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Les plages de Sophie


Les plages de Sophie
Gruissan (11) Unsplash.

Aujourd’hui, Narbonne-Plage


Tout a commencé à Narbonne-Plage vers 1970. Il existe une photo de moi en maillot de bain rouge, à deux ans, je fais des pâtés sur le sable humide. La Méditerranée est ma mer. Ma mère. Facile. Là-bas, dans le département de l’Aude, elle y est froide, parfois dangereuse, avec des courants traîtres lorsque souffle le vent du Nord, c’est comme cela que l’on appelle la Tramontane là-bas. Peut-être pour se démarquer des catalans des Pyrénées Orientales, département voisin et rival.

Beignets espagnols

Le vent, c’est toute une histoire dans cette région de l’extrême sud de la France. Cependant ce n’est pas un sud riant et foisonnant, comme la Côte d’Azur. L’Aude se mérite. Les Corbières, dans l’arrière-pays, avec leurs terres rouges et leurs garrigues sèches et odorantes, ne sont pas faites pour les touristes. Sont-ils d’ailleurs au courant que leurs vacances seront tributaires du vent ? Le vent du Nord est brûlant et souffle à ras de terre. Sur la plage, il entre dans la bouche et les yeux, pique la peau, une sorte de Sirocco : le Maghreb est en face. Le vent marin est avenant, la mer est moins froide, avec des vagues quelquefois, on peut bronzer sans se faire agresser par le sable. Le Marin ne souffle que quelques jours par été. Il faut en profiter.

Cela n’est pas très joli, Narbonne-Plage, c’est bétonné, populeux. Un lieu de vacances pour prolos : nous les voyons déambuler le soir, en short, avec coups de soleil et glaces ou churros, ces beignets espagnols, gras et réconfortants. Nous imaginons qu’ils ont économisé toute l’année pour du soleil à bas prix, et nous espérons qu’ils en garderont de beaux souvenirs, qu’ils ont envoyé à leurs proches de ces cartes postales où figurent des femmes en maillot de bain. Mais ça, c’était avant : qui envoie encore des cartes postales de vacances en 2022 ? Ma nostalgie m’égare.

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On trouve cependant, sur le front de mer, de jolies villas des années 50, bordées de lauriers roses, « Ne les mets surtout pas à la bouche ! C’est du poison » me répétait ma grand-mère. Comment ces jolies fleurs fragiles peuvent-elles être empoisonnées ? Il faut toujours se méfier un peu des jolies choses.

La station a été construite sur d’anciens marécages, il fallut démoustiquer, le pays est peu avenant vous dis-je. Elle est considérée comme un quartier de Narbonne, située à seulement quinze kilomètres. C’est d’ailleurs le maire de l’ancienne capitale de la Gaule Méridionale, Louis Madaule, qui la fit jaillir des marécages, dans les années 50. À ses débuts, la station était le lieu de villégiature des notables du coin. Et puis, elle ne résista pas, bien sûr, au tourisme de masse, à partir des années 70. Mais à cette époque, le tourisme de masse en France avait encore le charme des apéros au Pastis, de la pétanque, et des transistors d’où sortaient les tubes de Cloclo ou Joe Dassin. Thomas Morales me comprendra.

Le décor de 37°2 le matin

Cependant, ses alentours sont magnifiques, il faut s’éloigner un peu. Elle est entourée du massif de la Clape. En s’y promenant, de préférence le matin ou le soir, pour ne pas mourir d’insolation, on pourrait se croire au Mont des Oliviers. À quelques kilomètres de là, se trouvent les marais salants, étales et reposants, bordés de villages de cartes postales : Bages et Peyriac-de-Mer. Les cabanons sur pilotis du mythique « 37.2 le matin », de Jean-Jacques Beineix, se situent à Gruissan, village voisin. Autant vous dire, que depuis le film, ces modestes cabanes de pêcheurs ont pris de la valeur.

De Narbonne-Plage, le chanteur Florent Marchet a fait une chanson, qui résume, à elle seule, son atmosphère si particulière : « Comme le ciel est étrange/Météo trop de vent/Le drapeau est orange/ Il faut être prudent. ».

La suite la semaine prochaine.



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