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Agression du Café Laïque Bruxelles

Ces happenings violents sont des opérations à caractère terroriste.


Agression du Café Laïque Bruxelles
Manifestation de militants transgenres, devant City Hall, New York, le 18 novembre 2022 Derek French/Shutterstock/SIPA Shutterstock41021434_000018

L’attaque sur un lieu ouvert au public où devait se tenir une conférence donnée par Caroline Eliacheff et Céline Masson, auteurs du Fabrique de l’enfant transgenre, constitue un exemplaire très clair du mode opératoire de nature terroriste pratiqué par les transactivistes. Analyse de Florence Bergeaud-Blackler, anthropologue.


Le Café Laïque Bruxelles, situé dans le quartier européen près du rond-point Schuman, a été l’objet d’une attaque coordonnée de transactivistes se faisant appeler « Collectif Ursula ». Le 15 décembre vers 19h00, un groupe d’une vingtaine de personnes, hommes et femmes, jeunes, encapuchonnées et masquées, ont tenté d’empêcher une conférence donnée par les pédopsychiatres et psychanalystes françaises, Caroline Eliacheff et Céline Masson. Ces dernières alertent depuis plusieurs années sur les dérives du « transgenrisme » qui incite des mineurs ayant le sentiment d’être nés dans un mauvais corps (the wrong body) à s’engager dans des transitions de sexe, par chirurgie ou traitement hormonal dont les effets physiques et psychologiques peuvent être irréversibles.  Elles interrogent le bienfondé de ces influences sur des cerveaux adolescents en plein questionnement existentiel.

Le Café Laïque Bruxelles est un espace privé ne recevant aucune subvention. Nous l’avons ouvert en mars 2022, avec la Belge Fadila Maaroufi, titulaire d’un master en anthropologie et conférencière, pour porter la parole laïque au cœur des institutions européennes. Il ne représente ni une université, ni un établissement public, ni une autorité politique, ce qui n’a pas empêché ce groupe de forcer l’entrée, en masse, de hurler, de bousculer et de déverser sur le sol des sacs de litière d’excréments. Le choix du lieu, un café privé, suggère que ce type d’action n’est pas destinée à exercer une pression politique mais bien d’empêcher à tout prix que quelque chose soit exprimé, où que ce soit.

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Comme le choix du lieu, le mode opératoire indique qu’il ne s’agit pas ici d’agitation ou de manifestation, mais de semer la terreur dans les esprits, de créer des zones interdites de la pensée. Quand on pense « terrorisme » on imagine aussitôt la cagoule et la kalachnikov du Bataclan. En réalité la violence terroriste est progressive et graduée, elle s’annonce, se déploie par la contrainte jusqu’à devenir terreur pure. Elle commence par la censure, se poursuit en annulation, comme ici nos deux invitées et notamment Caroline Eliacheff qui, avant d’être interrompue par l’effraction soudaine des perturbateurs, expliquait qu’elle était fatiguée de ne plus pouvoir s’exprimer publiquement ni en France, ni en Suisse. En Belgique non plus manifestement.

Si nous voulons que le débat contradictoire ne soit pas considéré comme une vieille habitude ringarde alors qu’il est la condition première et fondamentale de notre démocratie, il nous faut, nous chercheurs, enseignants, universitaires et experts, apprendre à nous protéger et à déjouer les modes opératoires de ces censeurs qui en se démultipliant en petites entités intersectionnelles seront de plus en plus nombreux. Nous sommes dans une société où la violence se banalise et où la culture de l’excuse et de la victimisation s’est progressivement imposée au point qu’appeler la police peut nous paraître blessant pour autrui qui nous menace. A cela s’ajoute la faiblesse de l’État qui ne peut pas toujours assurer la sécurité pour des raisons budgétaires ou même de compréhension de la menace. Plusieurs jours avant, notre demande de ronde serrée autour du café avait été déclinée au motif qu’il n’y avait pas assez d’effectif des différentes polices fédérale ou communale, et la menace n’était pas jugée importante, 1/5 selon l’évaluation de l’OCAM (la sûreté de l’État belge).

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Le 15 décembre au Café Laïque, la police belge était dans le secteur en raison de la tenue d’un sommet européen, le quartier était bouclé, la police postée à 100 mètres. Nous étions rassurés. Mais nous avons eu affaire à un groupe bien organisé. L’action en elle-même s’est déroulée en quelques minutes et s’est terminée avant que la police appelée en urgence ne nous interroge longuement par téléphone et ne se rende finalement sur les lieux pour identifier et interpeller deux jeunes militantes belges. Les policiers postés à 100 m pour le sommet avaient ordre de ne pas bouger pour sécuriser les institutions européennes.

Voici les trois actes de cette opération.

Acte 1 : on intimide 

L’opération débute quelques jours avant le passage à l’action violente. Elle débute par une alerte et une émulation des réseaux transactivistes sur internet. Un anonyme s’exprimant mieux que les autres interpelle l’organisateur de l’événement sur son compte Facebook, Tweeter ou par email.  Sur un ton poli mais assez ferme « iel » explique que « vous ne devez pas inviter X, car il est transphobe » et si vous le faites, vous dit-iel, vous serez complice. L’organisateur, n’ayant rien trouvé qui soutienne ces allégations, fait savoir que la conférence se tiendra. Il est alors accusé de transphobie à son tour par une nuée de « trolls » (comptes anonymes qui agissent en cliques ou en meutes) de façon plus directe et désagréable. S’il persiste à organiser l’événement, la meute se renforce d’autres comptes anonymes devient de plus en plus agressive, et ce ne sont plus des messages polis mais des lignes ordurières, mal écrites et sans plus d’écriture inclusive (la colère fait sauter les petits points patiemment placés de l’écriture inclusive). L’organisateur demande alors de cesser l’échange qui ne mène nulle part, ce qui donne l’occasion aux activistes de prétendre qu’il a rompu le dialogue. Commence alors le processus d’auto-victimisation : « On n’a pas voulu nous écouter, il faut bien qu’on se fasse entendre » destiné à justifier l’action violente de l’acte 2. 

Acte 2 : on passe à l’action violente

Le jour de l’évènement, le mode d’intervention planifié en messages privés grâce au transfert d’expériences des différents groupes du réseau transnational est activé. Il s’agissait dans le cas du Café Laïque, le 15 décembre, de grouper une vingtaine de militants planqués aux abords du café et d’en infiltrer deux à l’intérieur. A l’appel téléphonique des deux infiltrées qui avaient payé leur place et étaient entrées s’asseoir au milieu du public, le groupe fit irruption, masqué, regards fuyant pour n’être pas reconnu, hurlant, bousculant. Certains déversaient les litières d’excréments, pendant que d’autres à l’extérieur collaient des affiches où était marqué bien en vue des passants :  « CAFE TRANSPHOBE RACISTE » en lettres capitales.

Ayant forcé l’entrée, le groupe envahit alors brutalement le lieu d’environ 70 m2 dans un fracas assourdissant, utilisant des trompettes de supporteurs destiné à saisir le public de ce lieu calme dédié à la concentration et la réflexion autour des conférencières. Précisons qu’au Café Laïque nous sommes dans un café privé, ouvert à tous, non protégé, que les attentats sont malheureusement devenus fréquents en Europe et qu’ils demeurent comme possibilité dans le cerveau reptilien de chacun.  Les individus de noir vêtus balancent des tracts de « revendications », jetés à la figure. Leur bouche s’ouvre pour hurler, mais aucun ne prononce un mot autre que le slogan. Quand on leur tend le micro, ils crient. Nous n’avons pas affaire à des êtres de parole, c’est aussi ça qui nous saisit.

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Le tract en écriture inclusive portait deux messages. D’une part, il s’adressait au Café Laïque accusé de  racisme (étaient citées quelques-uns des conférenciers invités par le Café Laïque : Pascal Bruckner, Pierre Vermeren, Nathalie Heinich).  D’autre part, s’adressant à l’Observatoire de la petite Sirène dont sont membres les conférencières, le collectif exigeait la fin des « thérapies de conversion », c’est-à-dire en réalité les précautions médicales nécessaires pour que les candidats ne regrettent pas d’avoir pris une décision de transition lourde de conséquences (et remboursée par la sécurité sociale, donc aux frais de la collectivité). Par renversement accusatoire, ces activistes prosélytes de la transition accusent les prudents de vouloir convertir. Or, Caroline Eliacheff et Céline Masson ne portent aucun jugement sur la transition, elles préconisent un suivi médical des enfants avant que leur décision n’aille plus vite que leur réflexion. Elles s’inquiètent, à juste titre, de l’accroissement de ces demandes chez les mineurs, nos enfants, qui correspond au déploiement de ces activistes.

L’objectif de ces activistes est d’empêcher que ces problèmes soient soulevés et discutés en utilisant la censure et les ressorts de la terreur. Il s’agit d’impressionner le public pour qu’il ne prenne pas le risque pour lui-même ou ses proches de fréquenter des lieux où l’on débat de ces questions sérieuses que sont le transactivisme, le wokisme ou l’islamisme. En face hélas, la lâcheté s’organise. Les portes se ferment à leur annonce, des conférences sont déprogrammées.

Que veulent-ils au fond ? Que l’Observatoire de la petite Sirène cesse d’être transphobe et que le Café Laïque cesse d’être raciste… ils veulent l’impossible. A cette revendication nous ne pouvons répondre qu’une seule chose, invariablement : on ne peut pas cesser d’être ce que l’on n’est pas. Mais il semble qu’ils ne puissent pas l’entendre, enfermés qu’ils sont dans leur certitude que le débat contradictoire n’est qu’un mot pour les faire taire. Savent-ils encore parler ? Le mode opératoire qu’ils emploient les dispense de cet effort. Et même de cela on ne peut pas discuter.

Acte 3, on monte d’un cran pour la prochaine fois

Chaque attaque provoque des réactions qui relancent la machine auto-victimaire, faisant monter d’un cran la poussée de violence. Ils accusent, ils marquent et justifient la violence au motif de la « légitime défense ».

C’est ça la terreur : quand des individus sans regard et sans paroles se donnent le droit de faire violence, et qu’on ne trouve plus moyen de leur faire entendre raison.

Ces happenings violents ne sont pas de simples actions de protestation, ni de revendication mais des opérations à caractère terroriste qui aboutiront, si rien n’est fait, au silence total. A ce problème, il faut deux réponses immédiates : les interventions systématiques et rapides de la police et de la justice et la protection des conférenciers et du public. Si malgré cela des institutions publiques, mairies ou universités, continuent à s’auto-annuler et ferment leur porte aux débats, il faudra alors qu’elles s’en expliquent.

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Anthropologue, CNRS, École Pratique des Hautes Études.

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