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Suède: vous ne viendrez plus chez nous par hasard

« No way, you will not make Sweden home! »


Suède: vous ne viendrez plus chez nous par hasard
Affiche de campagne de Jimmie Åkesson, du parti nationaliste des Démocrates de Suède, sur un bus, à Göteborg, en août 2022. "Göteborg doit être sécurisée". Le parti a depuis remporté les élections législatives. © Jeppe Gustafsson/Shutterstock/SIPA

À Stockholm, Henrik Vinge, leader des Démocrates de Suède au parlement, entend lancer une campagne internationale invitant les migrants à rester chez eux. Analyse.


Il y a quatre mois, la droite remportait les élections législatives en Suède, avec le soutien des Démocrates de Suède, une sorte de Rassemblement national nordique. Le parti, qui avait obtenu 20% des suffrages, n’est pour l’instant pas représenté dans le gouvernement mais son soutien est nécessaire pour que tienne la coalition conservatrice.

Message anti-immigrationniste diffusé par le gouvernement australien D.R.

L’exemple australien

Au moment même où le pays d’Ikea vient de récupérer la présidence tournante de l’Union Européenne, la formation droitière semble peser de tout son poids sur la ligne du gouvernement puisque Maria Malmer Stenergard, la ministre de la Migration et Henrik Vinge, leader des Démocrates de Suède au Parlement, viennent d’annoncer le lancement de campagnes de sensibilisation visant à décourager les migrants de s’installer dans le pays.

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Ces campagnes de sensibilisation seront adressées notamment aux ambassades étrangères en Suède. Elles pourraient ressembler aux campagnes lancées par l’Australie, qui avaient fait un peu de bruit au milieu des années 2010. Sous l’impulsion du premier ministre Tony Abbott, le pays avait très largement diffusé le message (en Iran, en Afghanistan, au Sri Lanka et au Vietnam notamment) selon lequel les garde-frontières n’iraient pas repêcher les migrants clandestins.

Le « modèle » australien a été plusieurs fois loué par Marine Le Pen. Eric Zemmour en avait aussi fait cas à l’automne au moment de l’affaire de l’Ocean Viking. Le message très ferme a sans doute contribué à réduire drastiquement le nombre de boat people et de drames humains au large de l’Australie. Cette communication a été accompagnée par une politique de « sous-traitance » de la rétention des demandeurs d’asile dans des îles voisines (Nauru, Papouasie Nouvelle-Guinée), Le Monde précisait au prix de combien d’entraves au droit international cette politique australienne était appliquée et combien elle était inapplicable en Europe… Depuis, et malgré les critiques émises par Amnesty International contre l’Australie, le centre-gauche danois et le Royaume-Uni de Boris Johnson se sont largement inspirés de cette sous-traitance de la rétention, assurée par le Rwanda.

Un pays remodelé par l’immigration depuis 20 ans

Pays presque aussi vaste que la France métropolitaine mais peuplé comme le Portugal, la Suède est devenue au fil des décennies une terre d’asile, très sensible à la question des droits de l’homme. Hongrois, Tchécoslovaques, Chiliens y ont trouvé refuge pendant la guerre froide. Les guerres de Yougoslavie, la déstabilisation du Moyen-Orient ont entraîné d’autres vagues migratoires, plus massives. Désormais, 20% de la population du pays est née à l’étranger, alors que cette proportion s’élève à 11% dans l’ensemble de l’Union Européenne. Limitée à 2% au début des années 2000, la population non-occidentale est passée à 15%.

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Lors de la crise migratoire de 2015, c’est la Suède qui accueillit le flux migratoire le plus massif. Outre les liens traditionnellement forts avec les autres pays nordiques, ce sont désormais des populations venues d’Iran, d’Irak, d’Afghanistan, de Somalie et d’Erythrée qui alimentent les flux migratoires. Cette poussée migratoire a des effets sociologiques non négligeables : quand on s’intéresse au sex ratio du pays, c’est-à-dire la proportion d’hommes et de femmes dans une même population, on s’aperçoit que la Suède comptait en 2016 123 hommes pour 100 femmes (un déséquilibre peut-être pas sans lien avec l’accumulation de faits divers sordides qui ont touché le pays).

À deux doigts d’imiter la gauche danoise

Car malgré la bonne volonté au départ d’une population autochtone réputée pour sa tolérance (pour ne pas dire ses aspirations wokistes) et les largesses de la social-démocratie suédoise, c’est un constat d’échec qui est fait, y compris par le précédent gouvernement de gauche. En avril dernier, le pays a été touché par une quinzaine de jours d’émeutes à la suite de la visite d’un leader politique danois provocateur, Rasmus Paludan. Dans des quartiers populaires, des hommes mais aussi des femmes et des enfants se sont attaqués à tout ce qui pouvait représenter l’autorité de l’État suédois, à coup de jets de pierre contre les policiers et les pompiers et d’incendies de voitures. La première ministre de centre-gauche de l’époque, Magdalena Andersson, dressait un tableau national peu réjouissant, à base de criminalité juvénile, de violences entre gangs mafieux et d’islamisme triomphant. Grande ville du Sud du pays, Malmö a vu se multiplier les actes antisémites, bien souvent commis par de jeunes hommes du Moyen-Orient. Depuis les élections de septembre, la Suède s’attire les foudres des médias occidentaux, alors qu’elle aura cru aussi longtemps que possible (et notamment en 2015) à son idéal d’accueil. En réalité, la droite suédoise n’est jamais que sur le point d’imiter la politique de la gauche danoise, qui a, elle, su rester au pouvoir lors des législatives de 2022, en appliquant la politique migratoire la plus drastique d’Europe de l’Ouest et en reléguant les partis divisés de la droite « populiste » à 10%.




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Professeur démissionnaire de l'Education nationale

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