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Adieu l’Arlette, j’t’aimais pas bien…


Adieu l’Arlette, j’t’aimais pas bien…

Elle aurait pu être, dans cette période plutôt troublée pour le pouvoir sarkozyste, la vedette martyre de cette rentrée. Arlette Chabot, directrice de l’information de France 2 depuis plus de six ans, a été virée de son poste avant même que le nouveau PDG de la télévision publique française, Rémy Pflimlin, remplace Patrick de Carolis dans son bureau présidentiel.
Comme Nicolas Sarkozy s’était laissé aller, lors d’un voyage à New York, à morigéner en public la cheftaine de la troupe informatrice de France 2, cette dernière avait tout pour se poser en victime de l’arbitraire d’un pouvoir étranglant la liberté de l’information.

Silence radio des professionnels de la protestation

Or, jusque-là, on n’a rien entendu du côté des protestataires habituels. BHL est étonnamment silencieux, ce qui en dit long, à moins qu’il ne soit dans un lieu de villégiature exotique, où cette nouvelle essentielle n’est pas encore parvenue.
La société des journalistes de France 2, par la voix de son président, Dominique Verdeilhan, a « pris acte » de l’éviction de la cheftaine sans toutefois exprimer la moindre parole de regret, même poliment hypocrite, relative à ce départ. Pas de communiqué syndical offusqué en défense de Mme Chabot, le chef de la CGT locale, Jean-François Téaldi estimant benoîtement qu’à chaque changement de PDG, on pouvait constater quelque remue-ménage dans les étages supérieurs de l’immeuble de la place Henri de France. Et de passer aux choses sérieuses dans le registre « moi y en a vouloir des sous et des postes ».

Il faut avouer que cette mise à l’écart a été organisée de main de maître par Rémy Pflimlin, dont la rondeur alsacienne dissimule un caractère bien trempé et une intelligence aigüe des situations. Cet homme de médias, sorti du moule de la presse quotidienne régionale, s’est signalé ces dernières années par une gestion habile d’un vaisseau en détresse, les anciennes NMPP, devenues Presstalis, touchées de plein fouet par la crise de la diffusion de la presse écrite. Ce succès se mesure au peu d’écho médiatique rencontré par la réorganisation de cette entreprise, où jadis les gros bras de la CGT du Livre faisaient régner leur loi syndicalo-mafieuse.

Une femme de réseaux, de pouvoir et d’intrigues

Sommée de choisir entre son poste de directrice de l’information et sa présence à l’antenne comme présentatrice de l’émission politique « À vous de juger », Arlette Chabot a préféré continuer à montrer sa binette dans le poste une fois par mois. Ainsi, elle n’apparaît pas comme la victime d’un limogeage brutal à la Domenech, alors qu’en fait elle n’avait pas le choix : coincée entre une présidence hostile et une base excédée par son autoritarisme cassant, elle n’aurait pas tardé à jeter l’éponge…

Derrière l’allure austère de « grande professionnelle » qu’elle a peaufinée tout au long de sa carrière radiophonique et télévisuelle, et un visage d’instit’ qui aurait découvert le poker, se trouvait une vraie femme de pouvoir, de réseaux et d’intrigues, obséquieuse avec les puissants et impitoyable avec les faibles. Nicolas Sarkozy ne lui a d’ailleurs jamais pardonné son activisme au sein de réseaux mondains visant à torpiller sa candidature présidentielle au profit de celle de Dominique de Villepin. Seule la protection du duo Patrick de Carolis- Patrice Duhamel – l’épouse de ce dernier, Nathalie Saint-Cricq, étant le bras droit de Chabot – lui permit de rester en poste. Qu’importait la baisse d’audience du JT de France 2 ? Les « erreurs » de diffusion de sujets bidonnés dont jamais les auteurs ne furent sanctionnés ? Chabot, c’était l’info et l’info, c’était Chabot.

À la manœuvre dans l’affaire Enderlin

J’eus, personnellement, le loisir de la voir à la manœuvre lorsqu’il s’est agi de sauver le soldat Enderlin, soupçonné d’avoir entraîné la chaîne publique dans la diffusion d’une mise en scène, celle de la « mort » de l’enfant Mohammed Al Doura en septembre 2000 dans la bande de Gaza. En octobre 2004, à peine arrivée à la direction de l’info, elle aurait pu mettre un terme définitif à cette controverse, qui est loin d’être close, en acceptant ma suggestion de soumettre Jamal al Doura, le père, « grièvement blessé » par balles à une expertise médico-légale indépendante. Au lieu de cela, elle envoya le caméraman de France 2 Talal Abou Rahma, principal organisateur de la mise en scène macabre, filmer des cicatrices existant sur le corps de Jamal al Dura. Cette « preuve » devait clore le bec à tous ceux qu’elle traitait alors de « révisionnistes » et d’extrémistes juifs. Une bonne dizaine de procès plus tard et grâce à l’opiniâtreté de quelques passionnés de la vérité comme Stéphane Juffa, Philippe Karsenty, Elisabeth Lévy, Gil Mihaely, Pierre-André Taguieff et quelques autres, la vérité chabotienne est aujourd’hui passablement amochée. Les cicatrices de Jamal al Doura ? Elles résultent d’une opération réalisée dans les années 90 par le chirurgien israélien Yehuda David après des agressions à l’arme blanche subies à Gaza. Un documentaire de la première chaine allemande ARD, réduisant à néant la thèse défendue par France 2, a été boycotté par tous les diffuseurs français. Le constat implacable de l’imposture médiatique dressé par Taguieff dans son dernier livre valut à son auteur le silence absolu des supplétifs de Chabot oeuvrant dans les principaux médias nationaux.

Elle organisa le sabotage de l’instance de médiation établie à l’initiative du président du CRIF Richard Prasquier et de la LICRA, à laquelle Patrick de Carolis avait donné son aval avant de se défiler piteusement. Un nouvel épisode judiciaire de cette interminable affaire doit se dérouler cet automne, avec comme protagonistes Jamal al Doura portant plainte en diffamation contre le docteur Yehuda David et le journaliste de France 3 Clément Weill-Raynal, pour une interview publiée l’an passé dans l’hebdomadaire Actualités juives. Hormis le bloc compact et corporatiste des patrons de médias français et de leurs obligés, plus personne ne croit à la version défendue par la chaîne publique française. La crainte de subir des ennuis professionnels, en exprimant ne seraient-ce que des doutes et des interrogations, empêche de très nombreux journalistes de dire publiquement ce qu’ils ne cachent pas en privé.

Pour Pflimlin, un choix cornélien

Interrogé, lors de son audition devant le Parlement par le sénateur Jean Pierre Plancade sur ce qu’il comptait faire pour lever la suspicion, fortement étayée, qui continue de peser sur France 2 à propos de l’affaire Al Doura, Rémy Pflimlin a assuré qu’il allait se pencher sur ce dossier. Il s’est ainsi placé devant un choix cornélien : affronter en un combat douteux les défenseurs inconditionnels de Charles Enderlin, puissants dans les médias, au quai d’Orsay, et dans l’entourage de Nicolas Sarkozy, ou persévérer dans le bétonnage d’une position dont la solidité est loin d’être garantie. S’il choisit cette dernière attitude, il ne faudra pas qu’il s’étonne d’entendre tinter derrière lui la casserole que Carolis et Chabot ont accrochée à ses basques avant de s’éclipser.



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