À la revente, les véhicules électriques voient leur cote chuter par rapport aux véhicules thermiques. C’est la douche froide ! Comment l’expliquer ? Comment les concessionnaires automobiles et les particuliers peuvent-ils réagir face à ce phénomène ?
En France, la transition vers la mobilité électrique s’est accélérée à marche forcée, soutenue par des politiques publiques incitatives et un discours dominant sur la décarbonation du secteur automobile. Pourtant, à mesure que le marché des véhicules électriques mûrit, une réalité plus rugueuse s’impose aux premiers acheteurs : la revente de ces véhicules d’occasion se heurte à un effondrement brutal des prix. Cette dépréciation anormale représente, pour de nombreux particuliers, une perte en capital d’ampleur inédite dans l’histoire récente de l’automobile.
C’est pas l’Argus, ici !
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Alors qu’un véhicule thermique perdait traditionnellement entre 35 % et 45 % de sa valeur au bout de trois ans, les véhicules électriques, eux, voient leur prix chuter de 55 % à 65 % sur la même période. Certains modèles affichent des valeurs résiduelles inférieures à 40 % du prix neuf à trois ans. La généralisation du leasing, combinée à l’arrivée de modèles chinois bon marché, a accru la pression sur les prix du marché de l’occasion, provoquant un phénomène de « désolvabilisation » des vendeurs particuliers.
Ce phénomène constitue l’un des effets pervers les plus sous-estimés de l’effondrement du marché de l’occasion des véhicules électriques. En théorie, un particulier devrait pouvoir revendre son véhicule pour financer l’achat d’un nouveau modèle, voire rembourser le solde d’un crédit ou d’un contrat de location. Or, dans la pratique, la chute brutale de la valeur résiduelle des véhicules électriques empêche de plus en plus de propriétaires de sortir sans perte d’une location avec option d’achat (LOA) ou d’un prêt auto. La décote est telle qu’il faut parfois ajouter plusieurs milliers d’euros pour solder un contrat ou financer un véhicule de remplacement. Cette situation piège les ménages dans des véhicules devenus invendables à un prix raisonnable, et les prive de leur pouvoir de mobilité. En retour, elle fragilise l’un des ressorts essentiels du marché automobile : la fluidité de l’échange entre le neuf et l’occasion. À terme, cette désolvabilisation pourrait nourrir une méfiance durable à l’égard de l’électrique, en particulier dans les classes moyennes, premières visées par les politiques d’incitation.
Location avec Option d’Achat : engagez-vous qu’ils disaient…
Prenons un exemple simple. Un ménage ayant acheté une voiture électrique neuve en 2021 pour 35 000 euros (bonus écologique déduit) peut aujourd’hui espérer en tirer entre 12 000 et 15 000 euros à la revente. La perte sèche s’élève donc à environ 20 000 euros en trois ans, soit une dépréciation annuelle de près de 6 700 euros, bien au-delà des standards historiques.
En tenant compte des données disponibles, on estime qu’environ 200 000 véhicules électriques sont revendus chaque année par des particuliers. Même avec une hypothèse prudente de 10 000 euros de perte moyenne excédentaire par véhicule (par rapport à une dépréciation « normale »), cela représenterait 2 milliards d’euros de pertes en capital supportées chaque année par les ménages français.
Ce chiffre est d’autant plus préoccupant qu’il concerne une population souvent encouragée à investir dans l’électrique par des aides publiques et des incitations fiscales. Pour certains foyers modestes, il s’agit d’un investissement équivalent à plusieurs années d’épargne.
Face à ce retournement de marché, les concessionnaires tentent de limiter leur exposition. Pour les véhicules en LOA, certains réseaux refusent aujourd’hui les reprises à la valeur résiduelle fixée initialement, obligeant les clients à acheter leur véhicule à perte ou à le restituer sans espoir de revente avantageuse. D’autres préfèrent « gonfler artificiellement » les prix de reprise sur des modèles thermiques, tout en durcissant les conditions de reprise des véhicules électriques.
Plus stratégiquement, les concessionnaires privilégient aujourd’hui les offres de location longue durée (LLD) sur les véhicules électriques neufs, afin de transférer le risque de décote sur des sociétés de financement, ou sur le constructeur lui-même. Dans certains cas, les stocks de voitures électroniques d’occasion invendus sont réexportés vers d’autres marchés, en particulier en Europe de l’Est ou au Maghreb, à des prix fortement décotés.
Ce désajustement entre le prix d’achat et la valeur de revente constitue non seulement une atteinte au patrimoine des ménages, mais risque aussi d’éroder la confiance dans la transition électrique. Si l’électrification devait s’accompagner d’un appauvrissement net des particuliers ayant cru au discours officiel, la suite de la transition pourrait se heurter à une défiance croissante, voire à une crispation sociale.
En somme, l’effondrement du marché de l’occasion des véhicules électriques révèle une asymétrie mal anticipée entre politique industrielle, comportements de consommation, et réalité économique. Tant que le problème de la valeur résiduelle des véhicules électriques ne sera pas stabilisé, la promesse d’une transition juste et soutenable restera partiellement illusoire.