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Violence française

Y a comme un malaise


Violence française
Le ministre de la Justice vient soutenir le député LREM Romain Grau devant sa permanence après son agression survenue cinq jours plus tôt, Perpignan, 27 janvier 2022 © Valentine CHAPUIS / AFP

Violence de certains anti-passes contre un député à Perpignan, Castex bousculé à Échirolles, haine de Mélenchon face à un policier: faut-il y voir un malaise dans la civilisation française ?


Trois des manifestants qui s’en étaient pris violemment au député LREM Romain Grau, dans le cadre d’une manifestation anti-passe, viennent d’être condamnés à 12,15 et 18 mois de prison, avec maintien en détention pour deux d’entre eux. Une réaction rapide et assez ferme de la justice. On peut y voir une prise de conscience de la menace que fait peser sur nos institutions une dérive de plus en plus fréquente de la manifestation vers l’agression.

Il faut dire que cet épisode, filmé, fut exemplaire. On y voit la haine, la violence, la rage absurde, monstrueuse, capable de lyncher au moindre dérapage. On voit agir les mêmes types humains qui, sur les réseaux sociaux, déversent leur fiel, leur aigreur, leur agressivité en lapidations verbales.

La foule n’est pas le peuple

On reconnaît le monstre hideux de la foule en meute, qui s’est trouvé un agneau à saisir. Les agressifs se glissent devant, les lâches accompagnent, crient de loin et attendent le premier sang. J’ai vu là une foule que d’aucuns appellent « le peuple », et dont ils légitiment par avance la bêtise et la violence, quand ils saluent, par idéologie ou par calcul électoral, la « juste lutte ». 

Ne nous étonnons pas de cette montée de la violence. Nous la voyons à l’œuvre quotidiennement. Dans les réseaux sociaux, temple de la lâcheté et de l’anonymat, c’est évident. Dernière victime en date, Ophélie Meunier en sait quelque chose, elle qui est coupable d’avoir présenté l’émission de M6 sur Roubaix et l’islam, et qui est désormais placée sous protection policière.

Mais il est aussi des agressions publiques d’une férocité qui laisse pantois, comme lors du « face à Baba » de Jean-Luc Mélenchon. Qu’il agresse Eric Zemmour, c’était trop violent mais c’était attendu, presqu’habituel. En revanche, la haine qui le défigurait et l’agressivité de ses propos contre un représentant des forces de l’ordre, qui sut rester digne, ne manquent pas d’inquiéter.

Castex chahuté à Échirolles

Enfin, quand le Premier ministre se déplace un peu trop librement comme à Echirolles samedi dernier, il y a encore de vrais risques d’agression. Nous sommes un pays où la violence a souvent été saluée, voire légitimée, pourvu qu’elle s’affuble du costume fantasmé du « sans-culotte ». Quand chaque samedi Paris était saccagé, si l’on avait laissé la foule se rendre à l’Élysée, comme les y appelaient certains de ses leaders, il est évident qu’il y aurait eu du sang.

Ces foules, « comprises » à l’époque par toute une partie du pays, ce n’est que grâce à l’existence des forces de l’ordre qu’elles ne se sont pas transformées en hordes barbares et meurtrières. Forces de l’ordre qu’une certaine France a depuis toujours tradition de vilipender et de conspuer. La foule n’a besoin que de quelques leaders violents et organisés pour se déciviliser. On en a vu quelques images fortes lorsque l’Arc de triomphe fut saccagé.

Les partis, piliers de notre démocratie, comme les associations, chaque fois qu’ils soutiennent, ou « comprennent », les mobilisations violentes, ou qu’ils les encouragent par la parole comme par les slogans, creusent leur propre tombe et celle de notre République.

Responsabilités de la gauche

Il semble d’ailleurs que l’entrée d’Eric Zemmour dans la bataille électorale ait exacerbé cette tendance traditionnelle de la gauche à essayer de manipuler le peuple pour servir ses stratégies. Anne Hidalgo, dès le mois d’octobre, appelait ainsi à des manifestations : « Monsieur Zemmour assène des contre-vérités, des messages de haine, des messages racistes, des messages antisémites… Personne ne va dans la rue pour manifester alors qu’il vous explique que le général de Gaulle et Pétain, c’est la même chose… Et il n’y a pas une manif dans les rues de nos villes, vous croyez que ça, c’est un pays qui va bien ? » 

Martine Aubry vient de lui emboiter le pas, elle appelle à manifester contre la venue du candidat à Lille, en des termes extrêmement violents : « Pendant que les Français souffrent, lui s’empiffre sur leur colère… Tout ce qu’il est, tout ce dont il se réclame, sape les fondamentaux de la République fraternelle que nous défendons… Soyons nombreux aux côtés de SOS Racisme pour dire non au racisme et à l’extrême droite« . N’est-ce pas là essayer de réveiller l’agressivité du « peuple » quand on évoque une telle menace contre la République ?

Il va y avoir un vrai problème démocratique si les élections se jouent dans la rue, comme une certaine gauche paniquée semble le souhaiter. Les dirigeants politiques, associatifs ou syndicaux, ont une très grande responsabilité. Ils doivent servir « le peuple », ils ne doivent pas s’en servir. Freud concluait un de ses ouvrages philosophiques les plus visionnaires (Malaise dans la civilisation) par ces mots : « La question du sort de l’espèce humaine me semble se poser ainsi : le progrès de la civilisation saura-t-il, et dans quelle mesure, dominer les perturbations apportées à la vie en commun par les pulsions humaines d’agression et d’auto-destruction ? À ce point de vue l’époque actuelle mérite peut-être une attention toute particulière »…

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