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USA : la mascarade du 6 janvier

Les apparences sont parfois trompeuses.


USA : la mascarade du 6 janvier
Manifestations du 6 janvier, majoritairement pacifique. UPI/Newscom/SIPA SIPAUSA31584300_000020

L’attaque du Capitole de 2020 est instrumentalisée par les Démocrates dans une tentative de décrédibiliser définitivement Donald Trump et ses soutiens dans le Parti républicain. Les actions du Comité du 6 janvier laissent trop de questions sans réponse, au risque de saper les fondements de la démocratie américaine. Analyse d’Alain Destexhe, sénateur honoraire belge.


On serait tenté d’appliquer à la manifestation du 6 janvier 2020, la maxime : « l’histoire se répète deux fois, la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce ».

Le 6 janvier 2020, Donald Trump appelle ses partisans à manifester à Washington pour s’opposer à ce qu’il appelle, non sans raison, une élection volée, qui se joue à 43 000 voix de différence dans trois États. Une partie des manifestants se rendent au Capitole et l’envahissent.

Pour les Démocrates, il s’agit d’une insurrection, d’un coup d’État afin de prendre le pouvoir, un assaut à ranger dans la même catégorie que Pearl Harbour ou l’attaque terroriste contre les tours de World Trade Center ! On lit dans toute la presse américaine, parfois encore aujourd’hui, que les manifestants seraient responsables de cinq morts, dont un policier tué à l’aide d’un extincteur. En réalité, le 6 janvier, la seule victime directe est Ashli Babbitt, une partisane de Trump, vétéran de l’armée américaine, tuée à bout portant et sans sommation par un officier de police qui ne sera même pas inculpé. Trois autres supporters de Trump décèdent suite à des problèmes de santé et l’officier de police, Brian Sicknick, meurt d’une crise cardiaque après être repassé au commissariat de police, sans lien avec l’émeute. L’histoire de l’extincteur, reprise partout n’a donc aucun fondement, mais est bien utile pour accréditer l’idée d’une manifestation sanglante.

La farce dans l’histoire, c’est le Comité du 6 janvier. En vue des élections des midterms de l’année suivante, la Chambre des représentants, à majorité Démocrates, décida en juin 2021, un an et demi après les faits, la création d’une commission d’enquête. Chose inimaginable dans n’importe quelle démocratie digne de ce nom, la présidente Nancy Pelosi refusa les députés choisis par l’opposition républicaine pour faire partie de cette commission et nomma d’autorité deux Républicains connus pour leur hostilité à Donald Trump : Liz Cheney et Adam Kinzinger. Le Comité va donc fonctionner pendant un an et demi dans la surenchère contre Trump, en instruisant uniquement à charge et sans aucune contradiction en son sein ! Aucun témoin ne sera appelé pour la défense de Donald Trump, aucun document ou personne susceptible de mettre en cause le récit démocrate – une tentative de prise du pouvoir par la force instiguée par le président en personne – ne sera présenté devant nos Fouquier-Tinville américains.

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Pour toucher le public, un professionnel de la télévision sera appelé en renfort pour scénariser les travaux et les concevoir comme une série de Netflix. Images montées et présentées de façon sélective, interventions courtes des députés pour capter l’attention, diffusion sélective des témoins, dramatisation, le show est permanent.  Cependant, aucune des règles classiques des commissions d’enquête parlementaires ou du fonctionnement de la justice (qui requièrent  des auditions longues et souvent peu passionnantes pour faire émerger la vérité, l’examen contradictoire des faits, l’instruction à charge et à décharge) ne sera respectée.

Plusieurs questions fondamentales pour la compréhension des faits seront passées sous silence. Pourquoi, alors que la manifestation était à haut risque et que certains groupes étaient infiltrés par le FBI, la police du Capitole, qui est sous le contrôle de… Nancy Pelosi, n’a-t-elle pas été renforcée et pourquoi a-t-elle, en plusieurs endroits, laissé entrer les manifestants sans tenter de les repousser ? Pourquoi un certain Ray Epps filmé en train d’inciter les manifestants à envahir le Capitole n’est-il ni poursuivi ni en prison, alors que des centaines d’autres (955 inculpés en tout) qui n’ont fait que déambuler à travers le bâtiment sans rien casser ni faire usage de violence croupissent toujours en prison? Pourquoi l’ensemble des images filmées ce jour-là ne sont-elles pas rendues publiques ? Autant de questions qui ne seront pas abordées par le comité. Autant d’éléments dont le public américain n’a, en général, pas connaissance. Autant d’éléments qui, non sans quelque raison, alimentent la thèse d’une instrumentalisation par les Démocrates d’une manifestation sans doute spectaculaire mais sans conséquence politique.

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Sur la base du 6 janvier, l’administration Biden et les Démocrates ont élaboré une théorie fantaisiste, non corroborée par des faits précis, celle d’une menace insurrectionnelle permanente au nom du suprémacisme blanc : une expression qui n’est jamais définie, dont on ne voit pas le lien avec le 6 janvier, une reductio ad hitlerum permettant de couper court à tout débat. Au passage, des millions d’Américains sont transformés en ennemis de la démocratie, en terroristes ou en semi-fascistes selon le président Biden. Les électeurs de Trump, amalgamés à ce suprémacisme blanc, ne seraient donc plus des opposants légitimes, mais des ennemis qu’il faut combattre et abattre.

Les débordements de la manifestation du 6 janvier devaient, évidemment, nul ne le conteste, être réprimés selon le droit américain. Elle doit cependant être ramenée à sa juste proportion, surtout en comparaison avec les violences commises par des Black Lives Matter. Les images montrent aussi une majorité de manifestants déambulant tranquillement sans toucher à rien : aucune statue du « temple de la démocratie » n’a été détériorée.

Drôle de coup d’État d’ailleurs où aucun manifestant n’était armé ! Personne ne peut expliquer comment une bande de guignols (on se souvient de l’homme habillé en peau de bête avec des cornes), certains violents, et une majorité de marcheurs pacifiques auraient pu prendre le pouvoir. Certains, toujours à la recherche de comparaisons historiques plus ou moins boiteuses, n’ont pas hésité à comparer le coup d’État du 6 janvier avec l’incendie du Reichstag en 1933 ! Si cette comparaison a quelque pertinence, ce serait plutôt Biden et les Démocrates qui auraient utilisé ce coup d’éclat sans conséquence politique pour réprimer leurs opposants et miner la démocratie américaine. Les apparences sont parfois trompeuses.



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