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Pierre-Édouard Stérin, la start-up nation, c’est lui!

Entretien avec le patron qui fait peur à la gauche


Pierre-Édouard Stérin, la start-up nation, c’est lui!
Pierre-Édouard Stérin Anthony © DEHEZ/REA/Otium Capital

Convaincu que l’État serait mieux géré si le gouvernement était composé de chefs d’entreprise, le milliardaire Pierre-Édouard Stérin promeut ses idées conservatrices libérales à travers l’ambitieuse plateforme Périclès. Un projet évidemment caricaturé par les médias de gauche.


Il est le nouvel épouvantail de la presse progressiste. Non content d’aller à la messe tous les dimanches, de voter à droite sans complexe et de figurer dans le top 100 des milliardaires français – triple caractéristique qui frôle le péché mortel à en croire les récents articles parus à son sujet dans Le Monde, L’Humanité et Le Nouvel Obs –, Pierre-Édouard Stérin a aggravé son cas en janvier dernier quand il a fait savoir qu’un petit morceau de sa fortune, acquise grâce à sa start-up Smartbox, serait désormais consacré à une « société d’intelligence politique » baptisée Périclès, dont la mission est de distribuer 20 millions d’euros par an à des ONG libérales-conservatrices comme l’Institut de recherches économiques et fiscales ou l’Observatoire du décolonialisme. Parmi les solutions promues par le quinquagénaire, également considéré comme l’un des principaux « Business Angels » européens : donner les commandes de la France à des dirigeants dotés d’une solide expérience en entreprise, à la manière de l’Amérique de Donald Trump et d’Elon Musk. Une perspective peut-être pas si impensable au pays de l’ex-directeur de tannerie Antoine Pinay, de l’ancien négociant en spiritueux Jean Monnet et du ci-devant banquier Georges Pompidou.


Causeur. Il y a quelques jours, vous avez fait sensation sur le réseau social LinkedIn en publiant une liste de onze grands patrons du privé qui pourraient, selon vous, former un gouvernement idéal. Par exemple, le portefeuille de la Santé pourrait être attribué à Stéphane Bancel, le PDG de Moderna, et celui de la Réduction de la dépense publique à Carlos Tavares, l’ancien numéro un de Peugeot-Citroën. Est-ce juste un jeu de l’esprit ou une proposition sérieuse ?

Pierre-Édouard Stérin. C’est sérieux. Mettre à la tête des ministères des experts reconnus du monde de l’entreprise, qui ont obtenu de vrais succès dans leur domaine me semble une idée de bon sens. C’est une question d’offre. Gouverner, cela veut dire avoir une vision et des objectifs, puis recruter et manager une équipe afin de les réaliser, et enfin savoir faire des choix quand des décisions importantes doivent être prises. C’est le boulot quotidien des entrepreneurs.

Dans votre publication sur LinkedIn, vous oubliez de définir le profil du président idéal. Voudriez-vous que, comme aux États-Unis, un homme d’affaires accède à l’Élysée ? Soutiendriez-vous le plus puissant d’entre eux, Bernard Arnault, comme l’écrit Le Monde ?

Je ne le connais pas personnellement, mais sa réussite plaide incontestablement en sa faveur. Cela dit, une personne comme Xavier Niel, davantage orientée vers la tech et la création d’entreprise, me paraît présenter aussi un profil intéressant, même si je ne suis pas certain d’être d’accord avec lui sur tous les sujets clefs. D’autres personnalités me semblent également pertinentes, comme Patrick Pouyanné, le PDG de Total, ou Vincent Bolloré.

On est tenté de vous comparer avec ce dernier, qui est lui aussi un catholique de droite assumé. Quelles sont vos relations avec lui ?

Très bonnes. Il est une source d’inspiration, comme George Soros peut l’être également, mais dans le camp d’en face !

N’est-ce pas contradictoire d’être milliardaire quand on a la foi chrétienne ?

Aucunement. Je vous renvoie à la parabole des Talents dans les Évangiles.

N’y a-t-il pas tout de même quelque paradoxe à prôner des valeurs ancestrales pour la société et, en même temps, investir, comme vous le faites, dans des technologies, notamment numériques, qui bouleversent radicalement nos modes de vie ?

Catholicisme et développement ne sont évidemment pas incompatibles.

Revenons à votre idée de gouvernement d’entrepreneurs. Les Français y sont-ils disposés ? Ne préféreront-ils pas toujours les hommes politiques venus du service public et pétris de convictions étatistes ?

Certes le socialisme est omniprésent en France, mais nombre de nos concitoyens ont encore une énorme énergie à déployer. Tout n’est pas perdu, le redressement est possible. Ce sera compliqué, j’en conviens. Mais je suis un éternel optimiste. Si la France a été détruite en quelques dizaines d’années, nous pouvons tout à fait en faire à nouveau une formidable puissance en quelques dizaines d’années !

En vous mêlant de politique avec la fortune immense qui est la vôtre, ne risquez-vous pas de fausser le jeu démocratique ?

Non, pas du tout. Que des patrons se mêlent de politique, comme vous dîtes, cela n’a rien de nouveau. Regardez en Amérique, les milieux d’affaires soutiennent les candidats aux élections présidentielles. Le plus souvent d’ailleurs, ils aident davantage le candidat démocrate que le candidat républicain… Cela empêche-t-il les États-Unis d’être une grande démocratie ? Chez nous en Europe, c’est la même chose. Un financier comme George Soros, mais aussi d’autres membres de l’élite économique, de façon plus discrète, ne m’ont pas attendu pour exercer une certaine influence sur la politique.

En France, depuis quelques semaines, plusieurs grands capitaines d’industrie critiquent le gouvernement et les hausses de taxe sur les entreprises. Qu’avez-vous pensé de cette montée au créneau ?

Il était temps ! Les patrons français sont, en un sens, responsables de la situation actuelle du pays, car ils ont trop longtemps voulu éviter de s’impliquer dans ces sujets.

Le Medef a quand même pris des positions politiques par le passé. Par exemple en appelant à voter pour Emmanuel Macron face à Marine Le Pen, et en se déclarant favorable à la mondialisation et à l’immigration…

C’est vrai, une grande partie du patronat, des bourgeois et de la gauche sont responsables de l’ouverture des frontières. Il s’agissait pour eux de favoriser une économie où l’on produit toujours moins cher et où l’on consomme toujours plus et à moindre prix. Je m’inscris en totale opposition avec ce courant.

Quel regard portez-vous sur le couple exécutif actuellement au pouvoir en France ?

Je suis plus que sceptique envers Emmanuel Macron et François Bayrou, compte tenu des résultats qu’ils ont pu avoir l’un comme l’autre ces dernières années aux postes qu’ils ont occupés. On n’envoie pas à Matignon quelqu’un qui ne sait pas diriger une ville. On ne réélit pas un président qui a déjà eu sa chance et qui a fait si peu pour son pays. Nommons plutôt des gens qui ont déjà démontré des capacités de restructuration et de développement dans une entreprise ! Ils ont bien plus d’expérience que tous les politiques réunis.

Vous pilotez vos activités depuis Bruxelles. Comprenez-vous les critiques de ceux qui vous reprochent un manque de patriotisme du fait de cette expatriation ?

Je préférerais vivre en France, croyez-moi. Si je vis en Belgique, c’est pour économiser des impôts, que je reverse ensuite au centuple dans des projets caritatifs et métapolitiques.

Mars 2025 - #132

Article extrait du Magazine Causeur




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est journaliste.

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