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Giovanni Falcone: vivre, mourir comme lui?

Admirer les héros est facile, leur ressembler l'est moins...


Giovanni Falcone: vivre, mourir comme lui?
Roberto Saviano © Mauro Scrobogna/LaPresse/Shutter/SIPA

Difficile de lire l’hommage de Roberto Saviano sans une pointe de malaise: Giovanni Falcone a donné sa vie pour un idéal. Et nous, que faisons-nous ?


C’est parfaitement absurde, mais en lisant Roberto Saviano faire un magnifique éloge de Giovanni Falcone (Le Parisien week-end) sur lequel il publie un livre (Giovanni Falcone, éd. Gallimard), on ne peut s’empêcher d’éprouver comme une sorte de mauvaise conscience.

On a beau être pleinement heureux dans son existence sous toutes ses facettes, il y a quelque chose, dans l’exceptionnelle et tragique destinée de Giovanni Falcone, qui vous gêne. Comme si on souffrait vraiment de n’avoir jamais été lui.

C’est un homme qui en effet « a mis le courage au cœur de sa vie ».

Je ne voudrais pas qu’on jugeât ma posture comme un romantisme infantile. Même si dans mes billets j’ai déjà écrit sur Giovanni Falcone, la manière dont Roberto Saviano éclaire la personnalité de celui qui fut un magistrat d’exception – créateur avec un collègue du « pool anti-mafia » puis responsable du maxi-procès qui conduisit à la condamnation de centaines de grands chefs et de petites mains de la mafia le 16 décembre 1987 – complète le regard qu’on n’a cessé de porter avec admiration sur cet être irréprochable.

Ce dernier qualificatif est capital, car pour d’autres magistrats italiens assassinés, à la dénonciation des crimes dont ils avaient été victimes s’ajoutait à tort ou à raison le reproche que leur intégrité relative avait pu avoir une incidence sur leur mort.

A lire aussi, Anne Lejoly: La géopolitique du crime organisé à la carte

Avec Giovanni Falcone, rien de tel. Au contraire, un destin tout entier consacré à la lutte contre la criminalité mafieuse avec la certitude qu’aussi protégé qu’il était, un jour il serait frappé par un attentat. Il a eu lieu, avec une organisation délirante pour être sûr de faire disparaître cet ennemi numéro un. En même temps que Giovanni Falcone, son épouse, elle-même magistrat, et trois membres de leur escorte ont été tués.

Comment aussi ne pas être touché par le fait que le couple avait douloureusement consenti au fait de ne pas avoir d’enfant, pour des raisons évidentes ?

Roberto Saviano regrette que Giovanni Falcone ait été considéré comme un saint parce que cela nous aurait « réconfortés dans notre lâcheté » en « nous absolvant de nos responsabilités ». Il connaît bien mieux la réalité italienne que moi, mais il me semble que pour les combats inexpiables contre un ennemi sans morale ni pitié, avoir pour guide, pour stimulant, pour inspirateur, pour modèle une personne comme Giovanni Falcone favorise plus la création et le développement d’un formidable élan que l’envie de se reposer dans une passive admiration.

Aussi, j’espère qu’on me pardonnera de porter en moi, telle une sorte d’idéal, dans mon existence tellement heureuse et active, la certitude que nous devrions tous avoir quelque chose de Giovanni Falcone.

Un exemple de vie, une mort comme l’hommage ignoble rendu à un héros par des êtres abjects auxquels ils faisaient peur.

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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