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Un été avec… Daniel Ceccaldi


Un été avec… Daniel Ceccaldi
Daniel Ceccaldi dans "L'hotel de la plage" de Michel Lang (1977) D.R.

« Je viens de faire 600 bornes alors si vous me lâchiez un peu »


Député UDR madré à la sous-classe préfectorale, flic de bureau en cravate bruni sous le maroquin, joli cœur fatigué et cocu magnifique, noblesse de robe ou cadre commercial dans la publicité naissante ; peu importe le rôle, le métier ou les époques ; à la télé, au théâtre ou au cinéma ; Daniel Ceccaldi a imposé son standing dans les comédies populaires des années 1970. Celui d’un aplomb sournois et puissamment comique qui élève le second degré au rang de beaux-arts. Vous le mettiez sur le perchoir, il faisait illusion dans la seconde. Mon vote lui était acquis ! Il aurait emporté toutes les majorités relatives avec sa façon d’emberlificoter la phrase et de brouiller les pistes. Il s’épanouissait dans les zones grises et les palabres sans fin.

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Contre le ridicule des élites autoconsacrées

C’était un phraseur hors-concours, un embrouilleur hors-classe, un poseur splendide de certitudes, une parodie de technocrate gluant de suffisance avec ce qu’il y a de dérision, dans l’œil, pour sauver ses personnages de l’échafaud. Tant qu’il a été en vie, j’ai cru aux vertus de la technostructure et de l’expansion économique, d’une Europe bienveillante et du bipartisme équitable, des gentilhommières et des garçonnières, des vacances au Club et des points retraite. Depuis, je doute. Ceccaldi avait le sang-froid pour incarner le ridicule des élites auto-consacrées. Et puis, sous une intonation un peu plus appuyée et débonnaire, le public comprenait que nous étions au royaume de la blague. Du non-sens. De la farce boulevardière avec des accents « british », un genre inventé par Paul Meurisse, puis popularisé par Jacques François et Jean-Pierre Darras. Un genre très casse-gueule, à la lisière du pathétique et de la posture trop accentuée, laissant toujours filtrer cependant une nostalgie embuée. Comme si, en sous-texte, derrière le fracas des mots balancés avec assurance, il y avait une fêlure qui ne geint pas. Tout ça, était amené, sans gravité, sans larmes, avec une forme d’élégance et de dignité qui émeut. Même dans la poilade, une certaine tristesse transparaît chez les héros Ceccaldiens. Un monde disparu où des secrets jaunis et une attitude faussement hautaine permettaient d’avancer masqués. Le monde Ceccaldien était celui de l’anti-transparence, de la pudeur sous une couche de gloriole. La définition en somme d’un honnête homme, d’un acteur qui accepte de faire rire et ne déballe pas sa quincaille sentimentale au premier venu.

À l’aise dans tous les registres

L’humour est une chose trop sérieuse pour la confier aux saltimbanques pouêt-pouêt. Je comprends pourquoi les réalisateurs Pascal Thomas et Philippe de Broca, chantres d’un provincialisme de porcelaine l’ont si souvent engagé. Avec lui, le bon père de famille sautilleur, le notable hâbleur, un tantinet dragueur et prétentieux, ce fonctionnaire si scrupuleux et obséquieux tanguait, vacillait, puis virait dans la franche rigolade. On ne retrouvera plus cette race d’acteurs, à l’aise dans tous les registres, capables de danser le tango des zozos, de présenter une émission-jeu sur Antenne 2, de participer aux « Grosses Têtes » de Bouvard, d’enchaîner une dramatique après le tournage d’un film d’auteur, d’être un barbon du répertoire, un avocat véreux ou un ministre inquiet, de passer du tandem Barillet-Gredy à une superproduction d’Alain Delon.

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Quand j’entends son nom, ma vielle aux souvenirs se met en branle. Je revois Marie-José Nat, Sophie Desmarets, Pierre Mondy, Jean Poiret ou Robert Manuel, les représentations d’ « Au théâtre ce soir » dans mon douillet Berry et le coupé Peugeot 504 de mon grand-oncle garé devant le chai. À la direction d’une banque ou d’une administration, Daniel Ceccaldi se coulait dans la peau des autorités quand celles-ci avaient encore un peu de prestance. Mais, c’est en estivant indisposé, trop entreprenant et rouleur de mécanique que je pense à lui en cette fin juillet.

Dans « L’Hôtel de la plage » de Michel Lang en 1978, sur une partition déchirante de Mort Shuman, il déployait son charme ébréché. Cette année-là, les vacances commençaient mal. En arrivant dans son habituelle pension bretonne, il avait accroché le bateau qu’il tirait avec son Alfa-Romeo Duetto Coda Tronca blanche. Et son petit neveu le narguait…


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Journaliste et écrivain. A paraître : "Et maintenant, voici venir un long hiver...", Éditions Héliopoles, 2022

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