Cette idéologie venue d’Amérique gangrène la gauche, nos médias et l’université. Elle est un attentat contre l’intelligence.
Wokisme, indigénisme, séparatisme… Des mots qui fleurissent depuis quelques temps dans certains débats et qu’une partie de la population n’a pas encore ingurgités. Ils demeurent éloignés des préoccupations de beaucoup y compris chez les personnes qui aiment échanger des points de vue sur des problèmes sociétaux. Pourtant, aucun élément de la vie en société ne semble échapper à ce nouveau fléau. On remet en cause les femmes et les hommes qui « ont fait » l’histoire, on conteste la primauté de tel savant parce qu’il est blanc, on crache sur William Faulkner ou sur T.S. Eliot, on interdit la diffusion des films d’animation comme Blanche Neige et les sept nains, Peter Pan et les Aristochats, on déboulonne des statues dont celles de Victor Schœlcher et de Léon Gambetta, on peinturlure des statues d’hommes éminents comme celles du général De Gaulle.
Je n’imagine pas, personnellement, une science qui s’appuie sur la perception individuelle du bien et du mal. On ne peut arrêter la recherche scientifique sur le Sida parce qu’on n’aime pas les homosexuels. On ne va pas interdire The Beatles dans les collèges de France parce que c’est vendredi et que certains élèves pratiquent le ramadan. On ne met pas un cours sur la liberté d’expression sous le tapis comme une vulgaire poussière pour ne pas choquer la sensibilité de quelques élèves parce que ces leçons d’instruction civique contredisent les versets de leur livre saint. Des bandes dessinées d’Astérix et de Tintin ont été brûlées au Canada pour avoir échoué à un test de vertu woke. La britannique J. K. Rowling, la fameuse romancière, autrice de la saga Harry Potter, est aujourd’hui bannie de tous les plateaux de télévision britanniques, pour avoir rédigé des tweets mal compris sur les transsexuels.
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« Je rêve qu’un jour, sur les collines rouges de Géorgie, les fils d’anciens esclaves et les fils d’anciens propriétaires d’esclaves pourront s’asseoir ensemble à la table de fraternité […]. Je rêve que mes petits quatre enfants vivront un jour dans une nation où ils ne seront pas jugés selon la couleur de leur peau mais selon leur caractère… », tout le monde connait, ou tout le monde est censé connaître, le rêve que Martin Luther King a exposé à la face de la planète tout entière lors du discours tenu à Washington le 28 août 1963 devant des centaines de milliers de manifestants. Tenir un tel discours aujourd’hui reviendrait, pour le célèbre héraut de la liberté, à se couper de nombre de ses ouailles. Parce qu’il aurait osé inviter les fils des anciens esclaves à prendre un verre à la même table que les descendants des anciens esclavagistes. Pour beaucoup de racialistes, tourner la page de la haine est une approche insultante, voire sacrilège. Ce discours serait, ici et maintenant, pointé comme un blasphème et, même, comme une apostasie. Pour ces séparatistes, pour les champions du wokisme, le seul élément qui compte est la couleur de peau qu’il faut distendre jusqu’à l’hypertrophie, jusqu’à l’emphase. Il faut également que ce point de vue soit aussi le prisme indépassable de ceux qui se font passer pour d’éternelles victimes. Fatalement !
J’ai lu récemment une interview d’une figure médiatique du wokisme, interview dans laquelle elle est allée jusqu’à indiquer « que les noirs et les arabes étaient en constante insécurité en France. » Le misérabilisme a franchi un palier: il est devenu venimeux. Dans cette stratégie victimaire, chacun doit se comporter suivant la couleur de sa peau. Une autre militante racialiste, pour expliquer les réunions qui sont interdites aux blancs, nous apprend que « De tous temps et à travers le monde, la non-mixité a été un outil indispensable pour réunir les personnes discriminées, leur permettre d’échanger sur leur condition et de développer des stratégies afin de construire leur émancipation en toute sécurité. »
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Le wokisme a pris naissance aux États-Unis mais il a su traverser l’Atlantique dans les bagages de certains « intellectuels » fossilisés comme Angela Davis qui est devenue une icône de cette phalange. Le Royaume-Uni qui est l’empire du communautarisme a pris de plein fouet les avancées de cette hérésie. La France, creuset de la « République indivisible, laïque, démocratique et sociale » qui « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion » a été, elle aussi, largement contaminée. S’il y a un seul exemple à prendre, ce sera celui des réunions interdites aux blancs. Il y a de la spontanéité dans ce déferlement de haine que le wokisme déverse un peu partout là où il a réussi à s’installer. Le modèle de cette chapelle réside dans le fait de mettre le feu aux livres desquels ne s’exhale aucun venin. À la place, il ne reste que des décombres. Les fondateurs des méthodes scientifiques comme Émile Durkheim, Francis Bacon, René Descartes ou Emmanuel Kant sont tout simplement jetés dans les poubelles de l’Histoire. Le wokisme est la forme la plus parfaite de la subversion intellectuelle. Les accroches publicitaires apprises par cœur se font passer pour des arguments scientifiques. L’excommunication remplace désormais la connaissance.
Le wokisme est l’extinction de l’ingéniosité qui habite les humains depuis toujours, c’est la déflagration d’une bêtise qui fait tache, c’est un attentat contre l’intelligence.
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