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Pour l’honneur des cocardes


Pour l’honneur des cocardes
Emmmanuel Macron sur le Charles de Gaulle, près de l'Egypte, 19 décembre 2022. Devant lui, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu. Derrière lui, Thierry Burkhard, chef d'Etat-major © LUDOVIC MARIN-POOL/SIPA

Il flotte sur le monde une odeur de peur, de poudre, d’anschluss, de vieux Paris-Match et Tintin des années 40-60


« Tandis que dans le monde inquiet se multiplient pactes et conférences, tapi au cœur de l’Asie, le mystérieux empire jaune vient d’achever les préparatifs de la plus effroyable et de la plus criminelle des guerres. Aventurier habile et sans scrupules, le colonel Olrik, chef du 13e bureau et conseiller militaire de l’usurpateur Basam-Damdu, empereur du Tibet, procède à une ultime inspection de l’arsenal de Lhassa, sous la conduite du colonel Taksa, responsable de l’organisation technique de l’armée » (Blake et Mortimer). L’incipit du Secret de l’espadon (1946) n’a pas pris une ride.

Crack, Bang, Crack, Crack…

Péril jaune, guerre froide, nucléaire, bactériologique, alliance Moscou-Pékin, tensions en Corée et mer de Corail, menaces terroristes dans les pays de l’or noir, livraison de chars à l’Ukraine… L’Histoire bégaie, nous prend de Koursk. Défenseur autoproclamé de la paix mondiale, Pékin intensifie « la préparation au combat » et augmente son budget de la Défense de 7,2%. Pour Washington, c’est la préfiguration d’une « lutte existentielle ». La Finlande va rejoindre l’Otan et construit un rideau de fer sur sa frontière est, le Japon tourne la page du pacifisme, l’Algérie et la Russie veulent renforcer leur coopération militaire.

Il flotte sur le monde une odeur de peur, de poudre, d’anschluss, de vieux Paris-Match et Tintin des années 40-60. Les fantômes resurgissent. Le Milk-Bar, le choc des mots, des civilisations, des missiles, le poids des photos, orgues de Staline, sections de chocs, kalachnikovs, l’horreur des viols et enlèvements d’enfants. Les Leclerc, Challenger, Abraham sont ressortis des hangars, en révision. Abandonnés au garde à vous dans les boîtes de bouquinistes depuis deux générations, Les Prétoriens, Scorpions du désert, le lieutenant Delcourt, l’art opératif, reprennent du service. « Je ne sais de tout temps quelle injuste puissance ; Laisse le crime en paix et poursuit l’innocence » (Racine).

Les bandes dessinées de notre enfance nous transportaient au Sarrakat, à Bagghar, en Dancalie, Syldavie, Bordurie. Rastapopoulos, Mull Pacha, Müsstler, Olrick et les mystérieuses puissances étrangères, n’avaient qu’à bien se tenir. Bob Morane, Bernard Prince, Docteur Justice triomphaient des malfaisants. Buck Danny, Dan Cooper, Tanguy et Laverdure, Azraf, les chevaliers du ciel, défendaient la liberté, l’Occident, l’escadrille des cigognes et l’honneur des cocardes. En 2023, retour à la case départ avec Hergé, Jacobs, Charlier-Jijé, Hubinon, Weinberg, Pratt et tant d’autres magiciens du 7eme art.

A défaut de ligne claire, dans la Palmade, la France cherche une ligne de conduite. Ne soyons pas crédule sur l’augmentation du budget moyen annuel de la défense (57 milliards d’euros pour les sept prochaines années contre 43,9 en 2023). En 2021, en monnaie constante, ce budget a péniblement retrouvé son niveau de 1981. Le groupe de réflexion Mars déplore des Forces Françaises de l’Inférieur, le sacrifice de « l’efficacité » de l’outil militaire pour une « performance » largement fantasmée, l’absence de livre blanc, une revue nationale stratégique 2022, inadaptée au contexte.

A lire ensuite, Jean-Paul Brighelli: Hergé au pays de l’or noir

Le 1er janvier 2022, à la tête du Conseil de l’Union européenne, l’Elysée s’engageait « à essayer de faire aboutir le concept de la boussole stratégique. » Ne faisons rien, c’est plus prudent… Gentil Organisateur des relations internationales, sans doctrine ni colonne vertébrale, Emmanuel Macron ne veut humilier personne. Comme les Dupond en jeep au milieu du désert, il fonce sur les mirages. Apôtre du doux commerce et de la mondialisation heureuse, il godille dans la mer des sarcasmes, les crimes contre l’humanité et rentes mémorielles. Jupiter au Congo tourne en rond et pour la centième fois la page de la « France-Afrique », multiplie les serments de Kouffar, cherche une autre voie au milieu du gué. « Il n’y aura plus de bases militaires en tant que telles », elles seront « cogérées » avec les pays partenaires. La start-up Légion… Al-Qaida, l’Etat islamique et les pillards Berabers n’en dorment plus. 

« Une armée ne se bat pas pour elle-même »

Le général Thierry Burkhard, chef d’état-major des armées, est, à juste titre, inquiet sur les « forces morales de la nation ». Il y a belle lurette que la bataille des Thermopyles n’est plus au programme.Dieu est mort, la famille, le travail et la morale sont dans le coma, la langue est fasciste, élections piège à cons ! Sachons vaincre ou sachons mourir (de rire ?) grâce au doublement de la réserve, au re engineering du Service National Universel, farce qui l’an dernier, n’a attiré que 4% de la tranche d’âge concernée. Ohé partisans, ouvriers, étudiants, c’est l’alarme…

La mère patrie (étymologiquement le pays des pères), le drapeau, La Marseillaise, La Strasbourgeoise, L’art de la guerre, Le livre des ruses, Les Mémoires de Richelieu font tiquer les héros de la réticence, la fine Flore du progressisme et de l’insoumission. Ignorants de l’Histoire, fossilisés dans le Rousseauisme lacrymal, pacifisme, un droit de l’hommisme de pacotille, aveuglés par l’anti-américanisme, ils sont incapables de penser la violence, la realpolitik, les impérialismes russe et chinois. Aux larmes, citoyens ! Guère plus de clairvoyance à droite ou au Quai d’Orsay. En juin 2018, lors de la crise des réfugiés de l’Aquarius, naïve comme une rosière, Christiane Taubira fustigeait « une scène internationale pleine de fracas, où prospèrent la crânerie, la fourberie, l’ivresse de l’impunité, le désarroi… L’Europe avait une occasion d’exister, de retrouver son magistère éthique… ». Pendant la guerre froide, Bertrand Russell, les Verts allemands dans les années 80, avaient un slogan plein de bon sang : Better red than dead. L’Occident plaide toujours coupable et garde son leadership dans l’aveuglement, l’auto-flagellation et la repentance. Gloria in excelsis Deo et in terra pax hominibus bonae voluntatis.

Le combat pour la Paix est un pari risqué. La Grande illusion précède La Grande évasion. Après les accords de Munich, le pacte germano-soviétique et la débâcle de 1940, les pacifistes se sentirent fort dépourvus lorsque l’Hitler fut venu. La Lambada est terminée. C’est la fin de la fin de l’Histoire. La coexistence n’est plus pacifique, l’Europe ce n’est plus la paix. Si l’homme est un loup pour l’homme, dans leurs maisons en paille écolo ou bois de santal zéro carbone, les bobos, chaperons rouge, rose, vert, trois petits cochons, ont du souci à se faire. Tout est bien qui finit mal. « Una mattina mi sono alzato / O bella ciao, bella ciao, o bella ciao ciao ciao / Una mattina mi sono alzato / Eo ho trovato l’invasore… ».

« La voilà la Blanche Hermine ; Vive la mouette et l’ajonc ; La voilà la Blanche Hermine ; Vive Fougères et Clisson ! ».



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