Rachida Dati a menacé Patrick Cohen de poursuites judiciaires en direct sur France 5, après avoir été interrogée sur un reportage de « Complément d’enquête » qui lui était consacré. L’incident s’inscrit dans un contexte de tensions entre la ministre de la Culture et le personnel de l’audiovisuel public, Mme Dati souhaitant regrouper toutes les antennes sous une même holding, et ayant également été accusée de vouloir le départ de la présidente de France Télévisions… La caste journalistique a évidemment publiquement soutenu l’équipe de France 5 face à ces attaques.
Après l’incident entre Rachida Dati et Patrick Cohen, la profession se serre les coudes.
La République des Lettres des médias « en danger »
Rappel. Le 18 juin, Rachida Dati est invitée dans « C à vous ». PatCo l’interroge sur les accusations de conflits d’intérêt portées par l’émission Complément d’enquête. Queen Dati lui renvoie à la tête un article de Mediapart l’accusant de harcèlement quand il était à France Inter. «C’est vrai, vous harcelez vos collaborateurs ?» lui demande-t-elle. Et elle sert dans la foulée à Anne-Elisabeth Lemoine un article de Marianne évoquant une ambiance épouvantable dans l’équipe. Les deux nient et font les indignés. Ce que vous faites est déshonorant, lâche Patrick Cohen.
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La réplique de la ministre serait parfaitement calibrée sans la menace voilée. «Après l’article de Mediapart, je pourrais faire un article 40». Elle aurait sans doute mieux fait de s’abstenir, mais rappelons que plusieurs enquêtes judiciaires ont été ouvertes sur la base d’articles de Mediapart. Et que l’article 40 invoqué fait partie du sacro-saint Etat de droit. Mais cela permet à toute la presse d’éructer contre une ministre qui menace un journaliste de poursuites. Les confrères auraient dû dénoncer Mediapart. Seulement, Don Plenel est le parrain et toute la profession lui baise la main.
France Télévisions et Radio France soutiennent les pauvres petits journalistes, la profession s’indigne. La ministre de tutelle attaque les médias publics, dit-on. Faux ! Nominations et police de l’antenne relèvent de l’Arcom. La preuve, Rachida Dati n’a pas eu le scalp de Delphine Ernotte… Par ailleurs, où étaient ces résistants quand Rima Abdul-Malak menaçait explicitement CNews et C8 de perdre leur fréquence ?
Le premier pouvoir
Est-ce normal qu’une ministre mette en cause un journaliste ? Je ne sais pas – est-ce le rôle du président de la République de danser la lambada ? Mais ce petit rééquilibrage du rapport de force est assez réjouissant. Autrefois, les journalistes craignaient les gouvernants, aujourd’hui, c’est le contraire : on assiste à la soumission des politiques devant les journalistes. Les médias sont devenus le premier pouvoir et un pouvoir qui refuse les contre-pouvoirs. Qui s’indigne quand toute la presse accuse un homme (présumé innocent) et en fait un coupable et un banni ? Quand Le Monde accuse Dominique Baudis d’organiser des soirées pédophiles, quelle sanction ?
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Les journalistes adorent faire la morale. Ils doivent accepter que leurs comportements soient scrutés et que les éventuelles divergences entre leurs discours et leurs actes soient exposées. La ministre ne voulait pas répondre à Patco. Au public d’en conclure ce qu’il veut. Mais un plateau de TV n’est pas un tribunal ni un commissariat.
Ne pas répondre à un journaliste ou le critiquer est un droit de l’homme. Alors désolée, quand Calamity Dati ose envoyer frère Cohen sur les roses, ça fait un bien fou.
Cette chronique a été diffusée sur Sud Radio
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