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« Rubi », l’enfant chéri de la jet-society

Un tombeau à Rubirosa


« Rubi », l’enfant chéri de la jet-society
Porfirio Rubirosa. DR.

Rubirosa dit Rubi a-t-il vraiment existé ? Ne serait-ce pas une légende urbaine inventée juste pour vendre du papier glacé, des canassons de concours, des « pool house » et des automobiles de sport ? On lui a prêté tellement d’aventures et de zones d’ombre que sa gueule de métèque se dissipe, peu à peu, dans l’épais brouillard de l’histoire. Pour les rares hédonistes du XXIème qui osent encore jouir sans entraves, Rubirosa né en 1909 est un maître à bander. Le mythe du noceur, baiseur, séducteur, enjôleur et pétroleur a la vie dure. Il en devient presque insaisissable. Car, par quel bout, prendre ce dominicain, tantôt playboy, tantôt diplomate, marié (selon la saison) à des actrices ou à des milliardaires, fréquentant le gotha et les malfrats, montant à cheval et pilotant des bolides de course, tout en ayant l’impression de ne jamais brusquer le destin. Tout coule sur Rubi. Il s’épanouit dans les palaces et les transatlantiques. Ce garçon donne le tournis.

En Ferrari avec Danielle Darrieux

On est, à la fois chez Ian Fleming et OSS, SAS et San-Antonio, au Théâtre français et chez Madame Claude, à la table des princes consorts et au zinc d’un dancing de Pigalle. Aujourd’hui, les garçons veulent devenir d’honnêtes citoyens, éco-responsables, égalitaristes et affreusement ennuyeux. Hier, le genre idéal ressemblait à Rubirosa, rastaquouère et mondain, vénéneux et désarmant. Un type capable de conduire une Ferrari 250, d’épouser Danielle Darrieux, de porter des costards en soie sauvage et de posséder un hôtel particulier rue de Bellechasse, ça impose le respect naturel. Le monde d’avant avait de solides arguments. Il fallait un docteur ès lettres sans œillères pour se lancer dans une telle biographie, aussi touffue que la forêt amazonienne. Cédric Meletta, auteur d’un très remarqué Jean Luchaire   relève le pari osé de rassembler les pièces très éparpillées du puzzle Rubirosa. Son Tombeau pour Rubirosa, un roman  aux éditions Séguier mitraille à tout-va. Avec Meletta, on voyage, on boit sec, on galope dans la pampa, on tringle, on grenouille, on fomente de sales coups, on évite des balles et surtout on danse. Les corps exultent sous le rythme des sons caribéens. Grâce à des recherches poussées, Meletta essaye de mettre un peu d’ordre dans une destinée aussi dissolue. C’était mission quasi-impossible.

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Alors, par touches instantanées, allers-retours dans le temps, l’auteur dessine le portrait d’un jet-setteur né qui a passé son enfance dans les pensionnats chics de France et fait son éducation dans les bras des femmes, de toutes les femmes, des bonnes, des prostituées, des aristos. Des brunes, des blondes. Affirmatif ! Comme le chantait Gainsbourg. Comment ne pas être fasciné par la figure de Rubi ? « Lambron l’académicien, Modiano ou Vargas Llosa les Nobel, aiment Rubirosa. Aiment en parler. Rien de plus logique. Tel un météore, Rubi est de ces personnages de roman chargés d’élégance, de panache, parfumés par le scandale qui vient et l’intrigue qui demeure. Irrésolue » écrit l’historien. Rubi doit sa carrière à son tempérament de feu (sous la ceinture) et à son réseau. Il a gravi l’échelle sociale en épousant la fille de Trujillo, le potentat pas vraiment éclairé de la République Dominicaine.

En dépit des titres offerts par beau-papa, ambassadeur, attaché militaire, Rubi n’est pas un rond-de-cuir. Il exprime mieux son talent en jouant au Polo ou en s’engageant aux 24 Heures du Mans. Ce n’est pas un apollon de sous-préfecture, il chasse dans les hautes sphères. Il côtoie les Kennedy, Gunter Sachs et Aly Khan. Il divorce de Doris Duke, l’une des femmes les plus riches du monde et emballe Zsa Zsa Gabor. Dans ce livre champagne, il y a beaucoup de secrets, de la chambre à coucher aux allées du pouvoir. Les amateurs de name-dropping et de coups tordus seront rassasiés. Cette vie irréelle se termine en juillet 1965 dans le bois de Boulogne. Rubi emplafonne au petit matin son Spyder California dans un arbre, en pleine ligne droite, sans raison apparente. Cet accident mortel non élucidé ne fait que renforcer la légende. Il avait le teint mat, l’œil rieur, le cheveu plaqué et le sourire carnassier. Toutes les femmes tombaient en le voyant. Il s’appelait Rubi et dans cent ans, on parlera encore de lui.

Tombeau pour Rubirosa, Cédric Meletta, Séguier, 2018.

Tombeau pour Rubirosa - Un roman

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Journaliste et écrivain. A paraître : "Et maintenant, voici venir un long hiver...", Éditions Héliopoles, 2022

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