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Main basse des plus riches sur le Tour

C'est le budget qui fait le podium


Main basse des plus riches sur le Tour
Le vainqueur du Tour de France, le Slovène Tadej Pogačar, sur le podium à Paris, le 27 juillet 2025 © PIPA/SIPA

Les deux équipes Visma et UAE se partagent le maillot jaune depuis cinq ans.


Un détail, et pas des moindres, car très révélateur de l’évolution du cyclisme, a échappé aux commentateurs dans leur bilan de cette 112e édition du Tour de France, qui a, entre autres, hissé la rue Lepic menant au sommet de la Butte Montmartre au rang de monument de l’épreuve, au même titre que les grands cols pyrénéens et alpestres qui ont fait sa légende (voir encadré).
La formation qui a remporté le classement par équipes avec près de 25 minutes d’avance, Visma-Lease a Bike, c’est celle du second au général, le Danois Jonas Vingegaard. La formation qui a pris la seconde place, UAE (Union des Émirats arabes), c’est tout bonnement celle du flamboyant vainqueur, le Slovène Tadej Pogačar.
Non seulement celui-ci s’est imposé pour la quatrième fois depuis sa première victoire en 2020, il est en outre le troisième coureur de l’histoire du Tour, après Merckx et Fignon, à avoir franchi la ligne d’arrivée aux Champs-Élysées revêtu à la fois de la tunique jaune et du maillot à pois du meilleur grimpeur. Et il s’en est fallu de peu qu’il n’endosse en outre le vert du classement par points.
Ayant franchi la limite d’âge de 25 ans, la conquête du blanc, celui de meilleur jeune, qu’il a gagné à deux reprises, lui était désormais interdite. Mais il a compensé en remportant quatre étapes, dont celle de Hautacam (65), où il a construit sa victoire. L’année précédente, il en avait gagné six. Pour compléter cette razzia de ces deux équipes, il faut ajouter les deux victoires d’étape de Visma-Lease a Bike, dont la plus prestigieuse, celle des Champs-Élysées, revenue au Belge Wout van Aert, le lieutenant de Vingegaard.
Parenthèse : c’est la Belgique, qui, avec un contingent de 30 coureurs, était la mieux représentée dans cette Grande Boucle après la France (elle, avec 38), qui arrive en tête des nations ayant remporté le plus d’étapes avec un total de six. Mais elle n’a aucun représentant dans le top 10, à la différence de la France, qui en place deux (Kévin Vauquelin 7e et Jordan Jegat 10e), mais doit se contenter en revanche d’une seule étape.

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Bien sûr, il est arrivé par le passé qu’une équipe domine l’épreuve. Mais jamais comme cette année : conséquence de la suprématie de Visma et UAE, les autres équipes ont dû se contenter des accessits, parmi lesquels, certes, quelques belles étapes, dont celle du Ventoux, la plus mythique de toutes, revenue au Français Valentin Paret-Peintre, de l’équipe belge Soudal-Quick Step, la cinquième formation la mieux dotée du peloton, avec un budget de l’ordre de 40 millions d’euros.
Force est de constater que si Visma et UAE ont fait main basse sur le Tour, et se partagent le maillot jaune depuis cinq ans, c’est parce qu’avec des budgets respectivement estimés à 55 et 60 millions d’euros, elles sont de loin les plus riches du peloton. Et avant elles, la britannique INEOS-Grenadiers (anciennement Sky), la troisième la mieux dotée, avec un budget aujourd’hui aussi de 55 millions d’euros, avait trusté pas moins de sept victoires sur les huit éditions de 2012 à 2019, dont quatre pour le seul Chris Froome, né au Kenya, premier Africain, mais blanc, à s’imposer sur la Grande Boucle. Une évidence s’impose : pas de pognon, pas de bouquet.
C’est donc ce qui explique en grande partie que la France soit bredouille depuis 40 ans. L’équipe Arkéa, de Vauquelin, qui a confirmé son potentiel en terminant 7e, ne disposait que d’un budget de 20 millions d’euros, soit trois fois moins que celle de Pogačar. L’équipe du 10e, Jegat, TotalEnergies, devait faire avec 17 petits millions. Si Romain Bardet, qui a raccroché son vélo en juin, une fois second et une autre troisième, n’a pas gagné, c’est probablement parce que son équipe, AG2R-La Mondiale, n’avait pas les moyens financiers de s’offrir une garde rapprochée formée des meilleurs coureurs du moment.
Les équipes dominantes, telles que Visma, UAE, INEOS, ont recruté des coureurs qui pourraient être des leaders dans des formations moyennes comme les françaises telles que Groupama-FDJ ou Decathlon-AG2R. À un palmarès aléatoire, ils préfèrent un salaire conséquent. Une carrière cycliste est courte…
Mais la donne, pour la France, pourrait très rapidement changer avec l’annonce, le 18 juillet, jour de repos du Tour : le troisième plus grand transporteur maritime mondial, CMA CGM, basé à Marseille, de la famille libano-française Saadé, a révélé qu’il allait co-sponsoriser l’équipe Decathlon-AG2R-La Mondiale. Cette famille, proche de Macron, est aussi propriétaire d’un groupe de presse (BFM, La Tribune du dimanche, notamment), rival de celui de Vincent Bolloré (CNews, JDD).
Son intention est de porter le budget de l’équipe, qui est de 25 millions d’euros, à 40 millions en 2026, et de monter en puissance jusqu’en 2030, de manière à être dans le top 3 du World Tour (la première division du cyclisme). AG2R, une mutuelle santé-retraite, se retirant, CMA CGM a jeté son dévolu sur cette équipe pour deux raisons : elle s’est dotée cette année d’une cellule performance dont la finalité, selon son directeur Paul Barrat, est de « gagner des courses grâce à la science et à la technologie », et dispose dans ses rangs d’un jeune très prometteur de 18 ans, Paul Seixas. Le projet est d’en faire le prochain Pogačar, car, aujourd’hui, un champion, ça se fabrique…


La rue Lepic probablement au menu des prochaines éditions

Le Tour à peine terminé, des discussions se sont engagées entre l’organisation (Amaury Sport Organisation – ASO) et les autorités publiques — préfecture de police, ministère des Sports et mairie de Paris —, pour intégrer la rue Lepic au parcours de la dernière étape des prochaines éditions, et ainsi l’élever au rang de monument de la vélocipédie.
« Évidemment que nous voulons continuer à passer par Montmartre », a déclaré au Parisien le directeur adjoint du Tour, Pierre-Yves Thouault. « La réussite a dépassé nos espérances et, forcément, l’envie de l’inscrire dans la durée se présente. »
La mairie de Paris abonde dans le même sens. L’adjoint aux Sports, Pierre Rabadan, a déclaré au même quotidien : « Il faut continuer à développer ces moments de partage et de communion. » Pour lui, la rue Lepic doit devenir un rendez-vous incontournable du Tour. « Il n’y a pas de raison pour que ça ne se fasse pas. »
Cette première expérience, après le coup d’essai des JO, a été un succès sans précédent. Plus de 500 000 personnes ont assisté, dans les rues de Paris, à cette dernière étape d’anthologie, dont 180 000 sur la butte Montmartre — contre 160 000 lors des JO. Contrairement aux craintes exprimées par beaucoup, notamment par de nombreux coureurs, l’étape s’est déroulée sans le moindre incident, sans la plus petite chute, et elle a sacré un grand champion : Wout van Aert, de l’équipe de Jonas Vingegaard, le deuxième du classement général et deux fois maillot jaune à Paris.
Peut-être « le début d’une longue histoire d’amour » entre le Tour et Montmartre, se demandait, dès le lendemain, Le Parisien.
Lepic, de son prénom Louis, était un général de Napoléon. Jamais de sa vie il n’aurait imaginé que son patronyme deviendrait, en quelque sorte, le théâtre probable de grandes batailles cyclistes… • RU


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écrivain et journaliste français.

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