La présomption d’innocence est dans de jolis draps… « Le fait de ne pas dire non ne veut pas dire oui », postule le gouvernement par la voix de la maîtresse d’école Aurore Bergé, notre ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes. Une dérive inquiétante, déplore notre contributeur, avocat au barreau de Paris. Le Conseil constitutionnel devra examiner, et l’on peut l’espérer, censurer l’introduction du critère de consentement dans la définition du viol du Code pénal.
Sans étude d’impact préalable, nos législateurs ont cru bon de modifier le crime de viol en ajoutant aux critères de violence, contrainte, menace ou surprise, la notion de « consentement » ainsi exposée : « Le consentement est libre et éclairé, spécifique, préalable et révocable (…) il ne peut être déduit du seul silence ou de la seule absence de réaction de la victime ».
L’enfer en est pavé…
Cette modification s’inscrit dans un souci de protéger les femmes des hommes prédateurs sexuels. Qui a priori serait contre ? Mais par définition, le violeur se moque du consentement. Il n’est pas dans l’idée de relation sexuelle, mais d’imposition sexuelle : violence, contrainte, menace ou surprise suffisent à caractériser cela. Or, il s’agit ici de légiférer sur un crime, le définir, et non pas de réglementer les relations sexuelles en général. Si dans certains cas, il est difficile de prouver la présence d’un de ces éléments, c’est parce que la vie privée est peu propice aux témoignages extérieurs. Si c’est parole contre parole, alors les poursuites pénales sont vouées à l’échec. En effet, notre loi oblige celle qui accuse à prouver. C’est un garde-fou qui protège tout le monde des accusations imaginaires ou malveillantes.
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Or, non seulement l’introduction du consentement ne servira à rien pour condamner plus de violeurs, mais elle va obliger tous ceux qui ont des rapports sexuels à des précautions d’ordre obsessionnel dont les questions suivantes ne sont qu’un florilège : avant tout rapport, qu’est-ce que s’exprimer « spécifiquement » : « tu viens ? » est-il suffisant ? « fais-moi ça » ? « pas ça » ? La féminité purement passive ou le consentement par le silence sera-t-il toujours légal ? Pendant l’acte, la femme devra-t-elle s’exprimer activement, en permanence et avec enthousiasme, faute de quoi son silence serait perçu par l’homme comme le signe d’un viol en cours ? Faut-il enregistrer le consentement pour en garder la preuve ? En audio ou en vidéo ? Et conserver cette preuve pendant le délai de prescription de 20 ans après l’acte ? Conserver comment et à quel coût ? N’est-ce pas une violation de la vie privée ? Ne se dirige-t-on pas vers le chantage potentiel permanent ? Les deux sexes auront-ils le droit de boire un peu ou beaucoup d’alcool avant de prononcer – et entendre – clairement le fameux consentement libre et éclairé ? Ou bien seul l’homme pourra boire ? Et si la femme boit, à partir de combien de verres, même volontairement absorbés, son consentement – ou sa rétractation – sera-t-il considéré comme n’étant plus libre et éclairé ?
Belle vie sexuelle en perspective ! Et quantité de questions de gendarmes, de juges et d’avocats bien plus désagréables que celles jusqu’alors nécessaires à prouver seulement violence, contrainte, menace ou surprise.
Les propos étonnants du garde des Sceaux
À la tribune du Sénat le garde des Sceaux, Gérald Darmanin a précisé : « Ce n’est pas un nouveau texte technique et juridique mais avant tout un texte de civilisation et d’humanité, surtout un texte d’espoir[1] ». Une telle déclaration est surprenante de la part d’un garde des Sceaux s’agissant d’un texte aux effets juridiques directs modifiant le Code pénal, lequel prévoit de très lourdes peines en cas de viol. Mais aussi très étonnante venant de Monsieur Darmanin : si la loi qu’il promeut aujourd’hui avait été en vigueur en 2018, il n’aurait peut-être pas bénéficié d’un non-lieu dans sa propre affaire de viol allégué. En effet, le non-lieu qui l’a libéré du collimateur de la Justice a été rédigé ainsi par le juge d’instruction : « Le défaut de consentement ne suffit pas à caractériser le viol. Encore faut-il que le mis en cause ait eu conscience d’imposer un acte sexuel par violence, menace, contrainte ou surprise[2] »
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On le voit, loin d’améliorer la répression du crime de viol, la nouvelle loi permettra de poursuivre pénalement des rapports sexuels ordinaires au nom du ressenti ou du quiproquo, et ce pendant vingt ans après les faits. Loi d’infantilisation et d’encadrement du pouvoir de séduction des femmes, elle va augmenter la défiance mutuelle entre les sexes, les poussant à un renoncement à la sexualité. Loi de culpabilisation du désir sexuel, elle va augmenter la frustration et les risques de violence et de dépression. L’onanisme, la pornographie, la réalité virtuelle et les services sexuels précis et tarifés ont donc de beaux jours devant eux !
Le Conseil constitutionnel devra examiner et on l’espère abolir cette disposition intrusive comme attentatoire au respect de la vie privée, à l’intimité de la vie privée, à la présomption d’innocence et au principe qu’il n’y a point de crime sans intention de le commettre.
[1] Déclaration reproduite dans l’article de Simon Barbarit, site de Public Sénat, publication du 19 juin 2025 : https://www.publicsenat.fr/actualites/parlementaire/viol-le-senat-adopte-a-lunanimite-la-notion-de-non-consentement-dans-le-code-penal
[2] La motivation de ce non-lieu figure dans Le Monde en date du 31 août 2018 « Plainte pour viol contre Darmanin : un juge ordonne un non-lieu » : https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2018/08/31/plainte-pour-viol-contre-darmanin-un-juge-ordonne-un-non-lieu_5348663_1653578.html
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