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Maurice Radio Libre: « En France, on a permis aux délinquants de faire ce qu’ils veulent »

L'animateur de radio Maurice n'a rien perdu de sa liberté de ton


Maurice Radio Libre: « En France, on a permis aux délinquants de faire ce qu’ils veulent »
Maurice Champvert D.R.

« Allo, qui va là, j’te prie ? » Dans les années 1990, l’animateur de radio Maurice a tenu des multitudes d’adolescents éveillés tard le soir sur Skyrock. Émettant désormais depuis l’autre bord de l’Atlantique, « le sorcier des ondes » n’a rien perdu de sa liberté de ton. Entretien avec une légende bien vivante.


Alexis Brunet. Bonjour Maurice, vous vivez entre La Nouvelle-Orléans et Madagascar. Est-ce que la France vous manque?

Maurice. La France n’a pas beaucoup de raisons de me manquer (Rires). C’est un pays qui est devenu violent, dans lequel on voit des scènes qu’on voyait avant dans les infos, qui se déroulaient à 3000 ou 4000 kilomètres et qui maintenant se déroulent en France: décapitation d’un professeur, mitraillages, on voit des choses effrayantes.

Il y a vingt ans, vous parliez déjà de violence dans vos émissions, vous aviez des mots assez durs sur les banlieues notamment…

Assez durs je ne sais pas. En tous cas, ce sont des réactions face à des choses qui existent vraiment, qui sont des choses qui existent indiscutablement. Ce que je disais il y a 20, 30 ans, c’est que ceux qui avaient abîmé l’endroit dans lequel ils vivaient étaient des gens qui y vivaient, pas des gens venus de l’extérieur pour dégrader des immeubles ou enlever l’herbe autour des immeubles.

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Vous parlez de réaction. En 2016, dans un article intitulé Maurice, le caïd de la libre antenne qui a mal vieilli, le magazine Télérama a écrit: « Maurice pousse des beuglantes légèrement réac’ ». Êtes vous réactionnaire Maurice?

Je ne pense pas, mais je pense que chaque pays correspond à une définition, à une certaine ambiance, à certaines caractéristiques. Quand ces caractéristiques disparaissent, ça me paraît légitime de réagir. Effectivement, il y a des gens qui voient les choses différemment de moi, et qui vont considérer que les transformations de la culture du pays sont positives. Pour certains, il serait bon de faire de notre pays un pays qui ne correspond à aucune définition. Pourtant, moi si je suis à Madagascar en ce moment, c’est bien parce que j’ai envie d’être à Madagascar, où il y a des règles et une façon de vivre. Quand je suis aux États-Unis, c’est pareil. Pour certains en France, il faudrait qu’il n’y ait pas de façon de vivre particulière, qu’on vive en France comme on peut vivre ailleurs, que ce soit juste une sorte de kaléidoscope des cultures de partout? Peu importe que ceux qui ne sont pas d’accord avec moi me considèrent comme un pauvre mec ou un mec qui vieillit mal (Rires).

Vous vivez pourtant aux États-Unis une bonne partie de l’année, un pays multiculturel. Le multiculturalisme n’est-il pas quelque-chose qui vous plaît?

Les États-Unis ne sont pas un pays multiculturel, ce n’est pas vrai. Même les Noirs américains qui disent Black Lives Matter ou autre, se considèrent comme des Américains et vivent à l’américaine. Ils ne vivent pas comme on vit en Afghanistan, en Norvège ou je ne sais où. Ils vivent comme on vit aux États-Unis, et ceci est valable pour tous les gens, quelle que soit leur couleur.

Revenons aux banlieues. Dans un entretien réalisé en 2017, l’écrivain Michel Houellebecq a dit: « à la fin des années 1990, l’animateur de radio le plus populaire en France chez les jeunes, Maurice, faisait assez souvent des émissions sur le problème des banlieues […] on se rend compte qu’il pouvait tenir une heure sur les banlieues sans qu’une seule fois apparaisse le nom islam. Je suis revenu en 2010, et on ne parlait plus que de ça ». A votre avis, qu’est-ce qui a changé?

Ce qui a changé, c’est l’arrivée de ce que j’appelle l’islam prétexte. L’islam existait déjà en France. Il y a longtemps qu’il y avait des musulmans dans le pays, qui pratiquaient leur religion normalement, comme on pratique une religion j’imagine, car je ne suis pas intéressé par le sujet. Aujourd’hui on parle de l’islam car on a créé un islam voyant, un islam prétexte, un islam de revendication dans ce pays qui est un pays catholique.

Certains disent pourtant que la laïcité a permis de rompre avec les racines catholiques que vous évoquez…

Non. La laïcité s’exprime dans l’organisation de la société mais la France reste un pays catholique, c’est un pays dont l’Histoire vient du catholicisme, l’organisation française est quand même appuyée sur le catholicisme; avec la laïcité qui permet à la société française de fonctionner en dehors des dogmes religieux.

La prison et la police ne font plus peur qu’aux gens normaux. Pour tous les délinquants, ça fait partie de l’ordre des choses que de se battre avec la police, d’attaquer les pompiers, les médecins etc…

Une partie des musulmans en France trouve que l’on parle trop de l’islam en mal, ils se sentent pointés du doigt. Vous qui parlez à beaucoup de personnes dans le cadre de votre émission et notamment à certains d’entre-eux, comprenez-vous qu’ils estiment ne pas avoir à se justifier pour les attentats commis en leur nom?

Les musulmans normaux, je vais les appeler comme ça (rires), ce ne sont pas eux qui commettent des attentats. Comme beaucoup de gens, j’aimerais que ceux-là proclament leur séparation d’avec ceux qui commettent des attentats atroces dans notre pays. Mais je comprends en même temps que dans la mesure où ils estiment que ceux qui font ces attentats ne sont pas des musulmans mais des meurtriers, qu’ils n’aient pas de raisons de venir dire qu’ils ne sont pas d’accords avec des meurtriers. La plupart des terroristes ont des casiers judiciaires chargés, beaucoup ont fait de la prison, dont ils n’auraient jamais dû sortir.

On en vient donc au laxisme. Il y a vingt ans, vous disiez en substance que la France était trop laxiste et que les Français n’en pouvaient plus. Aujourd’hui, trouvez-vous que la situation a empiré?

On a un problème. Tout le monde veut plus de prisons en France, mais quand on vous dit qu’il y a une prison qui va se construire à côté de chez vous, on fait du tapage parce qu’on n’en veut pas à côté de chez soi, ça c’est la première chose. La deuxième chose, c’est qu’on a créé des règlements qui font que les gens n’ont pas peur d’aller en prison. La prison et la police ne font plus peur qu’aux gens normaux. Pour tous les délinquants, ça fait partie de l’ordre des choses que de se battre avec la police, d’attaquer les pompiers, les médecins etc. L’impunité dans le pays fait que ceux qui ont peur de la prison, ce sont seulement ceux qui sont en règle. En France, on a permis aux délinquants de faire ce qu’ils veulent. Beaucoup sont mineurs car quand vous êtes mineur vous ne risquez rien. Il faudrait une justice qui fasse réellement peur et qui mette réellement les gens en prison.

Le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin a parlé d’ensauvagement de la société et semble avoir pris le problème de l’insécurité au sérieux. Pensez-vous qu’il aille dans ce sens?

Le problème c’est qu’on est dans une société très bavarde. On parle, on bavasse mais maintenant, on en est au-delà des discours. Il faudrait enfin faire quelque-chose mais on n’arrive pas à interdire aux gens de casser l’espace public quand il y a des manifestations car aujourd’hui, si un policier poursuit celui qui vous a volé votre sac et que ce dernier tombe et se casse la jambe, on met le policier en prison ! C’est très joli de dire que l’on va donner plus d’argent aux policiers parce qu’ils font un travail harassant, mais encore faut-il leur permettre de faire leur boulot. Actuellement les policiers ne peuvent pas travailler. Tant qu’il en sera ainsi, et que la justice remettra dans le circuit des gens dont plus personne ne veut, pas même leurs parents, ça continuera. Sarkozy aussi a dit vouloir changer cela mais on n’a rien vu. Pendant ce temps-là, le degré de violence et d’ensauvagement de la société continue à grimper. On est dans une société de palabres où on se donne l’impression que quand on a parlé de quelque-chose, c’est comme si on l’avait réglé. Ce problème d’insécurité est d’ailleurs né avec François Mitterrand dans les années 1980, c’est lui qui a mis le pays à sac.

Le comité « Justice pour Adama » estime que la police en France est aussi violente que la police des États-Unis. Qu’en pensez-vous?

Ils ne connaissent pas la police des États-Unis, pour la plupart. Ensuite, si vous allez dans une manifestation vous battre avec des policiers, vous êtes prêt à recevoir des coups. Et si un policier vous met une tarte avec un bâton c’est sûr que vous aurez mal (Rires). Ceux qui parlent de violence sont ceux qui vont se battre avec la police, les autres non. La plupart des vidéos que l’on voit au sujet des violences policières sont des rixes provoquées par des gens qui ont envie d’en découdre avec la police. J’imagine que vos parents n’ont jamais eu à se battre avec des policiers n’est-ce pas?

Mes parents sont blancs. Le comité « Justice pour Adama » dit que la police est raciste en France justement…

Ce comité défend principalement des gens qui sont dans le circuit de la bagarre avec la police. Les gens normaux ne parlent pas de violences policières. Ceux qui parlent de violences policières, ce sont uniquement les délinquants et les gilets jaunes. Pourtant, il y a beaucoup de gens qui ont déjà été arrêtés par les flics sur l’autoroute ou à qui on a demandé de se mettre sur le côté. Ceux-là, ils ne disent pas que la police est violente. Si vous cherchez la confrontation, alors là vous risquez la violence policière. Madame Traoré vient nous expliquer qu’elle défend les Noirs, elle ne défend pas les Noirs, elle défend les délinquants. Les autres Noirs ne lui demandent rien, ils n’ont pas envie qu’on les mélange avec les membres de sa famille, qui ont eu beaucoup d’histoires avec la police et avec la justice.

Les gilets jaunes, comme les voyous en survêtements, sont des entraves à la vie des autres, ils emmerdent les autres

Pensez-vous toujours que les associations comme SOS racisme ne servent à rien, comme vous l’avez dit à une militante dans votre émission il y a quelques années?

Elles ne servent tellement à rien qu’on en est là aujourd’hui. Le Français n’est pas raciste. En revanche, le système de distribution dans les grandes entreprises a pris beaucoup de temps avant de prendre en compte les gens basanés pour accéder aux postes clés. Ceci est en train de changer aujourd’hui. Mais encore une fois, le racisme au quotidien en France existe généralement quand les gens sont des délinquants. Je ne pense pas que Yannick Noah ait souffert de racisme en France, je dis cela même si ce n’est pas mon sportif préféré (Rires). Moi je n’ai jamais souffert de racisme en France, je gagne ma vie normalement et quand un policier me demande de m’arrêter, je m’arrête.

Beaucoup de voix se sont indignées de la répression policière envers les gilets jaunes, qui aurait été forte, contrairement à celle envers les sauvageons de banlieue. Qu’en pensez-vous?

Les gilets jaunes sont des gens qui ont entravé la liberté des autres. Si vous avez décidé avec certains collègues de vous mettre à un rond-point et d’empêcher les gens de circuler, vous entrez dans une violence qui ressemble à celle des voyous dont on a parlé. C’est la loi du plus fort, c’est ceux qui sont les plus nombreux qui prennent la décision d’entraver la liberté des autres. Les gars en survêtement qui sont au pied d’un immeuble et qui décident d’empêcher les filles de se mettre en jupe sont respectés parce qu’ils sont nombreux et qu’ils font peur. Le mec qui est au rond-point avec ses collègues agit de la même manière. Les gilets jaunes, comme les voyous en survêtements, sont des entraves à la vie des autres, ils emmerdent les autres.

Comprenez-vous les revendications qu’ont eu les gilets jaunes au début de leur mouvement?

Ce sont des gens qui sont mécontents de leur sort et qui considèrent qu’ils n’ont pas de responsabilité dans ce qui leur arrive. Ils estiment que c’est la société ou ceux qui gagnent plus d’argent et payent plus d’impôts qu’eux qui doivent leur créer une vie meilleure. Moi je pense qu’on est tous allés à l’école de la République. Il y a ceux qui ont embrayé la première et il y a ceux qui ne l’ont pas fait. Si des gens sont restés sur le parking, ce n’est pas de la faute de ceux qui ont avancé. Est-ce à ceux qui ont réussi de porter ceux qui ne réussissent pas? On le fait déjà un peu mais on ne peut pas demander des augmentations de salaire ou je ne sais quoi simplement parce qu’on aimerait gagner au Loto et qu’on n’a pas gagné.

Les gilets jaunes devraient aller voir les gens qui sont vraiment dans la misère. Les gilets jaunes ont tous un abonnement de téléphone portable, ils ont tous internet à la maison, ils ont tous la télévision, du chauffage ou des vacances. Effectivement ils aimeraient mieux, ce que je comprends, mais ils ne veulent pas que ce soit eux qui s’engagent à avoir mieux, ils aimeraient que ce soit les autres qui le fassent à leur place. Pourquoi ceux qui ont bien travaillé à l’école, qui ont mieux réussi et qui payent plus d’impôts devraient porter ceux qui ont moins réussi? J’ajoute que les gilets jaunes sont des gens très riches pour beaucoup d’autres gens sur la planète. Des gilets jaunes qui débarqueraient à Madagascar pourraient y vivre dans l’opulence.

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Justement, après les attentats de Charlie-Hebdo et de l’Hyper Cacher, vous avez déploré sur votre antenne que la France importe des conflits extérieurs, notamment le conflit israélo-palestinien. À votre avis, pourquoi a-t-on tant besoin en France de se prendre pour le centre du monde?

Parce qu’on a grandi avec cette idée, en s’imaginant par exemple que des Guatémaltèques se levaient le matin en se demandant ce que pensaient les Français, en s’imaginant que les Américains étaient dans une rivalité avec nous, ce qui n’est pas vrai. Ceux qui importent des conflits extérieurs chez nous sont en général des gens qui ne comprennent pas ces conflits. De France, on ne peut pas comprendre le conflit israélo-palestinien. Il faut avoir grandi, avoir vécu à cet endroit-là pour être capable de saisir ce qui se passe réellement, tout en sachant que sur le terrain, beaucoup de gens en Israël comme en Palestine n’en peuvent plus de ce conflit.

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Enseignant, auteur du roman "Grossophobie" (Éditions Ovadia, 2022).

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