léautaud, Robert Mallet. Deux hommes exquis, talentueux ; ils nous manquent. Tout cela rapproche. Alors, il y a peu, quand j’ai appris que Jean organisait une exposition jusqu’au 11 avril, de dix-neuf de ses dessins à l’encre de Chine, au café Côté Jardin, à la Maison de la culture – la MACU – (« Moi, je ne dis pas Côté Jardin, mais Macubar ; ça fait plus Simenon », sourit-il), j’en attrapé la main aux ongles vernis de rose de ma Sauvageonne pour l’entraîner vers l’événement. Notre homme était là, devant ses œuvres. Il y avait du monde. Nous avons observé les dessins un par un ; ma Sauvageonne, comme la plupart des visiteurs, y voyait des corps de danseuses élancées. J’étais d’accord, sauf pour un où j’ai cru apercevoir une chèvre. Ma Sauvageonne l’a répété à Jean qui a ri aux éclats. « En fait, je ne fais aucune interprétation précise », m’a-t-il avoué. « Je rédige mes poèmes avant de dessiner. » C’est un peu ce qu’a fait l’écrivain et poète Sylvie Payet qui a bien observé, un par un, les fameux dessins et a écrit un poème de dix-neuf vers. (Un vers par dessin.) On pouvait le lire sur place ainsi que d’autres poèmes de Detrémont 1er, prince des créateurs. Des dessins, il en a fait cinq ou six mille, « mais seuls cinq cents sont exploitables », reconnaît-il. « Je ne leur donne pas de titre car je n’aime pas les cadres. Je ne vois rien dans mes œuvres. » Il ne voit peut-être rien dans ses dessins, cela ne l’empêche pas d’avoir du souffle. Soudain, il a attrapé son saxophone ; Marie-Laure Duplessis et Mouhcine se sont mis à danser sur le fil cuivré de l’instrument de Jean. C’était beau, superbe, magnifique, magique. Les formes gracieuses et sombres de Marie-Laure et de Mouhcine, portées par les effets de lumière. Ma Sauvageonne et moi étions ailleurs, ballottés par les petits cris de l’alto comme dans les entrailles d’un hippopotame volant, fascinés par les ombres des danseurs comme un Cendrars émerveillé par les danseuses du Brésil. Ma sauvageonne était tellement bousculée qu’elle en a perdu ses clés de voitures. On les a retrouvées le lendemain, comme par miracle. On n’a rien compris. Mais est-il nécessaire de tout comprendre pour être heureux ?

Les multiples solitudes

0
Image d'illustration Unsplash.

À l’occasion de la sortie en mars du recueil, Le goût de la solitude, textes choisis et présentés par Alexandre Maujean au Mercure de France, Monsieur Nostalgie nous parle de cet état qui va de l’enfermement à la béatitude…


« Français » et « solitude » sont des mots qui vont bien ensemble. Le Français traîne avec lui depuis un bon siècle et demi, une tentation intime de l’exfiltration monastique. Il y a en lui, la volonté du départ, pas très loin, en périphérie, hors la ville, ce n’est pas un grand explorateur, il rêve à un barbecue et à une partie de pêche, loin des emmerdements et des oukases. La maison individuelle ou la résidence secondaire sont les buts d’une vie pleinement réussie pour tous nos compatriotes. Le Français a le désir puissant de quitter le groupe, l’entreprise, l’association, ne parlons pas du parti politique, il le déserte depuis trente ans. Un billet de loto et il s’en irait, loin des ordres et des contre-ordres, de la férule administrative et des jalousies de bureau, en roue libre pour voir ce que ça fait d’être sans fil à la patte. Autonome. Sans compte à rendre. Le Français est un traînard à la manière de Jean-Pierre Marielle. Il révèle sa profonde nature dans le déport, ce léger désaxage provient certainement d’une culture égalitariste qui l’opprime depuis l’école. La France aime les sillons et déteste les têtes qui dépassent. Dans un pays qui a longtemps eu des velléités d’absorption et d’annihilation de l’individu au profit de la sainte République, il n’a rechigné « au vivre ensemble » qu’au prix d’intimidations et du cadenassage des idées. S’il n’avait tenu qu’à lui, il serait retourné dans sa province et aurait vécu comme ces nobliaux désargentés qui pataugent dans la gadoue du matin au soir et observent le délabrement de leur toiture en se lamentant.

A lire aussi: Olivier de Kersauson: « Cesser de se plaindre est une politesse et une affaire de bon sens »

Le Français n’est cependant pas un animal triste, il peut, en de rares occasions, jouir de la compagnie de ses congénères, lors d’un repas de famille et d’une sarabande sportive ; mais très vite, il reviendra à l’état de solitude. Son état premier. Quand le grand âge l’atteint, il s’accroche à son lopin de terre, à son petit appartement, à ses habitudes, à ses fantaisies ménagères car personne ne veut terminer son existence dans ces colonies lugubres avec d’autres Hommes de sa classe, ça lui rappellerait trop le service militaire. L’obligation de partager son quotidien avec d’autres inconnus, tout en se faisant dépouiller de sa maigre épargne, sont les sévices que nos aînés pourtant endurent. Le Français est aussi un être particulièrement versatile, enfermé dans la nasse sociale, il aura le désir de s’échapper et s’il lui venait d’être seul, vraiment seul, de souffrir alors de l’isolement et du manque d’attention, il supplierait pour une rencontre même facturée. Pour nous éclairer sur ce vaste champ, Alexandre Maujean a très habilement réuni des textes d’auteurs majeurs (Thoreau, Balzac, Roth, Kafka, Stevenson, etc…) autour de cinq grandes thématiques : retour à la nature, à l’isolement, exil intérieur, enfin seul et seul contre tous. Car la solitude est mouvante, instable, elle revêt à la fois des notions négatives et mortifères, mais également elle est soupape de sécurité, régénératrice du « moi ». Chaque écrivain la pare, selon son état d’humeur, de tous les vices ou de toutes les réjouissances. Pour Olivier de Kersauson, elle est constitutive de notre identité : « La solitude est le seul moment réel de notre vie ». Elle nous ancre et nous porte. « Même le voyage amoureux est un voyage solitaire » écrit-il. Thoreau ne dit pas autre chose, dans sa cabane du Massachusetts où il résidera deux années : « J’ai tout à moi seul mon horizon borné par les bois […] J’ai, pour ainsi dire, mon soleil, ma lune et mes étoiles, et un petit univers à moi seul ». Chez Dino Buzzati, la solitude se fait espoir pour le lieutenant Drogo affecté au fort Bastiani à la frontière du Royaume du Nord, longue attente en vue d’une hypothétique bataille : « Au fond, une simple bataille lui eût suffi, une seule bataille, mais sérieuse ; charger en grande tenue et pouvoir sourire en se précipitant vers les visages fermés des ennemis ». Du côté de Rutebeuf, la solitude est synonyme d’infortune plaintive : « L’amitié est morte : ce sont amis que vent emporte ». Et puis, il y a la solitude du Feu Follet, le recueil reprend le dialogue de Drieu la Rochelle entre Alain et Minou qui sortent du bar et marchent dans la rue. Alain avoue : « Ma vie, ce n’est que des moments perdus ».

Le goût de la solitude – Collection la petite mercure – Mercure de France 128 pages.

Le goût de la solitude

Price: 9,50 €

4 used & new available from 5,69 €

Patrick Besson : pas de quartier !

0
Patrick Besson © BALTEL/SIPA

L’écrivain publie deux livres : Quel est le con un recueil de ses chroniques du Point, et Presque tout Corneille, un thriller loufoque inspiré par la tragédie classique. Avec talent et beaucoup d’humour, il passe la société contemporaine à la moulinette. C’est du lourd, ça dépote : du grand Besson !


Deux livres en à peine deux mois ; voilà ce que propose Patrick Besson. Et c’est du lourd ! Le premier, Quel est le con, est un recueil de certaines de ses chroniques parues dans Le Point ; le second, Presque tout Corneille, n’est rien d’autre qu’un thriller bien barré, directement inspiré par l’esprit des tragédies classiques, et notamment par le père du Cid. On se régale ; on rigole ; on s’indigne ; on en redemande.

Grève du sexe

Quel est le con. On l’interroge sur le pourquoi de ce titre provocateur ; il ironise, incisif : « Quel est le con, qui a écrit ce livre ? Mon ennemi : le pompiérisme idéologique et ses ridicules manifestations. » Est-il nécessaire de préciser qu’il tape fort, très fort ?

Le recueil part sur les chapeaux de roues avec « Adaptations ». Cinq minifictions dans lesquelles il brocarde le wokisme et la bien-pensance. Aragon et son Aurélien, nouvelle version : Aurélienne, grand reporter de retour de Bosnie rencontre Bernard, un provincial paumé. Coup de foudre. La femme d’Aurélienne file à Paris pour récupérer son épouse. Elle tombe amoureuse d’un unijambiste, (il a perdu sa jambe à Lesbos dans une charge de la police grecque alors qu’il tentait de se sauver d’un camp de migrants.) « Peu après, Aurélienne décédera dans un accident de la route provoqué par un camionneur RN dont les parents étaient communistes. »

Le ton est donné. Et Patrick Besson d’adapter Vingt mille lieues sous les mers, de Jules Verne, Crime et Châtiment, de Dostoïevski, Le Diable au corps, de Radiguet, et Le Grand Meaulnes, d’Alain-Fournier. Nous laisserons le lecteur découvrir les étonnantes et déroutantes transformations des héros.

À lire aussi : Hymne à la joie

Avec la chronique « Guerre des hommes », on rit jaune quand il décrit la haine des ultra-féministes à l’endroit de nous, les mecs. Ça fait froid dans le dos mais c’est tellement juste, tellement bien vu. Besson rappelle que « l’histoire nous apprend que la calomnie précède et annonce le crime ». Il se souvient que sans les pamphlets rédigés avant la Révolution contre l’Autrichienne, on n’aurait peut-être pas coupé la tête de Marie-Antoinette. Puisqu’on est des bons à rien et qu’on fait tout de travers, sage, il propose comme mesure de rétorsion la grève du sexe : « Plus aucun de nos pénis ne se dressera pour un membre du sexe féminin. » Na !

Dans « Miss France 2050 », il brosse le portrait de l’heureuse élue, Marie-Josette, ex-Miss Seine-Saint-Denis « dans le cadre de la diversité à la culture » ; elle est hautement intelligente et brillante, a notamment été élève de l’École normale supérieure ; elle est titulaire d’une double agrégation – grammaire et mathématiques –, a repris les études, puis s’est spécialisée dans la chirurgie du cerveau. Miss France 2050, âgée de 73 ans, pèse 119 kilos et mesure 1,49 mètre.

Avec « Brasillach dans la poche », il se demande pourquoi l’écrivain collabo ne figure plus en librairie alors que « Rebatet, Céline, Morand, Charonne, Drieu et Fraigneau y sont encore ». Dans « Faim de carrière », il évoque l’inénarrable Jack Lang qui, malgré qu’il ait dépassé de vingt-deux ans l’âge de la retraite, continue de travailler, « car il y a toujours des imprévus dans l’existence ». Que pense Patrick Besson du personnage ? « Il me fait rire, c’est déjà pas mal ! »

Décapité à la hache

Presque tout sur Corneille révolutionne le genre du thriller. Pas de chapitres, mais de courts textes – parfois des dialogues uppercuts – qui font avancer la narration et l’intrigue à la vitesse de la lumière. C’est prodigieusement nerveux et intelligent. Une fois encore, on rit beaucoup (l’humour de Besson n’est plus à prouver). Le décor est planté en Corse. Il y raconte les pérégrinations d’un homme qui veut retrouver son honneur en se vengeant de son ancien employeur qui l’a viré. Sa technique ? Battre l’ex-patron dans toutes les disciplines afin de l’humilier. Passent une épouse (dont le précédent mari, professeur de bulgare, est mort après avoir été renversé par un cycliste, rue de Lille, à Paris), des enfants, une jeune maîtresse (qui lit tout Corneille, ou presque) et un cousin fraîchement sorti de prison.

Un meurtre horrible surgit : l’ennemi est découvert décapité – à la hache ou à la scie, pas musicale mais on ne sait pas trop – dans la chambre du licencié apprenti vengeur. Le commissaire Bourbeillon, fumeur de cigarette électronique, mène l’enquête.

À lire aussi : Polar, caviar et propagande: Marignac revient en grande forme

Patrick Besson aurait-il lu tout Corneille pour écrire ce polar décapant et singulier ? « Presque tout Corneille. J’aime beaucoup cet auteur, surtout les pièces qu’il a écrites sous le nom de Molière : Le Misanthrope, Les Femmes savantes, etc. », répond-il, provocateur.

Et pourquoi la Corse ? « J’ai découvert la Corse avec ma troisième ex-femme à moitié corse. C’est une jolie terre d’amour. »

Quant à la vengeance, qui est presque un personnage de son livre, on finit par se demander s’il ne serait pas, lui-même, un peu rancunier. Point. « Je pardonne mais je n’oublie pas », dit-il. Et pourquoi donc un enseignant de langue bulgare ? « Tu connais quelqu’un qui parle bulgare, toi ? » sourit-il. Pourquoi a-t-il choisi de faire de son flic un vapoteur ? « J’ai horreur de l’électronique, y compris dans les cigarettes. Toutes ces vapeurs, on dirait des vieux trains. », confie-t-il.

Ses projets ? « Je viens de terminer un roman : Jennifer Carpenter. J’en prépare un autre, beaucoup plus drôle : La Vieillesse, la solitude, la maladie et la mort. Je dois aussi donner à Plon Le Dictionnaire amoureux du communisme. » Tout un programme !

À lire :

Patrick Besson, Quel est le con, « Encre Rock », Erick Bonnier, 2024.

quel est le con

Price: 18,00 €

6 used & new available from 9,51 €

Patrick Besson, Presque tout Corneille, Stock, 2025.

Presque tout Corneille

Price: 12,99 €

1 used & new available from 12,99 €

Marche contre le fascisme: quand la gauche manifeste avec ses pires contradictions

0
De gauche à droite, Annie Ernaux, Swann Arlaud, Anna Mouglalis, Médine, Blanche Gardin, Guillaume Meurice ou Assa Traoré appellent à manifester aujourd'hui partout en France.

Séparatisme. Médine, LFI, les Hijabeuses et autres promoteurs du voile islamique défilent aujourd’hui contre le racisme et l’extrême droite, et la gauche s’empresse de leur emboîter le pas en bons idiots utiles. Enfin… idiots utiles, Céline Pina finit par en douter. Certains militants politiques sont désormais bien conscients de marcher main dans la main avec ceux qui prônent l’inégalité et l’intolérance.


Marcher contre le fascisme en compagnie d’islamistes notoires comme d’organisations ambigües en matière de lutte contre l’antisémitisme (LFI, LDH, Sud, Solidaire.s), voilà ce que s’apprête à faire la gauche ce 22 mars 2025 à l’occasion de la journée mondiale contre le racisme et le fascisme.

Une répétition de la tartufferie du 8 mars

Le 8 mars, cette même gauche n’avait déjà trouvé aucun problème à défiler auprès d’organisations pro-palestiniennes qui trouvaient parfaitement normal d’attaquer les organisations réclamant justice pour les femmes juives massacrées, enlevées et réduites en esclavage lors du pogrome du 7-Octobre. Cette gauche n’avait pas hésité à manifester pour le féminisme en truffant son cortège de drapeaux palestiniens : les mêmes drapeaux qui étaient agités au-dessus des corps démembrés des femmes violées que le Hamas ramenait à Gaza. Elle n’a pas hésité à manifester aux côtés de ceux qui expliquent que les auteurs d’un pogrome et d’un viol de masse sont des résistants et à magnifier un territoire, Gaza, où les femmes sont réduites à l’état de sexe et de ventre sur pattes pour le plus grand bénéfice des hommes.

La gauche aujourd’hui, c’est l’apothéose de Tartuffe pour la plus grande gloire des islamistes. C’est ainsi que tout ce que ce petit monde compte de vieilles gloires déplumées et d’artistes sur le déclin remet le couvert de l’exaltation dénonciatrice malsaine et veut s’ériger maintenant en rempart contre le fascisme. Il appelle donc à manifester le 22 mars. Et prend les accents de Jean Moulin pour nous alerter sur le retour des zeures sombres, là, maintenant, tout de suite !!! Mais quelles sont donc les dérives racistes et fascistes qui justifient une telle mobilisation ? Qui sont les nazis qui nous menacent ? Que réclament ces grands esprits tellement rayonnants que l’on se demande s’ils n’ont pas fondu ?

Médine, Assa Traoré, Annie Ernaux ou Blanche Gardin seront de la fête

L’appel à manifester répond à ces interrogations. Signé notamment par Médine, celui qui voulait chanter son album Jihad au Bataclan alors que l’on y a abattu aux cris d’Allah Akbar tant de nos compatriotes, par Blanche Gardin, qui se vante d’être antisémite tout en couinant parce que tout le monde a compris que ce n’était pas une blague, ou encore par Assa Traoré, qui explique que la police tue tout en passant au silence les activités criminelles de sa famille, l’appel défend les valeurs fondamentales des islamistes : c’est ainsi qu’il fait de l’antiracisme le promoteur du sexisme.

A lire aussi, du même auteur: Le grand remplacement de Louis Boyard

En effet il y a quatre revendications fondamentales dans ce texte et parmi elles, une des manières de lutter contre le fascisme et le racisme, selon ces gens, consiste à autoriser le voile dans le sport. Donc à autoriser un marqueur de l’infériorisation de la femme et un symbole de l’emprise islamiste. Et c’est là que les manipulateurs de l’islam politique sont très forts et que la gauche est quand-même parfaitement stupide : magnifier le signe religieux qui relègue la femme au rang d’éternelle mineure devient une mobilisation contre le fascisme ! Du coup, réclamer l’égalité pour les femmes devient islamophobe et raciste. On appelle cela faire d’un coup, deux pierres.

Les militantes islamistes en faveur du voile dans le foot, devant le Sénat, janvier 2022. Image: capture d’écran YOUTUBE / Le Parisien.

En effet, le point commun entre nazisme/fascisme (tel qu’utilisé dans la rhétorique de l’extrême-gauche), racisme et sexisme, c’est le refus d’accorder l’égalité en droit. Ce refus d’égalité est le reflet d’un déni farouche, celui qui repousse comme une donnée insupportable le fait que nous partageons la même dignité humaine. Ce refus de l’égalité se fait à raison de la couleur de peau ou à raison du sexe, notamment. Et ce dont on peut être sûr, c’est qu’une société inégalitaire a tendance à l’être dans tous les secteurs. Ainsi les sociétés fondées sur l’apartheid sexuel, comme les sociétés islamiques, sont des sociétés où le préjugé racial sera important comme le préjugé religieux et social. D’où la dhimmisation (infériorisation en droit d’une minorité et soumission à un tribut pour avoir le droit de se perpétuer) des autres religions, dhimmisation qui marque aussi la relégation sociale. Il suffit de regarder les sociétés maghrébines pour le constater.

Le premier marqueur de la lutte antifasciste et antiraciste est donc de travailler à la légitimation de l’infériorisation de la femme. Et les trois autres alors ? Selon l’appel, il s’agit de la remise en cause du droit du sol, du rétablissement du délit de séjour irrégulier et de l’interdiction du mariage sur notre sol d’un étranger en situation irrégulière. Or choisir de quelle façon la nationalité est accordée n’est pas un marqueur fasciste : le droit du sang et le droit du sol s’étant succédé sur le territoire français, comme européen, et cette prérogative faisant partie des attributs de la souveraineté. On est bien ici dans une hystérisation sans motif du débat public. Le délit de séjour irrégulier, quant à lui, est une réalité. C’est sa suppression qui fut d’une bêtise sans nom. Il n’y a rien de « fasciste » à ce qu’un pouvoir démocratique choisisse qui il accueille et à qui il refuse le droit d’entrer sur son territoire. Rien de choquant non plus à ce qu’il crée un délit afin de permettre qu’il y ait un support juridique à l’exécution d’une expulsion. Quant à l’interdiction du mariage, il fait référence au refus de Robert Ménard, le maire de Béziers, de marier un étranger en situation irrégulière. Il faut dire que la législation est ainsi faite que si un clandestin se marie, il devient de fait inexpulsable, le mariage produisant alors d’intéressants effets d’aubaine. Là encore rien qui ne justifie le procès en fascisme ou racisme.

Pour essayer de soulager les palpitations de nos Jean Moulin de bacs à sable, essayons de les ramener à quelques références historiques. Les lois fascistes ou nazies n’ont absolument rien à voir avec les exemples mis en avant. Si on ne prend que les lois fascistissimes des années 30, elles consistent en l’instauration du parti unique, l’extension des prérogatives du dirigeant, la suppression du parlement, la mise au pas des associations, la suppression des libertés publiques, le muselage de la presse par l’Etat… Quant aux lois nazies, si on se doute bien que l’amour du migrant n’était pas en leur cœur, leur cible était avant tout les juifs, et peu importe qu’ils aient ou non la nationalité allemande à l’époque, le résultat est que leur mort a été décidée, programmée, exécutée. Le sommet du ridicule est atteint quand les exemples du retour du grand méchant loup nazi sont Donal Trump et Elon Musk. J’ai peu de sympathie pour la brutalisation de la politique que ces deux trublions incarnent, mais force est de constater qu’ils sont surtout inconsistants. Le nazisme ou le fascisme sont des systèmes, à la fois de représentation du monde et de représentation des hommes. Ils veulent fonder un homme nouveau et mettre en œuvre une idéologie totale visant à contrôler tous les aspects de la vie en société et de la vie intime. Avec Donald Trump, on est en face d’un homme sans conviction, qui pense que la politique est affaire de deals. Ces personnalités peuvent s’avérer fort destructrices mais elles ne sont pas fascistes. Et surtout, elles sont les enfants des délires woke ou de l’emprise islamiste qui sont devenues l’identité de la gauche. Si celle-ci n’avait pas fait exploser tous les repères anthropologiques et toute décence commune, l’avènement d’un Trump n’aurait pas été possible. Sa marche vers le succès est elle-même liée à la violence du progressisme et à la terreur qu’a engendré le wokisme quand il s’est mis, hors de tout droit, à tenter de condamner ses cibles à la mort sociale.

Consciences rampantes

Ceci étant, si le danger fasciste ou nazi était réel, il est probable que ces grandes consciences enivrées d’elles-mêmes seraient toutes à plat ventre devant leur nouveau maitre. Elles rampent déjà devant les islamistes au point d’être incapables de se rendre compte du ridicule de leur appel et de leur propre instrumentalisation. Pour preuve ? Un des critères mis en avant dans la tribune pour accuser le gouvernement actuel d’être en plein sabbat totalitaire est son caractère islamophobe. Il faut dire que ce discours est le viatique des islamistes et la base de leur système de recrutement, il est basé sur l’installation d’un sentiment de persécution : « vous ne trouverez jamais votre place ici car ils ne peuvent accepter vos exigences religieuses, il ne vous reste donc plus qu’à devenir les maîtres ». C’est la base de l’emprise islamiste et de la logique séparatiste.

A lire aussi: Michaël Prazan: « les Frères musulmans ont une vision paranoïaque et complotiste du monde »

Et cela repose sur la négation du réel. En effet, ceux qui sont massivement ciblés par les actes racistes et antireligieux sont les juifs, alors qu’ils ne représentent que 0,6% de la population en France. En revanche, ceux qui subissent le moins d’attaques au nom de leurs religion sont les musulmans. En 2023, Plus de 1676 actes antijuifs ont été recensés, il n’y en avait que de 242 pour les actes anti-musulmans. Aujourd’hui la violence dite d’extrême-droite, qui se concentre sur les juifs, est bel et bien le fruit de l’antisémitisme arabo-musulman que chauffent à blanc les islamistes. Les fascistes et les racistes d’aujourd’hui sont moins à l’extrême-droite qu’on ne les retrouve chez ceux qui font la loi dans les quartiers. On dit souvent que « tous ne sont pas islamistes ». C’est vrai. Cependant, dans la jeunesse musulmane et dans les quartiers, une majorité le sont. Et sur le terrain, cela se voit. C’est donc en toute connaissance de cause que les alliés de LFI ont épousé la cause du fascisme islamique. 

Disons-le clairement : à un certain stade, on est plus un naïf inconscient et le terme d’idiot utile lui-même est complaisant. Ces gens sont des collaborateurs. Ils participent à la mise en danger de la seule communauté qui soit réellement menacée en France, la communauté juive. Et ils le font en tenant la main de leurs bourreaux et en diffusant des représentations qui nous menacent tous. Pour eux, le danger c’est le RN. Les Frères musulmans, qui furent les alliés des nazis et n’ont rien renié de cette époque sont au contraire leurs amis. C’est ainsi qu’après avoir défilé, au nom du droit des femmes avec des organisations qui soutiennent les violeurs et exploiteurs sexuels du Hamas, ils s’apprêtent à recommencer en compagnie de ceux qui inventent un génocide à Gaza pour justifier la haine antisémite en Europe. Alors, quand on ouvre la voie aux antisémites et que l’on justifie leur violence, peut-on vraiment continuer à être considéré comme une référence en matière de lutte antiraciste et antifasciste ? La réponse est clairement non. Il est donc temps de traiter ces personnalités pour ce qu’elles sont : des larbins du totalitarisme et de l’antisémitisme qui essaient de se faire passer pour des parangons de vertu. C’est en refusant de défiler à leurs côtés que l’on pose la première pierre du combat antifasciste aujourd’hui.

«Extrême»: un abus de langage?

0
Paris, 22 mars 2025 © SEVGI/SIPA

Sophie de Menthon s’interroge avec malice sur ce drôle de paradoxe français où le RN est qualifié d’«extrême», alors que la gauche radicale, malgré ses excès, échappe curieusement à cette étiquette. Elle s’amuse aussi de cette Assemblée nationale devenue un véritable théâtre où les élus, plus occupés à s’entre-déchirer qu’à gouverner, semblent oublier que ce sont les électeurs, pas leurs égos, qui les ont mis là.


L’extrême droite ? Je suis bien consciente que poser la question de l’extrémisme du Rassemblement national, c’est déjà se faire accuser de le soutenir ! La potentielle inéligibilité de Marine Le Pen contraint à repenser aujourd’hui la réalité autrement.

Les Français majoritairement d’accord avec le RN sur l’immigration, mais pas le droit de le dire !

Il faut un bouc émissaire à la société française et au monde politique depuis toujours : on l’a de toute évidence trouvé et il fait plus que jamais l’affaire. C’est le « Rassemblement national », dit aussi « l’extrême droite », succédant au Front national, objet de tous les rejets (non sans raison d’ailleurs car les convictions de Jean-Marie Le Pen furent parfois insoutenables, entre autres pour son antisémitisme). Mais le père n’avait que très peu ou pas de points communs avec sa fille, Marine Le Pen, qui lui a aujourd’hui succédé avec le lourd héritage de ce patronyme. L’un, Jean-Marie Le Pen, était plutôt à droite et capitaliste, Marine Le Pen plutôt à gauche et protectionniste. Quant à l’antisémitisme, on peut franchement tout lui reprocher sauf cela, le combat du RN est essentiellement de limiter l’entrée des immigrés venant d’Afrique car tous nos malheurs, y compris économiques, viendraient de là.

A lire aussi, Céline Pina: Le grand remplacement de Louis Boyard

Justement, dans l’état de fragmentation où est la France, il serait bon de se poser la question du qualificatif d’« extrême » pour ce parti : extrême en quoi ? Une presque majorité des Français partage des convictions défendues par le RN même si économiquement elles sont loin d’être souhaitables et terrifient les chefs d’entreprise. De plus, on cherche en vain ce qu’il peut y avoir « de droite » dans ce programme de l’extrême droite, sinon toujours cet unanimisme autour de l’immigration, plus que jamais au goût du jour avec l’Algérie. La droite, la vraie, dont personne ne sait plus ce qu’elle représente, n’a pas de valeurs particulières à nous faire miroiter : la République ? la nation ? des valeurs, lesquelles ? mais tout cela est préempté de partout et galvaudé. Le danger vient d’ailleurs, et il est de ce fait incompréhensible que le Conseil d’Etat ait décidé que le qualificatif d’« extrême gauche » ne devait pas être utilisé pour la gauche : LFI et le PCF (qui n’en demandait pas tant). L’extrême gauche, donc, n’existe pas, même quand elle déshonore l’autre gauche et choque nos âmes de citoyens et de républicains. Que dire de l’ignoble caricature d’Hanouna ? Si elle émanait du RN, on verrait ses auteurs immédiatement devant les tribunaux et à juste titre, car elle fait preuve d’un racisme affiché qu’on ne tolèrerait jamais venant de ladite extrême droite. La pensée à tendance unique doit-elle aussi faire siennes les idées à la mode sur la drogue, l’élargissement antidrague et le verdissement des trottoirs, le tout sous couvert d’un État dépensier, clientéliste, bienveillant : un must politique ?

TPMM

La libérale que je suis se retrouve à aimer la gauche, la bonne gauche d’autrefois, d’avant les coupables rageurs de LFI et de leur chef auquel on passe absolument tout… touche pas à mon Mélenchon ! La gauche digne, celle d’Emmanuel Valls, Bernard Cazeneuve, Hubert Védrine, et Emmanuel Macron qui incarnait une pseudo-gauche libérale… Nous n’évoquerons pas François Hollande qui oscille entre des positions qu’il ne connaît pas lui-même.

A lire aussi: Immigration et démographie urbaine: les cartes à peine croyables de France Stratégie

Donc, devant ce nouveau clivage français hypocrite et assassin, que faire ? Le camp du bien est terrifiant et sectaire. Il est inadmissible qu’un mouvement patronal, par exemple, soit cloué au pilori s’il accepte d’être auditionné par le RN et de lui proposer ses travaux pour l’éduquer économiquement, alors que lorsqu’il reçoit François Ruffin, c’est un bon point malgré ses positions envers les « salauds de patrons ». Il est plus que temps que le monde politique des élus reprenne ses esprits. Ce fameux « front républicain » par exemple, instigué par ceux qui voudraient être réélus peu importe par qui, et sans vergogne par l’extrême gauche, pacte diabolique a donné naissance à un monstre tentaculaire qu’on appelle l’Assemblée nationale ; nos parlementaires y combattent avec un acharnement sans faille ceux grâce auxquels ils siègent : électeurs d’hier, ennemis mortels d’aujourd’hui. Aucun raisonnement nuancé, aucun sens de l’Etat sinon pour une surenchère administrative, aucune prospective sérieuse, aucune ambition désintéressée n’apparait. Il y a un moment où chaque Français doit se poser objectivement la question de son vote. La France serait majoritairement à droite, mais les médias, les ambitieux et les bobos la convaincront-ils à nouveau que nous ne sommes capables de voter que si l’on pense à notre place, et qu’on nous indique les barrages et exclusions obligatoires ? Qui aura le courage d’une union raisonnable des forces de droite, y compris de l’extrême centre (qui ferait mieux de choisir le camp de l’action et de l’esprit de décision) ?

Censure !

0
© Metropolitan FilmExport

Une professeure à l’université de Téhéran fait lire à certains de ses étudiants des livres occidentaux interdits par le régime, afin de montrer son opposition au radicalisme iranien.


Avec Les Citronniers, La Fiancée syrienne ou encore La Visite de la fanfare, le réalisateur, scénariste et producteur israélien Eran Riklis a déjà donné toute la mesure de son talent. Observateur acide et sans concessions des sociétés qui l’environnent, il s’attaque cette fois à l’Iran et à son évolution mortifère depuis l’arrivée au pouvoir de l’intégrisme religieux. Il le fait avec un film au titre programme : Lire Lolita à Téhéran. Soit l’histoire vraie d’une enseignante iranienne revenue d’exil en 1978 et qui, jusqu’en 1997, a tenté de vivre et de travailler sous le régime des mollahs, avant un nouvel exil. Le film suit habilement la structure narrative du livre dont il s’inspire à travers les activités dissidentes et souterraines d’un « club de lecture » féminin bien décidé à braver les interdits d’une censure criminelle. Incarnée à la perfection par l’actrice iranienne Golshifteh Farahani (elle-même exilée à Paris depuis 2008), cette héroïne moderne est la plus vibrante des réponses à l’obscurantisme.

Maestro !

0
© Dulac Distribution

À l’heure où la Corrida est menacée, Albert Serra propose un film à couper le souffle sur le torero Andrés Roca Rey, afin de faire revivre cette tradition et nous en faire découvrir la richesse.


On plaint les confrères critiques qui risquent d’avoir du mal à imposer des articles sur le film du cinéaste espagnol Albert Serra, Tardes de soledad, et on se réjouit haut et fort, a contrario, que ce ne soit absolument pas le cas dans ces colonnes ! Car, oui, la tauromachie, sous toutes ses formes et toutes ses expressions, a littéralement bien mauvaise presse en France. Il est fini depuis belle lurette le temps béni où les lecteurs du Monde pouvaient se régaler à la lecture des chroniques taurines de Francis Marmande et ceux de Libération à celles de Jacques Durand, pour ne citer que ces deux plumes ô combien inspirées. Seuls désormais les quotidiens régionaux du Sud consacrent quelques pages à la corrida au moment des ferias. C’est dire si un film de deux heures sur un torero péruvien a toutes les chances de passer à la trappe, sacrifié sur l’autel de la bien-pensance qui sévit même en Espagne. Raison de plus pour dire tout le bien qu’on pense de ce film exceptionnel. On connaît le talent iconoclaste d’Albert Serra. Ses films ressemblent la plupart du temps à de saines et superbes provocations au bon sens du terme. Qu’il s’agisse, entre autres, de filmer Jean-Pierre Léaud dans La Mort de Louis XIV, film crépusculaire, ou de donner enfin à Benoît Magimel un rôle à la hauteur de son vertigineux talent avec Pacifiction: Tourment sur les îles. Cette fois, le héros s’appelle Andrés Roca Rey, né le 21 octobre 1996 à Lima, au Pérou, et devenu matador en 2015 dans les arènes de Nîmes sous la houlette d’Enrique Ponce et en présence de Juan Bautista. Tout a commencé bien avant, aux arènes de Lima, la Plaza de Acho, quand le 26 novembre 2006, âgé de 10 ans, le futur torero a rencontré un maestro de légende, El Juli.

À lire aussi : Robert Bresson: un joyau oublié restauré

À son propos, son ancien compatriote et prix Nobel de littérature, Mario Vargas Llosa n’a pas hésité à écrire : « Il représente le torero magique dont Manolete et Luis Procuna furent emblématiques mais aussi le toreo souriant, festif, joueur. » De fait, on pourrait le surnommer « Andrés Gueule d’Ange » tant son sourire est rémois. Pour le reste, c’est lui qui l’écrit autant avec sa sueur et son sang qu’avec son courage et son art sans pareil. Le film est à sa hauteur de prodige. On n’a jamais vu des corridas filmées de la sorte, au plus près du taureau, du torero et de sa cuadrilla. Pour obtenir ces images inédites, le cinéaste a utilisé en permanence trois ou quatre caméras qui captent aussi bien le regard de l’animal que les gestes du torero, et des moments d’une intensité foudroyante, quand on a l’impression, par exemple, que Roca Rey va y passer, littéralement embroché par la bête fauve aux cornes démesurées. Chez lui, la prise de risque est une seconde nature, surtout quand le taureau est comme un fou dangereux. C’est dans ces moments-là, comme le lui dit l’un de ses péones, qu’il est le plus admirable. Et Serra saisit ces instants hors du temps avec un brio inégalable. Jusqu’aux sons eux-mêmes qu’il parvient à capter grâce à des micros-cravates posés sur les épaules du torero ou sur les pattes du cheval du picador. Sans oublier la foule que l’on entend retenir son souffle dans les moments cruciaux.

A lire aussi: À Sao Paulo, sans famille

De tels procédés ne dissimulent rien de la réalité, y compris la souffrance animale qui dure parfois au-delà de ce que l’on croit être la mort jusqu’au coup de grâce final, le descabello que donne l’un des péones. Tant pis pour les âmes sensibles et tant pis aussi pour les vrais-faux aficionados : « La violence ne vient pas de moi, a l’intelligence de dire le cinéaste, elle appartient à la corrida. » Un torero et bandillero d’exception, Luis Francisco Espla, déclara un jour qu’en entrant dans l’arène, il sentait « le poids de son âme ». En effet, c’est bien de vie et de mort dont il est question dans le magnifique, sauvage, terrifiant et admirable film d’Albert Serra.