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Roberto Saviano : de héros anti-mafia à chouchou de la gauche européenne

Il attaque "l'information populiste" au nom de la pensée unique de gauche


Roberto Saviano : de héros anti-mafia à chouchou de la gauche européenne
Roberto Saviano au salon international du livre de Turin, 22/05/2023 Alessandro Vargiu/Mondadori Portfolio/Sipa USA/SIPA sipausa30355811_000078

L’écrivain italien, Roberto Saviano, est mondialement célèbre pour son combat contre la mafia. Pourtant, il est encensé par les médias de gauche en France pour une tout autre raison : il ne cesse de critiquer le gouvernement italien et sa politique migratoire.


En 2006, l’Italie remportait la Coupe du Monde de football. La Squadra Azzura battait la France de Domenech aux tirs au but. La même année, Roberto Saviano mettait un coup de pied dans la fourmilière avec Gomorra. Dans ce roman, le journaliste italien, 27 ans à l’époque, racontait la mainmise du crime organisé sur Naples, sa ville natale. Le titre de l’ouvrage étant une contraction de Gomorrhe – l’une des deux cités bibliques avec Sodome détruites par Dieu en raison des mœurs de ses habitants – et de Camorra, le  nom de la mafia napolitaine. Traduit dans des dizaines de langues et vendu à des millions d’exemplaires, ce livre a propulsé Saviano dans une autre dimension, passant de simple journaliste italien à écrivain mondialement connu. Cependant, le revers de la médaille était prévisible. Depuis dix-sept ans, l’homme est condamné à vivre caché, sous protection policière, car la mafia a juré d’avoir sa peau.

La coqueluche de la gauche

Mais depuis quelques années, Roberto Saviano a décidé de croiser le fer avec un autre adversaire : le gouvernement italien. En effet, si de nombreux articles dans la presse française sont très élogieux à l’égard de l’écrivain, ce n’est pas seulement pour saluer la force d’un homme qui a eu le courage de braver la mafia. Si L’Obs, Le Monde, Libération et tant d’autres, l’abreuvent de compliments à longueur de papiers, c’est surtout parce qu’il est intarissable dès qu’il s’agit de critiquer la droite italienne que représentent, chacun à sa manière, Matteo Salvini et Giorgia Meloni.

Tout a commencé en 2018, année où l’équipe d’Italie n’est même pas parvenue à se qualifier pour la Coupe du Monde. En mars 2018, la coalition de centre-droit remportait les élections législatives italiennes, arrivant en tête avec  37 % des voix devant le Mouvement 5 étoiles (32 %). En juin, Matteo Salvini devient ministre de l’Intérieur et au même moment survient la crise de l’Aquarius. Ce navire, affrété par l’ONG SOS Méditerranée, venait de secourir 630 migrants en mer et souhaitait que l’Italie les accueille. Salvini, dans son rôle, car élu pour cela, refusait catégoriquement de laisser accoster le bateau dans  un port italien. Roberto Saviano est alors sorti de sa cachette, si on peut dire, pour critiquer la politique migratoire du nouveau gouvernement.

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Dans une tribune, publiée par Le Monde, il a dénoncé les « forces de droite xénophobes incapables d’assurer la cohésion sociale ». Ne nous attardons pas sur le procès en xénophobie. Être favorable à une politique de diminution de l’immigration reviendrait à abhorrer les étrangers ? Cette ritournelle de la gauche est bien connue depuis des décennies. En revanche, l’argument de la cohésion sociale est intéressant. Notre écrivain, visiblement soucieux de cette dernière, croit-il qu’elle en sortira renforcée en imposant la présence de centaines de milliers de migrants extra-européens à une majorité d’Italiens qui n’en veut pas ? Nous voyons bien ce que ça provoque en France lorsque l’État impose, de force, contre l’avis de la population, des centres d’accueil pour demandeurs d’asile dans des communes comme Callac ou Bélâbre. La cohésion sociale en ressort-elle renforcée ?

Si les Italiens ont majoritairement voté pour la droite et le Mouvement 5 étoiles aux législatives de 2018, c’est justement parce qu’ils identifient cette immigration comme une menace pour la cohésion sociale. Voilà ce qui inquiète de nombreux Italiens pendant que Saviano dénonce un climat soi-disant « fétide » qui régnerait en Italie sur ces questions. Toujours les mêmes arguments olfactifs : de notre côté des Alpes, c’est le mot « nauséabond » que la gauche affectionne. Pour diaboliser la droite, chacun ses synonymes.

Une logique fallacieuse

Toujours en 2018, c’est au mois d’octobre que Roberto Saviano participait à l’émission « Les Terriens du Samedi » animée par Thierry Ardisson. L’homme en noir a alors rappelé la vie de son invité : son engagement contre la mafia, ses différents livres, mais également ses récentes prises de position contre le gouvernement italien. « Vous vous êtes mis à dos le nouveau Mussolini : Matteo Salvini », voilà comment le célèbre animateur, qui nous a habitué à plus d’intelligence, a résumé le conflit qui oppose l’écrivain au ministre de l’intérieur de son pays. « Dans l’Europe entière on estime que les immigrés sont responsables de tous les problèmes », voilà comment le célèbre écrivain caricature et déforme la position de la majorité des Européens et des différents partis de droite européens sur le sujet migratoire. Le but de ce genre de déclaration est de minimiser l’importance du sujet migratoire en sous-entendant qu’il n’est pas nécessaire de le traiter car il n’est pas responsable de tous nos maux. Il faudrait donc qu’un sujet soit responsable de tous nos maux pour être pris au sérieux politiquement ? À quoi bon lutter contre le trafic de drogue, l’évasion  fiscale ou l’effondrement de la biodiversité ? Après tout, aucun de ces sujets n’est responsable de tous nos maux. Aucun sujet, pris individuellement, ne peut être responsable de tous les problèmes que rencontre une société. Notons bien que ce raisonnement est uniquement utilisé sur le sujet migratoire. Cette réflexion est banalisée dans les grands médias car considérée comme un argument sérieux. Imaginez les cris d’orfraie si quelqu’un disait qu’il n’est pas nécessaire de lutter contre les violences faites aux femmes car elles ne sont pas responsables de tous les maux ?

Résumons. Premièrement, personne n’a jamais dit que les immigrés étaient responsables de tous les problèmes. Deuxièmement, est-ce possible de constater qu’une immigration, numériquement trop importante et culturellement trop différente, alimente et aggrave certains problèmes et que par conséquent nous souhaitons y mettre fin pour améliorer la vie des gens ? C’est une des raisons qui expliquent la victoire de la droite italienne aux législatives de 2018 et 2022, Salvini, puis Meloni, ayant essentiellement fait campagne sur la promesse de réduire drastiquement l’entrée de migrants en Italie.

La nature a horreur du vide

Le 10 février 2023, Roberto Saviano était l’invité de l’émission « Les Matins de France Culture », présentée par Guillaume Erner. Au micro de la station de radio, l’écrivain a déclaré, à propos de Giorgia Meloni : « Lors de sa campagne électorale, elle parlait de l’immigration comme d’un remplacement racial du continent européen ». Oublions le continent européen un instant et concentrons-nous sur l’Italie. Si on s’intéresse à la démographie de la botte, on s’aperçoit que le propos de la Première ministre italienne est tout à fait rationnel.

En effet, l’Italie est plongé dans un hiver démographique depuis bien longtemps, avec une population vieillissante et un taux de natalité insuffisant pour renouveler les générations. En terme s de natalité, avec 1,24 enfant par femme, l’Italie est au dernier rang en Europe avec l’Espagne. L’année dernière, la natalité italienne a atteint son plus bas niveau depuis l’unification du pays au XIXe siècle : 393 000 naissances en 2022 contre 576 000 il y a 15 ans. Luisa Salaris, géographe à l’université de Cagliari en Sardaigne, confie : « Dans le scénario le plus pessimiste, on peut imaginer que tout va aller de mal en pis, avec une population italienne qui pourrait être divisée par        deux dans les 30 prochaines années ». En Europe, les Italiennes sont les mères qui font des enfants  le plus tard dans la vie. Les jeunes, de leur côté, sont de plus en plus nombreux à envisager l’émigration pour vivre et travailler à l’étranger. Dans un pays vieillissant, où l’âge moyen en 2023 est de 46,4 ans, où les écoles perdent près de 120 000 élèves chaque année, la situation est plus qu’alarmante. D’ailleurs, Olivier Tosseri, journaliste et correspondant en Italie pour Les Echos, parlait, en janvier 2016, des Italiens comme « d’un peuple en voie d’extinction ». Est-il raciste ? Non, il s’intéresse à la démographie, contrairement à d’autres qui se contentent de stigmatiser, de diaboliser et de convoquer leur moraline parce que le mot « remplacement » a été prononcé.

D’ailleurs, ce remplacement ethnique de la population italienne, Roberto Saviano le reconnaît de façon implicite. Sur le plateau de Thierry Ardisson, en octobre 2018, n’a t-il pas dit que « l’Italie est  un pays qui est en train de perdre de plus en plus de population, qui est en train de se vider » ? Que sous-entend « se vider », si ce n’est l’idée qu’il faut rapidement combler ce vide ? Comment ? Avec qui ?

Les blessures d’un pays

Du 14 au 16 juillet 2023, l’écrivain était l’invité d’honneur du Festival international de journalisme qui s’est tenu à Couthures-sur-Garonne, un petit village du Lot-et-Garonne. Les invités, journalistes, maîtres de conférence, écrivains, historiens, députés, entrepreneurs, sont venus débattre de nombreux sujets tels que l’intelligence artificielle, l’audiovisuel public, la contestation en Iran ou la santé mentale. En tant que parrain de cette 7e édition du festival, Roberto Saviano a eu l’insigne honneur de suivre Charline Vanhœnacker, la marraine en 2022.

De manière prévisible, il a parlé mafia, politique migratoire de l’UE, arrivée de « l’extrême-droite » au pouvoir en Italie et liberté de la presse. Bien évidemment, lorsqu’une personne de gauche parle « liberté de la presse » c’est pour attaquer CNEWS et les médias de droite (si peu nombreux) en général. Et ça n’a pas manqué. « En France, ce qui m’a surpris, c’est que l’information populiste prend également le dessus et si les choses ne changent pas  la France pourrait bien ressembler de plus en plus à l’Italie ». Il semble ignorer que, en plus d’avoir tout le service public, les progressistes exigent également que la totalité des médias privés partagent leur idéologie. Ils souhaitent que leur pensée, déjà hégémonique dans le monde médiatique, domine partout et tout le temps. Si vous ne faites pas partie de leur famille prenez garde ! Ils ne tolèrent pas la concurrence, un peu comme la mafia que Saviano connaît si bien.

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« Quand on parle de la mafia, on est toujours accusé de dénigrer le pays. Moi, je crois plutôt que celui qui parle des blessures de sa terre aime son pays », a notamment déclaré Saviano au cours de ce Festival. On ne peut que rejoindre l’ancien journaliste sur ce point. Ne peut-on pas penser que la faible démographie de l’Italie, et par corollaire, la disparition progressive d’un peuple, d’une identité,  d’une culture, est une des blessures de ce pays qu’il faut urgemment panser. Mais pas en recourant à l’immigration extra-européenne, selon les préconisations de Saviano et d’autres. Comme l’a déclaré le ministre de l’agriculture italien, Francesco Lollobrigida, en avril : « Nous ne pouvons pas nous résigner à l’idée d’un remplacement ethnique : les Italiens ont moins d’enfants, alors remplaçons-les par d’autres. Ce n’est pas la voie à suivre ». En effet, Meloni est arrivée au pouvoir   en faisant de la famille l’un de ses thèmes majeurs et en promettant de tout mettre en œuvre pour relancer la natalité. C’est un combat difficile à mener, et le ministère dédié aux questions familiales qui a été créé ou les quelques mesures prises pour faciliter la natalité ne seront certainement pas suffisantes pour inverser la tendance. Pour qu’un contexte soit favorable aux familles, et donc à l’arrivée d’enfants, les paramètres économiques et sociaux jouent évidemment un rôle primordial. Mais il y a également toute une révolution culturelle à mener, sur la  sexualité, le couple, le mariage, pour qu’un tel contexte, et donc une telle natalité, puisse advenir. Mais de tout cela, Roberto Saviano ne veut pas parler ; il ne veut même pas qu’on en parle.



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