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Les graffeurs bulgares sont moins soviétiques que les antiracistes français

Captain Sovietica


Les graffeurs bulgares sont moins soviétiques que les antiracistes français
©D.R.

Parler de sculpture est devenu une activité à risque. En France, nombre de braves justiciers rêvent de déboulonner, ici une statue de Colbert, là un buste de Jules Ferry. À l’autre bout du continent, une fresque mémorielle soviétique a créé une brouille étatique entre la Russie et la Bulgarie. Mais la comparaison s’arrête là. Car à l’opposé des décolonialistes qui nous font la morale, les artistes de rue postcommunistes, eux, privilégient la rigolade.

« En phase avec le temps. »

À Sofia, un tagueur non identifié a fait scandale en s’attaquant à l’imposant monument stalinien érigé dans les années 1950 à la gloire des soldats de l’Armée rouge. Plutôt que de pétitionner pour sa destruction, il a badigeonné les fiers libérateurs de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, les transformant en icônes de la culture populaire américaine.

Ainsi Sacha est devenu Superman, Grichka a endossé le costume de Ronald McDonald, tandis qu’Ivan joue le Joker de Batman. Last but not least, en plein milieu de cette escouade de super-héros, on retrouve le Père Noël, qui était interdit de séjour à l’époque de la domination soviétique. Sur le socle, notre graffeur inconnu a inscrit une sentence simple, mais cruelle : « En phase avec le temps. »

Comme de bien entendu, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a immédiatement exigé que l’auteur de cet « acte de vandalisme » soit retrouvé et sévèrement puni. Mais il aurait tort de contester la justesse du propos. Qu’on le veuille ou non, ça fait longtemps que Captain America a ringardisé tous les soldats inconnus de la planète.

Libérons la République populaire de France

Saoulés au patriotisme et à la nostalgie, les Russes refusent de l’admettre. Il vrai qu’avec la chute de l’Empire, la mode du déboulonnage les affecte certainement plus que le reste du monde. En 2007, dans un square de Riga, un des leurs a même perdu la vie dans une vaine tentative de redresser le monument en bronze d’un soldat soviétique que des Estoniens non reconnaissants avaient décidé de jeter à terre. L’histoire n’a pas retenu son nom.

À Sofia, les autorités ont finalement effacé la peinture sacrilège sans autre forme de procès. Preuve, s’il en fallait une, que les temps ont changé et que, depuis bientôt trois décennies, les artistes ou simples citoyens des anciens pays satellites de l’URSS sont libres de se moquer, à tort ou à raison, de qui bon leur plaît. À bon entendeur français, salut !

Décembre 2017 - #52

Article extrait du Magazine Causeur




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Paulina Dalmayer est journaliste et travaille dans l'édition.

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