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Santé publique: on nous empoisonne! Ou pas…


Santé publique: on nous empoisonne! Ou pas…
Manifestation contre Monsanto à Nice, mai 2016. SIPA. 00756679_000001

La grande presse continue à nous informer sur les terrifiants dangers qui nous menacent. Il ne se passe pas de jour sans que l’on entende les noms imprononçables de produits chimiques ou de médicaments. L’objectif étant à chaque fois de déclencher un scandale, d’alimenter les peurs, flatter la pensée magique, et mobiliser les charlatans.

Si vous émettez un avis de bon sens, rationnel voire scientifiquement et rigoureusement fondé, vous êtes bien évidemment l’instrument conscient des lobbys qui ont fermement décidé d’éradiquer l’espèce humaine de la surface de la terre. Puisqu’on vous dit qu’on nous empoisonne !

Le bio et la bête

Il y a le diable incarné en personne morale, la société Monsanto, qu’il vaut mieux appeler « Monsatan », qui véhicule l’image d’un énorme monstre qui à l’aide de ses griffes et tentacules génétiquement modifiées menace l’humanité. Avec ses 27 000 salariés, soit 15 fois moins que les multinationales de l’agroalimentaire ou de la grande distribution, et une capitalisation boursière de cinq fois inférieure à celle des géants du bio, elle est le grand sorcier à accuser.

Tiens, à propos d’agriculture bio, on se garde bien de vous informer de l’utilisation de pesticides « naturels » au dosage incertain, mais on la pare de toutes les vertus. Pourtant, cet été, on a eu droit au scandale des œufs contaminés au Fipronil. Insecticide utilisé pour lutter contre le pou rouge, qui peut infester les élevages, et dont l’utilisation est très encadrée. Deux escrocs ont vu là l’occasion de faire une bonne affaire et l’ont utilisé dans la composition d’un produit miracle qu’ils vendaient aux éleveurs bio. Ce Fipronil, on en a retrouvé des traces dans des lots d’œufs mis sur le marché, et à des doses très inférieures aux seuils prévus par les autorités sanitaires. Bien sûr tous les médias se sont goulûment précipités sur cette nouvelle aubaine. On nous empoisonne ! Ah oui, mais non, les œufs, étaient bio dites donc. Alors on a un peu levé le pied, comme lors du scandale du concombre espagnol, dès lors qu’on s’est aperçu que l’origine du désastre (33 morts et 3000 malades) était une ferme allemande bio. « L’affaire surprend d’autant plus les Allemands, écrit Le Figaro, que les graines germées incriminées venaient d’une exploitation «biologique». Leurs certitudes quant à la qualité supérieure des produits bio sortent ébranlées de ce nouveau scandale alimentaire. »

La poussière des défaillances de l’agriculture biologique étant mise sous le tapis, en cette rentrée il a fallu trouver autre chose. Il y a bien sûr la campagne délirante des anti-vaccins qui ne peut qu’inquiéter face à cette montée des peurs irrationnelles. Et de façon incroyable, sous prétexte d’un débat équilibré, les arguments des scientifiques et des médecins sont mis dans les médias sur le même plan que les élucubrations des amateurs de poudre de perlimpinpin. Avec Isabelle Adjani (au secours !) en étendard, égérie de ceux qui lapident des professeurs de médecine. L’évidence ne joue plus aucun rôle dans le débat. On veut empoisonner nos enfants !

Libé, l’intox

Chic, un nouveau scandale sanitaire : le Levothyrox médicament prescrit pour traiter les troubles de la thyroïde. Sa nouvelle version semble présenter des effets secondaires indésirables, et les mesures ont été immédiatement prises pour remettre sur le marché la version précédente, en attendant d’avoir trouvé la solution. Il n’y a donc pas de scandale sanitaire comme le dit la ministre de la Santé, mais cela n’empêche pas les médias et les réseaux de se précipiter sur une affaire qui rassemble les ingrédients habituels : le gouvernement couvre les labos, les lobbys achètent tout le monde, compassion pour les « victimes », saisissons la justice, multiplions les procès. Et là aussi, on a un étendard people, l’ineffable Annie Duperey dont on sait depuis l’affaire Jacqueline Sauvage sa capacité à proférer des énormités.

Après la santé publique, vite il faut un scandale alimentaire. Ce sera le glyphosate. Un bon client celui-là, il y a un moment qu’il est dans la besace du diable. Il entre en effet dans la composition du Roundup, un herbicide de chez Monsanto. Là c’est sûr, on nous empoisonne ! Un groupuscule racoleur, qui s’autoproclame pompeusement ONG, Générations futures, fait état d’une étude dont on ne connaît pas l’origine, et dont on ignore qui l’a réalisée. Cette étude aurait trouvé (le conditionnel est essentiel) dans des aliments d’origine végétale, des traces infimes de glyphosate, en tout cas en quantité inférieure à tous les seuils de sécurité. Et sans aucune précaution, la plupart des médias se sont jetés sur les calembredaines de Générations futures. Au milieu des insanités, retenons Libération et son titre, chef-d’œuvre de malhonnêteté: « Glyphosate, un herbicide dans nos assiettes ».

La pseudo-étude se fait facilement démolir par des gens sérieux qui savent parfaitement de quoi ils parlent et peuvent justifier. Mais il faut aller le chercher sur les réseaux. J’ai trouvé deux réfutations dont j’invite à la lecture : Actualité Houssenia Writing, solide et aimablement polémique; La théière cosmique, très costaud.

Ça va mieux, mais en fait non

Le Figaro non plus ne rechigne pas devant le commerce de la peur avec un titre qui nous plaque au sol : « près d’un décès sur cinq lié à l’alimentation ». On nous empoisonne ! C’est encore une étude qui le dit. Les multinationales de l’agroalimentaire comment qu’elles sont pas trop méchantes. Mangez bio, vous serez sauvés, même si vous faites la fortune d’autres multinationales, celles-là sont gentilles. Mais il faut lire l’article, parce que, surprise, l’étude est quand même pleine de bonnes nouvelles.

Même si ça commence mal avec un premier paragraphe, chef-d’œuvre d’hypocrisie : «Près d’un décès sur cinq dans le monde serait lié à une mauvaise alimentation, selon une étude, publiée aujourd’hui, qui se félicite de la chute de la mortalité infantile et de l’allongement de l’espérance de vie tout en déplorant l’augmentation des morts dus au terrorisme et aux conflits. »

Parce que l’étude internationale, voilà ce qu’elle dit : « En près d’un demi-siècle, l’espérance de vie mondiale à la naissance pour les deux sexes a augmenté de 14 ans, passant de 58,4 en 1970 à 72,5 ans en 2016, selon ce panorama 2016 de la santé mondiale, paru dans la revue The Lancet. Elle a atteint 69,8 ans en moyenne chez les hommes et 75,3 ans chez les femmes, selon l’étude, qui rassemble les données de 195 pays et territoires. »

Donc ça s’améliore ? Mais c’est chouette ça. Et cela prouve que l’humanité mange mieux, et en tout cas qu’en dehors des zones de conflit la famine a disparu. Grande première dans l’histoire que la disparition de cette malédiction, récurrente depuis la révolution néolithique.

Ah oui mais non, parce que si on continue à mourir, c’est parce qu’on mange du poison. Ah bon ? Mais ce n’est pas ce que dit cette étude: « Sur les 54,7 millions de décès constatés en 2016 dans le monde, 72% sont causés par des maladies non transmissibles, comme les affections cardiovasculaires ou le diabète, souvent liées au mode de vie (alimentation, activité physique, tabac, alcool, etc.). » Effectivement, si on ne bouge pas son derrière, si on fume comme une cheminée, si on picole sévère, clairement on ne met pas toutes les chances de son côté. Et si en plus on se gave, toute la sainte journée d’hamburgers frites, de cola  et de banana split, c’est sûr que ça ne va pas s’améliorer.

Oui, mais tu comprends, décrire le réel, responsabiliser le citoyen, en fait dire la vérité, ce n’est pas vendeur. La peur et les boucs émissaires ça fait vendre du papier. On nous empoisonne !



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