Notre chroniqueuse salue un héraut des temps modernes…
| M. Le Floch-Prigent avait régulièrement abordé les problématiques liées à l’industrie dans les colonnes de Causeur. On peut retrouver ses textes et interventions ici • NDLR |
Loïk Le Floch-Prigent nous a quittés. C’était un très grand chef d’entreprise, un passionné d’industrie, un personnage. Il a tout risqué et il a payé. Son courage, jusqu’à son dernier souffle, est exemplaire : « Ce sont les derniers instants d’une vie qui scellent un destin. » (Chateaubriand). Son intelligence et son jugement transcendaient les partis politiques. Il a conseillé aussi bien François Mitterrand que Jacques Chirac, et son pouvoir de conviction, y compris avec les salariés et les syndicats, n’avait pas de limites.
Né à Brest le 21 septembre 1943, Loïk Le Floch-Prigent était ingénieur diplômé de l’Institut polytechnique de Grenoble. Passionné par l’industrie, il s’illustre d’abord dans le service public avant de diriger plusieurs grands groupes français.
Il a été président de Rhône-Poulenc, PDG d’Elf Aquitaine, puis président de Gaz de France et de la SNCF, où il a défendu avec force la modernisation industrielle et énergétique du pays.
Homme de caractère, il affronte avec dignité les épreuves judiciaires liées à l’affaire Elf, assumant seul ses responsabilités.
Devenu ensuite consultant international, notamment en Afrique, il n’a jamais cessé de défendre la place de l’industrie dans l’économie française. Auteur engagé, conférencier respecté, vice-président d’ETHIC, il laisse l’image d’un homme brillant, fidèle à ses convictions, passionné et visionnaire.
Avant qu’il rejoigne le Mouvement ETHIC, je lui avais demandé : « Mais pourquoi avez-vous fait de la prison ? » Il m’a répondu : « Parce que j’ai donné de l’argent partout et à tout le monde. » Ce que j’ai appris ensuite, c’est que, contrairement aux patrons qui laissent punir les intermédiaires à leurs ordres, Loïk Le Floch-Prigent a fait de la prison parce qu’il a toujours refusé de donner un seul nom, dans quelque pays que ce soit. Il a ajouté : « Je suis le chef, c’est moi qui suis responsable et qui dois payer. » Être éthique, c’est ça. L’éthique est dans le juste comportement d’un homme face à sa conscience, quelles que soient les circonstances. Ce fut le cas. Le Conseil d’administration d’ETHIC l’avait accepté en son sein justement pour ses qualités morales. C’est de tempéraments comme cela dont nous avons besoin, dans le monde de l’entreprise et dans le monde politique.
Certaines de ses décisions ont été contestables : il en a assumé très largement les conséquences. Il a tout rattrapé par son dévouement au développement économique du pays. Nous sommes fiers qu’il se soit impliqué, y compris en tant que président de la branche industrie à ETHIC avec l’engagement et la sagesse de ses conseils. Revenir sur son parcours professionnel brillant n’est pas nécessaire face à la qualité de l’homme, qui dépassait tout. Jusqu’au bout, il nous a fait honneur. Je dirais comme Aragon : «Que, malgré tout, cette vie fut belle.»
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