Accueil Édition Abonné Avril 2017 Marine Le Pen: « J’interdirai le drapeau européen sur les bâtiments officiels »

Marine Le Pen: « J’interdirai le drapeau européen sur les bâtiments officiels »


Marine Le Pen: « J’interdirai le drapeau européen sur les bâtiments officiels »
Marine Le Pen, janvier 2017. SIPA. 00787305_000018
Marine Le Pen, janvier 2017. SIPA. 00787305_000018

Causeur. On pensait que cette campagne serait largement centrée sur les thèmes identitaires. Or, s’ils sont abordés, ils ne suscitent pas les passions, et même les attaques contre le FN ne portent qu’à la marge sur ces questions. Est-ce parce que la plupart des candidats ont rejoint vos positions ? – exemple, personne ne souhaite faire venir plus d’immigrés. La lepénisation des esprits serait-elle arrivée au parti socialiste ?

Marine Le PenMalheureusement, je ne peux être aussi optimiste que vous….

On vous laisse l’optimisme…

Emmanuel Macron, François Fillon et bien d’autres ont dit tout le bien qu’ils pensent de la politique migratoire d’Angela Merkel. Ils veulent que la France accueille encore plus d’étrangers, même s’ils prennent la précaution verbale de les nommer « migrants » pour se donner une apparence humanitaire. N’oublions pas qu’au cours de chacun des deux derniers quinquennats, celui de Sarkozy-Fillon et celui de Hollande-Macron, un million d’étrangers se sont installés légalement sur le sol français, sans compter les clandestins. Deux départements, Mayotte et la Guyane, où je me suis rendue, sont submergés. Il faut arrêter avec les pompes aspirantes. Avec nos sept millions de chômeurs et nos dix millions de travailleurs pauvres, nous n’avons plus les moyens de recevoir de nouveaux arrivants. Un solde d’une dizaine de milliers par an est la limite raisonnable que je propose.

>> A lire aussi: Macron: “La France n’a jamais été et ne sera jamais une nation multiculturelle”

Tout de même, on voit des drapeaux français partout, on chante La Marseillaise partout, même chez Hamon.

Dans les réunions publiques d’Emmanuel Macron et de François Fillon, est brandi le drapeau européen, celui que j’interdirai sur les bâtiments officiels. À part chez les trotskistes purs et durs, La Marseillaise a toujours été chantée partout. Enfin, je suis la seule à vouloir assurer la continuité en réhabilitant l’enseignement de l’histoire de France et du roman national, notamment en primaire. Alors, ils peuvent chanter, ils n’en ont pas moins mis la France aux oubliettes pour mieux l’enchaîner dans une Europe de la mondialisation ultralibérale.

Qu’est ce qui prouve que vous feriez mieux ?

Mon projet est intrinsèquement patriote parce qu’il défend dans un même mouvement la souveraineté et l’identité de la France. Quand on oublie un des deux, on triche. Quand on fait croire à l’un[access capability= »lire_inedits »] ou à l’autre pour mieux appliquer l’inverse au pouvoir, on triche encore davantage.

Notre identité collective résulte – comme toute identité – d’une combinaison de nouveau et d’ancien. D’un côté, les partisans du multiculturalisme pur ne veulent voir que du nouveau, de l’autre, les identitaires ne s’intéressent qu’à l’ancien. D’un côté, le droit, de l’autre l’histoire. Et au sein même du FN, vous n’êtes pas d’accord sur ce dosage. Votre nièce, Marion Le Pen, incarne une conception traditionnelle qui fait la part belle aux racines chrétiennes, tandis que Florian Philippot revendique une conception républicaine, plus universaliste – et plus désincarnée. Où vous situez-vous ? Et ce clivage idéologique au sein de votre parti n’est-il pas un frein ?

Qu’il y ait autour de moi des sensibilités différentes est une excellente chose. Je veux rassembler le plus largement possible pour le plus grand bien du pays afin de promouvoir, avec notre identité nationale, les valeurs et les traditions de la civilisation française. C’est pour cela que je veux inscrire dans la Constitution la défense et la promotion de notre patrimoine historique et culturel. Ensuite, qu’il y ait des avis divergents sur tel ou tel personnage, sur tel ou tel épisode de notre histoire me paraît sain. Je ne souhaite pas un alignement, mais au contraire un débat fécond. Que les approches soient différentes importe peu, pourvu que tous nous ayons la France au cœur.

Fort bien, mais comment faire si vous ne vous entendez pas sur ce que signifie le mot France ?

L’histoire de France est un bloc qui a évolué, qui s’est transformé. Mais chacun doit constater que, pendant des siècles, notre génie national s’est affirmé à travers l’interprétation catholique du christianisme. Puis il s’est sécularisé dans une conception dite républicaine. Entre les deux, malgré les apparences et des oppositions qui furent parfois dramatiques, subsiste une grande continuité qui découle de la philosophie grecque et du droit romain. Paris a su réconcilier Jérusalem, Athènes et Rome.

Rien que ça… En tout cas, si tout le monde brandit le drapeau français, vous défendez la conception la plus dure de l’assimilation. Exemple, vous voulez interdire, de façon non rétroactive, la double nationalité. Cela donne l’impression que l’amour de la France est exclusif, jaloux, soupçonneux. Vous ne pouvez pas faire aimer notre pays seulement à coups d’interdits, de lois et de menaces.

Il n’est pas question seulement d’amour, il est aussi question de loyauté et d’identité. Chacun doit savoir de quelle nation il est citoyen, pour quelle patrie il est prêt à porter les armes, voire à mourir. Garçons et filles binationaux seront amenés à répondre à cette question lors du service militaire obligatoire, d’au moins trois mois, que je rétablirai progressivement. Bien évidemment, dans sa sphère privée, chacun pourra continuer à s’intéresser à ses origines, que celles-ci s’enracinent dans une province française ou dans une contrée située au-delà des mers. Mais je veux éviter ces troubles de l’identité dont sont victimes trop de binationaux. Enfin j’ai déjà eu l’occasion de dire que ce ne serait pas rétroactif. Et je précise qu’il y pourra exister des exceptions, en Europe et ailleurs, négociées par des traités bilatéraux.

Cela ressemble à un rétropédalage… Par ailleurs, vous voulez interdire tous les signes religieux ostentatoires dans l’espace public, mesure clairement dirigée contre le voile islamique mais qui s’appliquera à tous, et notamment aux kippas. Or même les plus ardents de vos militants vivent dans une société libérale. La progression des droits individuels n’est pas seulement un phénomène juridique, elle est un fait anthropologique et, de même qu’on ne partirait pas aussi facilement à la guerre qu’hier, nous ne sommes pas prêts à sacrifier ce que Benjamin Constant décrivait comme « la paisible jouissance de l’indépendance privée » à la restauration de notre identité collective. Bref, même si votre proposition séduit beaucoup de gens qui aimeraient juste voir disparaître les symptômes de la crise, elle va à l’encontre des tendances profondes.

Au contraire, ma proposition répond à la fois aux principes traditionnels de la République et aux évolutions de la société. Car le religieux n’est qu’un prétexte. L’intention réelle est de briser l’unité du peuple français en le fragmentant en communautés séparées, et bientôt hostiles. Aussi, nul ne doit exhiber une appartenance communautaire dans l’espace public sous peine de semer les germes de la division.

Cela faisait un siècle que les croyances ne perturbaient guère l’espace public… Admettez que c’est le voile islamique qui vous pose problème.

De fait, le voile islamique n’est en rien l’expression d’une quelconque volonté individuelle. En dehors de la pression sociale, qui sévit parfois de manière violente dans certains quartiers, il proclame une infériorité ontologique des femmes. Or, et je ne peux que m’en féliciter, l’égalité entre les deux sexes est un principe de notre société, même s’il y a encore beaucoup à faire. Ainsi, parmi les candidats, en dehors de Mme Arthaud, je me sens parfois un peu seule. L’interdiction du voile, donc, est d’abord une défense des libertés fondamentales des femmes, un moyen pour lutter contre l’islamisme qui les fait reculer. Enfin, je sais que pour nos compatriotes juifs qui portent la kippa, ce sera un petit sacrifice que je leur demanderai. Mais ils savent aussi que trop souvent aujourd’hui, à cause de l’islamisme et non à cause de la laïcité, ils ne peuvent plus porter tranquillement la kippa de peur d’être agressés.

Justement, vous parlez abondamment de l’islam radical. Certains de nos concitoyens musulmans voient dans l’expression répétée de cette inquiétude une stigmatisation, voire la montée de « l’islamophobie ». Qu’avez-vous à leur dire ? Ne craignez-vous pas d’affecter l’existence du musulman du coin de la rue ?

L’immense majorité de nos compatriotes musulmans veulent vivre tranquillement leur foi dans leur sphère privée, en respectant les lois de la République et le principe de laïcité. Mais ils sont pris en otages par des extrémistes qui cherchent à leur imposer un comportement communautariste, voire une solidarité au nom de la religion qui peut aller jusqu’à une quasi-autarcie dans des quartiers où s’installent d’autres lois que celles de la République.

Je veux donc libérer les Français musulmans en interdisant les organismes et les associations de toute nature liés aux fondamentalistes, en expulsant les étrangers islamistes et en fermant les mosquées extrémistes. Je veux assurer l’indépendance de l’islam de France en prohibant tout financement public ou étranger des lieux de culte, de leurs activités et de leur personnel. Je veux que les prêches prononcés en français appellent au respect de l’État de droit, et non à sa transgression.

J’ai toujours pensé qu’unis, les Français sont invincibles. Quand je dis « unis », je pense bien à l’ensemble de nos compatriotes, toutes religions confondues, que je veux remettre dans la France et la République.

On assiste aussi à la montée d’une forme de rigorisme qui tend à isoler du reste de la société. Que ferez-vous pour combattre ce séparatisme pacifique ?

Le rigorisme tant qu’il ne déborde pas dans l’espace public relève de la liberté de conscience de chacun. Toutefois, l’obligation scolaire appartient à l’espace public. Les enfants doivent donc être scolarisés, éventuellement dans des établissements hors contrat. Mais je veux alors que ces derniers soient plus strictement contrôlés afin de s’assurer de la compatibilité des enseignements qui y sont dispensés avec les valeurs de la République. Je compte sur le rôle émancipateur de l’École pour résorber ce séparatisme ou, tout au moins, pour qu’il ne dégénère pas. Cela dit, s’il existe bien un « séparatisme » quiétiste, il est trop souvent en lien plus ou moins formel avec le séparatisme djihadiste. Dans ce cas, il relève de la lutte contre le terrorisme. La complicité, même passive, avec des actes délictuels et même criminels ne saurait être acceptée. Et le silence peut relever de la complicité.[/access]

Avril 2017 - #45

Article extrait du Magazine Causeur




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