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La droite n’est plus incarnée

2022, pour la droite, c'est pas gagné...


La droite n’est plus incarnée
Gérard Longuet, Nicolas Sarkozy et Nadine Morano, le 6 janvier 2012 à Vaucouleurs © Philippe Wojazer/AP/SIPA Numéro de reportage: AP21146532_000012

La droite est dans un espace politique étriqué entre LREM et RN. Depuis le départ de Nicolas Sarkozy, elle souffre d’un défaut d’incarnation.


A chaque fois que l’on demande à un ténor de la droite qui devrait mener la barque, il prend un air profond et explique qu’avant de penser aux hommes, il faut penser aux idées, et qu’il est urgent de prendre le temps de demander aux Français ce qu’ils attendent.

Trouvons la bonne personne, le programme viendra! Pierre Charon, dans le Point

En général, la discussion s’enlise, car à force de renoncements, les hommes-et-les-femmes-de-la-gauche-et-du-centre n’ont plus à proposer qu’un brouet social-libertaire dont la tiédeur a fait fuir à peu près tout leur électorat naturel.

C’est Pierre Charon qui aura eu l’analyse la plus juste dans un entretien accordé au Point. Avec la malice qu’on lui connait, il pointe le problème de sa famille politique : « La droite n’est pas équipée pour se faufiler entre le RN et le Président Macron », et livre cette intuition inspirée : « Trouvons la bonne personne, le programme viendra ».

Pauvre France !

Derrière la légèreté apparente de cet entretien, le sénateur de Paris pose parfaitement le paradoxe de 2022. La victoire se situe entre LREM et le RN, car les Français veulent nettoyer les écuries d’Augias de la fonction publique, mais ils veulent aussi reprendre la main sur leur identité et cesser de courir après toutes les fantaisies sociétales et éducatives. Pourtant, cet espace n’existe pas politiquement. Il est en effet occupé et par Emmanuel Macron, et par le RN ! C’est ici tout le paradoxe : c’est en incarnant cette évidence que le prochain candidat de la droite pourrait remporter la mise, alors même que l’échiquier politique ne laisse pas de place à ce positionnement.

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Si l’on voulait faire un peu d’histoire, et si l’on veut bien croire que, derrière les acronymes et les noms, subsistent de grandes permanences, LREM occupe peu ou prou la place de l’ancienne UDF et le RN celle du RPR. À la différence près qu’un précipice symbolique les sépare : là où les deux anciennes familles de la droite étaient capables de s’allier en période électorale (tout en se méprisant pourtant), LREM et le RN surjouent le Rubicon, par peur pour les uns, et clientélisme pour les autres.

C’est pourtant l’association de ces deux pôles qui est la plus porteuse électoralement. Nicolas Sarkozy l’avait compris en 2007, en déployant deux ailes, l’une libérale (travailler plus pour gagner plus), l’autre identitaire, anti-68 et sécuritaire, brillamment mise en discours par Henri Guaino.

Il ne doit en réalité sa défaite de 2012 qu’aux renoncements trop nombreux sur ces deux terrains. Fin du bouclier fiscal, augmentation de la dette publique, introduction de la théorie du genre dans les programmes scolaires avec Luc Chatel, accélération de l’immigration, multiplication des ministres d’ouverture, dont l’oublié Éric Besson, qui, alors que le « grand débat » devait être l’occasion de crever l’abcès de l’identité nationale, a sillonné le pays pendant six mois pour expliquer aux Français que la France n’était ni un peuple ni une culture, ni, ni, ni…

Une ligne d’action plus claire aurait très certainement été plus payante au moment de dresser son bilan.

Nicolas, reviens !

Or l’une des plus grossières erreurs d’analyse politique, pourtant très relayée ces dernières années, consiste précisément à imputer la non-réelection de Nicolas Sarkozy à de supposés « excès » droitiers.

Dans une certaine mesure, certes plus superficielle, Emmanuel Macron a gagné sur le même équilibre, en associant l’hommage à Jeanne d’Arc et la Start-up nation. Il a compris que le quinquennat de François Hollande avait été accablant de normalité, qu’il était urgent de re-verticaliser le pouvoir présidentiel et de passer de Jupiler à Jupiter. Son image de jeune banquier libéral a fait le reste.

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La carte des votes de la région parisienne aux dernières élections est particulièrement instructive. Après avoir séduit (puis déçu) les bobos, il a conquis la droite Louis-Philipparde.

Mais cette carte illustre aussi la limite et le danger de l’en-même temps du président Macron, en ce qu’il peut assez vite se retourner en « ni vraiment l’un ni vraiment l’autre ».

L’habileté politique du président de la République lui permet pour l’instant de tenir ce cap de funambule, mais il bénéficie surtout du vide abyssal qui a envahi la droite depuis la retraite de Nicolas Sarkozy. Bientôt huit ans après son départ de l’Elysée, il reste, comme le fait également remarquer Pierre Charon, la seule statue du commandeur à droite. Il est sans doute effectivement le seul aujourd’hui à pouvoir remporter la bataille, si toutefois il renonçait à cette drôle de manie de toujours chercher à imiter le centre tout en doublant la gauche par la gauche pour mieux pouvoir se féliciter de son propre talent politique.

On pourrait aussi se laisser aller à rêver que Ségolène Royal lui donne la réplique – mais ce serait peut-être trop demander au destin…

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