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Cop22: quel souk!


Cop22: quel souk!
Photo de famille de fin de sommet à Marrakech, novembre 2016. SIPA. 00781775_000053
Photo de famille de fin de sommet à la Cop22 de Marrakech, novembre 2016. SIPA. 00781775_000053

Il y a eu la proclamation de Marrakech, lue le 17 novembre au soir par l’ambassadeur pour la négociation multilatérale de la COP22, Aziz Mekouar, appelant la communauté internationale à un « engagement politique maximal » contre le réchauffement climatique, une « priorité urgente ». Il y a eu les déclarations de Ségolène Royal : « Cette COP a été beaucoup plus qu’une COP de l’action. C’est la COP de la confiance, de la détermination et de l’irréversibilité. » Il y a eu la réaffirmation de la promesse faite en 2009 à Copenhague de trouver 100 milliards de dollars par an pour les pays en développement. Il y a eu François Hollande qui a souhaité un engagement fort en faveur de l’Afrique. Et, au final, il n’y a pas eu grand-chose sinon une conférence internationale qui n’a fait que reprendre les grandes résolutions des sommets précédents.

L’une des avancées les plus notables et les plus relayées par les médias de la COP22 concerne la mise en application plus tôt que prévu des engagements pris par les Etats lors de la COP21 de Paris. Les règles qui permettront la mise en œuvre de l’accord de Paris sur le climat devront être prêtes en 2018, non en 2020. Autre bonne nouvelle : la dynamique est toujours à l’œuvre pour enrayer le réchauffement climatique, aucun Etat n’a cherché à bloquer le processus. Le négociateur en chef de Washington pour le climat, Jonathan Pershing, fait remarquer « le développement des émissions obligataires vertes », et note que « la finance commence à basculer vers les investissements durables », y voyant une « business opportunity ». Le chercheur à l’Iddri Thomas Spencer insiste même: « obtenir cette date de 2018 était un des enjeux majeurs de la COP22. […] Boucler le paquet technique à cette date permettra d’ouvrir une nouvelle phase de discussions plus politiques jusqu’en 2020. »

L’homme « hyperconnecté » en Afrique pour parler écologie.

Les énarques, les experts, les technocrates et les professionnels de la communication se réjouiront probablement de ces propos lénifiants qui donneront lieu à quelques débats d’initiés. Aux journalistes de trouver les mots adéquats pour vulgariser ce jargon. Le véritable enjeu de la COP22 aurait dû être de parvenir à faire saisir au commun des mortels ce qu’il se passe vraiment, ce à quoi il doit s’attendre et ce qu’il peut en espérer. Mais, même spécialiste, il est à craindre que tout journaliste qui s’attache à expliquer quoi que ce soit à qui que ce soit à ce propos, perde son quidam en moins de deux minutes.

De loin, la COP22 ressemble à un immense brouhaha d’où émergent de belles déclarations. De près, c’est sans doute plus spectaculaire, mais au-delà ? Certes, les grosses firmes et les Etats sont responsables, au premier chef, de la pollution, laquelle accélère le réchauffement climatique. C’est donc à eux que revient le devoir de faire des efforts. Mais alors pourquoi tel vacarme ? Pourquoi tel spectacle ? Il est regrettable que l’homme de la rue soit mis de côté par ces discours presqu’incompréhensibles, qu’il se sente impuissant à agir ; il est regrettable que la responsabilité individuelle n’ait pas été évoquée, voire convoquée. Cela nous concerne tous ! Dès les années 1930, Jacques Ellul et Bernard Charbonneau écrivaient: « Actuellement, toute révolution doit être immédiate, c’est-à-dire qu’elle doit commencer à l’intérieur de chaque individu par une transformation de la façon de juger (ou pour beaucoup par une éducation de leur jugement) et par une transformation de leur façon d’agir. »

« Bêtes sauvages et oiseaux, reptiles et animaux marins de tout genre sont domptés et ont été domptés par l’homme. La langue, au contraire, personne ne peut la dompter, c’est un fléau sans repos. Elle est pleine d’un venin mortel », disait Saint Jacques (Jacques 3:7). Ces sommets internationaux sont contaminés par la langue de la communication qui est langue de bois. Et c’est comme si nous avions tous oublié que le bruit est un des premiers facteurs de pollution. Que le bruit continu de tous nos appareils connectés qui transmettent des messages sans interruption est nuisible. Que chacun doit commencer par dompter ses instincts et ses appétits. Qu’il y a quelque chose de cocasse à promener l’homme « hyperconnecté » sur le continent africain pour lui parler d’écologie. Qu’il y a quelque chose de dérisoire à parler constamment de l’avenir de la terre et des océans mais à ne jamais regarder la nature que derrière un écran. Nous avons perdu le sens du silence comme celui de la nature. Si nous ne commençons par les retrouver, nos appels à la vertu n’y feront rien. Le respect de la terre commence par le silence. Pouvons-nous encore espérer entendre un Barrès nous dire « Un beau silence se réinstalle sur la colline. » ?



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