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La France éclatée façon puzzle

Maintenant que la poussière et les cendres sont retombées, notre chroniqueur, fort de son expérience marseillaise, fait le bilan politique de cet épisode sanglant, qui de toute évidence en appelle d’autres. Pour la plus grande joie de ceux qui aujourd’hui envisagent sereinement, pour se refaire la cerise électorale, une fragmentation de la France en communautés indépendantes, régies ou non par la charia ou la loi du Milieu.


Le Point nous apprend que « 59% des électeurs de Mélenchon justifient les violences ». Si « 77 % des sondés considèrent que ces violences sont injustifiables et, parmi eux, la moitié les trouve tout à fait illégitimes. Reste un quart de Français qui les jugent justifiables, dont environ la moitié considère qu’elles le sont totalement. » Essentiellement des jeunes et des sur-diplômés — ces bobos urbains qui votent Mélenchon de la main gauche pendant que la droite est crispée sur leur portefeuille d’actions. Les mêmes qui militent pour une mixité scolaire systématique, mais inscrivent leurs enfants dans des établissements d’élite, publics ou privés : sur Paris, le nombre de recours après l’application de la procédure Affelnet explose, ces jours-ci. Manque de pot pour eux, le rectorat de Paris, c’est main de fer dans gant d’acier.

Émeutiers, manifestants ou « racailles »

C’est au vocabulaire que l’on reconnaît les convictions politiques. « Émeutiers » vous catalogue à l’extrême-droite, « manifestants » atteste de votre pensée de gauche. « Racailles » et « voyous », qu’en la circonstance j’utiliserais volontiers, font de moi un fasciste patenté. On se rappelle ce que Hannah Arendt disait de l’idéologie : c’est ce qui n’a aucun point de contact avec la réalité. En s’efforçant de croire que les pillards qui ont dévalisé quelques milliers de magasins — chaussures, vêtements, téléphonie, ils ont la colère lucide et sélective, ces gamins — étaient juste des indignés, la gauche manifeste encore une fois son extraordinaire capacité de déni de la réalité. Pas toute la gauche cependant. Tatiana Ventôse, qui appartint jadis au Parti de gauche, et dont les analyses teintées de marxisme militant sont d’une acuité remarquable (elle n’a pas hésité à appeler à voter Marine Le Pen en 2022 parce que le peuple était aux côtés du RN, et pas les bourgeois), n’a pas hésité à appeler à une répression féroce contre les « hordes de délinquants ». Je vous engage à écouter jusqu’au bout son analyse, d’une remarquable pertinence.


À Marseille, les émeutiers avaient repéré les poubelles, où les plus jeunes devaient allumer des feux pour créer confusion et chaos, pendant que la tranche 18-25 ans s’attaquait, avec un matériel de précision, à des magasins soigneusement sélectionnés afin d’y faire les soldes après fermeture. Quand on suggère de réprimer sérieusement ces désordres, on est catalogué fasciste. Mais qui se réjouit de ces exactions, et pourquoi ?

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En appelant les émeutiers à respecter les écoles et les édifices culturels — mais pas le reste —, Jean-Luc Mélenchon a encore une fois posé le masque : ce que veut le Lider Maximo de la France insoumise, c’est un climat révolutionnaire qui jetterait la France dans un feu dont il tirerait les marrons. Dans son rêve déjanté, il voit Macron en appeler à l’article 16, prendre les pleins pouvoirs, utiliser l’armée, et être renversé comme un nouveau Louis XVI. Ce panégyriste de Robespierre se doute-t-il de ce que le Comité de salut public aurait fait, en 1793, d’un individu appelant à l’éclatement de la République ? Sait-il à quelle vitesse on aurait envoyé à l’échafaud des factieux considérés comme des traîtres ? Et croit-il que le peuple français, qu’il veut caresser dans le sens de la barbe, oubliera qu’il a un jour appelé au démantèlement de la nation ? Tout cela dans l’espérance qu’au nom de l’intersectionnalité et de la convergence des luttes, les p’tits jeunes voteront un jour prochain pour lui. Il peut toujours rêver, ils sont trop illettrés pour lire son nom sur un bulletin de vote. Tout juste s’ils savent déchiffrer Apple, Adidas et Rolex.

Quand le « labo » de Manu prend feu…

En fait — et Marseille, « laboratoire de la France », comme dit Macron, porte témoignage des réalités à venir —, divers groupes souhaitent une fragmentation du pays, sur le modèle de ce qui se passe déjà en Angleterre, où c’est la charia qui est appliquée, çà et là. Les islamistes d’un côté, les caïds et autres narcos de l’autre. Les uns et les autres ont largement les moyens financiers de soutenir plusieurs jours de violences — et d’offrir ensuite aux émeutiers incarcérés des cortèges d’avocats et d’associations de défense des crapules. Le Milieu a toujours opéré ainsi, poussant certains seconds couteaux à l’action, avec promesse de s’occuper d’eux et de leurs familles si jamais ça tournait mal.

Le message envoyé ici aux forces de l’ordre est clair : ces émeutes sont un avertissement sans frais, la prochaine fois nous armerons les gamins. Aujourd’hui les mortiers, demain les kalachs. Ce sont les caïds, et non l’épuisement des troupes, qui ont sonné la fin de la récré — parce que la violence gâche les affaires, et qu’il est temps de pacifier la ville pour que les camés reviennent faire le plein.

Second message : la jungle péri-urbaine est chez elle, dans nos cités, et si elle le veut, elle peut descendre dans les centres bourgeois des cités pour manger les petits Blancs, comme disait Jean Châtenet en 1970. Ces pillages sont aussi une démonstration de force.

Troisième message : la religion de paix et d’amour entend faire régner son ordre, et peser sur les chefs d’établissements scolaires hostiles aux abayas, voiles et autres incongruités du fanatisme ordinaire.

Quant à l’hypothèse bienveillante selon laquelle les pauvres de la périphérie sont venus s’en prendre aux riches du centre, il faut être singulièrement aveugle pour y croire. Avec plusieurs centaines de millions d’euros de chiffre d’affaires rien que dans le trafic du shit, les narcos phocéens ont de quoi mettre de la garniture sur le couscous.

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Pour faire bonne mesure, les sauvages font une fixette sur les Juifs en particulier — tous des gros commerçants, piller leurs boutiques est une forme d’intifada — et les Blancs de façon générale : à croire que voler des smartphones dans la boutique SFR de la rue de Rome est une revanche sur le colonialisme. On sait, depuis les disputes internes du Parti travailliste anglais, qu’une certaine gauche ne répugne pas à l’antisémitisme — sous prétexte d’antisionisme. La convergence des luttes est en fait un faisceau de prétextes nauséeux.

La gueule de bois de Jean-Louis Borloo

Non seulement je suis partisan d’une répression féroce, qui malheureusement ne sera jamais à la hauteur de ce que des autorités russes ou chinoises feraient à notre place, mais il faut reconquérir tous les espaces qui sont en train de s’autonomiser. Il faut détruire tous ces nids de voyous, et éparpiller loin, très loin, dans la diagonale du vide, des gens qui ne sont forts que par leur entassement — et que nous ne renverrons pas « chez eux », parce qu’ils sont Français, très majoritairement, même s’ils crachent sur la France.

Rappelons qu’en quarante ans de « plans banlieue » on a déversé sur ces zones irréparables et factieuses près de 100 milliards d’euros — en vain. Pendant ce temps, la France rurale crève.

D.R

Oui, il faut ventiler de force ces populations confinées les unes sur les autres. Les envoyer par exemple en Corse, où (mais qui s’en étonnera ?) il n’y a eu aucune émeute, même si les quartiers pauvres et maghrébins ne manquent pas à Bastia et à Ajaccio. Mais en Corse, rappelez-vous, les maires n’hésitent pas à prendre des arrêtés anti-burkini. Et dans les années 1990, une émanation du FLNC baptisée A droga Basta avait fait la leçon, de façon définitive, à quelques petits ambitieux qui à l’exemple de leurs cousins du continent faisaient venir de leur Maroc natal des chargements de shit.

C’est ce que je voudrais éviter : la police est là pour protéger les biens et les personnes. Si elle y renonce, nombre de désespérés se débrouilleront pour défendre leurs biens, quitte à se faire traiter de fachos par les bien-pensants.

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Universités américaines: la fin de la préférence raciale

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75% des citoyens approuvent la décision de mettre fin à la discrimination positive dans l’enseignement supérieur américain. Mis en place sous Kennedy, l’affirmative action a fait l’objet de plusieurs batailles au cours de l’histoire allant jusqu’à la Cour Suprême. L’idéal formulé par Martin Luther King d’une société aveugle à la couleur revient en force outre-Atlantique.


Le jour de la fête de l’Indépendance, la Cour Suprême des États-Unis, par six voix contre trois, a jugé inconstitutionnelle la politique « d’action affirmative » mise en place par les universités depuis plus d’un demi-siècle. Concrètement cela signifie que l’identité raciale d’un candidat ne pourra plus être prise en compte comme critère d’admission. Le président Biden a critiqué cette décision estimant que « la discrimination existe encore aux Etats-Unis et que cette décision n’y change rien. » Les trois juges démocrates de la Cour ont aussi dénoncé un « retour en arrière » et l’annulation de décennies de précédents judiciaires. À l’aile gauche du parti Démocrate certains, comme la députée de New-York, Alexandria Occasio-Cortez, ont carrément appelé à une réforme de la Cour suprême…

Les conservateurs ont applaudi au contraire cette décision qui, pour eux, respecte le texte et l’esprit de la Constitution des Etats-Unis. La pratique de « l’action affirmative » n’est qu’une forme de discrimination inversée, ont-ils souligné, qui va à l’encontre du principe d’égalité en droit et d’égalité devant la loi, pilier de construction américaine. Les considérations de races ne sauraient justifier l’adoption de pratiques niant cette égalité. Ces principes, ont-ils souligné, sont exprimés dans certains amendements à la Constitution, notamment les XIIIe, XIVe et XVe amendements votés à l’issue de la Guerre de Sécession, justement pour garantir cette égalité aux esclaves Noirs émancipés.

D’après les premiers sondages, une large majorité de l’opinion publique soutient également  cette décision. Selon la chaine ABC News, 75% des Américains se disent d’accord avec les juges. D’ailleurs, certains États, comme la Californie, traditionnellement à l’avant-garde des évolutions de société, avaient déjà interdit « l’action affirmative ». Les collèges et universités devront s’adapter à cette nouvelle réalité et revoir leurs critères d’admission.

Un peu d’histoire

Retour sur les racines de l’action affirmative, son incidence sur la société américaine, et les perspectives ouvertes par la décision de la Cour Suprême. L’expression « action affirmative » apparait pour la première fois dans les années 1930. On la trouve dans plusieurs lois de la Nouvelle Donne (New Deal) du président Franklin Roosevelt. Elle concerne l’emploi et consiste simplement en une incitation à l’embauche.  Dans les années 1940 et 1950, l’idée va se développer en parallèle avec la lutte des Noirs pour leurs droits civiques, c’est-à-dire pour un véritable statut d’égalité au sein de la société américaine. L’idée était qu’en dépit de textes de lois garantissant cette égalité, les Noirs étaient victimes de conditions sociales plus difficiles, et d’un « racisme systémique » qui constituaient un double handicap à leur réussite professionnelle et sociale. Il fallait donc inciter les employeurs et les universités à passer outre ces considérations pour donner leur pleine chance aux Noirs. Il ne s’agissait pas d’imposer des quotas, mais au contraire d’ouvrir ces institutions à l’ensemble des citoyens américains. Rapidement le concept s’est étendu à la communauté hispanique, et à d’autres minorités ethniques, comme les Indiens d’Amérique, également jugées défavorisées, ainsi qu’aux femmes. Il s’appliquait principalement dans deux secteurs, l’emploi et l’éducation supérieure.

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L’expression va être vraiment popularisée par le président John Kennedy en 1961, quand il signera un décret (executive order 10925) imposant cette pratique pour l’embauche des fonctionnaires fédéraux. À noter que le texte du décret n’imposait pas l’embauche de membres de minorités, mais demandait que l’embauche se fasse « sans considération de race, de religion, de couleur ou d’origine nationale ». L’idée était bien de mettre fin à une forme de discrimination, pas d’en imposer une autre de manière compensatoire. Le gouvernement donnait ainsi l’exemple en matière d’emploi. Ce décret sera repris et étendu dans la loi de 1964 sur les Droits Civiques, imposant la « non-discrimination » comme règle incontournable du gouvernement et de ses contractants. Au sein des universités cependant, l’action affirmative va rapidement prendre la forme de places réservées à certaines communautés. Exactement l’inverse de l’intention officielle. Aussi bien Harvard que Yale, deux universités privées parmi les plus anciennes et les plus prestigieuses du pays, vont abaisser les exigences d’admission pour les membres de certaines communautés, dont les Noirs. Toutefois ils vont le faire de manière insidieuse, en faisant de l’origine raciale ou ethnique, un critère parmi d’autres. Ainsi pour postuler à ces universités il faudra rédiger une lettre de motivation, mettre en avant ses activités extra-scolaires, son engagement comme bénévole auprès de certaines causes, les reconnaissances officielles déjà engrangées pour ses actions, et… mentionner son identité raciale. Sans que le poids accordé à ces différents critères soit précisé. L’admission ne sera donc plus déterminée par les seules notes aux tests d’aptitude, même si ceux-ci resteront déterminants. Mais, sans le dire officiellement, ces universités accepteront des étudiants issus de minorités avec des scores inférieurs à ceux exigés pour des étudiants blancs ou asiatiques…

Dans la pratique cette politique sera très efficace et la proportion d’étudiants Noirs dans ces universités passera rapidement de 3% à 10%, c’est-à-dire à peu près la proportion de la population noire aux États-Unis. En revanche, lorsque des institutions publiques, comme l’université de Californie, voudront mettre en place un système similaire, elles seront sanctionnées par la loi. La première banderille dans le flan de l’action affirmative  viendra en 1978 avec une décision de la Cour Suprême dans le dossier « Bakke ». Alan Bakke était un étudiant dont l’inscription à l’école de médecine de l’Université de Davis, en Californie, avait été rejetée à deux reprises, alors que des candidats Noirs avec des scores plus faibles que les siens avaient été admis. Cela avait été possible parce que l’Université réservait un nombre de place prédéterminé à ces étudiants. La Cour Suprême avait jugé la méthode discriminatoire et ordonné l’inscription de Bakke… Toutefois, dans leurs interprétations de la loi, les juges avaient aussi souligné que « si la diversité du corps estudiantin est en soi un objectif majeur, pratiquer l’action affirmative pour parvenir à cette diversité est légal ». Du coup le mot « diversité » devint instantanément le « vocable » de tous les campus américains. Il ne s’agissait plus de former les meilleurs étudiants du monde, il s’agissait de réunir sur son campus une population qui soit le reflet de la « diversité » rencontrée dans la société américaine.

Faudrait savoir…

La décision Bakke eut pour conséquence de rendre illégaux les quotas dans les universités publiques de Californie et de légitimer partout ailleurs une course à la diversité qui allait révolutionner à la fois les codes d’admissions et le contenu de l’enseignement. Car de raciale ou ethnique, la diversité allait devenir aussi « sexuelle », associant parfois les deux, et l’on allait voir fleurir dans les campus, puis dans les administrations dont les postes seraient pourvus par les diplômés de ces universités, des sous-groupes exclusivement définis par leur identité, et soucieux de promouvoir cette identité particulière au détriment des éléments de culture commune… L’action affirmative dans les universités a ainsi contribué à augmenter la participation des minorités dans les études supérieures, voire au sein d’institutions d’élite, mais elle a aussi favorisé une fragmentation de la société américaine. Les laissés-pour-compte du système étaient les étudiants blancs et asiatiques ne se revendiquant d’aucun sous-groupe particulier. Leur rejet des programmes d’action affirmative étaient motivés par la perception d’une discrimination légale à leur encontre. En Californie ce rejet aura pour conséquence le vote en 1996 de la proposition dite 209 interdisant l’action affirmative non seulement dans les admissions universitaires, mais également dans tous les emplois publics de l’Etat. Ce ne fut pas une décision de juges non élus, tels ceux de la Cour Suprême, mais le vote d’une initiative populaire approuvée par 55% des électeurs. Elle illustrait un sentiment général négatif aux États-Unis, vis-à-vis de l’action affirmative. Et vingt ans plus tard, une tentative de faire annuler la proposition 209 sera vaincue à nouveau dans les urnes par exactement le même score.

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En 2003, la Cour Suprême a pourtant réaffirmé la légalité de cette pratique dans la décision Grutter vs Bollinger. Le texte de la décision rédigé par la juge Sandra Day O’Connor, nommée à son poste par Ronald Reagan, indique que « favoriser des groupes sous-représentés dans le processus d’admission d’une université n’est pas anticonstitutionnel » et que « la loi permet l’application limitée du critère racial, dans le processus d’admission s’il est au service d’un objectif de diversité, celle-ci étant perçue comme un bénéfice pour l’ensemble du corps étudiant. »

La diversité comme leitmotiv, encore et toujours. Et le vague juridique comme principe salvateur car la définition de « application limitée » n’est pas précisée…  Toutefois, précisait Sandra Day O’Connor dans son opinion, « cette application de la loi doit être limitée dans le temps… Ainsi la Cour s’attend à ce que d’ici 25 ans le recours aux préférences raciales ne soit plus nécessaire… »  Dès lors, les jours de cette pratique étaient comptés. Dans la foulée de la Californie, huit autres États allaient bannir ces pratiques dont le Michigan et la Floride, l’Arizona ou le Nebraska, des États Républicain, autant que Démocrates. Dès 2014, une plainte était déposée contre Harvard (université privée) et l’Université de Caroline du Nord (université publique) dénonçant la place accordée aux critères raciaux dans les processus d’admission. C’est sur cette plainte que la Cour Suprême vient de statuer. Il aura fallu neuf ans pour y parvenir mais l’élimination de l’action affirmative était écrite. 

Effets pervers

Outre le caractère purement juridique de la question (à savoir que le principe même de la préférence raciale est anticonstitutionnel), deux évolutions expliquent cet abandon progressif. La première tient au fait que les objectifs initiaux justifiant la pratique ont été largement atteints. L’intégration de la communauté Noire dans la société américaine s’est effectivement faite au cours des soixante années écoulées depuis le décret de John Kennedy. Il existe une bourgeoisie Noire aux États-Unis. On rencontre des Noirs dans les plus hautes sphères de la vie publique américaine : au Congrès, à Wall Street, dans les banques, dans les hôpitaux, dans les grands cabinets d’avocats. Si des tensions raciales demeurent c’est principalement la conséquence de la persistance d’un sous-prolétariat Noir, vivant de l’assistance sociale, et miné par la criminalité, la drogue, et la décomposition familiale. La seconde tient au fait qu’un certain nombre d’intellectuels Noirs sont eux-mêmes devenus critiques de l’action affirmative. Parmi eux, le juge Clarence Thomas, l’un des deux juges Noirs actuels de la Cour Suprême (avec Ketanji Brown Jackson) et les professeurs Shelby Steele et Thomas Sowell. Le juge Thomas a toujours été critique de cette pratique parce que pour lui elle entérine l’idée d’une « victimisation de la communauté noire », l’idée que ses membres ne peuvent pas s’en sortir tout seuls, qu’ils ont « besoin d’aide pour réussir », et bénéficient donc d’un « traitement de faveur », source de ressentiment chez d’autres groupes ethniques. Shelby Steele, professeur septuagénaire et auteur de nombreux livres et films, estime que cette pratique éloigne les États-Unis de l’idéal formulé par Martin Luther King d’une société « aveugle à la couleur ». Elle produit, au contraire, une société où tout dépend de la couleur. Quant à Thomas Sowell, nonagénaire brillant, jadis proche de Ronald Reagan, il s’est penché sur les effets pervers de ces pratiques consistant à placer des étudiants Noirs dans des programmes trop élitistes, précipitant leur échec et leur désillusion, alors que s’ils avaient suivi des études moins ambitieuses ils auraient très bien réussi. C’est d’ailleurs ce que les observateurs ont constaté en Californie depuis 1996 et l’interdiction de l’action affirmative. Les inscriptions de membres de minorités dans les écoles les plus prestigieuses (et les plus coûteuses) ont diminué. Mais les inscriptions des Noirs dans des universités publiques, plus accessibles, ont considérablement augmenté ainsi que le pourcentage de réussite des étudiants Noirs.

Les universités privées n’étant pas tenues de révéler tous leurs critères d’admission, il est possible qu’une forme de préférence raciale continue d’être appliquée, subrepticement, ici et là.

L’important est que ce n’est plus la politique officielle du gouvernement américain que de défendre ces politiques.

L’idéal d’égalité devant la loi et d’une société non focalisée sur la couleur de peau, a marqué un point.

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Eloge du plaisir

Face à l’antispécisme puritain d’un Aymeric Caron, il est bon de rappeler que la consommation carnée n’est pas encore un péché.


« Le plaisir n’a jamais pu justifier moralement une action », voilà ce que déclarait Aymeric Caron, député de la Nupes et ardent défenseur de la cause des moustiques, au cours d’une récente interview. Cette forte pensée prolongeait l’anathème fétiche de son auteur contre ceux qui sont à ce point arriérés et barbares qu’ils persistent à consommer de la viande, à se pourlécher devant un plat de tête de veau ou une côte de Charolais. « L’argument du plaisir que l’on retire à mâchonner des bouts de chair n’est pas valide. Le plaisir n’a jamais pu justifier moralement une action », voilà le propos dans son entier. Un aveu : je suis du nombre des mâchonneurs de chair animale et, honte à moi, je n’en conçois ni remords, ni culpabilité particulière. Je pourrais ajouter à mes victimes gastronomiques la poularde de Bresse, le brochet de Loire, l’andouillette de Troie, le lièvre à la royale… Ah, le lièvre à la royale ! Il vous faut pas mal de temps et, évidemment, un capucin, un beau ainsi qu’un foie gras cru de canard, pas moins de trois litres de vin rouge plutôt corsé, du lard en dés, d’autres ingrédients encore. Vous prenez le lièvre, vous le désossez… Mais voilà que je m’égare. Revenons à nos moutons. À propos de moutons, le cœur si sensible de M. Caron ne semble pas saigner autant devant les conditions abjectes et d’un autre âge dans lesquelles des ovins sont occis pour certaines célébrations religieuses que devant le sort que nous faisons aux moustiques harceleurs qui pourrissent nos soirées d’été. Selon M. Caron, ces charmantes petites bêtes ne font que nous pomper le sang pour nourrir leurs petits. Touchant. L’entendant parler ainsi, je n’ai pu me retenir d’applaudir à tout-va, tant de tels propos me semblaient être la parfaite métaphore de toute politique de gauche : pomper le sang des uns pour – prétendument – nourrir les autres. Ceux que je désigne ici par « les uns » se reconnaîtront sans grande difficulté. Mais je m’égare de nouveau.

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J’en étais resté à la sentence si profonde : « Le plaisir n’a jamais pu moralement justifier une action. » C’est donc ce que pense M. Caron. M. Caron qui a tout à fait le droit de penser ce qu’il veut, de même qu’il a le droit de mâchonner ce qui lui plaît, des fanes de radis plutôt que du coquelet rôti, par exemple. Un esprit taquin lui ferait observer que ce faisant, il goûte un certain plaisir et que ce plaisir vient conforter la règle morale qu’il s’est fixée de ne pas manger de viande. L’un et l’autre – plaisir et morale – ne sont donc ni ennemis ni même antinomiques. Loin de là. Le plaisir est même, dans une infinité de cas, le ferment moral, justement, de nos comportements, de nos actes. Il est ce qui nous rend plus authentiquement humains. Blaise Pascal, qui n’a pas laissé dans l’histoire le souvenir d’un fêtard invétéré ou d’un épicurien forcené, l’a bien compris. « L’homme est né pour le plaisir, écrit-il. Il le sent, il n’en faut pas d’autre preuve. » Le plaisir nous rend meilleurs en cela qu’il participe du bonheur. Et chacun d’entre nous sait parfaitement que nous ne sommes jamais meilleurs d’esprit, de cœur, d’humeur que lorsque nous sommes heureux. Le bonheur rend bienveillant, généreux, indulgent, compréhensif, clément, ouvert, agréable… Toutes qualités morales, me semble-t-il. Le plaisir, j’entends ici le plaisir sain qui respecte l’intégrité physique, mentale et morale d’autrui, est bien évidemment partie prenante dans cet état de grâce, tout comme le rouge corsé à sa part dans le capucin à la royale. C’est ce que M. Caron et ses camarades ne veulent pas voir. Ils sont les moralistes ténébreux pour qui seules la contrition, la mortification, la repentance, la détestation de soi parviendraient à « justifier moralement » non seulement les actions de leurs semblables, mais aussi leur présence au monde. Ils ont une conception désespérée et désespérante de l’humain. Un humain qu’ils ne peuvent imaginer que comme hanté d’une conscience malheureuse, douloureuse, condamné à un mea culpa permanent. Cela, parce qu’il serait coupable, évidemment. Coupable de tout. De la colonisation et de la tête de veau, de l’esclavage et de la fricassée d’ortolans, du sexisme et de la pêche à la ligne, du racisme et de l’invention de la tapette à moustiques. Une arme que je manie avec une certaine habileté. Et non sans plaisir en cas de succès, n’en déplaise à M. Caron.

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Maires EELV, les compagnons de l’aberration

Les maires EELV de Lyon, Bordeaux ou Grenoble ont été soumis à l’épreuve du réel et de la violence ces dernières nuits, jusque dans leurs centres-villes. Nos petits hommes verts espéraient un «soulèvement de la terre»; ils observent un soulèvement ethnique des banlieues ensauvagées. Et voilà maintenant qu’ils appellent au secours la police nationale, qu’ils ont longtemps fustigée. Récit.


L’heure est au bilan après ces six jours d’émeutes urbaines, de razzias et de chaos insurrectionnel. Et il est lourd ! Notamment pour les villes tenues par les écologistes ; Bordeaux, Grenoble, Strasbourg ou Lyon. Dans la nuit de vendredi à samedi dernier, dans le centre-ville de Lyon, au moins 30 magasins ont été pillés (magasins alimentaires, marques de vêtements, concessionnaires auto et moto…), un bureau de Poste a été entièrement détruit,  20 véhicules ont été incendiés, une école primaire a été saccagée, du mobilier urbain détruit, sans parler des affrontements hyper-violents à coup de tirs de kalachnikov à la Duchère, ou de jets de cocktails Molotov contre les forces de l’ordre dans le quartier de la Guillotière, déjà tristement connu pour être une zone de non-droit. En cette seule nuit de violences urbaines, 58 personnes ont été interpellées, d’après les chiffres de la préfecture du Rhône. A Bordeaux, chez Pierre Hurmic, ce fut la nuit de jeudi à vendredi dernier qui fut très difficile, avec des dégradations importantes commises dans plusieurs communes de l’agglomération et même en zone plus rurale. Bilan : 11 policiers blessés, 10 interpellations, cinq bâtiments publics incendiés, 56 voitures brûlées et presque autant de feu de poubelles… À Strasbourg, chez Jeanne Barseghian, c’est lors de cette même nuit de jeudi à vendredi dernier que la violence s’est déchainée. Bilan : 76 véhicules brûlés, une quarantaine de poubelles brûlées, une régie de quartier du bailleur social Ophéa, un centre culturel, une mairie de quartier également incendiés. A Grenoble, chez l’impayable Eric Piolle, même scénario cauchemardesque avec des violences urbaines d’une rare intensité, avec notamment une voiture bélier qui a été projetée contre le bureau de Poste, des commerces du centre-ville pillés ; une trentaine de prévenus étaient jugés le dimanche 2 juillet en comparution immédiate au tribunal correctionnel de la capitale des Alpes.

La police nationale, ça a du bon finalement

Le réel est donc entré brutalement par effraction avec son lot de peurs et de pleurs dans les métropoles bobos… Un sacré coup de massue pour des maires EELV qui ont été élus sur un programme très léger en matière de sécurité, un programme visant plutôt à désarmer la police plutôt qu’à l’armer, à dialoguer avec les délinquants et les criminels plutôt qu’à les réprimer. Confrontés à la violence gratuite et radicale des émeutiers qui ont saccagé et détruit tout ce qui était sur leur passage dans une jubilation morbide et nihiliste, les maires écolo apparaissent complètement sonnés. « J’ai un sentiment de sidération et de colère » reconnaissait Eric Piolle, maire EELV de Grenoble, samedi, devant l’ampleur des dégâts. « On n’a jamais vu ça à Grenoble ». Il semble loin, le temps où l’édile vantait une « métropole apaisée » dans ses affichages municipaux. Quant au maire EELV de Lyon, Grégory Doucet, lui, il en vient à demander finalement plus « de renfort de police ». Pourtant, c’est bien le même Grégory Doucet qui, en mars 2021 lors la journée de la femme, défilait devant un panneau sur lequel était inscrit police nationale = scandale aux côtés d’une élue EELV qui scandait « la culture du viol est présente chez les forces de police ». C’est le même Grégory Doucet qui avait proposé des cours de théâtre et de méditation pour enrayer l’insécurité… Dimanche soir, pour la sixième nuit consécutive d’émeutes, la tension était à son comble dans la capitale des Gaules. Des véhicules blindés du RAID et de la BRI stationnaient place Bellecour… Au moins, cela changeait du ballet infernal des rodéos urbains et de tous ces délinquants qui ont défié à plusieurs reprises l’autorité en levant leurs bécanes jusque sous les fenêtres de la mairie.

Les convictions anarco-libertaires, ça va bien deux minutes…

Face à l’embrasement de la violence constaté ces derniers jours, les maires écologistes mettent donc au placard leurs convictions anarco-libertaires parfois teintées d’idéologie anti-police ; ils réclament le retour de l’ordre républicain, pour en finir avec la guérilla urbaine. Sacré revirement quand on y pense, car il n’y a pas si longtemps, à l’instar du mouvement de la France Chaotique – dont le gourou pyromane, Jean-Luc Mélenchon, a perdu tout sens commun lors de cette crise des banlieues -, les élus écologistes dénonçaient volontiers une violence qui serait structurelle à la police, remettaient en question le dispositif des forces de l’ordre déployée à Sainte-Soline contre les anti-bassines et considéraient comme légitimes les opérations de désobéissance civile des militants écologistes de Dernière Rénovation qui bloquaient la circulation en se collant les mains au goudron ou qui jetaient des pots de peinture sur des toiles de Van Gogh ou d’autres œuvres d’art… Oubliant leur écharpe tricolore, des élus écologistes ont cautionné l’écologisme radical selon lequel sauver la planète justifie tous les moyens y compris les plus violents contre l’Etat de droit. Pour Gaïa, tout était permis !

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Aujourd’hui, devant la flambée de violence gratuite de la racaille de cité, les élus écologistes réclament donc le retour de l’Etat de droit avec une présence renforcée des forces de l’ordre – ce qui les sépare de facto des prises de positions anti républicaines des lieutenants de la France insoumise qui ont, eux, refusé d’appeler au calme. Depuis leur élection en 2020, les maires EELV ont érigé en priorité tout ce qui pouvait flatter l’électorat progressiste… En plus de manger du tofu, tout était bon à prendre pour s’acheter une bonne conscience écolo. À Lyon, la priorité était ainsi de construire des pistes cyclables inclusives et non genrées (pour éviter des agressions par des cyclistes mâles pas encore déconstruits, qui sait ?), d’instaurer des cours de récréation où le foot trop machiste serait remplacé par des ateliers de jardinage, ou encore de subventionner des mouvements écoféministes ou « écosex » dont la principale activité est de danser nu et de faire l’amour aux plantes pas loin des enfants. Pour cet agenda progressiste déconnecté des préoccupations sociales et sécuritaires de nombre de leurs administrés, les maires EELV ont trouvé du budget ! En revanche, équiper les villes avec plus de caméras de vidéosurveillance pouvait évidemment attendre. Peu importe si les rodéos urbains pourrissaient la vie des Lyonnais, ou si le trafic de drogue et le marché noir s’amplifiaient à Lyon, Grenoble ou Bordeaux, générant son cortège de vols, d’agressions, d’affrontements entre bandes rivales, peu importe si derrière la végétalisation de l’espace public se préparait la guerre de tous contre tous.

Qui sème le vent récole la tempête ! 

À force de sacraliser la nature (perçue comme moralement bonne et bienfaisante) et de diaboliser la société (jugée comme structurellement mauvaise), ces élus n’ont fait que préparer un terrain fertile pour le déchainement de cette violence qui n’est autre que le revers de la médaille d’un état de nature qu’ils appellent de leurs vœux ou oubliant que dans la nature, c’est la loi du plus fort qui règne.

Par ailleurs, déconstruire les fondations de la civilisation française (par exemple en s’attaquant à la langue avec l’écriture inclusive), cela revient aussi à ouvrir la porte à l’ensauvagement des mœurs. Après les violences de l’extrême gauche lors des manifestations contre la réforme des retraites – violences que les maires bobos n’ont pas assez condamnées –  l’ultra violence de ces délinquants en grande majorité mineurs et radicalement décivilisés, capables de prendre du plaisir à semer la terreur, marque un tournant. Pourrait-elle également marquer un tournant politique et sécuritaire dans l’agenda politique de ces municipalités écologistes ? Au point de se fâcher avec les cheffes de file nationales, écoféministes et anti flics ? Au point de se fâcher immanquablement avec l’incontournable binôme Sandrine Rousseau / Marine Tondelier ? Confrontés aux réalités du terrain, les maires écolos deviendront-ils, eux aussi, des « chiens de gardes qui ordonnent à appeler au calme », que fustige Jean-Luc Mélenchon ? Seront-ils prêts à faire leur chemin de Damas, et à troquer leur foi passée pour celle du régalien ? C’est peu probable… mais enfin l’avenir le dira.

Le terreau des terroristes

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L’anticolonialisme et la propagande anti-française ont envahi les quartiers sensibles et l’université, pendant que les médias prônaient l’autoflagellation culturelle.


À l’heure où chacun s’interroge sur les causes du soulèvement qui vient de traverser nos banlieues « sensibles », il n’est pas inutile de rappeler ce qui se disait déjà au moment de la sanglante équipée de Mohammed Merah qui fit sept victimes dont trois enfants. Quand il est mort, une grande partie des médias s’est efforcée de gommer les motivations politico-religieuses de son acte, par lui-même exprimées, pour y substituer une pure causalité sociale. L’accent fut mis sur le sort tragique des jeunes issus de l’immigration, sur leur aliénation, sur leur manque de perspectives dans une société barrée par l’horizon grisâtre du chômage. Elle se doublait d’une politique de culpabilisation en direction des citoyens français.

Toujours la faute de la France

La palme revint au New York Herald Tribune qui écrivit ceci : « Ce n’est pas Al Qaïda qui a créé Mohammed Merah, c’est la France. » Manière de dire : la responsable, c’est la société française et ses injustices. Le journal américain reprenait d’ailleurs la phrase d’un des camarades de classe du terroriste. Bref, nous plongeâmes, tête la première, dans la culture de l’excuse et l’autoflagellation. Alors que les influences islamistes qui s’étaient exercées sur Merah étaient minimisées.

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Pendant la décennie écoulée, il fut difficile de parler des banlieues et de l’immigration autrement. Dans les grands médias et à l’Université, on n’entendait pratiquement que ce son de cloche : les banlieues étaient un problème social, qu’il fallait traiter socialement. En vain, le chroniqueur Ivan Rioufol sonna-t-il un jour le tocsin en ces termes vigoureux : « … le feu de l’islamisme couve dans les cités. Pour certains, Merah est devenu un héros. Des pages Facebook dédiées à sa mémoire ont dû être fermées. Des professeurs n’ont pu faire respecter à leurs élèves la minute de silence en mémoire des victimes. Des enseignants reconnaissent dans leur classe l’ancrage des sentiments anti-juifs. »

On peut dès lors avancer qu’il y a deux analyses possibles de la question des banlieues éruptives. Selon l’une, elle résulterait du manque de perspectives pour leurs habitants qui jetterait les jeunes dans la désespérance. Dès lors, la régulation de l’immigration qui fait grandir inlassablement ces zones, jusqu’à les rendre explosives, est un faux problème. Selon l’autre analyse, tout résulterait de la vague islamiste venue du Proche-Orient jusqu’à nos rivages européens. Bien sûr, chacun comprendra qu’opposer ces deux types de causalité est artificiel. Les deux analyses que nous venons d’évoquer n’ont rien de contradictoire. Entasser des immigrés par millions dans de ternes cités où le travail et l’opportunité de progresser sont clairsemés ne peut rien donner de bon. Que sur ce terreau se diffusent des influences politico-religieuses très dangereuses est une évidence qui crève les yeux. Ces influences se répandent là parce que l’ambiance politico-religieuse importée les favorise. Dans leur majorité, les grands médias français se sont refusés à admettre cette évidence aveuglante.

Des quartiers… sensibles

Point n’est besoin cependant d’être un grand sociologue pour comprendre que la porosité de nos banlieues à l’islamisme vient de ce qu’elles y sont justement « sensibles ». Certes tous les musulmans des banlieues ne sont pas des islamistes. C’est fort heureux et remercions en la Providence. Mais rien ne garantit qu’il en sera toujours ainsi. En fait, les banlieues sont des bombes à retardement. Ce que les événements des jours derniers viennent de nous rappeler de façon tonitruante.

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Chômage, plus assistanat, plus islamisme, voilà en effet une combinaison détonante. Reste à éviter qu’elle n’explose. Pour cela, rien n’est plus important que d’empêcher les médias audiovisuels de provoquer la mise à feu.

Nanterre, 29 juin 2023 © Michel Euler/AP/SIPA

Car j’ignore à quelle stratégie répond le déversement sur les ondes françaises, depuis 20 ans, d’une propagande calquée sur celle du FLN algérien, mais c’est un fait, nous y avons eu droit et massivement. Depuis deux décennies, et avec une intensité redoublée par le soixantième anniversaire de l’Indépendance, les grands médias nous ont servi à propos de l’Algérie et de la Guerre d’Algérie, un flot torrentiel de rhétorique systématiquement anticoloniale. Au point qu’elle pourrait passer telle quelle à Radio-Alger : dénigrement inlassable de la colonisation, dénigrement de l’Armée française durant le conflit, édulcoration des crimes de la rébellion et « oubli » des souffrances de diverses catégories des populations algériennes de l’époque. C’est là une pure folie.

À l’occasion du soixantième anniversaire, ce fut un déferlement de productions biaisées, de débats truqués et de propagande anti-française. Certains journalistes et « historiens » nous servent cette soupe « agrémentée » de quelques ingrédients plus ou moins subtils, mais c’est bien de la soupe FLN qu’il s’agit : éloge déguisé du terrorisme, éloge de certains terroristes, accusations démesurées contre la colonisation et l’œuvre françaises en Algérie, accusations démesurées contre notre armée. Simultanément, l’idéologie dite woke submerge nos universités avec son volet « décolonial ». Ceci ne peut se faire qu’avec l’appui ou la « neutralité » active de hautes autorités. Ceux qui agissent ainsi prennent une lourde responsabilité. En inondant les banlieues d’une propagande anti-française, et l’Université de son pendant anticolonial, on prend le risque de créer des terroristes par centaines.

Le temps des loups solitaires à la Merah a pris fin. Bientôt, ils chasseront en meute. N’est-ce pas ce que les sinistres journées que nous venons de vivre démontrent ? Poursuivrons-nous dans les mêmes ornières ?

Roman Polanski: la persécution sans fin

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Dans un documentaire, Roman Polanski revient dans la ville où il a vécu enfant, en compagnie de son ami photographe Ryszard Horowitz, survivant de la Shoah.


Risquera-t-on le parallèle ? En 1977, Roman Polanski, 44 ans, est poursuivi par la justice américaine pour le viol de l’adolescente Samantha Gailey, 13 ans, dans la maison de Jack Nicholson, à l’occasion d’une séance photo pour Vogue qui, arrosée au champagne, se poursuit dans le jacuzzi pour s’achever par une sodomie sur le divan. Qu’importe que le cinéaste, condamné, ait purgé sa peine aux États-Unis ; que Samantha, en réparation, ait accepté de toucher plusieurs centaines de milliers de dollars ; qu’elle ait ensuite publiquement pardonné à son « agresseur », jusqu’à défendre sa cause contre l’hystérie médiatique et contre la furie vengeresse des féministes de profession encartées chez #MeToo. Peu importe que Samantha, qui frise désormais la soixantaine, doive encore supplier la planète entière de passer l’éponge sur cette affaire judiciaire qui date de près d’un demi-siècle ! Elle colle tellement à la peau du proscrit qu’encore aujourd’hui, menacé d’extradition, l’émérite réalisateur de Rosemary’s Baby, du Pianiste ou de J’accuse, exclu de l’Académie des Oscar, vilipendé par les Tartuffe de la bien-pensance, inlassablement traqué par Interpol, harcelé par quelques harpies supposément violées elles aussi par ce monstre dans leur prime jeunesse, ne peut se déplacer librement que dans trois pays, la France (où il vit), la Pologne (où il a passé toute son enfance) et la Suisse. La traque continue. 

Quel rapport avec Promenade à Cracovie qui sort ce mercredi en France dans une dizaine de salles à peine ? L’opprobre attaché à cet unique et lointain mauvais pas du cinéaste empêche manifestement certains, chose tout de même incroyable, de considérer ce documentaire infiniment émouvant pour ce qu’il est : le retour de deux très vieux amis, juifs l’un et l’autre, Ryszard Horowitz et Roman Polanski, sur les lieux même où la terreur nazie a piégé leur enfance. Non, il faut encore que certaines âmes vertueuses chipotent au presque nonagénaire Polanski le droit de revenir sur ses traces pour la première fois de sa vie, d’arpenter le théâtre d’épouvante dont lui et son ami ont réchappé par miracle. Bref, la tentation qui, selon Michèle Halberstadt, patronne du distributeur l’ARP, se serait fait jour chez quelques exploitants de boycotter la programmation du film en salles, a partie liée avec l’ostracisation qui frappe toujours Roman Polanski. 

Polanski s’est construit, comme artiste et comme homme, sur cette toile de fond terrifiante que son hypermnésie lui restitue et dont ses mémoires, Roman par Polanski, rendaient déjà compte en 1984.  Rendons-lui cette justice de rester, à 89 ans, en dépit de cet infernal acharnement contre lui (sans compter le traumatisme de l’assassinat de son épouse enceinte, Sharon Tate, en 1969, par ces tordus de la secte de Charles Manson !) un vieillard alerte, joyeux, extraordinairement vivace. Tel  apparaît en effet Polanski dans Promenade à Cracovie : déambulant d’un bon pied aux côtés de son vieil ami le fameux photographe  Ryszard Horowitz (qui fut l’assistant puis le disciple du grand Richard Avedon), dans cette ville où s’est brisée leur enfance. Horowitz fait partie de ces rescapés de la Shoah qui, tout comme ses parents et sa sœur, doivent la vie sauve à l’industriel Oskar Schindler. Ryszard n’avait que quatre ans lorsqu’il est arrivé à Auschwitz, en 1944, cinq quand le camp est libéré par l’armée soviétique en janvier 1945. De trois ans son aîné, Roman, lui, fut exfiltré du ghetto par des mains amies, puis recueilli à la campagne chez de très pauvres paysans. Il retrouvera son père au sortir de la guerre.  Ni sa grand-mère, ni sa mère n’auront eu la même chance… 


Ponctué de quelques photos ou films d’archives (dont cette séquence où l’on reconnaît le petit Horowitz derrière les barbelés du camp à peine libéré par les troupes soviétiques, en 1945), le moyen métrage de Mateusz Kudla et Anna Kokoszka-Romer n’est pas le récit circonstancié de ces jeunes destins malmenés par l’Histoire. Mais bien plutôt un passionnant document sur le travail de la mémoire. Car les deux hommes n’étaient jamais retournés ensemble à Cracovie. L’un vit à New-York, l’autre à Paris. Ils ont fait le voyage pour confronter le souvenir qu’ils gardent chacun de cette période. Tout remonte à la surface. Leur complicité amicale n’est pas mise en scène : au début, on voit même Polanski chercher une paire de ciseaux pour… couper les poils du nez qui déparent le visage de son vieux camarade ! Au cimetière juif où ils évoquent ce passé « dont il ne reste que des fantômes », on les voit partir tous les deux d’un énorme fou-rire. À un autre moment, Polanski souffle à son compagnon : « sortons d’ici, je t’en supplie. Je ne supporte pas les églises, les synagogues »… En voix off, c’est Rydzard qui rétrospectivement, de sa voix douce, commente ces retrouvailles. Lui à qui Roman demande soudain de lui montrer le tatouage qui, quatre-vingt ans après, marque toujours son avant-bras : matricule B14438. Voilà Roman qui raconte comment son père, le jour de la liquidation du ghetto, coupe les barbelés et ordonne à son fils de filer. Voilà encore Roman, montant les escaliers de l’immeuble familial qui, seul de la rue, conserve aujourd’hui sa couleur grisâtre, entrant dans l’appartement dont ses parents furent chassés. « J’ai compris qu’on nous emmurait », dit-il à propos de l’ancien ghetto dont il ne reconnaît rien à présent : « c’est DisneyLand », dit-il, avouant ne pas trop comprendre le symbolisme de ces chaises disposées pour le « devoir de mémoire ». 

Non, décidément la mémoire n’est pas un devoir, mais une force agissante : elle surgit au coin du bois, déformée sans doute, mais intacte. Le maudit, ce n’est pas Polanski : c’est ce temps-là. Il nous saute à la figure.       

Promenade à Cracovie. Documentaire de Mateusz Kudla et Anna Kokoszka-Romer. France, 2023, couleur et noir et blanc. Avec Roman Polanski et Rysard Horowitz. En salles le 5 juillet 2023.

ARP Selection

Anne, Sandrine, Greta… Au milieu du chaos, les grandes causes surnagent

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Il se dit que Sandrine Rousseau n’a pas l’intention de se laisser supplanter par Hidalgo et Thunberg sur la scène internationale. Une rumeur bruisse…


« Des pessimistes crurent savoir que le Soleil n’en avait plus que pour 303 décillions virgule 2 d’années-lumière, l’homme fut plongé dans la tristesse ; heureusement on s’était trompé : c’est virgule 5 qu’il fallait lire ; l’homme reprit cœur. On en est là. »

Alexandre Vialatte, Antiquité du grand chosier

Il y a quelques mois, invitée à Bruxelles lors du forum d’investissement pour la ville de Kiev, Anne Hidalgo prodiguait à Wladimir Klitschko, l’ancien champion du monde de boxe et frère du maire du Kiev, quelques conseils fort utiles pour reconstruire la capitale ukrainienne après la guerre. Impavide, le boxeur écouta poliment Mme Hidalgo lui expliquer dans un anglais consternant pourquoi et comment aménager… des pistes cyclables. Forte de son expérience, elle proposa son aide pour adopter « zis niou modèle ». Wladimir Klitschko, après avoir fichu la trouille à l’auditoire en alléguant les risques d’accidents dans les cinq centrales nucléaires ukrainiennes, asséna un « nous devons d’abord terminer la guerre » qui ne réfréna nullement les ardeurs écologistes de la maire de Paris. Finir la guerre, oui, bonne idée, pourquoi pas, répondit-elle en substance, encore faut-il avoir « une vision de l’avenir » : « Je pense que l’Ukraine, comme tous nos pays, doit abandonner l’énergie fossile parce que vous voyez que toutes les guerres dans notre siècle sont provoquées par les tensions autour de l’énergie fossile. Et dans cette vision de la paix, je pense aussi que pour une meilleure vie, nous devons avoir plus d’énergie verte et peut-être que l’Ukraine peut être un exemple pour nous », conclut Anne de Paris devant un Wladimir Klitschko au bord de l’apoplexie.

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Le 29 juin, dans le cadre de la création d’un groupe de travail européen sur les « dégâts écologiques causés par l’invasion russe », Volodomyr Zelensky a reçu à Kiev… Greta Thunberg. Cette dernière a dénoncé un « écocide » en évoquant la destruction du barrage de Kakhova : « L’écocide et la destruction de l’environnement sont une forme de guerre », a balbutié la Philippulus suédoise. Greta Thunberg est une buse (ou une tourte, les avis sont partagés) mais Zelensky a bien compris que s’il voulait un jour voir son pays rejoindre l’UE, il lui fallait jouer le jeu et perdre son temps à écouter les activistes écolos les plus ineptes mais malheureusement aussi les plus en odeur de sainteté auprès des institutions européennes. Quant à Greta, un peu oubliée ces derniers temps, cette réunion éclair et inutile lui aura au moins permis de se refaire une beauté médiatique.

Il se dit que Sandrine Rousseau n’a pas l’intention de se laisser supplanter par Hidalgo et Thunberg sur la scène internationale. Une rumeur bruisse : la députée EELV préparerait une prochaine rencontre avec… le président Poutine. Outre les habituelles remontrances écologiques, elle envisagerait de mettre le nez du président dans son abominable « virilisme ». Celle qui a dénoncé récemment la « masculinité toxique » de notre buveur de bière de président, se sent d’attaque pour confronter Vladimir Poutine à ses « démons masculinistes ». Des proches de la députée font état d’une préparation savante devant aboutir à une démonstration implacable. Un discours acéré sur « le régime autoritaire, nécro-politique, masculiniste et hétéro-patriarcal poutinien » et des photographies accablantes – Poutine torse nu, un fusil à la main, devant un barbecue, regardant son épouse en train de faire la vaisselle, buvant de la vodka au goulot, debout sur un tank, sur un ours ou sur les épaules de Medvedev, etc. – seront les piliers de cette « mise au point salutaire », selon eux. Il est prévu que Sandrine Rousseau « portera l’estocade » en remettant au président Poutine son ouvrage Au-delà de l’androcène traduit en russe. « Je vais te le déconstruire en moins de deux, le russekof », aurait rugi la députée en glissant les œuvres de Paul B. Preciado et Virginie Despentes dans ses bagages. Naturellement, si elle a lieu – car tout ceci relève pour le moment, répétons-le, de la rumeur – nous ne manquerons pas de rapporter les moments saillants de cette rencontre au sommet.

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L’information qui va suivre n’est cette fois pas une rumeur mais un fait avéré – par les temps qui courent, on est obligé de préciser. Les députés LFI collent décidément au plus près des préoccupations des Français. Les événements en cours obligeant la représentation nationale à se pencher une fois de plus sur notre arsenal juridique, les députés insoumis ont décidé de frapper un grand coup : le 29 juin, au plus fort des émeutes, ils ont déposé un amendement destiné à… « améliorer la prise en charge des personnes transgenres en prison » et à faire en sorte, par conséquent, que la mise à l’écrou soit « effectuée en fonction de l’identité de genre déclarée de la personne condamnée, indépendamment du genre indiqué au moment de la condamnation », que cette personne soit incarcérée dans un établissement pénitentiaire correspondant à son « genre vécu » et que le personnel pénitentiaire soit sensibilisé à « la lutte contre la transphobie ». Enfin une mesure à la hauteur des enjeux ! D’aucuns pensent que les élus LFI n’ont pas jeté d’huile sur le feu qui embrase la France et qu’ils sont des « boucs-émissaires » désignés par le « Parti de l’Ordre » – et nous ne sommes pas loin d’abonder dans ce sens : un mouvement politique qui est capable de faire abstraction des pillages, des incendies, des destructions de bâtiments officiels, des menaces sur les maires, des tirs à balles réelles sur les forces de l’ordre, bref, du chaos qui règne sur notre pays, pour prendre la défense des « personnes transgenres [qui] vivent de nombreuses violences dans le système carcéral français » et pour « réparer cette maltraitance institutionnelle », ne saurait être accusé de tous les maux. Après les émeutes, les députés LFI prévoient-ils de profiter de la destruction du mobilier urbain pour relancer, entre autres, l’épineux dossier sur l’installation de toilettes non genrées dans l’espace public ? La conclusion de la déclaration du député LFI Antoine Léaument face à une douzaine de badauds égarés devant sa permanence parlementaire nous le laisse subodorer : « Si noire soit la nuit, le soleil finit toujours par se lever, et si tristes soient les jours vécus, de meilleurs jours finissent toujours par arriver quand on se bat pour un monde meilleur. » Toilettes genrées ou non, reconnaissons au moins à certains l’art de savoir pisser dans un violon ou contre le vent, c’est selon.

Les Gobeurs ne se reposent jamais

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Vers une République de marquis poudrés?

Comme chez nos voisins européens, la cocaïne est désormais disponible à prix cassé dans nos villes et nos campagnes. Importée en gros, elle a cessé d’être un produit de luxe. Mais son inquiétant pouvoir de corruption et de destruction, lui, n’a pas diminué.


La vie est chère ? Tout augmente ? Pas forcément. De 150 euros au détail il y a quelques années, le gramme de cocaïne se négocie aujourd’hui entre 60 et 80 euros à Paris. Face à la hausse de prix de l’énergie et des matières premières, la cocaïne, jadis produit de luxe, se démocratise.

L’augmentation des saisies en témoigne : dans le port d’Anvers, en 2022, la police a saisi 110 tonnes de cocaïne. En 2015, c’était moins de 16 tonnes. Ces chiffres témoignent moins de l’amélioration des performances policières contre le trafic que de l’explosion du marché : l’Europe est le nouvel eldorado des trafiquants de cocaïne.

Yann Bastière, représentant de SGP Unité Police explique le mécanisme à l’œuvre : « Le marché de la cocaïne aux États-Unis est saturé. Dans le même temps, la production explose. En Colombie, premier pays producteur, les surfaces ensemencées ont augmenté de 43 % en 2021 par rapport à 2020. Trouver de nouveaux débouchés est une nécessité vitale. Pour que ces marchés soient rentables, il faut pouvoir écouler de grandes quantités de drogue. Voilà pourquoi l’Europe et son importante classe moyenne sont la cible privilégiée des trafiquants depuis quelques années. Voilà pourquoi les prix sont en baisse tandis que la qualité augmente : il faut conquérir et fidéliser de nouveaux consommateurs. »

Des arrivées massives et peu contrôlées

La porte d’entrée de la drogue, ce sont les grands ports de conteneurs, comme Anvers, Rotterdam ou Le Havre. Un autre acteur est déterminant dans le cas de la France : la Guyane. Sa frontière avec le Suriname, narco-État et plaque tournante du trafic de la cocaïne colombienne vers la France, en fait un véritable « narco-département ». Selon une source policière, « la frontière avec le Suriname, très peu contrôlée, ressemble aux Champs-Élysées en matière de fréquentation, surtout à l’approche des deux rotations quotidiennes de l’aéroport de Cayenne vers la France. À chaque contrôle, on attrape trois ou quatre mules, mais on sait très bien que ce n’est que la pointe immergée de l’iceberg. Plus il y a de mules, alors que les effectifs de douane sont limités, plus un grand nombre passe entre les mailles du filet. Ils se moquent de perdre trois ou quatre mules si sur chaque voyage ils en font passer des dizaines d’autres. » Et ce fonctionnaire longtemps chargé de la lutte contre le trafic de stupéfiants de raconter : « Un jour, nous avions décidé de faire un contrôle exhaustif et inopiné d’un avion. Même en prenant la décision le plus tard possible, le pouvoir de corruption des trafiquants est tel que l’info a fuité malgré tout. Eh bien, sur un avion de 250 personnes, une quarantaine de personnes ne se sont pas présentées à l’embarquement alors que les billets n’étaient plus remboursables. »

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Le gros du trafic vers l’Europe reste néanmoins transporté par conteneur. Dans le cas emblématique d’Anvers, seul 1,5 % des 12 millions de conteneurs débarqués sont analysés. De source policière, on estime que seulement 10 % de la drogue transitant par ce biais serait interceptée. Pour les trafiquants, cette perte est acceptable au vu des énormes bénéfices : le marché de la cocaïne à Anvers est estimé à plus de 50 milliards par an, soit 10 % du PIB de la Belgique.

Terreur et corruption

« Les trafiquants connaissent parfaitement le fonctionnement des ports. Ils planquent notamment la drogue dans des conteneurs de produits périssables, car ceux-ci doivent être débarqués très vite et ne peuvent être stockés. Mais surtout, ils disposent de tellement d’argent qu’ils n’ont pas de mal à corrompre des dockers, des douaniers, des policiers… Et si la corruption ne marche pas, il reste la terreur », raconte Fabrice Rizzoli, président de Crim’Halt. À Anvers, la violence générée par le trafic de drogue a ainsi débordé du port sur la ville, pour finir par gangrener le pays. La situation est devenue d’autant plus incontrôlable que les autorités ont longtemps refusé d’investir dans des systèmes de caméras performants ou des portiques à scanners. Facile d’accès, le port est devenu le terrain de jeu de la « Mocro Maffia », cette mafia marocaine qui sévit dans le nord de l’Europe, notamment en Belgique, aux Pays-Bas ou dans le nord de la France, régions où beaucoup d’immigrés issus du Rif se sont installés depuis les années 1960. En effet, l’arrivée de la cocaïne s’appuie sur les réseaux déjà existants, et notamment ceux du cannabis. Selon Yann Bastière, « il existe une joint-venture entre mafias italienne, marocaine et corse, et les producteurs sud-américains. Une des preuves de ces liens structurels se trouve au Maroc. On y saisit en effet de plus en plus de cocaïne alors que le Maroc n’est pas producteur. Le produit y arrive, car il emprunte les routes du trafic de cannabis et est distribué par les mêmes acteurs. »

En France, le port du Havre s’est imposé rapidement comme une porte d’entrée importante pour la cocaïne. En 2021, 10 tonnes de cocaïne ont été saisies, une augmentation de 164 % en un an. Comme à Anvers, corruption et violences ont organisé l’emprise mafieuse sur le port et les dockers sont en première ligne. L’organisation particulière des ports et le règne de syndicats tout-puissants qui imposent leurs normes empêchent l’installation de caméras, imposent un accès libre aux conteneurs par les dockers, font de ceux-ci des agents incontournables pour récupérer la marchandise. Une source policière nous a confirmé que, « sans la complicité de dockers, faire sortir la drogue est impossible. D’ailleurs, un certain nombre d’entre eux se retrouvent devant la justice suite à des affaires de corruption. Cela permet de se faire une idée des sommes offertes par les trafiquants. 10 000 euros pour un prêt de badge, 50 000 euros au grutier pour déplacer un conteneur… Difficile de résister à de telles tentations. »

L’appât du gain n’explique cependant pas tout. Selon Yann Bastière, « l’extrême violence des trafiquants et leur détermination mettent une pression énorme sur les employés des docks, les douaniers et les policiers. Au Havre, des dockers ont été enlevés et séquestrés, leurs familles ciblées. Et il y a une disproportion entre les moyens affectés au contrôle et à la police, et ceux des trafiquants. » Depuis que les polices belges, françaises et néerlandaises ont réussi à s’introduire dans la messagerie Sky ECC utilisée par des réseaux mafieux, elles sont tombées sur des vidéos de chambres de torture, de personnes démembrées et passées au hachoir. De quoi décourager l’honnêteté. Le port du Havre a déjà connu des enlèvements et son premier mort. En 2020, le corps d’Allan Affagard, docker et syndicaliste CGT, a été retrouvé derrière une école. Il avait été soupçonné d’avoir facilité la sortie de cocaïne du port et mis en examen pour cela. Des accusations qu’il avait toujours récusées.

Le pouvoir des trafiquants

Aux Pays-Bas, la princesse héritière et le Premier ministre sont directement menacés de mort par les trafiquants. En Belgique, c’est le ministre de la Justice qui est ciblé. Mais si des menaces réelles pèsent sur la classe politique, l’inquiétude réside aussi dans sa corruption potentielle. Avec des enjeux et des moyens colossaux, les réseaux mafieux ont besoin de développer des liens avec les élus à tous les niveaux. Certes, peu d’affaires ont éclaté, mais les spécialistes pensent que l’histoire retentissante qui a éclaboussé la ville de Saint-Denis, où une demi-tonne de cannabis était entreposée dans le centre technique municipal, n’est peut-être pas si exceptionnelle. La relative impunité dont a bénéficié l’employé durant le temps qu’a duré ce trafic interroge sur l’aveuglement des élus et la grande mansuétude de la hiérarchie.

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On peut citer aussi le cas de Florence Lamblin, élue EELV et adjointe au maire du 13e arrondissement, accusée d’avoir aidé au blanchiment d’argent lié au trafic de drogue, ou encore de Nicolas Jeanneté, directeur du parti Nouveau Centre et conseiller de Paris, accusé de trafic de stupéfiants, de Mélanie Boulanger, maire PS de Canteleu et de son adjoint chargé du commerce, accusés d’avoir été sous l’emprise de trafiquants de drogue et de leur avoir « facilité » la vie. Comme dans le cas des personnels portuaires, le ciblage des élus pourrait s’avérer d’autant plus « rentable » que les menaces de mort des caïds de la drogue sont crédibles, durables et suivies d’effets, là où la protection policière peut apparaître limitée et défaillante.

En attendant une réaction à la hauteur des périls encourus, les spécialistes du marché de la drogue alertent : « Quand la production augmente et que les prix sont quasiment divisés par deux, on constate un rajeunissement et une massification des consommateurs. […] Pour s’en procurer, il suffit de taper “livraison de cocaïne” sur Twitter ou Snapchat par exemple, cela permet d’obtenir un numéro fonctionnant sur WhatsApp, qui vous livre chez vous dans l’heure », raconte Yann Bastière. L’ubérisation du deal fonctionne à merveille. Pour notre malheur collectif.

Avant le 27 juin, c’était comment ?

Le temps de « paix » d’avant le 27 juin nous manque. Mais existait-il vraiment alors que de nombreux maires faisaient l’objet d’agressions? Les émeutes ne constitueraient-elles pas un effet loupe finalement bienvenu?


L’unique avantage des émeutes – que Jean-Luc Mélenchon s’obstine à qualifier de révolte – est qu’elles grossissent une réalité que, dans sa déplorable quotidienneté, on ne sait plus voir. À laquelle on est tellement habitué qu’on la perçoit comme le rythme de croisière d’une France oscillant entre délits et crimes, entre insécurité et faiblesse judiciaire, entre vœux pieux et coups de menton, entre promesses de ne jamais céder et abandons multiples, entre une démocratie molle et un pouvoir au pire miséricordieux à contre-temps, au meilleur dépassé. 

Agressions et destructions folles

En effet, « le bilan très lourd de cinq jours d’émeutes… déjà très supérieur aux trois semaines d’émeutes de 2005 » (Le Monde) a poussé au paroxysme, avec une intensité violente et folle, des agressions multiples, des destructions, des pillages, des attaques d’élus et une haine antipolicière en bande, commis notamment par des mineurs de plus en plus précoces, délaissés ou stimulés par des familles irresponsables. 

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La frénésie d’après le 27 juin fait apparaître les jours d’avant comme une période relativement calme alors qu’y germaient en réduction tout ce qui va venir, avec le prétexte de la mort de Nahel, frapper notre pays de plein fouet, laissant les Français stupéfiés par des débordements à l’égard desquels les transgressions antérieures semblaient relever d’un mode mineur. Et pourtant !

Ce qu’il faut craindre avec le retour à la normale

Les élus, les maires étaient de plus en plus invectivés, frappés, molestés, parfois gravement, et on se demandait comment freiner cette course vers l’intolérable. Mais rien de commun avec l’émotion quasi unanime, l’indignation solidaire qui ont saisi la communauté nationale face à l’odieuse tentative d’assassinat en pleine nuit de l’épouse et des enfants du maire de L’Haÿ-les-Roses dans leur habitation après une attaque à la voiture-bélier. Comme si avant nous étions lassés de relever la multitude de ces atteintes contre lesquelles nous ne pouvions pas grand-chose, avec une justice trop clémente parfois quand elle était saisie. Elles faisaient partie de notre paysage républicain comme une sorte de repoussoir. Mais le crime contre la famille de l’édile nous a contraints à cibler, à concentrer notre indignation sur cet événement. J’espère que l’émoi d’aujourd’hui ne retombera pas et qu’il ne nous conduira pas à nous satisfaire de cette parenthèse de concorde courroucée. On comprendra pourquoi ces cinq jours d’émeutes qui ont mobilisé des forces de l’ordre comme jamais, des réunions interministérielles à répétition et des moyens sans compter, ne serviront pas d’excuse au pouvoir pour continuer à mal gérer la délinquance au quotidien. Le 27 juin et ses suites ne doivent pas avoir pour vocation de nous illusionner, nous faisant croire qu’avant, c’était bien…

Alors que les émeutes n’ont été que la continuation du pire mais par d’autres moyens, sur un mode plus sauvage, avec un registre plus subversif.

Quand “Libération” travestit la réalité des quartiers pour « comprendre » les émeutes

N’en déplaise à Thomas Legrand, la racaille du 93 n’a aucune circonstance atténuante économique


Le problème avec les éditorialistes politiques, c’est que même les meilleurs de la place de Paris sont de redoutables cancres dès qu’il est question de chiffres. Prenez Thomas Legrand. Sans doute l’une des plus honnêtes plumes de Libération, si si. Ne serait-ce que parce qu’il a eu l’élégance de reconnaître ses travers bobos il y a dix ans dans un essai co-signé avec sa compagne Laure Watrin. Un journaliste dont la connaissance, solide, des élections, des programmes, des partis et de leurs leaders ne fait aucun doute, reconnaissons-le, il s’agit d’une qualité si rare au sein de sa rédaction qu’elle mérite d’être signalée. Seulement voilà, face aux émeutes claniques qui ravagent la France depuis une semaine, ses références historiques habituelles ne sont d’aucun secours. Difficile de trouver chez les grandes figures tutélaires de la gauche responsable (comme Mitterrand, Mendès-France ou Jospin) ou même chez les trublions préférés du journal (tels Cohn-Bendit, Baudrillard et Taubira) de quoi justifier l’attaque sauvage de plus de deux-cents écoles en banlieue et l’agression ignoble de la famille d’un maire.

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Alors pour donner quand même un peu de corps à la culture de l’excuse et ne pas décevoir son lectorat radical-chic, Legrand s’est essayé à la démonstration économique. À cet effet, il est allé chercher l’inspiration dans un rapport parlementaire sur la politique de la ville. Qu’il a fort mal lu puisqu’il croit pouvoir titrer sa chronique “La Seine Saint-Denis n’est pas un territoire gâté de la République”. Avant d’étayer ainsi son affirmation : “La moyenne des transferts sociaux en France est de 6 800 euros par habitant. Elle est de 6 100 euros en Seine-Saint-Denis.” Ah le bel argument massue que voilà ! Sauf qu’il ne prouve rien… Car Legrand ignore manifestement que le 93 est un département riche, avec une industrie prospère (Orangina, Findus, Placoplatre…), le plus grand équipement sportif (le Stade de France, à Saint-Denis) mais aussi le plus grand centre d’exposition du pays (Le palais de Villepinte), sans oublier la deuxième zone tertiaire d’Île-de-France (la Plaine Saint-Denis). Résultat, le revenu d’activité moyen y est plus élevé que la moyenne nationale. Dans ces conditions – favorables – rien d’étonnant à ce qu’il y ait moins d’aides versées per capita.

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Ajoutez à cela qu’en Seine Saint-Denis, les habitants bénéficient en réalité de l’une des politiques de redistribution les plus efficaces de France, qui permet de réduire de moitié les écarts de revenus entre le premier et le dernier décile (record français) et d’abaisser le taux de pauvreté d’un quart, et vous conviendrez que les gouvernants n’ont pas attendu les lumières de la docteur en sciences économiques Sandrine Rousseau (minée, vendredi dernier, par une puissante réflexion où elle se demandait si “le pillage avait à voir avec la pauvreté”) pour chouchouter ce territoire si stratégique, quitte à délaisser la province des gilets jaunes. Et encore, les statisticiens français n’intègrent pas dans leurs calculs la gratuité de l’école et de l’hôpital. À ce compte-là, la Seine Saint-Denis se révèle l’un des endroits où l’on trouve le moins de raisons économiques au monde de se révolter. Bref, ne croyez pas ceux qui affirment que Paris aurait à ses portes un infâme ghetto. Contrairement aux favelas de Rio ou au township de Johannesburg, nous avons une République qui déverse des milliards dans ses cités, y envoie les pompiers éteindre les incendies et y protège les citoyens avec la même police que dans les beaux quartiers. Le 93, c’est la Suède sans les fjords.

La France éclatée façon puzzle

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Emeutiers à Marseille, 30 juin 2023 © SENER YILMAZ ASLAN/SIPA

Maintenant que la poussière et les cendres sont retombées, notre chroniqueur, fort de son expérience marseillaise, fait le bilan politique de cet épisode sanglant, qui de toute évidence en appelle d’autres. Pour la plus grande joie de ceux qui aujourd’hui envisagent sereinement, pour se refaire la cerise électorale, une fragmentation de la France en communautés indépendantes, régies ou non par la charia ou la loi du Milieu.


Le Point nous apprend que « 59% des électeurs de Mélenchon justifient les violences ». Si « 77 % des sondés considèrent que ces violences sont injustifiables et, parmi eux, la moitié les trouve tout à fait illégitimes. Reste un quart de Français qui les jugent justifiables, dont environ la moitié considère qu’elles le sont totalement. » Essentiellement des jeunes et des sur-diplômés — ces bobos urbains qui votent Mélenchon de la main gauche pendant que la droite est crispée sur leur portefeuille d’actions. Les mêmes qui militent pour une mixité scolaire systématique, mais inscrivent leurs enfants dans des établissements d’élite, publics ou privés : sur Paris, le nombre de recours après l’application de la procédure Affelnet explose, ces jours-ci. Manque de pot pour eux, le rectorat de Paris, c’est main de fer dans gant d’acier.

Émeutiers, manifestants ou « racailles »

C’est au vocabulaire que l’on reconnaît les convictions politiques. « Émeutiers » vous catalogue à l’extrême-droite, « manifestants » atteste de votre pensée de gauche. « Racailles » et « voyous », qu’en la circonstance j’utiliserais volontiers, font de moi un fasciste patenté. On se rappelle ce que Hannah Arendt disait de l’idéologie : c’est ce qui n’a aucun point de contact avec la réalité. En s’efforçant de croire que les pillards qui ont dévalisé quelques milliers de magasins — chaussures, vêtements, téléphonie, ils ont la colère lucide et sélective, ces gamins — étaient juste des indignés, la gauche manifeste encore une fois son extraordinaire capacité de déni de la réalité. Pas toute la gauche cependant. Tatiana Ventôse, qui appartint jadis au Parti de gauche, et dont les analyses teintées de marxisme militant sont d’une acuité remarquable (elle n’a pas hésité à appeler à voter Marine Le Pen en 2022 parce que le peuple était aux côtés du RN, et pas les bourgeois), n’a pas hésité à appeler à une répression féroce contre les « hordes de délinquants ». Je vous engage à écouter jusqu’au bout son analyse, d’une remarquable pertinence.


À Marseille, les émeutiers avaient repéré les poubelles, où les plus jeunes devaient allumer des feux pour créer confusion et chaos, pendant que la tranche 18-25 ans s’attaquait, avec un matériel de précision, à des magasins soigneusement sélectionnés afin d’y faire les soldes après fermeture. Quand on suggère de réprimer sérieusement ces désordres, on est catalogué fasciste. Mais qui se réjouit de ces exactions, et pourquoi ?

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En appelant les émeutiers à respecter les écoles et les édifices culturels — mais pas le reste —, Jean-Luc Mélenchon a encore une fois posé le masque : ce que veut le Lider Maximo de la France insoumise, c’est un climat révolutionnaire qui jetterait la France dans un feu dont il tirerait les marrons. Dans son rêve déjanté, il voit Macron en appeler à l’article 16, prendre les pleins pouvoirs, utiliser l’armée, et être renversé comme un nouveau Louis XVI. Ce panégyriste de Robespierre se doute-t-il de ce que le Comité de salut public aurait fait, en 1793, d’un individu appelant à l’éclatement de la République ? Sait-il à quelle vitesse on aurait envoyé à l’échafaud des factieux considérés comme des traîtres ? Et croit-il que le peuple français, qu’il veut caresser dans le sens de la barbe, oubliera qu’il a un jour appelé au démantèlement de la nation ? Tout cela dans l’espérance qu’au nom de l’intersectionnalité et de la convergence des luttes, les p’tits jeunes voteront un jour prochain pour lui. Il peut toujours rêver, ils sont trop illettrés pour lire son nom sur un bulletin de vote. Tout juste s’ils savent déchiffrer Apple, Adidas et Rolex.

Quand le « labo » de Manu prend feu…

En fait — et Marseille, « laboratoire de la France », comme dit Macron, porte témoignage des réalités à venir —, divers groupes souhaitent une fragmentation du pays, sur le modèle de ce qui se passe déjà en Angleterre, où c’est la charia qui est appliquée, çà et là. Les islamistes d’un côté, les caïds et autres narcos de l’autre. Les uns et les autres ont largement les moyens financiers de soutenir plusieurs jours de violences — et d’offrir ensuite aux émeutiers incarcérés des cortèges d’avocats et d’associations de défense des crapules. Le Milieu a toujours opéré ainsi, poussant certains seconds couteaux à l’action, avec promesse de s’occuper d’eux et de leurs familles si jamais ça tournait mal.

Le message envoyé ici aux forces de l’ordre est clair : ces émeutes sont un avertissement sans frais, la prochaine fois nous armerons les gamins. Aujourd’hui les mortiers, demain les kalachs. Ce sont les caïds, et non l’épuisement des troupes, qui ont sonné la fin de la récré — parce que la violence gâche les affaires, et qu’il est temps de pacifier la ville pour que les camés reviennent faire le plein.

Second message : la jungle péri-urbaine est chez elle, dans nos cités, et si elle le veut, elle peut descendre dans les centres bourgeois des cités pour manger les petits Blancs, comme disait Jean Châtenet en 1970. Ces pillages sont aussi une démonstration de force.

Troisième message : la religion de paix et d’amour entend faire régner son ordre, et peser sur les chefs d’établissements scolaires hostiles aux abayas, voiles et autres incongruités du fanatisme ordinaire.

Quant à l’hypothèse bienveillante selon laquelle les pauvres de la périphérie sont venus s’en prendre aux riches du centre, il faut être singulièrement aveugle pour y croire. Avec plusieurs centaines de millions d’euros de chiffre d’affaires rien que dans le trafic du shit, les narcos phocéens ont de quoi mettre de la garniture sur le couscous.

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Pour faire bonne mesure, les sauvages font une fixette sur les Juifs en particulier — tous des gros commerçants, piller leurs boutiques est une forme d’intifada — et les Blancs de façon générale : à croire que voler des smartphones dans la boutique SFR de la rue de Rome est une revanche sur le colonialisme. On sait, depuis les disputes internes du Parti travailliste anglais, qu’une certaine gauche ne répugne pas à l’antisémitisme — sous prétexte d’antisionisme. La convergence des luttes est en fait un faisceau de prétextes nauséeux.

La gueule de bois de Jean-Louis Borloo

Non seulement je suis partisan d’une répression féroce, qui malheureusement ne sera jamais à la hauteur de ce que des autorités russes ou chinoises feraient à notre place, mais il faut reconquérir tous les espaces qui sont en train de s’autonomiser. Il faut détruire tous ces nids de voyous, et éparpiller loin, très loin, dans la diagonale du vide, des gens qui ne sont forts que par leur entassement — et que nous ne renverrons pas « chez eux », parce qu’ils sont Français, très majoritairement, même s’ils crachent sur la France.

Rappelons qu’en quarante ans de « plans banlieue » on a déversé sur ces zones irréparables et factieuses près de 100 milliards d’euros — en vain. Pendant ce temps, la France rurale crève.

D.R

Oui, il faut ventiler de force ces populations confinées les unes sur les autres. Les envoyer par exemple en Corse, où (mais qui s’en étonnera ?) il n’y a eu aucune émeute, même si les quartiers pauvres et maghrébins ne manquent pas à Bastia et à Ajaccio. Mais en Corse, rappelez-vous, les maires n’hésitent pas à prendre des arrêtés anti-burkini. Et dans les années 1990, une émanation du FLNC baptisée A droga Basta avait fait la leçon, de façon définitive, à quelques petits ambitieux qui à l’exemple de leurs cousins du continent faisaient venir de leur Maroc natal des chargements de shit.

C’est ce que je voudrais éviter : la police est là pour protéger les biens et les personnes. Si elle y renonce, nombre de désespérés se débrouilleront pour défendre leurs biens, quitte à se faire traiter de fachos par les bien-pensants.

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Universités américaines: la fin de la préférence raciale

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Militants en faveur de la discrimination positive raciale devant la Cour Suprême, Washington, 1 avril 2003 © RICK BOWMER/AP/SIPA

75% des citoyens approuvent la décision de mettre fin à la discrimination positive dans l’enseignement supérieur américain. Mis en place sous Kennedy, l’affirmative action a fait l’objet de plusieurs batailles au cours de l’histoire allant jusqu’à la Cour Suprême. L’idéal formulé par Martin Luther King d’une société aveugle à la couleur revient en force outre-Atlantique.


Le jour de la fête de l’Indépendance, la Cour Suprême des États-Unis, par six voix contre trois, a jugé inconstitutionnelle la politique « d’action affirmative » mise en place par les universités depuis plus d’un demi-siècle. Concrètement cela signifie que l’identité raciale d’un candidat ne pourra plus être prise en compte comme critère d’admission. Le président Biden a critiqué cette décision estimant que « la discrimination existe encore aux Etats-Unis et que cette décision n’y change rien. » Les trois juges démocrates de la Cour ont aussi dénoncé un « retour en arrière » et l’annulation de décennies de précédents judiciaires. À l’aile gauche du parti Démocrate certains, comme la députée de New-York, Alexandria Occasio-Cortez, ont carrément appelé à une réforme de la Cour suprême…

Les conservateurs ont applaudi au contraire cette décision qui, pour eux, respecte le texte et l’esprit de la Constitution des Etats-Unis. La pratique de « l’action affirmative » n’est qu’une forme de discrimination inversée, ont-ils souligné, qui va à l’encontre du principe d’égalité en droit et d’égalité devant la loi, pilier de construction américaine. Les considérations de races ne sauraient justifier l’adoption de pratiques niant cette égalité. Ces principes, ont-ils souligné, sont exprimés dans certains amendements à la Constitution, notamment les XIIIe, XIVe et XVe amendements votés à l’issue de la Guerre de Sécession, justement pour garantir cette égalité aux esclaves Noirs émancipés.

D’après les premiers sondages, une large majorité de l’opinion publique soutient également  cette décision. Selon la chaine ABC News, 75% des Américains se disent d’accord avec les juges. D’ailleurs, certains États, comme la Californie, traditionnellement à l’avant-garde des évolutions de société, avaient déjà interdit « l’action affirmative ». Les collèges et universités devront s’adapter à cette nouvelle réalité et revoir leurs critères d’admission.

Un peu d’histoire

Retour sur les racines de l’action affirmative, son incidence sur la société américaine, et les perspectives ouvertes par la décision de la Cour Suprême. L’expression « action affirmative » apparait pour la première fois dans les années 1930. On la trouve dans plusieurs lois de la Nouvelle Donne (New Deal) du président Franklin Roosevelt. Elle concerne l’emploi et consiste simplement en une incitation à l’embauche.  Dans les années 1940 et 1950, l’idée va se développer en parallèle avec la lutte des Noirs pour leurs droits civiques, c’est-à-dire pour un véritable statut d’égalité au sein de la société américaine. L’idée était qu’en dépit de textes de lois garantissant cette égalité, les Noirs étaient victimes de conditions sociales plus difficiles, et d’un « racisme systémique » qui constituaient un double handicap à leur réussite professionnelle et sociale. Il fallait donc inciter les employeurs et les universités à passer outre ces considérations pour donner leur pleine chance aux Noirs. Il ne s’agissait pas d’imposer des quotas, mais au contraire d’ouvrir ces institutions à l’ensemble des citoyens américains. Rapidement le concept s’est étendu à la communauté hispanique, et à d’autres minorités ethniques, comme les Indiens d’Amérique, également jugées défavorisées, ainsi qu’aux femmes. Il s’appliquait principalement dans deux secteurs, l’emploi et l’éducation supérieure.

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L’expression va être vraiment popularisée par le président John Kennedy en 1961, quand il signera un décret (executive order 10925) imposant cette pratique pour l’embauche des fonctionnaires fédéraux. À noter que le texte du décret n’imposait pas l’embauche de membres de minorités, mais demandait que l’embauche se fasse « sans considération de race, de religion, de couleur ou d’origine nationale ». L’idée était bien de mettre fin à une forme de discrimination, pas d’en imposer une autre de manière compensatoire. Le gouvernement donnait ainsi l’exemple en matière d’emploi. Ce décret sera repris et étendu dans la loi de 1964 sur les Droits Civiques, imposant la « non-discrimination » comme règle incontournable du gouvernement et de ses contractants. Au sein des universités cependant, l’action affirmative va rapidement prendre la forme de places réservées à certaines communautés. Exactement l’inverse de l’intention officielle. Aussi bien Harvard que Yale, deux universités privées parmi les plus anciennes et les plus prestigieuses du pays, vont abaisser les exigences d’admission pour les membres de certaines communautés, dont les Noirs. Toutefois ils vont le faire de manière insidieuse, en faisant de l’origine raciale ou ethnique, un critère parmi d’autres. Ainsi pour postuler à ces universités il faudra rédiger une lettre de motivation, mettre en avant ses activités extra-scolaires, son engagement comme bénévole auprès de certaines causes, les reconnaissances officielles déjà engrangées pour ses actions, et… mentionner son identité raciale. Sans que le poids accordé à ces différents critères soit précisé. L’admission ne sera donc plus déterminée par les seules notes aux tests d’aptitude, même si ceux-ci resteront déterminants. Mais, sans le dire officiellement, ces universités accepteront des étudiants issus de minorités avec des scores inférieurs à ceux exigés pour des étudiants blancs ou asiatiques…

Dans la pratique cette politique sera très efficace et la proportion d’étudiants Noirs dans ces universités passera rapidement de 3% à 10%, c’est-à-dire à peu près la proportion de la population noire aux États-Unis. En revanche, lorsque des institutions publiques, comme l’université de Californie, voudront mettre en place un système similaire, elles seront sanctionnées par la loi. La première banderille dans le flan de l’action affirmative  viendra en 1978 avec une décision de la Cour Suprême dans le dossier « Bakke ». Alan Bakke était un étudiant dont l’inscription à l’école de médecine de l’Université de Davis, en Californie, avait été rejetée à deux reprises, alors que des candidats Noirs avec des scores plus faibles que les siens avaient été admis. Cela avait été possible parce que l’Université réservait un nombre de place prédéterminé à ces étudiants. La Cour Suprême avait jugé la méthode discriminatoire et ordonné l’inscription de Bakke… Toutefois, dans leurs interprétations de la loi, les juges avaient aussi souligné que « si la diversité du corps estudiantin est en soi un objectif majeur, pratiquer l’action affirmative pour parvenir à cette diversité est légal ». Du coup le mot « diversité » devint instantanément le « vocable » de tous les campus américains. Il ne s’agissait plus de former les meilleurs étudiants du monde, il s’agissait de réunir sur son campus une population qui soit le reflet de la « diversité » rencontrée dans la société américaine.

Faudrait savoir…

La décision Bakke eut pour conséquence de rendre illégaux les quotas dans les universités publiques de Californie et de légitimer partout ailleurs une course à la diversité qui allait révolutionner à la fois les codes d’admissions et le contenu de l’enseignement. Car de raciale ou ethnique, la diversité allait devenir aussi « sexuelle », associant parfois les deux, et l’on allait voir fleurir dans les campus, puis dans les administrations dont les postes seraient pourvus par les diplômés de ces universités, des sous-groupes exclusivement définis par leur identité, et soucieux de promouvoir cette identité particulière au détriment des éléments de culture commune… L’action affirmative dans les universités a ainsi contribué à augmenter la participation des minorités dans les études supérieures, voire au sein d’institutions d’élite, mais elle a aussi favorisé une fragmentation de la société américaine. Les laissés-pour-compte du système étaient les étudiants blancs et asiatiques ne se revendiquant d’aucun sous-groupe particulier. Leur rejet des programmes d’action affirmative étaient motivés par la perception d’une discrimination légale à leur encontre. En Californie ce rejet aura pour conséquence le vote en 1996 de la proposition dite 209 interdisant l’action affirmative non seulement dans les admissions universitaires, mais également dans tous les emplois publics de l’Etat. Ce ne fut pas une décision de juges non élus, tels ceux de la Cour Suprême, mais le vote d’une initiative populaire approuvée par 55% des électeurs. Elle illustrait un sentiment général négatif aux États-Unis, vis-à-vis de l’action affirmative. Et vingt ans plus tard, une tentative de faire annuler la proposition 209 sera vaincue à nouveau dans les urnes par exactement le même score.

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En 2003, la Cour Suprême a pourtant réaffirmé la légalité de cette pratique dans la décision Grutter vs Bollinger. Le texte de la décision rédigé par la juge Sandra Day O’Connor, nommée à son poste par Ronald Reagan, indique que « favoriser des groupes sous-représentés dans le processus d’admission d’une université n’est pas anticonstitutionnel » et que « la loi permet l’application limitée du critère racial, dans le processus d’admission s’il est au service d’un objectif de diversité, celle-ci étant perçue comme un bénéfice pour l’ensemble du corps étudiant. »

La diversité comme leitmotiv, encore et toujours. Et le vague juridique comme principe salvateur car la définition de « application limitée » n’est pas précisée…  Toutefois, précisait Sandra Day O’Connor dans son opinion, « cette application de la loi doit être limitée dans le temps… Ainsi la Cour s’attend à ce que d’ici 25 ans le recours aux préférences raciales ne soit plus nécessaire… »  Dès lors, les jours de cette pratique étaient comptés. Dans la foulée de la Californie, huit autres États allaient bannir ces pratiques dont le Michigan et la Floride, l’Arizona ou le Nebraska, des États Républicain, autant que Démocrates. Dès 2014, une plainte était déposée contre Harvard (université privée) et l’Université de Caroline du Nord (université publique) dénonçant la place accordée aux critères raciaux dans les processus d’admission. C’est sur cette plainte que la Cour Suprême vient de statuer. Il aura fallu neuf ans pour y parvenir mais l’élimination de l’action affirmative était écrite. 

Effets pervers

Outre le caractère purement juridique de la question (à savoir que le principe même de la préférence raciale est anticonstitutionnel), deux évolutions expliquent cet abandon progressif. La première tient au fait que les objectifs initiaux justifiant la pratique ont été largement atteints. L’intégration de la communauté Noire dans la société américaine s’est effectivement faite au cours des soixante années écoulées depuis le décret de John Kennedy. Il existe une bourgeoisie Noire aux États-Unis. On rencontre des Noirs dans les plus hautes sphères de la vie publique américaine : au Congrès, à Wall Street, dans les banques, dans les hôpitaux, dans les grands cabinets d’avocats. Si des tensions raciales demeurent c’est principalement la conséquence de la persistance d’un sous-prolétariat Noir, vivant de l’assistance sociale, et miné par la criminalité, la drogue, et la décomposition familiale. La seconde tient au fait qu’un certain nombre d’intellectuels Noirs sont eux-mêmes devenus critiques de l’action affirmative. Parmi eux, le juge Clarence Thomas, l’un des deux juges Noirs actuels de la Cour Suprême (avec Ketanji Brown Jackson) et les professeurs Shelby Steele et Thomas Sowell. Le juge Thomas a toujours été critique de cette pratique parce que pour lui elle entérine l’idée d’une « victimisation de la communauté noire », l’idée que ses membres ne peuvent pas s’en sortir tout seuls, qu’ils ont « besoin d’aide pour réussir », et bénéficient donc d’un « traitement de faveur », source de ressentiment chez d’autres groupes ethniques. Shelby Steele, professeur septuagénaire et auteur de nombreux livres et films, estime que cette pratique éloigne les États-Unis de l’idéal formulé par Martin Luther King d’une société « aveugle à la couleur ». Elle produit, au contraire, une société où tout dépend de la couleur. Quant à Thomas Sowell, nonagénaire brillant, jadis proche de Ronald Reagan, il s’est penché sur les effets pervers de ces pratiques consistant à placer des étudiants Noirs dans des programmes trop élitistes, précipitant leur échec et leur désillusion, alors que s’ils avaient suivi des études moins ambitieuses ils auraient très bien réussi. C’est d’ailleurs ce que les observateurs ont constaté en Californie depuis 1996 et l’interdiction de l’action affirmative. Les inscriptions de membres de minorités dans les écoles les plus prestigieuses (et les plus coûteuses) ont diminué. Mais les inscriptions des Noirs dans des universités publiques, plus accessibles, ont considérablement augmenté ainsi que le pourcentage de réussite des étudiants Noirs.

Les universités privées n’étant pas tenues de révéler tous leurs critères d’admission, il est possible qu’une forme de préférence raciale continue d’être appliquée, subrepticement, ici et là.

L’important est que ce n’est plus la politique officielle du gouvernement américain que de défendre ces politiques.

L’idéal d’égalité devant la loi et d’une société non focalisée sur la couleur de peau, a marqué un point.

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Eloge du plaisir

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© Егор Камелев Unsplash

Face à l’antispécisme puritain d’un Aymeric Caron, il est bon de rappeler que la consommation carnée n’est pas encore un péché.


« Le plaisir n’a jamais pu justifier moralement une action », voilà ce que déclarait Aymeric Caron, député de la Nupes et ardent défenseur de la cause des moustiques, au cours d’une récente interview. Cette forte pensée prolongeait l’anathème fétiche de son auteur contre ceux qui sont à ce point arriérés et barbares qu’ils persistent à consommer de la viande, à se pourlécher devant un plat de tête de veau ou une côte de Charolais. « L’argument du plaisir que l’on retire à mâchonner des bouts de chair n’est pas valide. Le plaisir n’a jamais pu justifier moralement une action », voilà le propos dans son entier. Un aveu : je suis du nombre des mâchonneurs de chair animale et, honte à moi, je n’en conçois ni remords, ni culpabilité particulière. Je pourrais ajouter à mes victimes gastronomiques la poularde de Bresse, le brochet de Loire, l’andouillette de Troie, le lièvre à la royale… Ah, le lièvre à la royale ! Il vous faut pas mal de temps et, évidemment, un capucin, un beau ainsi qu’un foie gras cru de canard, pas moins de trois litres de vin rouge plutôt corsé, du lard en dés, d’autres ingrédients encore. Vous prenez le lièvre, vous le désossez… Mais voilà que je m’égare. Revenons à nos moutons. À propos de moutons, le cœur si sensible de M. Caron ne semble pas saigner autant devant les conditions abjectes et d’un autre âge dans lesquelles des ovins sont occis pour certaines célébrations religieuses que devant le sort que nous faisons aux moustiques harceleurs qui pourrissent nos soirées d’été. Selon M. Caron, ces charmantes petites bêtes ne font que nous pomper le sang pour nourrir leurs petits. Touchant. L’entendant parler ainsi, je n’ai pu me retenir d’applaudir à tout-va, tant de tels propos me semblaient être la parfaite métaphore de toute politique de gauche : pomper le sang des uns pour – prétendument – nourrir les autres. Ceux que je désigne ici par « les uns » se reconnaîtront sans grande difficulté. Mais je m’égare de nouveau.

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J’en étais resté à la sentence si profonde : « Le plaisir n’a jamais pu moralement justifier une action. » C’est donc ce que pense M. Caron. M. Caron qui a tout à fait le droit de penser ce qu’il veut, de même qu’il a le droit de mâchonner ce qui lui plaît, des fanes de radis plutôt que du coquelet rôti, par exemple. Un esprit taquin lui ferait observer que ce faisant, il goûte un certain plaisir et que ce plaisir vient conforter la règle morale qu’il s’est fixée de ne pas manger de viande. L’un et l’autre – plaisir et morale – ne sont donc ni ennemis ni même antinomiques. Loin de là. Le plaisir est même, dans une infinité de cas, le ferment moral, justement, de nos comportements, de nos actes. Il est ce qui nous rend plus authentiquement humains. Blaise Pascal, qui n’a pas laissé dans l’histoire le souvenir d’un fêtard invétéré ou d’un épicurien forcené, l’a bien compris. « L’homme est né pour le plaisir, écrit-il. Il le sent, il n’en faut pas d’autre preuve. » Le plaisir nous rend meilleurs en cela qu’il participe du bonheur. Et chacun d’entre nous sait parfaitement que nous ne sommes jamais meilleurs d’esprit, de cœur, d’humeur que lorsque nous sommes heureux. Le bonheur rend bienveillant, généreux, indulgent, compréhensif, clément, ouvert, agréable… Toutes qualités morales, me semble-t-il. Le plaisir, j’entends ici le plaisir sain qui respecte l’intégrité physique, mentale et morale d’autrui, est bien évidemment partie prenante dans cet état de grâce, tout comme le rouge corsé à sa part dans le capucin à la royale. C’est ce que M. Caron et ses camarades ne veulent pas voir. Ils sont les moralistes ténébreux pour qui seules la contrition, la mortification, la repentance, la détestation de soi parviendraient à « justifier moralement » non seulement les actions de leurs semblables, mais aussi leur présence au monde. Ils ont une conception désespérée et désespérante de l’humain. Un humain qu’ils ne peuvent imaginer que comme hanté d’une conscience malheureuse, douloureuse, condamné à un mea culpa permanent. Cela, parce qu’il serait coupable, évidemment. Coupable de tout. De la colonisation et de la tête de veau, de l’esclavage et de la fricassée d’ortolans, du sexisme et de la pêche à la ligne, du racisme et de l’invention de la tapette à moustiques. Une arme que je manie avec une certaine habileté. Et non sans plaisir en cas de succès, n’en déplaise à M. Caron.

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Maires EELV, les compagnons de l’aberration

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La maire de Bordeaux Pierre Hurmic (EELV), 3 juillet 2023 © UGO AMEZ/SIPA

Les maires EELV de Lyon, Bordeaux ou Grenoble ont été soumis à l’épreuve du réel et de la violence ces dernières nuits, jusque dans leurs centres-villes. Nos petits hommes verts espéraient un «soulèvement de la terre»; ils observent un soulèvement ethnique des banlieues ensauvagées. Et voilà maintenant qu’ils appellent au secours la police nationale, qu’ils ont longtemps fustigée. Récit.


L’heure est au bilan après ces six jours d’émeutes urbaines, de razzias et de chaos insurrectionnel. Et il est lourd ! Notamment pour les villes tenues par les écologistes ; Bordeaux, Grenoble, Strasbourg ou Lyon. Dans la nuit de vendredi à samedi dernier, dans le centre-ville de Lyon, au moins 30 magasins ont été pillés (magasins alimentaires, marques de vêtements, concessionnaires auto et moto…), un bureau de Poste a été entièrement détruit,  20 véhicules ont été incendiés, une école primaire a été saccagée, du mobilier urbain détruit, sans parler des affrontements hyper-violents à coup de tirs de kalachnikov à la Duchère, ou de jets de cocktails Molotov contre les forces de l’ordre dans le quartier de la Guillotière, déjà tristement connu pour être une zone de non-droit. En cette seule nuit de violences urbaines, 58 personnes ont été interpellées, d’après les chiffres de la préfecture du Rhône. A Bordeaux, chez Pierre Hurmic, ce fut la nuit de jeudi à vendredi dernier qui fut très difficile, avec des dégradations importantes commises dans plusieurs communes de l’agglomération et même en zone plus rurale. Bilan : 11 policiers blessés, 10 interpellations, cinq bâtiments publics incendiés, 56 voitures brûlées et presque autant de feu de poubelles… À Strasbourg, chez Jeanne Barseghian, c’est lors de cette même nuit de jeudi à vendredi dernier que la violence s’est déchainée. Bilan : 76 véhicules brûlés, une quarantaine de poubelles brûlées, une régie de quartier du bailleur social Ophéa, un centre culturel, une mairie de quartier également incendiés. A Grenoble, chez l’impayable Eric Piolle, même scénario cauchemardesque avec des violences urbaines d’une rare intensité, avec notamment une voiture bélier qui a été projetée contre le bureau de Poste, des commerces du centre-ville pillés ; une trentaine de prévenus étaient jugés le dimanche 2 juillet en comparution immédiate au tribunal correctionnel de la capitale des Alpes.

La police nationale, ça a du bon finalement

Le réel est donc entré brutalement par effraction avec son lot de peurs et de pleurs dans les métropoles bobos… Un sacré coup de massue pour des maires EELV qui ont été élus sur un programme très léger en matière de sécurité, un programme visant plutôt à désarmer la police plutôt qu’à l’armer, à dialoguer avec les délinquants et les criminels plutôt qu’à les réprimer. Confrontés à la violence gratuite et radicale des émeutiers qui ont saccagé et détruit tout ce qui était sur leur passage dans une jubilation morbide et nihiliste, les maires écolo apparaissent complètement sonnés. « J’ai un sentiment de sidération et de colère » reconnaissait Eric Piolle, maire EELV de Grenoble, samedi, devant l’ampleur des dégâts. « On n’a jamais vu ça à Grenoble ». Il semble loin, le temps où l’édile vantait une « métropole apaisée » dans ses affichages municipaux. Quant au maire EELV de Lyon, Grégory Doucet, lui, il en vient à demander finalement plus « de renfort de police ». Pourtant, c’est bien le même Grégory Doucet qui, en mars 2021 lors la journée de la femme, défilait devant un panneau sur lequel était inscrit police nationale = scandale aux côtés d’une élue EELV qui scandait « la culture du viol est présente chez les forces de police ». C’est le même Grégory Doucet qui avait proposé des cours de théâtre et de méditation pour enrayer l’insécurité… Dimanche soir, pour la sixième nuit consécutive d’émeutes, la tension était à son comble dans la capitale des Gaules. Des véhicules blindés du RAID et de la BRI stationnaient place Bellecour… Au moins, cela changeait du ballet infernal des rodéos urbains et de tous ces délinquants qui ont défié à plusieurs reprises l’autorité en levant leurs bécanes jusque sous les fenêtres de la mairie.

Les convictions anarco-libertaires, ça va bien deux minutes…

Face à l’embrasement de la violence constaté ces derniers jours, les maires écologistes mettent donc au placard leurs convictions anarco-libertaires parfois teintées d’idéologie anti-police ; ils réclament le retour de l’ordre républicain, pour en finir avec la guérilla urbaine. Sacré revirement quand on y pense, car il n’y a pas si longtemps, à l’instar du mouvement de la France Chaotique – dont le gourou pyromane, Jean-Luc Mélenchon, a perdu tout sens commun lors de cette crise des banlieues -, les élus écologistes dénonçaient volontiers une violence qui serait structurelle à la police, remettaient en question le dispositif des forces de l’ordre déployée à Sainte-Soline contre les anti-bassines et considéraient comme légitimes les opérations de désobéissance civile des militants écologistes de Dernière Rénovation qui bloquaient la circulation en se collant les mains au goudron ou qui jetaient des pots de peinture sur des toiles de Van Gogh ou d’autres œuvres d’art… Oubliant leur écharpe tricolore, des élus écologistes ont cautionné l’écologisme radical selon lequel sauver la planète justifie tous les moyens y compris les plus violents contre l’Etat de droit. Pour Gaïa, tout était permis !

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Aujourd’hui, devant la flambée de violence gratuite de la racaille de cité, les élus écologistes réclament donc le retour de l’Etat de droit avec une présence renforcée des forces de l’ordre – ce qui les sépare de facto des prises de positions anti républicaines des lieutenants de la France insoumise qui ont, eux, refusé d’appeler au calme. Depuis leur élection en 2020, les maires EELV ont érigé en priorité tout ce qui pouvait flatter l’électorat progressiste… En plus de manger du tofu, tout était bon à prendre pour s’acheter une bonne conscience écolo. À Lyon, la priorité était ainsi de construire des pistes cyclables inclusives et non genrées (pour éviter des agressions par des cyclistes mâles pas encore déconstruits, qui sait ?), d’instaurer des cours de récréation où le foot trop machiste serait remplacé par des ateliers de jardinage, ou encore de subventionner des mouvements écoféministes ou « écosex » dont la principale activité est de danser nu et de faire l’amour aux plantes pas loin des enfants. Pour cet agenda progressiste déconnecté des préoccupations sociales et sécuritaires de nombre de leurs administrés, les maires EELV ont trouvé du budget ! En revanche, équiper les villes avec plus de caméras de vidéosurveillance pouvait évidemment attendre. Peu importe si les rodéos urbains pourrissaient la vie des Lyonnais, ou si le trafic de drogue et le marché noir s’amplifiaient à Lyon, Grenoble ou Bordeaux, générant son cortège de vols, d’agressions, d’affrontements entre bandes rivales, peu importe si derrière la végétalisation de l’espace public se préparait la guerre de tous contre tous.

Qui sème le vent récole la tempête ! 

À force de sacraliser la nature (perçue comme moralement bonne et bienfaisante) et de diaboliser la société (jugée comme structurellement mauvaise), ces élus n’ont fait que préparer un terrain fertile pour le déchainement de cette violence qui n’est autre que le revers de la médaille d’un état de nature qu’ils appellent de leurs vœux ou oubliant que dans la nature, c’est la loi du plus fort qui règne.

Par ailleurs, déconstruire les fondations de la civilisation française (par exemple en s’attaquant à la langue avec l’écriture inclusive), cela revient aussi à ouvrir la porte à l’ensauvagement des mœurs. Après les violences de l’extrême gauche lors des manifestations contre la réforme des retraites – violences que les maires bobos n’ont pas assez condamnées –  l’ultra violence de ces délinquants en grande majorité mineurs et radicalement décivilisés, capables de prendre du plaisir à semer la terreur, marque un tournant. Pourrait-elle également marquer un tournant politique et sécuritaire dans l’agenda politique de ces municipalités écologistes ? Au point de se fâcher avec les cheffes de file nationales, écoféministes et anti flics ? Au point de se fâcher immanquablement avec l’incontournable binôme Sandrine Rousseau / Marine Tondelier ? Confrontés aux réalités du terrain, les maires écolos deviendront-ils, eux aussi, des « chiens de gardes qui ordonnent à appeler au calme », que fustige Jean-Luc Mélenchon ? Seront-ils prêts à faire leur chemin de Damas, et à troquer leur foi passée pour celle du régalien ? C’est peu probable… mais enfin l’avenir le dira.

Le terreau des terroristes

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Réouverture de la Grande Mosquée de Pantin en 2021 © Vincent GRAMAIN/SIPA

L’anticolonialisme et la propagande anti-française ont envahi les quartiers sensibles et l’université, pendant que les médias prônaient l’autoflagellation culturelle.


À l’heure où chacun s’interroge sur les causes du soulèvement qui vient de traverser nos banlieues « sensibles », il n’est pas inutile de rappeler ce qui se disait déjà au moment de la sanglante équipée de Mohammed Merah qui fit sept victimes dont trois enfants. Quand il est mort, une grande partie des médias s’est efforcée de gommer les motivations politico-religieuses de son acte, par lui-même exprimées, pour y substituer une pure causalité sociale. L’accent fut mis sur le sort tragique des jeunes issus de l’immigration, sur leur aliénation, sur leur manque de perspectives dans une société barrée par l’horizon grisâtre du chômage. Elle se doublait d’une politique de culpabilisation en direction des citoyens français.

Toujours la faute de la France

La palme revint au New York Herald Tribune qui écrivit ceci : « Ce n’est pas Al Qaïda qui a créé Mohammed Merah, c’est la France. » Manière de dire : la responsable, c’est la société française et ses injustices. Le journal américain reprenait d’ailleurs la phrase d’un des camarades de classe du terroriste. Bref, nous plongeâmes, tête la première, dans la culture de l’excuse et l’autoflagellation. Alors que les influences islamistes qui s’étaient exercées sur Merah étaient minimisées.

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Pendant la décennie écoulée, il fut difficile de parler des banlieues et de l’immigration autrement. Dans les grands médias et à l’Université, on n’entendait pratiquement que ce son de cloche : les banlieues étaient un problème social, qu’il fallait traiter socialement. En vain, le chroniqueur Ivan Rioufol sonna-t-il un jour le tocsin en ces termes vigoureux : « … le feu de l’islamisme couve dans les cités. Pour certains, Merah est devenu un héros. Des pages Facebook dédiées à sa mémoire ont dû être fermées. Des professeurs n’ont pu faire respecter à leurs élèves la minute de silence en mémoire des victimes. Des enseignants reconnaissent dans leur classe l’ancrage des sentiments anti-juifs. »

On peut dès lors avancer qu’il y a deux analyses possibles de la question des banlieues éruptives. Selon l’une, elle résulterait du manque de perspectives pour leurs habitants qui jetterait les jeunes dans la désespérance. Dès lors, la régulation de l’immigration qui fait grandir inlassablement ces zones, jusqu’à les rendre explosives, est un faux problème. Selon l’autre analyse, tout résulterait de la vague islamiste venue du Proche-Orient jusqu’à nos rivages européens. Bien sûr, chacun comprendra qu’opposer ces deux types de causalité est artificiel. Les deux analyses que nous venons d’évoquer n’ont rien de contradictoire. Entasser des immigrés par millions dans de ternes cités où le travail et l’opportunité de progresser sont clairsemés ne peut rien donner de bon. Que sur ce terreau se diffusent des influences politico-religieuses très dangereuses est une évidence qui crève les yeux. Ces influences se répandent là parce que l’ambiance politico-religieuse importée les favorise. Dans leur majorité, les grands médias français se sont refusés à admettre cette évidence aveuglante.

Des quartiers… sensibles

Point n’est besoin cependant d’être un grand sociologue pour comprendre que la porosité de nos banlieues à l’islamisme vient de ce qu’elles y sont justement « sensibles ». Certes tous les musulmans des banlieues ne sont pas des islamistes. C’est fort heureux et remercions en la Providence. Mais rien ne garantit qu’il en sera toujours ainsi. En fait, les banlieues sont des bombes à retardement. Ce que les événements des jours derniers viennent de nous rappeler de façon tonitruante.

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Chômage, plus assistanat, plus islamisme, voilà en effet une combinaison détonante. Reste à éviter qu’elle n’explose. Pour cela, rien n’est plus important que d’empêcher les médias audiovisuels de provoquer la mise à feu.

Nanterre, 29 juin 2023 © Michel Euler/AP/SIPA

Car j’ignore à quelle stratégie répond le déversement sur les ondes françaises, depuis 20 ans, d’une propagande calquée sur celle du FLN algérien, mais c’est un fait, nous y avons eu droit et massivement. Depuis deux décennies, et avec une intensité redoublée par le soixantième anniversaire de l’Indépendance, les grands médias nous ont servi à propos de l’Algérie et de la Guerre d’Algérie, un flot torrentiel de rhétorique systématiquement anticoloniale. Au point qu’elle pourrait passer telle quelle à Radio-Alger : dénigrement inlassable de la colonisation, dénigrement de l’Armée française durant le conflit, édulcoration des crimes de la rébellion et « oubli » des souffrances de diverses catégories des populations algériennes de l’époque. C’est là une pure folie.

À l’occasion du soixantième anniversaire, ce fut un déferlement de productions biaisées, de débats truqués et de propagande anti-française. Certains journalistes et « historiens » nous servent cette soupe « agrémentée » de quelques ingrédients plus ou moins subtils, mais c’est bien de la soupe FLN qu’il s’agit : éloge déguisé du terrorisme, éloge de certains terroristes, accusations démesurées contre la colonisation et l’œuvre françaises en Algérie, accusations démesurées contre notre armée. Simultanément, l’idéologie dite woke submerge nos universités avec son volet « décolonial ». Ceci ne peut se faire qu’avec l’appui ou la « neutralité » active de hautes autorités. Ceux qui agissent ainsi prennent une lourde responsabilité. En inondant les banlieues d’une propagande anti-française, et l’Université de son pendant anticolonial, on prend le risque de créer des terroristes par centaines.

Le temps des loups solitaires à la Merah a pris fin. Bientôt, ils chasseront en meute. N’est-ce pas ce que les sinistres journées que nous venons de vivre démontrent ? Poursuivrons-nous dans les mêmes ornières ?

Roman Polanski: la persécution sans fin

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Roman Polanski et Ryszard Horowitz © Robert Sluzniak KRKFILMS / ARP SELECTION

Dans un documentaire, Roman Polanski revient dans la ville où il a vécu enfant, en compagnie de son ami photographe Ryszard Horowitz, survivant de la Shoah.


Risquera-t-on le parallèle ? En 1977, Roman Polanski, 44 ans, est poursuivi par la justice américaine pour le viol de l’adolescente Samantha Gailey, 13 ans, dans la maison de Jack Nicholson, à l’occasion d’une séance photo pour Vogue qui, arrosée au champagne, se poursuit dans le jacuzzi pour s’achever par une sodomie sur le divan. Qu’importe que le cinéaste, condamné, ait purgé sa peine aux États-Unis ; que Samantha, en réparation, ait accepté de toucher plusieurs centaines de milliers de dollars ; qu’elle ait ensuite publiquement pardonné à son « agresseur », jusqu’à défendre sa cause contre l’hystérie médiatique et contre la furie vengeresse des féministes de profession encartées chez #MeToo. Peu importe que Samantha, qui frise désormais la soixantaine, doive encore supplier la planète entière de passer l’éponge sur cette affaire judiciaire qui date de près d’un demi-siècle ! Elle colle tellement à la peau du proscrit qu’encore aujourd’hui, menacé d’extradition, l’émérite réalisateur de Rosemary’s Baby, du Pianiste ou de J’accuse, exclu de l’Académie des Oscar, vilipendé par les Tartuffe de la bien-pensance, inlassablement traqué par Interpol, harcelé par quelques harpies supposément violées elles aussi par ce monstre dans leur prime jeunesse, ne peut se déplacer librement que dans trois pays, la France (où il vit), la Pologne (où il a passé toute son enfance) et la Suisse. La traque continue. 

Quel rapport avec Promenade à Cracovie qui sort ce mercredi en France dans une dizaine de salles à peine ? L’opprobre attaché à cet unique et lointain mauvais pas du cinéaste empêche manifestement certains, chose tout de même incroyable, de considérer ce documentaire infiniment émouvant pour ce qu’il est : le retour de deux très vieux amis, juifs l’un et l’autre, Ryszard Horowitz et Roman Polanski, sur les lieux même où la terreur nazie a piégé leur enfance. Non, il faut encore que certaines âmes vertueuses chipotent au presque nonagénaire Polanski le droit de revenir sur ses traces pour la première fois de sa vie, d’arpenter le théâtre d’épouvante dont lui et son ami ont réchappé par miracle. Bref, la tentation qui, selon Michèle Halberstadt, patronne du distributeur l’ARP, se serait fait jour chez quelques exploitants de boycotter la programmation du film en salles, a partie liée avec l’ostracisation qui frappe toujours Roman Polanski. 

Polanski s’est construit, comme artiste et comme homme, sur cette toile de fond terrifiante que son hypermnésie lui restitue et dont ses mémoires, Roman par Polanski, rendaient déjà compte en 1984.  Rendons-lui cette justice de rester, à 89 ans, en dépit de cet infernal acharnement contre lui (sans compter le traumatisme de l’assassinat de son épouse enceinte, Sharon Tate, en 1969, par ces tordus de la secte de Charles Manson !) un vieillard alerte, joyeux, extraordinairement vivace. Tel  apparaît en effet Polanski dans Promenade à Cracovie : déambulant d’un bon pied aux côtés de son vieil ami le fameux photographe  Ryszard Horowitz (qui fut l’assistant puis le disciple du grand Richard Avedon), dans cette ville où s’est brisée leur enfance. Horowitz fait partie de ces rescapés de la Shoah qui, tout comme ses parents et sa sœur, doivent la vie sauve à l’industriel Oskar Schindler. Ryszard n’avait que quatre ans lorsqu’il est arrivé à Auschwitz, en 1944, cinq quand le camp est libéré par l’armée soviétique en janvier 1945. De trois ans son aîné, Roman, lui, fut exfiltré du ghetto par des mains amies, puis recueilli à la campagne chez de très pauvres paysans. Il retrouvera son père au sortir de la guerre.  Ni sa grand-mère, ni sa mère n’auront eu la même chance… 


Ponctué de quelques photos ou films d’archives (dont cette séquence où l’on reconnaît le petit Horowitz derrière les barbelés du camp à peine libéré par les troupes soviétiques, en 1945), le moyen métrage de Mateusz Kudla et Anna Kokoszka-Romer n’est pas le récit circonstancié de ces jeunes destins malmenés par l’Histoire. Mais bien plutôt un passionnant document sur le travail de la mémoire. Car les deux hommes n’étaient jamais retournés ensemble à Cracovie. L’un vit à New-York, l’autre à Paris. Ils ont fait le voyage pour confronter le souvenir qu’ils gardent chacun de cette période. Tout remonte à la surface. Leur complicité amicale n’est pas mise en scène : au début, on voit même Polanski chercher une paire de ciseaux pour… couper les poils du nez qui déparent le visage de son vieux camarade ! Au cimetière juif où ils évoquent ce passé « dont il ne reste que des fantômes », on les voit partir tous les deux d’un énorme fou-rire. À un autre moment, Polanski souffle à son compagnon : « sortons d’ici, je t’en supplie. Je ne supporte pas les églises, les synagogues »… En voix off, c’est Rydzard qui rétrospectivement, de sa voix douce, commente ces retrouvailles. Lui à qui Roman demande soudain de lui montrer le tatouage qui, quatre-vingt ans après, marque toujours son avant-bras : matricule B14438. Voilà Roman qui raconte comment son père, le jour de la liquidation du ghetto, coupe les barbelés et ordonne à son fils de filer. Voilà encore Roman, montant les escaliers de l’immeuble familial qui, seul de la rue, conserve aujourd’hui sa couleur grisâtre, entrant dans l’appartement dont ses parents furent chassés. « J’ai compris qu’on nous emmurait », dit-il à propos de l’ancien ghetto dont il ne reconnaît rien à présent : « c’est DisneyLand », dit-il, avouant ne pas trop comprendre le symbolisme de ces chaises disposées pour le « devoir de mémoire ». 

Non, décidément la mémoire n’est pas un devoir, mais une force agissante : elle surgit au coin du bois, déformée sans doute, mais intacte. Le maudit, ce n’est pas Polanski : c’est ce temps-là. Il nous saute à la figure.       

Promenade à Cracovie. Documentaire de Mateusz Kudla et Anna Kokoszka-Romer. France, 2023, couleur et noir et blanc. Avec Roman Polanski et Rysard Horowitz. En salles le 5 juillet 2023.

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Anne, Sandrine, Greta… Au milieu du chaos, les grandes causes surnagent

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Le président Zelensky a accueilli Anne Hidalgo au Sommet international des villes et régions à Kiev, le 20 avril 2023 © Ukrainian Presidency/SIPA

Il se dit que Sandrine Rousseau n’a pas l’intention de se laisser supplanter par Hidalgo et Thunberg sur la scène internationale. Une rumeur bruisse…


« Des pessimistes crurent savoir que le Soleil n’en avait plus que pour 303 décillions virgule 2 d’années-lumière, l’homme fut plongé dans la tristesse ; heureusement on s’était trompé : c’est virgule 5 qu’il fallait lire ; l’homme reprit cœur. On en est là. »

Alexandre Vialatte, Antiquité du grand chosier

Il y a quelques mois, invitée à Bruxelles lors du forum d’investissement pour la ville de Kiev, Anne Hidalgo prodiguait à Wladimir Klitschko, l’ancien champion du monde de boxe et frère du maire du Kiev, quelques conseils fort utiles pour reconstruire la capitale ukrainienne après la guerre. Impavide, le boxeur écouta poliment Mme Hidalgo lui expliquer dans un anglais consternant pourquoi et comment aménager… des pistes cyclables. Forte de son expérience, elle proposa son aide pour adopter « zis niou modèle ». Wladimir Klitschko, après avoir fichu la trouille à l’auditoire en alléguant les risques d’accidents dans les cinq centrales nucléaires ukrainiennes, asséna un « nous devons d’abord terminer la guerre » qui ne réfréna nullement les ardeurs écologistes de la maire de Paris. Finir la guerre, oui, bonne idée, pourquoi pas, répondit-elle en substance, encore faut-il avoir « une vision de l’avenir » : « Je pense que l’Ukraine, comme tous nos pays, doit abandonner l’énergie fossile parce que vous voyez que toutes les guerres dans notre siècle sont provoquées par les tensions autour de l’énergie fossile. Et dans cette vision de la paix, je pense aussi que pour une meilleure vie, nous devons avoir plus d’énergie verte et peut-être que l’Ukraine peut être un exemple pour nous », conclut Anne de Paris devant un Wladimir Klitschko au bord de l’apoplexie.

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Le 29 juin, dans le cadre de la création d’un groupe de travail européen sur les « dégâts écologiques causés par l’invasion russe », Volodomyr Zelensky a reçu à Kiev… Greta Thunberg. Cette dernière a dénoncé un « écocide » en évoquant la destruction du barrage de Kakhova : « L’écocide et la destruction de l’environnement sont une forme de guerre », a balbutié la Philippulus suédoise. Greta Thunberg est une buse (ou une tourte, les avis sont partagés) mais Zelensky a bien compris que s’il voulait un jour voir son pays rejoindre l’UE, il lui fallait jouer le jeu et perdre son temps à écouter les activistes écolos les plus ineptes mais malheureusement aussi les plus en odeur de sainteté auprès des institutions européennes. Quant à Greta, un peu oubliée ces derniers temps, cette réunion éclair et inutile lui aura au moins permis de se refaire une beauté médiatique.

Il se dit que Sandrine Rousseau n’a pas l’intention de se laisser supplanter par Hidalgo et Thunberg sur la scène internationale. Une rumeur bruisse : la députée EELV préparerait une prochaine rencontre avec… le président Poutine. Outre les habituelles remontrances écologiques, elle envisagerait de mettre le nez du président dans son abominable « virilisme ». Celle qui a dénoncé récemment la « masculinité toxique » de notre buveur de bière de président, se sent d’attaque pour confronter Vladimir Poutine à ses « démons masculinistes ». Des proches de la députée font état d’une préparation savante devant aboutir à une démonstration implacable. Un discours acéré sur « le régime autoritaire, nécro-politique, masculiniste et hétéro-patriarcal poutinien » et des photographies accablantes – Poutine torse nu, un fusil à la main, devant un barbecue, regardant son épouse en train de faire la vaisselle, buvant de la vodka au goulot, debout sur un tank, sur un ours ou sur les épaules de Medvedev, etc. – seront les piliers de cette « mise au point salutaire », selon eux. Il est prévu que Sandrine Rousseau « portera l’estocade » en remettant au président Poutine son ouvrage Au-delà de l’androcène traduit en russe. « Je vais te le déconstruire en moins de deux, le russekof », aurait rugi la députée en glissant les œuvres de Paul B. Preciado et Virginie Despentes dans ses bagages. Naturellement, si elle a lieu – car tout ceci relève pour le moment, répétons-le, de la rumeur – nous ne manquerons pas de rapporter les moments saillants de cette rencontre au sommet.

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L’information qui va suivre n’est cette fois pas une rumeur mais un fait avéré – par les temps qui courent, on est obligé de préciser. Les députés LFI collent décidément au plus près des préoccupations des Français. Les événements en cours obligeant la représentation nationale à se pencher une fois de plus sur notre arsenal juridique, les députés insoumis ont décidé de frapper un grand coup : le 29 juin, au plus fort des émeutes, ils ont déposé un amendement destiné à… « améliorer la prise en charge des personnes transgenres en prison » et à faire en sorte, par conséquent, que la mise à l’écrou soit « effectuée en fonction de l’identité de genre déclarée de la personne condamnée, indépendamment du genre indiqué au moment de la condamnation », que cette personne soit incarcérée dans un établissement pénitentiaire correspondant à son « genre vécu » et que le personnel pénitentiaire soit sensibilisé à « la lutte contre la transphobie ». Enfin une mesure à la hauteur des enjeux ! D’aucuns pensent que les élus LFI n’ont pas jeté d’huile sur le feu qui embrase la France et qu’ils sont des « boucs-émissaires » désignés par le « Parti de l’Ordre » – et nous ne sommes pas loin d’abonder dans ce sens : un mouvement politique qui est capable de faire abstraction des pillages, des incendies, des destructions de bâtiments officiels, des menaces sur les maires, des tirs à balles réelles sur les forces de l’ordre, bref, du chaos qui règne sur notre pays, pour prendre la défense des « personnes transgenres [qui] vivent de nombreuses violences dans le système carcéral français » et pour « réparer cette maltraitance institutionnelle », ne saurait être accusé de tous les maux. Après les émeutes, les députés LFI prévoient-ils de profiter de la destruction du mobilier urbain pour relancer, entre autres, l’épineux dossier sur l’installation de toilettes non genrées dans l’espace public ? La conclusion de la déclaration du député LFI Antoine Léaument face à une douzaine de badauds égarés devant sa permanence parlementaire nous le laisse subodorer : « Si noire soit la nuit, le soleil finit toujours par se lever, et si tristes soient les jours vécus, de meilleurs jours finissent toujours par arriver quand on se bat pour un monde meilleur. » Toilettes genrées ou non, reconnaissons au moins à certains l’art de savoir pisser dans un violon ou contre le vent, c’est selon.

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Vers une République de marquis poudrés?

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Plus d'une tonne de cocaïne saisie au bord d'un navire de commerce par les douaniers garde-côtes de Manche-Mer du Nord, Dunkerque, octobre 2021

Comme chez nos voisins européens, la cocaïne est désormais disponible à prix cassé dans nos villes et nos campagnes. Importée en gros, elle a cessé d’être un produit de luxe. Mais son inquiétant pouvoir de corruption et de destruction, lui, n’a pas diminué.


La vie est chère ? Tout augmente ? Pas forcément. De 150 euros au détail il y a quelques années, le gramme de cocaïne se négocie aujourd’hui entre 60 et 80 euros à Paris. Face à la hausse de prix de l’énergie et des matières premières, la cocaïne, jadis produit de luxe, se démocratise.

L’augmentation des saisies en témoigne : dans le port d’Anvers, en 2022, la police a saisi 110 tonnes de cocaïne. En 2015, c’était moins de 16 tonnes. Ces chiffres témoignent moins de l’amélioration des performances policières contre le trafic que de l’explosion du marché : l’Europe est le nouvel eldorado des trafiquants de cocaïne.

Yann Bastière, représentant de SGP Unité Police explique le mécanisme à l’œuvre : « Le marché de la cocaïne aux États-Unis est saturé. Dans le même temps, la production explose. En Colombie, premier pays producteur, les surfaces ensemencées ont augmenté de 43 % en 2021 par rapport à 2020. Trouver de nouveaux débouchés est une nécessité vitale. Pour que ces marchés soient rentables, il faut pouvoir écouler de grandes quantités de drogue. Voilà pourquoi l’Europe et son importante classe moyenne sont la cible privilégiée des trafiquants depuis quelques années. Voilà pourquoi les prix sont en baisse tandis que la qualité augmente : il faut conquérir et fidéliser de nouveaux consommateurs. »

Des arrivées massives et peu contrôlées

La porte d’entrée de la drogue, ce sont les grands ports de conteneurs, comme Anvers, Rotterdam ou Le Havre. Un autre acteur est déterminant dans le cas de la France : la Guyane. Sa frontière avec le Suriname, narco-État et plaque tournante du trafic de la cocaïne colombienne vers la France, en fait un véritable « narco-département ». Selon une source policière, « la frontière avec le Suriname, très peu contrôlée, ressemble aux Champs-Élysées en matière de fréquentation, surtout à l’approche des deux rotations quotidiennes de l’aéroport de Cayenne vers la France. À chaque contrôle, on attrape trois ou quatre mules, mais on sait très bien que ce n’est que la pointe immergée de l’iceberg. Plus il y a de mules, alors que les effectifs de douane sont limités, plus un grand nombre passe entre les mailles du filet. Ils se moquent de perdre trois ou quatre mules si sur chaque voyage ils en font passer des dizaines d’autres. » Et ce fonctionnaire longtemps chargé de la lutte contre le trafic de stupéfiants de raconter : « Un jour, nous avions décidé de faire un contrôle exhaustif et inopiné d’un avion. Même en prenant la décision le plus tard possible, le pouvoir de corruption des trafiquants est tel que l’info a fuité malgré tout. Eh bien, sur un avion de 250 personnes, une quarantaine de personnes ne se sont pas présentées à l’embarquement alors que les billets n’étaient plus remboursables. »

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Le gros du trafic vers l’Europe reste néanmoins transporté par conteneur. Dans le cas emblématique d’Anvers, seul 1,5 % des 12 millions de conteneurs débarqués sont analysés. De source policière, on estime que seulement 10 % de la drogue transitant par ce biais serait interceptée. Pour les trafiquants, cette perte est acceptable au vu des énormes bénéfices : le marché de la cocaïne à Anvers est estimé à plus de 50 milliards par an, soit 10 % du PIB de la Belgique.

Terreur et corruption

« Les trafiquants connaissent parfaitement le fonctionnement des ports. Ils planquent notamment la drogue dans des conteneurs de produits périssables, car ceux-ci doivent être débarqués très vite et ne peuvent être stockés. Mais surtout, ils disposent de tellement d’argent qu’ils n’ont pas de mal à corrompre des dockers, des douaniers, des policiers… Et si la corruption ne marche pas, il reste la terreur », raconte Fabrice Rizzoli, président de Crim’Halt. À Anvers, la violence générée par le trafic de drogue a ainsi débordé du port sur la ville, pour finir par gangrener le pays. La situation est devenue d’autant plus incontrôlable que les autorités ont longtemps refusé d’investir dans des systèmes de caméras performants ou des portiques à scanners. Facile d’accès, le port est devenu le terrain de jeu de la « Mocro Maffia », cette mafia marocaine qui sévit dans le nord de l’Europe, notamment en Belgique, aux Pays-Bas ou dans le nord de la France, régions où beaucoup d’immigrés issus du Rif se sont installés depuis les années 1960. En effet, l’arrivée de la cocaïne s’appuie sur les réseaux déjà existants, et notamment ceux du cannabis. Selon Yann Bastière, « il existe une joint-venture entre mafias italienne, marocaine et corse, et les producteurs sud-américains. Une des preuves de ces liens structurels se trouve au Maroc. On y saisit en effet de plus en plus de cocaïne alors que le Maroc n’est pas producteur. Le produit y arrive, car il emprunte les routes du trafic de cannabis et est distribué par les mêmes acteurs. »

En France, le port du Havre s’est imposé rapidement comme une porte d’entrée importante pour la cocaïne. En 2021, 10 tonnes de cocaïne ont été saisies, une augmentation de 164 % en un an. Comme à Anvers, corruption et violences ont organisé l’emprise mafieuse sur le port et les dockers sont en première ligne. L’organisation particulière des ports et le règne de syndicats tout-puissants qui imposent leurs normes empêchent l’installation de caméras, imposent un accès libre aux conteneurs par les dockers, font de ceux-ci des agents incontournables pour récupérer la marchandise. Une source policière nous a confirmé que, « sans la complicité de dockers, faire sortir la drogue est impossible. D’ailleurs, un certain nombre d’entre eux se retrouvent devant la justice suite à des affaires de corruption. Cela permet de se faire une idée des sommes offertes par les trafiquants. 10 000 euros pour un prêt de badge, 50 000 euros au grutier pour déplacer un conteneur… Difficile de résister à de telles tentations. »

L’appât du gain n’explique cependant pas tout. Selon Yann Bastière, « l’extrême violence des trafiquants et leur détermination mettent une pression énorme sur les employés des docks, les douaniers et les policiers. Au Havre, des dockers ont été enlevés et séquestrés, leurs familles ciblées. Et il y a une disproportion entre les moyens affectés au contrôle et à la police, et ceux des trafiquants. » Depuis que les polices belges, françaises et néerlandaises ont réussi à s’introduire dans la messagerie Sky ECC utilisée par des réseaux mafieux, elles sont tombées sur des vidéos de chambres de torture, de personnes démembrées et passées au hachoir. De quoi décourager l’honnêteté. Le port du Havre a déjà connu des enlèvements et son premier mort. En 2020, le corps d’Allan Affagard, docker et syndicaliste CGT, a été retrouvé derrière une école. Il avait été soupçonné d’avoir facilité la sortie de cocaïne du port et mis en examen pour cela. Des accusations qu’il avait toujours récusées.

Le pouvoir des trafiquants

Aux Pays-Bas, la princesse héritière et le Premier ministre sont directement menacés de mort par les trafiquants. En Belgique, c’est le ministre de la Justice qui est ciblé. Mais si des menaces réelles pèsent sur la classe politique, l’inquiétude réside aussi dans sa corruption potentielle. Avec des enjeux et des moyens colossaux, les réseaux mafieux ont besoin de développer des liens avec les élus à tous les niveaux. Certes, peu d’affaires ont éclaté, mais les spécialistes pensent que l’histoire retentissante qui a éclaboussé la ville de Saint-Denis, où une demi-tonne de cannabis était entreposée dans le centre technique municipal, n’est peut-être pas si exceptionnelle. La relative impunité dont a bénéficié l’employé durant le temps qu’a duré ce trafic interroge sur l’aveuglement des élus et la grande mansuétude de la hiérarchie.

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On peut citer aussi le cas de Florence Lamblin, élue EELV et adjointe au maire du 13e arrondissement, accusée d’avoir aidé au blanchiment d’argent lié au trafic de drogue, ou encore de Nicolas Jeanneté, directeur du parti Nouveau Centre et conseiller de Paris, accusé de trafic de stupéfiants, de Mélanie Boulanger, maire PS de Canteleu et de son adjoint chargé du commerce, accusés d’avoir été sous l’emprise de trafiquants de drogue et de leur avoir « facilité » la vie. Comme dans le cas des personnels portuaires, le ciblage des élus pourrait s’avérer d’autant plus « rentable » que les menaces de mort des caïds de la drogue sont crédibles, durables et suivies d’effets, là où la protection policière peut apparaître limitée et défaillante.

En attendant une réaction à la hauteur des périls encourus, les spécialistes du marché de la drogue alertent : « Quand la production augmente et que les prix sont quasiment divisés par deux, on constate un rajeunissement et une massification des consommateurs. […] Pour s’en procurer, il suffit de taper “livraison de cocaïne” sur Twitter ou Snapchat par exemple, cela permet d’obtenir un numéro fonctionnant sur WhatsApp, qui vous livre chez vous dans l’heure », raconte Yann Bastière. L’ubérisation du deal fonctionne à merveille. Pour notre malheur collectif.

Avant le 27 juin, c’était comment ?

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L'Hôtel de ville de l'Hay les Roses, barricadé de barbelés, le 3 juillet 2023. © ACCORSINI JEANNE/SIPA

Le temps de « paix » d’avant le 27 juin nous manque. Mais existait-il vraiment alors que de nombreux maires faisaient l’objet d’agressions? Les émeutes ne constitueraient-elles pas un effet loupe finalement bienvenu?


L’unique avantage des émeutes – que Jean-Luc Mélenchon s’obstine à qualifier de révolte – est qu’elles grossissent une réalité que, dans sa déplorable quotidienneté, on ne sait plus voir. À laquelle on est tellement habitué qu’on la perçoit comme le rythme de croisière d’une France oscillant entre délits et crimes, entre insécurité et faiblesse judiciaire, entre vœux pieux et coups de menton, entre promesses de ne jamais céder et abandons multiples, entre une démocratie molle et un pouvoir au pire miséricordieux à contre-temps, au meilleur dépassé. 

Agressions et destructions folles

En effet, « le bilan très lourd de cinq jours d’émeutes… déjà très supérieur aux trois semaines d’émeutes de 2005 » (Le Monde) a poussé au paroxysme, avec une intensité violente et folle, des agressions multiples, des destructions, des pillages, des attaques d’élus et une haine antipolicière en bande, commis notamment par des mineurs de plus en plus précoces, délaissés ou stimulés par des familles irresponsables. 

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La frénésie d’après le 27 juin fait apparaître les jours d’avant comme une période relativement calme alors qu’y germaient en réduction tout ce qui va venir, avec le prétexte de la mort de Nahel, frapper notre pays de plein fouet, laissant les Français stupéfiés par des débordements à l’égard desquels les transgressions antérieures semblaient relever d’un mode mineur. Et pourtant !

Ce qu’il faut craindre avec le retour à la normale

Les élus, les maires étaient de plus en plus invectivés, frappés, molestés, parfois gravement, et on se demandait comment freiner cette course vers l’intolérable. Mais rien de commun avec l’émotion quasi unanime, l’indignation solidaire qui ont saisi la communauté nationale face à l’odieuse tentative d’assassinat en pleine nuit de l’épouse et des enfants du maire de L’Haÿ-les-Roses dans leur habitation après une attaque à la voiture-bélier. Comme si avant nous étions lassés de relever la multitude de ces atteintes contre lesquelles nous ne pouvions pas grand-chose, avec une justice trop clémente parfois quand elle était saisie. Elles faisaient partie de notre paysage républicain comme une sorte de repoussoir. Mais le crime contre la famille de l’édile nous a contraints à cibler, à concentrer notre indignation sur cet événement. J’espère que l’émoi d’aujourd’hui ne retombera pas et qu’il ne nous conduira pas à nous satisfaire de cette parenthèse de concorde courroucée. On comprendra pourquoi ces cinq jours d’émeutes qui ont mobilisé des forces de l’ordre comme jamais, des réunions interministérielles à répétition et des moyens sans compter, ne serviront pas d’excuse au pouvoir pour continuer à mal gérer la délinquance au quotidien. Le 27 juin et ses suites ne doivent pas avoir pour vocation de nous illusionner, nous faisant croire qu’avant, c’était bien…

Alors que les émeutes n’ont été que la continuation du pire mais par d’autres moyens, sur un mode plus sauvage, avec un registre plus subversif.

Quand “Libération” travestit la réalité des quartiers pour « comprendre » les émeutes

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Nanterre (92), une islamiste marche dans la ville après le désordre suite aux violences et affrontements entre police et manifestants, 29 juin 2023 © JEANNE ACCORSINI/SIPA

N’en déplaise à Thomas Legrand, la racaille du 93 n’a aucune circonstance atténuante économique


Le problème avec les éditorialistes politiques, c’est que même les meilleurs de la place de Paris sont de redoutables cancres dès qu’il est question de chiffres. Prenez Thomas Legrand. Sans doute l’une des plus honnêtes plumes de Libération, si si. Ne serait-ce que parce qu’il a eu l’élégance de reconnaître ses travers bobos il y a dix ans dans un essai co-signé avec sa compagne Laure Watrin. Un journaliste dont la connaissance, solide, des élections, des programmes, des partis et de leurs leaders ne fait aucun doute, reconnaissons-le, il s’agit d’une qualité si rare au sein de sa rédaction qu’elle mérite d’être signalée. Seulement voilà, face aux émeutes claniques qui ravagent la France depuis une semaine, ses références historiques habituelles ne sont d’aucun secours. Difficile de trouver chez les grandes figures tutélaires de la gauche responsable (comme Mitterrand, Mendès-France ou Jospin) ou même chez les trublions préférés du journal (tels Cohn-Bendit, Baudrillard et Taubira) de quoi justifier l’attaque sauvage de plus de deux-cents écoles en banlieue et l’agression ignoble de la famille d’un maire.

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Alors pour donner quand même un peu de corps à la culture de l’excuse et ne pas décevoir son lectorat radical-chic, Legrand s’est essayé à la démonstration économique. À cet effet, il est allé chercher l’inspiration dans un rapport parlementaire sur la politique de la ville. Qu’il a fort mal lu puisqu’il croit pouvoir titrer sa chronique “La Seine Saint-Denis n’est pas un territoire gâté de la République”. Avant d’étayer ainsi son affirmation : “La moyenne des transferts sociaux en France est de 6 800 euros par habitant. Elle est de 6 100 euros en Seine-Saint-Denis.” Ah le bel argument massue que voilà ! Sauf qu’il ne prouve rien… Car Legrand ignore manifestement que le 93 est un département riche, avec une industrie prospère (Orangina, Findus, Placoplatre…), le plus grand équipement sportif (le Stade de France, à Saint-Denis) mais aussi le plus grand centre d’exposition du pays (Le palais de Villepinte), sans oublier la deuxième zone tertiaire d’Île-de-France (la Plaine Saint-Denis). Résultat, le revenu d’activité moyen y est plus élevé que la moyenne nationale. Dans ces conditions – favorables – rien d’étonnant à ce qu’il y ait moins d’aides versées per capita.

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Ajoutez à cela qu’en Seine Saint-Denis, les habitants bénéficient en réalité de l’une des politiques de redistribution les plus efficaces de France, qui permet de réduire de moitié les écarts de revenus entre le premier et le dernier décile (record français) et d’abaisser le taux de pauvreté d’un quart, et vous conviendrez que les gouvernants n’ont pas attendu les lumières de la docteur en sciences économiques Sandrine Rousseau (minée, vendredi dernier, par une puissante réflexion où elle se demandait si “le pillage avait à voir avec la pauvreté”) pour chouchouter ce territoire si stratégique, quitte à délaisser la province des gilets jaunes. Et encore, les statisticiens français n’intègrent pas dans leurs calculs la gratuité de l’école et de l’hôpital. À ce compte-là, la Seine Saint-Denis se révèle l’un des endroits où l’on trouve le moins de raisons économiques au monde de se révolter. Bref, ne croyez pas ceux qui affirment que Paris aurait à ses portes un infâme ghetto. Contrairement aux favelas de Rio ou au township de Johannesburg, nous avons une République qui déverse des milliards dans ses cités, y envoie les pompiers éteindre les incendies et y protège les citoyens avec la même police que dans les beaux quartiers. Le 93, c’est la Suède sans les fjords.