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Migrants dispatchés: la poussière soulève les tapis!

Vives inquiétudes en province à l'annonce de l'arrivée de migrants en provenance de la capitale


Migrants dispatchés: la poussière soulève les tapis!
Image d'archive du 13 mars 2016. Evacuation de migrants à Paris, Porte de la Chapelle © NICOLAS MESSYASZ/SIPA

Le gouvernement met en place 10 sas d’accueil temporaires régionaux à destination des sans-abris et des migrants d’Île-de-France. En Chine, à l’approche des JO, on détruisait les habitats insalubres qui faisaient honte au régime. En France, à l’approche de Paris 2024, on planque nos migrants par honte de notre laxisme en matière régalienne.


Les flux migratoires ont échappé au contrôle. Ni le verbe présidentiel aussi abstrus qu’orné et creux, ni les usines à gaz visant à réguler les dits flux, montées à la hâte et imposées à des citoyens désabusés, ne convainquent les Français : il n’est plus possible d’organiser l’accueil décent de populations qui fuient, de plus en plus nombreuses, leur pays d’origine. Le peuple sort de sa léthargie post Covid. Par la voix de ses maires que relaient quelques médias courageux, il commence à exprimer son désaccord quant aux hasardeuses menées gouvernementales. « Une âme morte est une âme complètement habituée », disait Charles Péguy. Mais l’âme française enfin s’étonne. Elle vit encore.

Dix sas régionaux

On vient d’apprendre que « l’État va ouvrir dix sas d’accueil temporaires régionaux » pour des milliers de sans-abris, principalement des migrants, afin de « désengorger les centres d’hébergement » d’Île-de-France. Ce programme qu’Élisabeth Lévy, sur l’antenne de Sud Radio, a nommé « SDF go home », parce que mieux vaut en rire de peur d’en pleurer, concerne toutes les régions exceptées les Hauts-de-France et la Corse, qu’on a dû imaginer peu réceptive à la louable démarche. Chaque « sas » installé dans des villes choisies par le gouvernement devra accueillir, pendant trois semaines, une cinquantaine de volontaires, venus d’Île-de-France, vivant dans la rue ou en situation d’urgence. Il s’agira alors, selon la prose technocratique, « d’étudier leur situation » puis de les « orienter », dans leur nouvelle région, « vers le type d’hébergement correspondant à leur situation ». Leur cas réglé, cinquante autres pions seront, à leur tour, accueillis dans chaque sas pour renouveler une opération dont on pourrait penser qu’elle vise à nettoyer Paris en prévision des Jeux Olympiques et de la Coupe du Monde de Rugby.

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Nombreux hôteliers ne souhaitent plus, en effet, accueillir « des publics précaires » préférant toiletter leurs établissements pour recevoir des touristes espérés. Le ministre du Logement, Olivier Klein, non sans une certaine poésie, a expliqué du bout des lèvres : « l’approche de grands évènements sportifs (…) nous oblige à nous interroger et à anticiper la situation par une politique dite de « desserrement » – Je reconnais que le mot n’est pas très beau-, menée avec le préfet de la région Île-de-France et l’ensemble des préfets concernés. » « On remplace le gouvernement des hommes par l’administration des choses », précise Élisabeth Lévy, citant justement le comte de Saint-Simon pour souligner le mépris du pouvoir vis-à-vis de l’humain. Notre directrice de la rédaction ajoute : « Peu importe que Paris soit devenue une ville sale, impraticable et insécure, pourvu que ça ne s’étale pas à la une de la presse mondiale » et conclut avec un humour salvateur : « Peut-être, qu’au passage, on déplacera la colline du crack en Auvergne » et « qu’on empêchera aussi les touristes de se faire détrousser aux abords du Stade de France ».

Décisions verticales

L’astucieux projet gouvernemental de répartition ne fait pas l’unanimité, c’est peu de le dire. Ça renâcle sur tous les fronts. Aussi, on assiste à une envolée de tapis, comme emportés, soulevés par les nuages de poussière qu’ils sont censés planquer. Tant sont allées les cruches à l’eau qu’à la fin, elles se sont brisées. Du côté des petites communes, on se rebiffe avec la diplomatie requise. La ville de Bruz (18 000 habitants, près de Rennes) a pointé les manières cavalières de l’État : « On est mis devant le fait accompli. On ne nous demande pas notre avis. On aurait aimé faire les choses dans la concertation », regrette le maire (DVG) Philippe Salmon. Dans l’Ain, le village de Saint-Jean-le-Vieux a obtenu gain de cause. Il n’accueillera pas de sans-abris dans son château du XIIe siècle, inscrit au titre des monuments historiques. L’édile, Christian Batailly, a dénoncé, lui aussi, « une décision unilatérale ». « Mais qu’est-ce qu’on fait une fois qu’ils sont installés dans ce château un peu isolé, dans une commune rurale qui n’a pas les structures médicales, éducatives et sociales pour leur réserver un accueil décent et sécurisé ? » Comme ces deux élus, un certain nombre de maires de communes rurales s’irritent de « décisions verticales ». Dans le même esprit, n’oublions pas la résistance du maire de La Trinité, limitrophe de Nice. « Par souci de préserver la concorde républicaine », le premier magistrat de la commune, Ladislas Polski, a orchestré la lutte, cette fois, contre l’implantation d’un centre de rétention administrative (CRA) sur un terrain où la municipalité prévoyait… une gendarmerie.

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Côté parlement, le projet ne suscite pas non plus un enthousiasme débordant. Quatre députés RN de Vaucluse ont, dès la mesure annoncée, écrit à la préfète pour lui signifier : « (leur) opposition totale à ce que l’un de ces « sas » soit installé en Vaucluse », précisant que : « l’immense majorité des citoyens du département partagent ce refus. » Chez LFI, on ne goûte pas non plus, pour d’autres raisons, l’opération « Paris ville propre ». Clémentine Autain a tweeté : « Après les étudiants expulsés de leurs logements du CROUS, voici les sans-abris et les migrants priés d’aller se faire voir ailleurs. » Les associations d’aide aux migrants, quant à elles, s’inquiètent des conditions de ces « mises à l’abri » qui permettraient de « renvoyer dans leur pays plus discrètement des migrants qui n’ont pas le droit de séjourner en France », dès fois qu’en loucedé, on appliquerait la loi…


Du côté de l’exécutif, on tente de faire passer la pilule. Amélie Oudéa-Castéra, ministre des Sports, a assuré, très convaincante, que toutes ces manœuvres n’avaient aucun rapport avec les JO : « Je ne voudrais pas qu’on mélange tout. On a des enjeux majeurs sur l’hébergement d’urgence, mais ce n’est pas la faute des JO. Il ne faut pas faire des JO le bouc émissaire de toutes nos frustrations. » Quant à Olivier Klein, en réponse aux critiques de ce déplacement de populations, il a tenté de faire oublier ce qu’il avait nommé fort élégamment, on s’en souvient, « la politique dite de desserrement ». « Personne ne prend prétexte d’un évènement sportif pour régler un problème humanitaire » a-t- il précisé, lapidaire, pour clouer le bec aux esprits mal tournés.

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Et si on répartissait aussi les migrants comoriens en France ? La proposition figure parmi les recommandations du rapport parlementaire publié mercredi par la commission des Affaires étrangères. Elle est ardemment défendue par le député LIOT de Mayotte, Estelle Youssouffa, qui jette une louche d’huile sur un feu déjà bien vif. Elle lance, non sans provocation, mais avec pertinence : « On nous dit que l’immigration des Comores n’est pas un problème, alors, que tout le monde en profite ! » Mayotte, à ce train- là, c’est en effet la France de demain. Estelle Youssouffa a dû, elle aussi, relire récemment, Charles Péguy. En effet : « Celui qui ne gueule pas la vérité lorsqu’il la connaît, se fait complice des menteurs et des faussaires ».

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est professeur de Lettres modernes

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