Claude Malhuret a vivement critiqué l’administration Trump dans un discours remarqué, au Sénat, mercredi dernier. Depuis, la vidéo de l’intervention connait son petit succès dans le monde entier et M. le Sénateur est invité dans la matinale de France inter…
« À l’avenir, chacun aura droit à quinze minutes de célébrité mondiale », écrivait Andy Warhol dans le catalogue d’une de ses expositions à Stockholm, en 1968.
On peut dire que M. Claude Malhuret, sénateur français de l’Allier, vient d’illustrer presque à la perfection cette prédiction. La célébrité qu’il s’est récemment acquise n’est peut-être pas tout à fait d’ampleur mondiale, mais elle dépasse de beaucoup les limites de la Limagne, son territoire d’élection, et même celles de l’hexagone.
Quelques minutes d’une diatribe anti-Trump – genre très prisé et plutôt médiatiquement payant ces temps-ci – y aura suffi. Huit minutes à la tribune du Sénat, huit minutes qui sortirent cette noble assistance parlementaire de la somnolence d’après agapes dont se gausse trop souvent – et, faut-il le dire – quelque peu injustement le citoyen moyen. Car ce n’est pas parce que le Sénat gesticule et vocifère moins fort que la Chambre des députés qu’il serait davantage sujet aux effets de la torpeur digestive.
Pour Monsieur le Sénateur Malhuret, Donald Trump n’est autre qu’un « Empereur incendiaire ». Ce sont ses propres mots. La formule, cinglante, forte, a de quoi en effet réveiller l’auditoire. Et le choix des termes susciter la réflexion. Pour autant qu’on puisse le savoir, M. Trump a été démocratiquement élu – et plutôt bien élu – par le peuple américain. Empereur n’est donc pas la qualification qui conviendrait le mieux. Sauf à considérer, bien évidemment – et c’est en cela que le choix du terme est révélateur – que lorsque le peuple vote mal – je veux dire lorsqu’il ne va pas dans le sens du système – on ne doit plus voir dans le résultat des urnes la moindre forme d’expression démocratique mais une sorte de coup d’Etat, d’insurrection qui ne dirait pas son nom. Et donc empereur – tyran, autocrate, au choix…- conviendrait tout à fait pour venir se substituer, par exemple, à la notion de président élu.
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Et puis, M. le Sénateur Malhuret, en homme qui sait à la perfection son métier de hâbleur parlementaire, s’en prend à Elon Musk, passage obligé de toute charge quelque peu réfléchie et prétendument cohérente contre la nouvelle administration américaine. Taper sur Trump sans taper sur Musk ce serait se contenter d’un menu de cantine avec fromage mais sans dessert. Enfin, quelque chose d’aussi épouvantable, vous voyez…
Un bouffon sous kétamine, voilà ce qu’est Musk dans les propos de tribune du sénateur de l’Allier, terroir dont, il est vrai, l’ersatz de psychotrope de référence, l’eau de Vichy source Célestins, est d’une tout autre nature.
On peut détester Trump. On peut haïr Musk. Bien sûr, même si à la tribune de la Chambre haute on serait en droit d’espérer plus d’argumentation que de fiel. On peut se montrer extrêmement déconcerté, agacé, horripilé par les comportements, les propos du milliardaire Musk, mais réduire celui-ci à la caricature de « bouffon sous kétamine » relève d’une malveillance intellectuelle totalement sidérante. Je ne doute pas que M. Malhuret ait accompli au long de sa vie, de ses carrières successives, de très grandes choses, mais je ne sache pas qu’il ait conçu et mené à bien des inventions, des réalisations, des expérimentations puissantes, révolutionnaires, en avance sur leur temps, créé des entreprises à la pointe de la pointe comme l’a fait et le fait encore Elon Musk. Balayer cela d’un revers de main pour la volupté finalement assez vulgaire de « faire le buzz » du haut de la tribune du Sénat ne grandit ni l’orateur, ni l’institution où il s’exprime. Pour ce genre de facilités, il y a les fins de banquet et les arrière-salles de bistrot.
Encore une fois, il est permis de conchier à satiété les Trump, les Musk. Et cela le restera, permis, tant qu’on ne pourra empêcher les roquets d’aboyer et surtout de se prendre pour des lions.