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Et le Grand Prix de la Carpette anglaise a été décerné à…

La langue française n'est pas assez défendue


<strong>Et le Grand Prix de la Carpette anglaise a été décerné à…</strong>
Image d'archive, 2019 © SEBASTIEN SALOM GOMIS/SIPA

Découvrez le lauréat 2022


À côté de prix prestigieux, comme le prix Nobel, décerné à des personnalités, des esprits, des plumes talentueux, il en est d’autres moins médiatisés qui méritent pourtant d’être connus du grand public avec le nom des heureux lauréats. 

Ainsi du Grand Prix de la Carpette anglaise, grand prix d’indignité civique, décerné, chaque année, par un jury chic et choc, à un membre de l’élite française « pour son acharnement à promouvoir la domination de l’anglais en France et dans les institutions européennes au détriment de la langue française » et dont l’heureux lauréat de cette année n’est autre qu’Emmanuel Macron. 

Une liste de vainqueurs prestigieuse  

Rappelons quelques dates et lauréats célèbres intra et extra muros. Martine Aubry, en 2010, récompensée pour son « What would Jaurès do ? ». Pécresse en 2013, pour son appétence effrénée pour la langue anglaise ; Hidalgo carpettée, en 2017 pour son « Made for sharing » projeté sur la tour Eiffel ;  L’Identity card mise en service par Gérald Darmanin, en 2021 ; Ursula von der Leyen, nominée deux fois, en 2019 et en 2021. Sans oublier « Ma French Bank postale » ou la prestigieuse École Nationale de la Rue d’Ulm et son tout à l’anglais, en 2016. Sans oublier non plus un prix exceptionnel décerné à la ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Mme Fioraso pour la « légalisation » de l’anglais dans les Universités. Mais la perle de la Carpette,— combien drôle !—revient, incontestablement, à Pierre Moscovici, membre de la Commission européenne, écrivant, en 2014, à Michel Sapin, alors ministre des Finances et des Comptes publics, une lettre entièrement en anglais ! 

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Ce 15 décembre 2022, le prix de la Carpette anglaise a donc été décerné « à titre exceptionnel », à Emmanuel Macron pour ses « nombreuses entorses à la Constitution dont l’article 2 dispose que la langue de la République est le français » qui est aussi une langue officielle de la plupart des institutions internationales. Dans son communiqué, le jury a relevé l’acceptation par l’exécutif français de l’usage dominant de l’anglais dans le fonctionnement de l’Union européenne alors que cette langue n’est la langue nationale d’aucun pays membre. On se souvient que l’organisation internationale de la Francophonie (OIF) avait été confiée, en 2018, à l’instigation de la France, à Madame Louise Mushikiwabo, ancienne ministre rwandaise, qui avait largement remplacé le français par l’anglais dans l’enseignement et l’administration de son pays. Pour faire bonne mesure, Emmanuel Macron a donc nommé, cette année, marraine du prochain sommet de la francophonie qui se tiendra à Villers-Cotterêts, en 2024, une artiste qui chante essentiellement en anglais. À titre étranger, justement, le prix de la Carpette anglaise a été décerné, à l’unanimité, au double du président, Justin Trudeau, Premier ministre du Canada, pour avoir nommé une anglophone unilingue, Mary Simon, gouverneur général du Canada.

Le syndrome de Copenhague

Dans un article de Causeur de 2018 intitulé : « Pour Macron, le français n’est pas vraiment français », Anne-Sophie Chazaud pointe le mal particulier dont souffre le président : « le syndrome de Copenhague » qui le pousse irrésistiblement, à l’étranger, à prendre ses distances, dans ses propos, avec le pays dont il est issu et le représentant. À Athènes, ce sont « les fainéants » ; au Danemark, « les Gaulois réfractaires au changement » ; en Roumanie, « la France irréformable » et, récemment, « la mafia bretonne » avec le pape, au Vatican. Mais ce n’est pas qu’avec ses compatriotes que le président prend ses distances, il les prend surtout avec notre langue. Parce que pour lui, le français n’est pas né à droite ou à gauche de la Seine mais dans le bassin du fleuve Congo, que notre langue « s’est émancipée de son lien avec la nation française » « pour accueillir tous les imaginaires », qu’elle a donc une vocation plurielle, il en profite pour parler… anglais partout de Berlin à Tokyo à Vladivostok ! Décidément, il le mérite bien, son grand prix. 

Alors, que souhaiter pour notre pays ? Qu’un aide de camp, à défaut du ministre de l’Éducation nationale, se tienne toujours aux côtés du chef de l’État quand il voyage et s’exprime, et lui murmure à l’oreille, de temps en temps, comme un Mémento mori : « Souviens-toi, ô Président, des articles 2 et 5 de la Constitution. Souviens-toi de notre école où le français se meurt. » Avant qu’il ne soit trop tard.

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Marie-Hélène Verdier est agrégée de Lettres classiques et a enseigné au lycée Louis-le-Grand, à Paris. Poète, écrivain et chroniqueuse, elle est l'auteur de l'essai "La guerre au français" publié au Cerf.

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