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A bas le racisme, les hommes et les flics: pas de sélection des revendications à l’université Paris III

L'internationale du gloubi-boulga a de l'avenir


A bas le racisme, les hommes et les flics: pas de sélection des revendications à l’université Paris III
Richesse des slogans et des revendications à la faculté Paul Valéry de Montpellier. SIPA. 00850968_000030

J’étais à l’Assemblée générale (AG) qui s’est tenue à Paris III, lundi 23 avril au matin. C’est une fac « littéraire » puisqu’on y enseigne la littérature, le théâtre, la communication, les sciences du langage. Les discours qui s’y sont tenus sont assez impressionnants par la diversité de leurs revendications : il y est question de soutenir la grève des cheminots, de s’opposer à la loi Vidal, au racisme et au sexisme qui, selon les dires de certains orateurs, caractérisent le texte de la loi (ce qui est un mensonge absolu, le texte est accessible en ligne), d’organiser les ateliers non-mixtes sans hommes, destinés aux seules féministes, de protester contre les frappes aériennes en Syrie, d’envoyer au diable les riches, de changer de fond en comble le système d’éducation, évidemment sexiste, raciste et sélectif, de combattre les violences policières et beaucoup d’autres clichés propres aux discours revendicatifs de gauche. La seule chose que je n’aie pas entendue c’est l’appel à soutenir la cause palestinienne, le dénominateur commun de toutes les convergences de luttes de nos temps. Mais c’est peut-être, parce que les camarades de Tolbiac s’en sont déjà chargés en saccageant le local de l’Union des étudiants juifs de France.

Beaucoup d’étudiants n’en sont pas

Si on laisse tout ce fatras militant en essayant de comprendre ce que veulent vraiment les étudiants, on est très embêté, car on s’aperçoit que ce « mouvement estudiantin », qui rassemble en fait fort peu d’étudiants, fonctionne comme une névrose hystérique. Ainsi, les bloqueurs et les agitateurs des assemblées générales veulent-ils tout et son contraire. Ils veulent les universités ouvertes à tous, sous prétexte que l’éducation supérieure doit être à la portée de tous, sans la moindre sélection à l’entrée. Car la sélection semblerait être « un truc » d’élites, à croire que ces dernières sont une plaie sur le corps populaire. En même temps, ces mêmes « étudiants » veulent que l’université concurrence les grandes écoles et préparent les élites, mission qu’elle ne remplit plus depuis très longtemps, en tout cas dans les sciences humaines.

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Ce n’est un secret pour personne mais le fait est que la plupart des étudiants en facs de lettres choisissent cette filière par défaut, car ils disent ne pas avoir été pris ailleurs. Parce que leurs résultats n’étaient pas satisfaisants ou parce qu’ailleurs il faut bosser. Il faut bien obtenir un diplôme universitaire, chose plus facile à décrocher en lettres qu’en physique ou en mathématiques. Sur mes 30 étudiants de première année de lettres, 25 m’ont dit être là par défaut. Situation absurde si l’on pense à la mission de l’université : produire des savoirs nouveaux, transmettre les savoirs établis, apprendre à réfléchir et à ouvrir l’esprit, créer de la pensée scientifique rigoureuse. Que peut-on apprendre à ceux qui ne sont pas là pour apprendre ? A Censier, l’entrée de la fac est bloquée, mais on joue de la guitare, on fait à manger aux copains, on se prélasse sur le parvis, on organise les ateliers non-mixtes : pour l’instant, cela concerne les sexes, puisque seules les femmes sont invitées. A quand les ateliers non-mixtes pour les gays, les goys ou les trans ?

L’internationale du gloubi-boulga

Un lycéen qui se présente comme banlieusard annonce à l’assemblée qu’avec « sa gueule », on ne le prendrait nulle part, car le système est raciste. Tous les présents applaudissent. Qu’on m’explique de quel racisme il s’agit puisque en master j’enseigne à 35 étudiants algériens, 4 chinois, 1 paraguayenne, 1 suisse et 4 français. Est-ce cela le racisme ? Je ne sais pas si ces apprentis idéologues se rendent compte qu’en appelant à créer les ateliers non-mixtes ils pratiquent le racisme qu’ils dénoncent en théorie.

Pour le reste, tout est confus et mélangé, les appels à se joindre à la lutte des cheminots se confondent avec le boycott de l’administration, la résistance au « système pourri », la politique internationale de Macron, la lutte contre le Front national, la police, l’ordre établi, la révolution : cela sent fort la nostalgie de mai 68, à ceci près que cette position de rebelle sans aucun devoir mais jouissant de tous les droits est encensée par le discours ambiant. Ces « rebelles » au parfum prolétariens oublient que le rôle de l’université n’est pas de fabriquer des militants mais des intellectuels capables de se rendre compte de la complexité du monde.

L’enseignement supérieur n’est ni obligatoire ni destiné à tout le monde. Celui qui choisit d’aller à la fac après son baccalauréat doit avoir un niveau minimal pour pouvoir suivre les enseignements proposés. Tous n’en sont pas capables, les très nombreux abandons de la fac au fil de la première année l’attestent mieux que n’importe quel discours démagogique.

A bas la sélection… par le bas

Les nécessités de l’enseignement n’exigent pas de baisser le niveau pour que tous, sans exception, puissent suivre : cela démotive les meilleurs sans pour autant profiter aux mauvais. L’enseignement consiste à apprendre aux gens à se confronter aux problèmes complexes et pour faire cela, nous ne devons pas avoir à reprendre en première année les bases censées être acquises en 5ème. Dans ma discipline, je fais régulièrement faire aux étudiants de linguistique de première année les exercices de 5ème en syntaxe… et cela pose des problèmes à un certain nombre d’entre eux. Or, il est impossible de faire de réels progrès et de comprendre le fonctionnement du langage en première année avec un niveau de collégien.

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Le nivellement par le bas chasse les bons élèves qui s’ennuient et finissent souvent par quitter la faculté. Cette situation est aussi la conséquence de la crise de l’enseignement secondaire. La volonté, depuis les années 1980, de multiplier par trois le nombre de bacheliers a été réalisée non pas par une amélioration pédagogique, mais par une redéfinition du bac et un affaiblissement des contenus pédagogiques au lycée. Au lieu d’échelonner les difficultés dans le temps, cette politique ne fait que reporter à plus tard les difficultés et la sélection. On a remplacé une pente modérée par une pente faible suivie d’une falaise.

Résultat : erreurs d’orientation et inégalités vont croissant puisque les élèves n’accèdent plus à l’essence des matières enseignées et n’ont plus les éléments pour faire des choix éclairés. Et ce n’est pas en bloquant les facs que ce problème sera réglé.



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Maître de conférences en linguistique française à Paris III-Sorbonne Nouvelle.

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