Pour dynamiser la Creuse, l’Etat a lancé un plan particulier de 80 millions d’euros. Objectif : soutenir les entreprises de ce département vieillissant miné par la crise de l’élevage. Mais en dehors du cannabis thérapeutique, on y trouve peu d’idées neuves. Reportage.
Au bord de l’étang de la Courtille, un drone Phantom 4 pro contemple le paysage. Son propriétaire, Anthony Louis, 25 ans, décrit sa réussite professionnelle avec un grand sourire. « J’en vis confortablement. Au bout de six mois d’activité, j’arrivais déjà à me dégager des revenus. Et comme la Creuse est classée zone rurale à revitaliser, je suis exonéré à 100 % d’impôts sur les entreprises pendant cinq ans. » Le bureau qu’il occupe ne se situe ni à La Défense ni dans la Silicon Valley, mais dans l’enceinte du pôle domotique de Guéret. Une start-up voisine, Carcidiag, s’est taillé une renommée planétaire grâce à sa technique de détection des cellules précancéreuses.
« L’agriculture est l’activité typique d’une économie du Tiers-monde »
Guéret, 13 000 habitants, a tous les signes extérieurs d’une préfecture sans âme. Le tribunal, la maison d’arrêt et les bâtiments administratifs peinent à rompre la torpeur de ce gros bourg hésitant entre la ville et la campagne. On plaint les 600 étudiants assignés à résidence. Comme tant de nos villes moyennes, Guéret souffre d’un hypercentre piéton déserté par les petits commerces. N’étaient trois kebabs et deux bars, l’extinction des feux n’attendrait pas le coucher du soleil.
Dans ce marasme, Anthony garde le triomphe modeste. Son entreprise individuelle, Drone Aquitaine, est née sous les meilleurs auspices : 60 000 euros investis, dont près de la moitié obtenus en un seul rendez-vous au Crédit agricole. Depuis ses débuts en février 2018, son carnet de commandes ne désemplit pas, du tournage audiovisuel à l’inspection des collèges, lycées et éoliennes en vue de leur entretien. Comme un bonheur n’arrive jamais seul, le jeune homme a suscité l’intérêt de Gilles Beauchoux, président de la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de la Creuse, mordu de drones.
Quelques mois après le démarrage de Drone Aquitaine, il proposait ainsi à Anthony Louis de participer au Plan particulier pour la Creuse (PPC) lancé par l’État. Ce vaste « plan global de revitalisation » vise à dynamiser un des départements les plus pauvres de l’Hexagone, en décrue démographique continue depuis un siècle et demi. L’ambition affichée de ce plan Marshall est de faire de la Creuse un département-pilote avant d’étendre l’expérience aux autres départements « hyper-ruraux ». L’expression sied parfaitement aux 75 % de Creusois qui habitent une commune de moins de 500 habitants.
À regarder les chiffres, il y a le feu au lac de Vassivière : la Creuse compte 118 000 habitants (contre 287 000 en 1850), dont 35 % dépassent les 60 ans et 20 % vivent sous le seuil de pauvreté. Dans ses rapports, l’Insee s’inquiète du poids disproportionné des emplois agricoles (12 %) et non marchands (40 %). Bref, une « économie surtout présentielle », c’est-à-dire destinée au marché local. De son bureau parisien, le sénateur (PS) Éric Jeansannetas m’avait prévenu : « L’agriculture est l’activité typique d’une économie du Tiers-monde : la Creuse a traditionnellement une production de matière première, mais sans aucune valorisation sur le territoire… »
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Est-ce ainsi que les Creusois vivent ? Avant même la crise des gilets jaunes, Emmanuel Macron avait senti le vent du boulet. Son cauchemar porte un nom : GM&S La Souterraine (voir encadré). En visite dans la Corrèze voisine le 4 octobre 2017, le président affronte un comité d’accueil inattendu : élus locaux et responsables syndicaux de l’usine GM&S, en plein plan social, l’invectivent sous les gaz lacrymogènes. Macron lâche alors une bombe incendiaire : « Il y en a certains, au lieu de foutre le bordel, ils feraient mieux d’aller regarder s’ils ne peuvent pas avoir un poste à Ussel. » La petite phrase courroucera les Gaulois réfractaires à parcourir 130 kilomètres, soit deux heures de route, jusqu’aux fonderies d’Ussel. Le député (LREM) de la Creuse Jean-Baptiste Moreau joue alors les médiateurs entre élus creusois et chef de l’État, lequel les invite à « faire des propositions à l’État, quitte à ce qu’elles soient un peu dérogatoires par rapport au droit normal pour que les territoires prennent leur futur en main. »
Objectif a priori atteint : le PPC a été signé le 4 avril 2019 entre le Premier ministre, les grands élus locaux, la CCI et autres corps professionnels. Sur une enveloppe totale de 80 millions, 500 000 euros sont consacrés à la création d’un « aérodrone », 3 millions à l’organisation de circuits courts, 10 millions à la résurrection des centres-bourgs, 10 autres au déploiement de la fibre très haut débit, 20 millions à la rénovation de la RN145, qui relie l’axe La Souterraine-Guéret aux autoroutes A20 (Vierzon-Montauban) et A71 (Orléans-Clermont), etc. Rien de révolutionnaire à l’horizon, sinon l’exploitation du cannabis thérapeutique. Contrairement à ce qu’il a fait avec les grands plans gaulliens, l’État n’entend ni industrialiser à marche forcée ni investir dans des infrastructures lourdes. Plus modestement, il s’agit de créer une atmosphère susceptible d’attirer jeunes couples, cadres et entreprises. L’unique liaison ferroviaire entre Paris et la Creuse restera La Souterraine, à 2 h 40 de la gare d’Austerlitz – à moins que la SNCF n’abandonne l’arrêt comme le veut une rumeur tenace…
Pour évaluer les plans du pays légal, je me suis frotté au pays réel. De la glaise des champs de cannabis à la chaleur étouffante des bistrots, en passant par le bouillon de culture écolo-gauchiste du plateau de Millevaches, ce voyage au centre de la France sent le feu de bois et la pierre granitique. Si presque tous mes interlocuteurs saluent les bonnes intentions du plan, la plupart des chefs d’entreprise dénoncent une démarche technocratique parfois déconnectée des PME locales.
« Il y a une vraie colère des gens moyens »
Mon périple commence à Marsac, 675 âmes au dernier recensement. À deux pas de l’église du xiiie siècle, ce village sans prétention conserve une gare reliée à Montluçon et Limoges. C’est dans un pub écossais aux 50 types de whisky que je retrouve Élisabeth et Brigitte, accompagnées de leurs époux. Ces deux Creusoises de souche, mères de familles recomposées, partagent un même sentiment de déclassement. Macroniste déçue, Élisabeth a participé à la mobilisation des gilets jaunes. Avec ses airs de pétroleuse parigote, la professeure de danse, autoentrepreneur (« parce que l’État ne fait plus signer de contrats…»), enfile les griefs comme les grains d’un chapelet : déserts médicaux, réseaux mobile et internet défaillants, fermeture des services publics, exode des jeunes. « Le 5 h 35 pour Paris qui part de La Souterraine, c’est un train de touristes médicaux ! Les Creusois vont se faire soigner autour de la gare d’Austerlitz », quitte à faire l’aller-retour dans la journée. Même le sénateur Jeansennetas reconnaît que le moindre rendez-vous chez un spécialiste à Limoges se prend des semaines, sinon des mois à l’avance.
Brigitte ne compte pas ses heures d’aide-soignante à l’hôpital psychiatrique. L’épouse d’éleveur croise régulièrement des agriculteurs « la plupart du temps hospitalisés pour un problème d’argent : exploitation qui s’écroule, dettes, burn-out… » Son mari Alain s’épuise seul à la tâche, moyennant 800 euros mensuels, primes comprises, avec cinq jours de vacances annuels.
À peine de quoi rembourser le crédit de la maison acquise en s’endettant sur vingt ans. Élisabeth opine du chef : « Il y a une vraie colère des gens moyens comme nous, on n’est éligibles à aucune aide ! » De quoi expliquer la frustration des gilets jaunes, mais aussi la victoire du Rassemblement national aux deux dernières élections européennes, malgré un niveau d’immigration plus que raisonnable.
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Dès 2005, en signe de défiance, cette ancienne terre rad-soc avait rejeté à 60 % le Traité constitutionnel européen de 2005. Mais les discours déploratoires exaspèrent le député LREM Jean-Baptiste Moreau : « Le principal handicap du Creusois, c’est qu’il parle de lui-même de façon hypernégative. On a pourtant plus d’atouts que des départements comme le Cantal. On défend les services publics, sauf que pour avoir du service public, il faut avoir du public à servir. » Concédons que le serpent se mord la queue : plus la Creuse se dépeuple, plus les services publics reculent et les villages s’anémient, moins on veut s’y installer.
Sur ces terres d’élevage bovin, la condition des agriculteurs semble indexée au cours de la viande rouge, dont la consommation ne cesse de décroître. Jadis, les croquants délaissaient leurs croquantes et leur progéniture de mars à novembre pour monter travailler dans le bâtiment à Paris ou Lyon. De ces Vies minuscules, que l’écrivain Pierre Michon a si bien dépeintes, sont nés les maçons de la Creuse. « Jusqu’aux années 1950, des familles de paysans vivaient à quatre ou cinq sur cinq hectares de culture, c’est-à-dire trois fois rien. Les hommes étaient obligés de s’expatrier », se rappelle André Chandernagor, 98 ans, ancien président de la région Limousin et du département de la Creuse.
À quelques encablures du pub, Alain l’éleveur m’emmène dans son exploitation de 130 hectares héritée de ses parents. Il connaît ses 350 bêtes par leur prénom et les engraisse avec ses propres céréales. Traditionnellement, les vaches limousines et charolaises qui paissent au bord des routes de la Creuse donnent naissance à des broutards qu’on envoie se faire engraisser en Italie. Contrairement au sol ingrat du Limousin, la plaine du Pô offre des conditions idéales de croissance au maïs pour nourrir les futurs veaux. De notre côté des Alpes, le gouffre entre prix de rachat aux agriculteurs et prix de vente dans la grande distribution se creuse. Moins taiseuse que son éleveur de mari, Brigitte s’épanche : « Sa viande part à même pas quatre euros le kilo. Avec Alain, on n’achète pas de rosbif au supermarché, le kilo et demi est à 50 euros. Il pleure et on change de rayon… » D’après Jean-Baptiste Moreau, qui a voté le traité de libre-échange avec le Canada, la contraction du marché bovin français pénalise les petits exploitants. « Le groupe Bigard représente 60 % du marché et maîtrise peu ou prou les prix. Le secteur a des perspectives d’exportation, notamment vers la Chine, mais ça n’arrangerait pas ce gros faiseur qui perdrait la main sur les prix à l’entrée de l’abattoir. » Alors que la Creuse n’a plus un seul abattoir, « une diversification est possible dans les fruits. Le gâteau creusois est à base de noisettes, mais pas une noisette n’est produite ici ! », ajoute Moreau.
Chanvre médical vs. scierie autogérée
Diversifier sa production, voici la clé de l’avenir paysan. C’est pourquoi le PPC avance une idée planante : cultiver du cannabis médical ! Pour rencontrer l’un des pionniers de cette expérimentation, cap plein sud, direction Gentioux-Pigerolles. Sur le plateau de Millevaches, la ferme Émergence bio de Jouany Chatoux m’ouvre ses portes et ses toilettes sèches. L’exploitant est une figure connue de tout le plateau tant son père François Chatoux a marqué les esprits. Maire de la commune voisine de Faux-la-Montagne de 1977 à 2008, cet ingénieur agronome, ancien mao passé au PS, a accueilli des générations de néoruraux post-soixante-huitards. Aujourd’hui, son fils Jouany a repris le flambeau et poursuivi l’opération de recentrage paternelle, jusqu’à soutenir Macron et le député Moreau. Menacé par la minorité ultra du plateau1, qu’il traite de « babos » (contraction de babas et bobos), il n’a toutefois pas totalement coupé les ponts avec la masse écolo-libertaire. « Toute la viande que les ultras-gauche mangent sur le plateau, c’est moi qui leur fournis », plastronne Chatoux. Veaux, vaches, cochons cul noir du Limousin, moutons, volailles seigle et sarrasin ne suffisent pas à rentabiliser ses 360 hectares. « Ça fait quatre ans de suite qu’on se tape la sécheresse. J’ai diminué le nombre de vaches et j’ai commencé à les nourrir au foin dès septembre. » À 900 mètres d’altitude, Jouany Chatoux entend se tourner vers des productions végétales plus résistantes à la sécheresse. En plein champ, il consacre un hectare au CBD, ce « cannabis bien-être » non stupéfiant dont la législation française autorise la culture parmi un catalogue restreint d’espèces. Ces plants à hauteur d’homme – les plus hauts atteignent deux ou trois mètres –sécrètent la base nécessaire à la fabrication de l’huile et de la pommade qu’il vend à la ferme. Est-ce la finalité du plan pour la Creuse ? Pas vraiment : le PPC franchit un pas supplémentaire en proposant d’introduire le chanvre médical, issu des mêmes variétés que le cannabis récréatif. Obligatoirement sous serre, ce projet déjà appliqué au Canada, en Israël ou en Allemagne nécessite de lourds investissements – « entre 4 et 5 millions d’euros, parce qu’il faut sécuriser la production avec des clôtures et des gardiennages 24/24 h » –, là où le CBD ne coûte presque rien, mais rapporte peu. À ce compte-là, tous les paysans creusois ne pourront suivre.
Chatoux piaffe d’impatience en attendant l’aval des parlementaires pour la mise en route de l’expérimentation médicale dans ce département autrefois grand producteur de chanvre de cordage. Pour l’heure, il se contente de sélectionner les meilleures espèces de CBD parmi le catalogue autorisé, sans savoir de quoi demain sera fait. S’il prévoit des profits supérieurs à ce que lui rapporte l’ensemble de l’exploitation, la perspective d’un scénario à l’allemande l’effraie. Outre-Rhin, la légalisation du cannabis médical a jusqu’ici surtout bénéficié aux grandes entreprises… canadiennes. « Sur les 20 premières licences, 15 ont été accordées à des groupes 100 % canadiens, les cinq autres à des Canado-Allemands. Les groupes de pression canadiens leur ont imposé une formation au Canada. » Chatoux n’est pas seul à s’impatienter. Le président (PS) de la communauté d’agglomération du Grand Guéret, Éric Correia estime trop longue et fastidieuse l’expérimentation de deux ans sur 1 000 patients. Bénéficiant du retour d’expérience des pays étrangers, cet infirmier-anesthésiste de formation voudrait dès à présent remplacer les opiacés par du cannabis médical pour soigner les patients atteints de douleurs neurologiques. Des producteurs et un laboratoire pharmaceutique de Guéret se disent déjà prêts à former une filière creuso-creusoise. Même s’il recycle nombre de projets et de budgets existants, le PPC pourrait ainsi contribuer à l’aménagement du territoire.
Ce n’est pas l’avis du plus gros employeur du coin. Sur le plateau, où la déprise agricole a permis de planter une forêt de résineux au milieu du siècle dernier, la scierie autogérée Ambiance bois récuse les objectifs industriels du plan.
Une trentaine de salariés-coopérateurs travaillent à tour de rôle dans cette société anonyme à participation ouvrière (SAPO) dont tous les employés sont actionnaires et payés sur un pied d’égalité. Depuis une trentaine d’années, autour de Faux-la-Montagne, les six fondateurs d’Ambiance bois, issus du scoutisme protestant, ont essaimé. Leur réseau fait vivre une vingtaine de familles autour d’associations et d’entreprise alternatives, dont TV Millevaches est le symbole. « Le PPC considère la Creuse et le plateau comme en retard économiquement par rapport au reste de la France. Mais on est très en avance dans l’innovation sociale. Je trouve le saupoudrage beaucoup plus intéressant. Des associations peuvent vivre avec une subvention de 2 000 euros », plaide le coopérateur Rémy Cholat. Au passage, il me fait un aveu embarrassant. « Pour la première fois de ma vie, j’ai acheté une diesel parce que c’est plus intéressant économiquement pour mes 40 bornes par jour. Quand on gagne le smic, on fait gaffe, même si on est écolo ! »
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Un capitalisme sans capitalistes ?
Sans verser dans le productivisme à tout crin, force est de donner raison au patriarche André Chandernagor, longtemps figure de l’aile droite du Parti socialiste. Retiré à Aubusson, le quasi-centenaire déplore la grande faiblesse du capitalisme creusois : l’absence de capitalistes. Hormis la famille Pinton, présente dans la tapisserie depuis cent cinquante ans, la bourgeoisie locale manquerait cruellement d’esprit d’entreprise. « Au milieu du xixe siècle, une famille comme les Sallandrouze à Aubusson était capable de faire du tapis mécanique et de construire le barrage des Combes pour électrifier l’affaire. Les derniers bourgeois que j’ai connus voulaient être avocats, médecins, notaires, bref n’occuper que des professions libérales. Tous ces gens vivent sur la bête. Or, pour faire grossir la bête, il faut produire ! »
Heureusement, il reste quelques hardis prêts à entreprendre. Connue pour sa tapisserie, Aubusson, l’ancienne sous-préfecture du sud de la Creuse, décline depuis le milieu des années 1980 et la fermeture de l’usine Philips. Sa chute démographique (3 400 habitants au dernier recensement contre 5 200 en 2002) n’a pas empêché un couple d’y investir dans le tourisme. Les Lillois Olivier et Corinne Kaulek sont tombés amoureux des bords de la rivière Creuse qui font d’Aubusson l’une des plus belles bourgades de la région.
Déjà propriétaire d’un gîte rural plus au nord du département, le couple a racheté une dizaine de bâtiments mitoyens à l’abandon pour édifier les Maisons du Pont. Autour du pont de la Terrade, des apparts-hôtels loués 100 euros la nuit, le spa et les deux restaurants emploient entre 12 et 16 employés suivant les saisons. Passé l’été, la cité de la tapisserie leur fournit une clientèle d’artistes et de designers. Un miracle inespéré.
Pour autant, Olivier ne croit pas aux effets magiques du PPC. « J’ai été invité à l’atelier tourisme. Sur une assemblée de 25 personnes, on était seulement deux ou trois acteurs de l’économie ! C’est du domaine du simulacre. » Il faut dire qu’entre les circonlocutions de la CCI, des communautés de communes et de la chambre des métiers, les PME ne savent plus où donner de la tête. À 66 ans, Olivier Kaulek ne manque pourtant pas d’idées : « Il y a un potentiel touristique à Aubusson. Cela pourrait être le Sarlat de la Creuse. » À l’échelle du département, une filière d’excellence gastronomique reste à construire. Trop de restaurants s’autorisent à mélanger du camembert au fondu creusois – une hérésie ! « Les gens se gargarisent du bœuf du Limousin, mais on ne trouve jamais de bon restaurant qui en propose », soupire Olivier.
Les promoteurs du PPC défendent bruyamment leur action, mais la compétence économique relève moins de l’État que de la région. Depuis l’intégration du Limousin dans la Nouvelle-Aquitaine, politiques et entrepreneurs creusois se réjouissent d’ailleurs d’un regain d’intérêt pour leur département, dont Limoges a trop longtemps aspiré les énergies. Sans tambour ni trompette, la nouvelle région investit bien davantage pour la Creuse que les 80 millions d’euros du plan. D’autant que cette somme agrège de nombreux crédits déjà prévus, dont 15 millions de dotation d’équipement. Preuve que la Nouvelle-Aquitaine en fait davantage que l’État pour la Creuse, le Lycée des métiers du bâtiment de Felletin touchera à lui seul 46 millions d’euros de fonds régionaux venant de Bordeaux. Quant au département, sa présidente (LR) émet l’idée d’un train autonome électrique Guéret-Felletin. Le PPC proposait une navette autonome à La Souterraine mais, faute de financements, le président de la communauté de communes a dû y renoncer. Le macronisme, c’est la com plus l’électricité.
GM&S : la der des ders ?
Une catastrophe industrielle. Au bout de trois plans sociaux en dix ans, l’usine d’équipementiers GM&S de La Souterraine a été purgée de la plupart de ses salariés. Si les syndicats d’employés dénoncent la responsabilité de Peugeot et Renault, qui contrôlaient 80 % du carnet de commandes, l’ancien commissaire du gouvernement aux restructurations d’entreprise, Jean-Pierre Floris, avance une autre explication. « Cette usine a un problème de compétitivité. Ses clients ne sont pas dans la Creuse, ce qui entraîne des coûts de transport supplémentaires pour des pièces relativement volumineuses. Et par rapport à l’Allemagne, on manque de techniciens qualifiés. » Mais maître Borie, avocat des ouvriers licenciés, ne désarme pas et y va même de sa proposition de loi : à partir de 30 % de dépendance économique, aux donneurs d’ordre d’assumer le coût d’un plan social. Inapplicable en économie globalisée, cette idée reçoit le soutien de la CGT, mais désespère l’État. Jean-Pierre Floris confie : « La dernière fois que je suis allé à La Souterraine, les gars ont foutu la pagaille. Si les directeurs d’achat de PSA et Renault y vont, ils se feront insulter. La conséquence, c’est qu’il y aura encore moins de commandes. » Alors que l’usine ne tourne plus qu’à 60 % de ses capacités et qu’un tiers des 120 salariés restants partira à la retraite dans les cinq ans, GM&S n’en a peut-être plus pour longtemps.
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