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Les fruits amers du «Pacte vert européen»

Delenda est Green Deal!


Les fruits amers du «Pacte vert européen»
Des agriculteurs polonais manifestent à Varsovie, 27 février 2024 © SOPA Images/SIPA

Une tribune libre de Thomas Montagne, vigneron


Il est un sujet qui occupe en ce moment le débat public, et nombre de conversations. C’est l’agriculture, qui va mal, et qui le fait savoir. Avec une violence encore contenue, mais qui pourrait exploser car elle provient d’un vrai désespoir, et que les causes en sont mal analysées et donc mal traitées. La situation française est particulière, mais il est important de noter que c’est bien l’ensemble de l’agriculture européenne qui est actuellement agitée de violents soubresauts. Et en effet le coupable est européen. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, ce sont donc toutes les agricultures européennes qui sont attaquées.

Un Buy China Act?

Ce coupable, pour moi, c’est le fameux Pacte Vert Européen, mieux connu sous son nom anglais, le Green Deal.   Sorti en décembre 2019, dans les premières semaines donc de la nouvelle Commission Von Der Leyen, ce texte a pour objectif premier la lutte contre le réchauffement climatique, par le contrôle des émissions européennes de gaz à effet de serre (GES). Mais en réalité ce Pacte, matrice de la quasi-totalité des législations sorties depuis janvier 2020 est basé sur une idéologie perverse et mortifère, sous prétexte de sauver la planète.

Pour comprendre à quel niveau stratosphérique d’incohérence on évolue, il suffit de constater que ce pacte, censé, rappelons-le, lutter avant tout contre les émissions de GES, refusait par principe tout ce qui avait trait à l’énergie nucléaire. Nous n’avons pas affaire à une construction pensée sur un plan technique, propre à répondre de manière ajustée à un problème technique, les émissions de GES, mais bien à un système idéologique menant volontairement à une forte décroissance.

Les fruits amers de cette idéologie arrivent l’un après l’autre à maturité. Par exemple la fin programmée des moteurs thermiques et le développement à marche forcée des véhicules électriques. Ou la folie des énergies « renouvelables » dont la principale caractéristique est d’être intermittentes, avant que renouvelables. Ou la taxonomie, véritable évangile selon Saint Pacte Vert déterminant le Bien et le Mal, qui tolère finalement le nucléaire, mais moins bien que le gaz.   Quand il s’agit d’énumérer les effets collatéraux graves de ces textes, on ne sait où donner de la tête. On citera le fait que nous devenons totalement dépendants de la Chine, pour les panneaux photovoltaïques comme pour une bonne partie des composants des éoliennes ou des moteurs électriques. À un point tel qu’on a pu dire que le Green Deal était devenu un « Buy China Act ». On citera aussi les effets importants des éoliennes sur la faune. On parlera bien sûr du coût gigantesque représenté par toutes ces « transitions environnementales », 1000 milliards d’€ initialement prévus sur 10 ans, on parle maintenant de 1500 milliards.

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Comme il se doit, tous ces textes, toutes ces directives, il faut en contrôler l’exécution ! Avez-vous entendu parler de CSRD ? Non ? « Corporate Sustainable Reporting Directive » encadre précisément la manière dont les entreprises vont devoir prouver qu’elles se conforment bien à la moindre des obligations « vertes » qui vont leur incomber. Ceci est applicable au 1er janvier 2025 sur les données 2024. Nous y sommes donc. Je vous recommande la lecture des propos[1] de François Asselin, président de la CPME.

De la ferme à l’assiette

Mais revenons à l’agriculture. Son texte à elle, sorti de la même matrice, s’appelle la Stratégie de la Ferme à la Table (Farm To Fork Strategy). En bref, d’ici 2030, les obligations seront les suivantes : -20% d’engrais, -50% de produits phytosanitaires, 25% de la superficie agricole en bio (soit un triplement).

Toutes les études montrent des résultats catastrophiques sur la production, pour un gain dérisoire en termes d’émissions de GES. Les baisses de production, notamment en céréales, détruiront notre souveraineté alimentaire, nous rendant non seulement incapables d’exporter, mais aussi dépendants de nos importations ! J’espère que vous aimez la viande synthétique et les farines d’insectes… C’est un désastre qui se profile, soutenu par la Commission, les Verts, la Gauche et les Centristes du Parlement européen.   Tout ceci pour pas grand-chose : non seulement les gains sont minimes, mais rappelons encore que l’UE pèse seulement 7% des émissions mondiales de GES. Et l’agriculture 10,3% des émissions de l’UE. En clair, pour 0,7% de GES en moins, on parle de d’affaiblir notre agriculture, de désorganiser les marchés mondiaux, d’offrir l’arme alimentaire à la Russie, au Brésil et à nos « amis » américains, de créer des émeutes de la faim en Afrique et d’accélérer ainsi les migrations. Un Win-Win Deal, ce Green Deal.

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Alors, que faire ? Si l’on en croit nos politiques (y compris ceux de droite, hélas), ou nos syndicalistes, rien ou pas grand-chose. Tout au plus du côté agricole entend-on demander davantage de temps et davantage d’aides pour effectuer la transition. J’avoue avoir un mal fou à comprendre cette apathie, cette acceptation résignée de la mort de l’Europe. Car c’est bien de cela dont on parle : le green deal tel qu’il est conçu pourrait ruiner notre économie. Croyant échapper à l’ours russe, nous tomberions dans la gueule du dragon chinois ou dans les serres de l’aigle américain. Et je ne fais ici allusion qu’aux conséquences directes. Si nous y rajoutons l’effet des sanctions contre la Russie, dont nous sommes les premiers à souffrir, les effets seront terrifiants.

Je crois que la raison de ce manque de vision n’est autre que la propagande écologiste que nous subissons tous depuis plusieurs dizaines d’années. À force de barboter dans la doxa d’une véritable « escrologie », rarement scientifique mais toujours dans l’émotion, nous ne sommes plus capables de réfléchir sainement. Je donne un exemple sur un autre sujet : avez-vous remarqué ces « libéraux » qui vous expliquent sans sourciller que la baisse d’un prélèvement obligatoire est « un coût fiscal » ? Alors qu’il s’agit d’un gain pour les assujettis. Voilà où mènent 40 ans de socialisme, et c’est pareil avec le bourrage de crâne écologiste.

Pour moi, il faut très clairement, supprimer le Pacte Vert, reprendre à zéro l’ensemble des textes européens qui en découlent et les reconstruire dans une optique foncièrement différente, qui nous permettra d’organiser harmonieusement une Europe moins polluante, et plus écologique dans le bon sens de ce terme : celui qui ne prétend pas détruire l’Homme pour sauver la nature.


[1] https://lejournaldesentreprises.com/article/directive-csrd-personne-ne-voit-la-catastrophe-arriver-alerte-francois-asselin-president-de-la-cpme-2080319




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Monsieur Montagne est vigneron, président des Vignerons Indépendants de France (VIF) de 2014 à 2019, président de la Confédération Européenne des Vignerons ìndépendants (CEVI) de 2011 à 2021.

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