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Macron, où est ta victoire ?

Le péché originel de 2017


Macron, où est ta victoire ?
Emmanuel Macron à Pau le 14 janvier 2020 © Thibaud Moritz-POOL/SIPA Numéro de reportage: 00940108_000008

Emmanuel Macron gouverne en oubliant qu’il a été fort mal élu. Ce péché originel de 2017 permet de comprendre les clivages qui persistent dans la société française, illustrés par le mouvement des gilets jaunes ou la contestation de la réforme des retraites.


Il apparaît de plus en plus manifeste que Macron fait vivre la France dans un état de crise sociale permanente. Le candidat qui avait été élu comme un homme nouveau qui allait moderniser le pays se retrouve, littéralement, en état de siège. Après les gilets jaunes, la grève contre la réforme des retraites. Et après cette grève dans sa forme aiguë, la persistance du refus dans une guérilla à bas bruit.

La CFDT à la botte de Macron

Macron n’a rien lâché mais en face non plus on ne lâche rien. Il veut aller au théâtre, il faut l’exfiltrer. Il reçoit les grands patrons à Versailles, il y a un comité d’accueil. Il a un syndicat à sa botte, la CFDT, dont les économistes Jean Pisani-Ferry et Philippe Aghion sont des anciens conseillers à lui, et ce syndicat est lâché par sa base et voit ses locaux vandalisés.

La protestation va continuer, protéiforme, sporadique, violente. Les Français ne veulent pas être mis aux normes d’une mondialisation libérale comme on met aux normes une maison qu’on veut vendre

On ne compte plus les ministres ou les présidents d’université qui annulent leur cérémonie de vœux. Ici Blanquer est hué en visite au rectorat de Caen [une source a depuis signalé que le ministre n’était en fait pas présent NDLR] ; là, Marlène Schiappa est obligé de quitter le bistrot parisien où elle tenait une réunion électorale. Quand ce n’est pas un port bloqué, c’est une raffinerie, quand ce n’est pas une raffinerie, c’est un tribunal, quand ce n’est pas un tribunal, c’est un lycée, quand ce n’est pas un lycée, c’est un hôpital et quand ce n’est pas un hôpital, c’est à nouveau un dépôt de la RATP. Des coupures d’électricité se multiplient, on y répond par des poursuites judiciaires de syndicalistes et on a la surprise de voir s’opposer à cette répression… une députée LREM, Yaël Braun-Pivet, présidente LREM de la commission des Lois qui déclare : « Je ne crois pas qu’il faille les poursuivre. Ces modes d’action violente à mon sens sont contreproductifs car ils gênent considérablement la population et sont peut-être beaucoup trop forts dans leur expression. Maintenant, on ne peut pas ne pas entendre et faire la sourde oreille aux revendications de cette partie de la population. Il faut faire avec, parce que c’est l’état de la contestation aujourd’hui. »

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C’est dire à quel point, au sein même de la majorité, il y a des doutes à l’heure où Grivaux, candidat macroniste à la mairie de Paris, ne cesse de baisser dans les sondages malgré des ralliements aussi opportunistes qu’inefficaces. Puisqu’on parle de sondages, on a beau les tordre dans tous les sens, on en est toujours à plus de 60% des Français qui veulent le retrait de la réforme.

Situations indignes

C’est peu de dire qu’il ne reste, entre lui et la rue, que les forces de polices transformées en garde prétorienne. Le changement de doctrine du maintien de l’ordre contre les gilets jaunes, ordonné par le pouvoir un certain 8 décembre 2018, comme l’a raconté le Monde, a multiplié les violences policières sur les manifestants qui commencent à inquiéter jusqu’à Castaner lui-même, âne de Buridan de la place Beauvau qui oscille entre la condamnation d’actes inacceptables et la peur de vexer sa police, une police qui n’arrive pas à souffler depuis plus de deux ans et visiblement perd. On en arrive à des situations ubuesques qui feraient rire si elles n’étaient indignes d’une démocratie: un manifestant en sang continue d’être frappé à terre et ce sont les policiers qui portent plainte à cause d’une supposée séropositivité. Et ne parlons pas de la mort par écrasement du larynx d’un livreur, Cédric Chouviat, début janvier, lors d’une interpellation.

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Le conflit social sur les retraites n’est pas vraiment fini

Ce à quoi nous assistons, c’est à ce qu’on appelle un conflit asymétrique. On peut toujours faire mine d’avoir écouté les gilets jaunes et de leur avoir lâché quelques milliards, ils sont encore là. On peut toujours décréter que le mouvement social contre la réforme des retraites est fini, parce que Laurent Berger a applaudi le faux retrait de l’âge pivot – dans une grande solitude ridicule – et que les trains roulent à nouveau parce que les grévistes sont épuisés financièrement. Reste que la guerre d’usure continue.

Et elle va continuer, protéiforme, sporadique, violente. Les Français sont comme ça : ils ne veulent pas être mis aux normes d’une mondialisation libérale comme on met aux normes une maison qu’on veut vendre. Il serait plus que temps que Macron comprenne son péché originel qui est aussi un péché d’orgueil : il n’a pas été élu en 2017 pour son programme mais il a été élu contre Marine Le Pen. Et qu’il gouverne en conséquence, faute de pouvoir gouverner avant de lui laisser la place la prochaine fois, à elle ou à un autre.

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