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On ne s’empêche plus nulle part !

Le billet de Philippe Bilger


On ne s’empêche plus nulle part !
"Les gens ne respectent plus rien, mon brave Monsieur" © Unsplash

En plus de la guerre à Gaza, le regain d’antisémitisme dans l’opinion s’explique par une certaine universalisation du laisser-aller, observe notre chroniqueur.


Les conversations dans les familles tournent assez souvent autour de cette interrogation : faut-il tout dire à ses proches ? la vérité est-elle toujours bonne à exprimer ? Je ne suis pas le dernier à répondre par l’affirmative, à condition que la forme soit courtoise et qu’on soit prêt à accepter la pareille.

Ce qui me frappe dans le monde d’aujourd’hui, en France comme dans d’autres pays, c’est la libération absolue de tout ce qui, dans les temps anciens, quand la civilisation imposait encore ses limites, se retenait, n’osait pas se déclarer à ciel ouvert, à transparence intégrale.

Un peu de tenue !

Alain Finkielkraut a raison quand il affirme qu’ « une bonne conscience antisémite s’installe un peu partout dans le monde »1.
Dans ce domaine capital, de la part de certaines personnalités d’extrême gauche – profitant de tragédies internationales qui devraient imposer pourtant l’équité du regard -, la censure intime, la retenue politique, la décence humaniste n’existent plus. On lâche sans scrupule ce que l’éthique ne contient plus…

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Il n’est plus un registre qui échappe à cette universalisation du laisser-aller. Des ambitions personnelles aux analyses géopolitiques, des points de vue médiatiques aux saillies sociales, la parole ne se préoccupe plus de sa tenue, les convictions de leur expression décente, les jugements de leur délicatesse diplomatique.

Ce n’est pas seulement lié au caractère d’un Donald Trump impulsif qui, nouvelle évolution, dénonce Poutine comme étant « fou ».

On s’égare

Ce n’est pas seulement la conséquence de conjonctures nationales. Que par exemple le président ne puisse plus se représenter en 2027 et que chacun dans ce cas ose afficher ses désirs suprêmes. La multitude des rivalités, la proclamation sans la moindre gêne qu’on est ou qu’on sera candidat, défiant les tactiques de discrétion habituelles, relèvent de ce climat qui signe une dégradation profonde. Où on ne s’interroge plus sur sa plausibilité mais où on affirme seulement son droit à être. Où les politiques n’ont plus pour exigence de n’être pas comme les citoyens mais au contraire de les représenter dans la pire configuration de ceux-ci.

Les électeurs semblent avoir intégré cette révolution puisqu’ils n’hésitent plus à élire des députés dont l’allure, la moralité et la compétence les auraient exclus quand la République ne s’égarait pas.

Plus besoin d’être exemplaire, on peut cracher sur les journalistes en les insultant, on a le droit de stigmatiser les institutions, un Jean-Luc Mélenchon peut se vanter pour avoir dit que « la police tue » et, après une émission où Manuel Bompard a été invité, ne pas hésiter à traiter ses questionneurs de « voyous ».

Ce qui hier était tu, ou exprimé autrement par souci de la morale et à la fois de la démocratie, non seulement est répudié mais projeté avec arrogance et une incompréhensible fierté dans l’espace public.

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Un Poutine n’a pas honte de faire preuve de cruauté alors qu’il prétend négocier. Au contraire il en tire gloire.

Il n’est plus un lieu, plus une instance, plus une communauté qui ne soit victime de cette inéluctable décadence. Avec la meilleure intention du monde, le président Macron y met l’esprit quand il souligne que l’Europe serait handicapée par ses règles morales. C’est la réalité qui prend le pas sur ce qui hier la soumettait à l’éthique, à l’urbanité, à la mesure. On ne s’empêche plus nulle part.

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  1. https://www.lefigaro.fr/vox/societe/alain-finkielkraut-une-bonne-conscience-antisemite-s-installe-un-peu-partout-dans-le-monde-20250524 ↩︎



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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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