Accueil Édition Abonné « Homicide routier »: pourquoi les Français se vantent-ils toujours de ne pas respecter la loi?

« Homicide routier »: pourquoi les Français se vantent-ils toujours de ne pas respecter la loi?

Les lois: des annonces faites à la France...


« Homicide routier »: pourquoi les Français se vantent-ils toujours de ne pas respecter la loi?
© ALLILI MOURAD / SIPA

Après l’accident de la route provoqué par Pierre Palmade, le ministre de l’Intérieur a proposé la création d’un délit d’«homicide routier» pour les accidents dus à la drogue ou à l’alcool. Notre chroniqueur a un regret: en France, les lois ne sont que des annonces politiques faites au pays…


On ne comprendra jamais rien à notre pays si on n’analyse pas son rapport complexe avec la loi et la manière dont les pouvoirs instrumentalisent cette dernière soit en l’annonçant soit en la faisant voter mais rien de plus. 

Comment, en effet, ne pas être saisi d’étonnement face à la rareté des lois véritablement nécessaires, celles qui effectivement, à partir d’erreurs constatées ou d’imperfections relevées, se doivent d’être mises ou remises sur le chantier parce qu’elles vont rendre la réalité moins insupportable ?

Prenons par exemple la proposition du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin de favoriser la création d’un « homicide routier » qui ne se rapporterait qu’aux homicides commis par des conducteurs sous l’empire de l’alcool et/ou de la drogue. Ce serait une excellente initiative parce qu’elle donnerait à ce double fléau sa gravité pénale spécifique sans seulement le constituer comme circonstances aggravantes des délits de blessures et d’homicide involontaires.

Os à ronger

Face à si peu de lois indispensables, combien de textes votés pour faire illusion, pour donner l’impression d’une action, en jetant à la communauté nationale, tels des os à ronger, de prétendues avancées législatives qui représentent trop souvent une fuite en avant ! Ce processus est délétère qui, confrontant le pouvoir à une réalité qu’il ne parvient pas à maîtriser par un exercice efficace de son autorité, le conduit à proposer notamment des augmentations de sanctions alors que celles en cours ne sont jamais appliquées dans leur sévérité maximale !

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Le plus préoccupant est qu’à force, l’esprit public est devenu totalement désabusé, accueillant les lois à tonalité régalienne avec un amer scepticisme, conscient qu’il y a loin de la promulgation à l’effectivité, loin de l’arsenal législatif mis à disposition avec sa concrétisation rapide et opératoire.

L’État de droit s’est paré de tant de sophistication qu’on dirait presque que sa visée, à cause d’un formalisme présenté comme une garantie alors qu’il est une entrave, est de décourager les possibles efforts d’une démocratie qui serait décidée à se défendre et à vaincre, dans le dérisoire comme dans le grave, tout ce qui la menace.

Vice national fondamental

À relier tous les débats relatifs à une France qu’il conviendrait de remettre debout dans la multitude des domaines où elle est défaillante, non seulement la globalisation des réformes imposerait un travail de Titan que nos échéances politiques trop courtes ne permettraient pas mais surtout serait mis en évidence le vice national fondamental : on édicte, on se rassure, on jette dans le panier républicain mais on ne se soucie pas d’inscrire dans le réel, on n’applique pas avec constance, on se donne bonne conscience. De sorte qu’il n’est pas un projet de loi ou une proposition qui ne soient frappés de suspicion parce que le citoyen n’est plus dupe : on lui vend du vent.

Pour prendre un exemple touchant la quotidienneté de tous, le nombre de suspensions du permis de conduire notifiées avec infiniment de retard et suivies par des conduites transgressives faisant fi de ce qui aurait dû les empêcher…

Je ne peux que renvoyer à mon billet du 15 février qui se rapportant au judiciaire et au pénitentiaire, est pratiquement à généraliser. On voit pourquoi les lois sont comme des annonces faites à la France. Un calcul politique, ou un simulacre, ou une bonne foi accablée par l’inertie de ce qui suivra, ou l’enlisement dans les maquis bureaucratiques, ou une malignité destinée à gagner du temps jusqu’à la prochaine élection. Faut-il alors vraiment s’étonner de la masse des hors-la-loi ou de ceux qui la connaissent mais se flattent de ne pas la respecter ?




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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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