L’affaire des archives conservées à Mar-a-Lago est la plus susceptible de le faire tomber
Comment expliquer le nombre et la variété des poursuites judiciaires dont Donald Trump fait l’objet ? Certes, c’est un personnage hors du commun dont l’approche en politique teste les limites de ce qui est normal et même de ce qui est légal. Pourtant, la prolifération des procès au cours de la période qui précède la prochaine élection présidentielle, en novembre 2024, soulève au moins la possibilité d’un acharnement judiciaire. Essayons d’y voir clair.
Une avalanche de procédures
Premièrement, Donald Trump, avec trois de ses enfants, est accusé par la procureure générale Démocrate de New York, Letitia James, d’avoir surévalué les biens immobiliers de sa famille de plusieurs milliards de dollars. La supposée fraude fiscale se monte à 250 millions de dollars. Pas trop d’inquiétude ici : le cas devrait pouvoir être réglé au civil à l’amiable.
Deuxièmement, une enquête a été lancée par la procureure Démocrate Fani Willis contre Donald Trump en Géorgie à propos d’une supposée tentative d’influencer l’élection présidentielle de 2020 lors d’une conversation téléphonique avec le secrétaire d’état de Géorgie, le Républicain Brad Raffensperger. Lors de cette conversation enregistrée par ce dernier et livrée au Washington Post, Donald Trump, conscient de la très faible avance de Joe Biden dans cet Etat (10 000 voix), demande instamment au secrétaire d’Etat de lui « trouver 11 000 votes » favorables. Selon Alan Dershowitz, professeur émérite de Droit à Harvard et avocat de Trump lors de la première tentative de destitution, le fait que Trump, entouré de ses avocats lors de la conversation, ait demandé de « trouver » 10 000 votes et non « forger » ou « créer » n’a rien de répréhensible.[1]
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En outre, le ministère de la Justice (aux États-Unis, l’Attorney General fait office de procureur général ET de ministre de la Justice) a mené une vaste enquête sur les actions de M. Trump lors de l’assaut du Capitole du 6 janvier 2021. Le procureur général/ministre de la Justice Merrick Garland a laissé ouverte la possibilité que Donald Trump soit poursuivi pour avoir « incité » à une « insurrection », selon le mot de la commission du 6 janvier de la Chambre des représentants. On sait depuis les vidéos publiées par Tucker Carlson (avant son éviction de Fox News) que les « terroristes intérieurs » étaient en réalité des pieds nickelés, jusqu’au « Chaman » à casque de viking, Jacob Chansley, qu’on voit sur des vidéos de surveillance déambuler tranquillement dans le Capitole accompagné de deux policiers… Seule une insurgée, Ashli Babbit, a été tuée à bout portant par un policier. Aucun parlementaire ni membre du personnel n’a été blessé et les déprédations dans le Temple de la démocratie américaine sont très limitées. L’attaque est en réalité surtout symbolique. Donald Trump a invité le public à exercer son droit protégé par le Premier Amendement (concernant la liberté d’expression) et à marcher « pacifiquement et patriotiquement » sur le Capitole. Ce qui est protégé par la Constitution. Le fait qu’il ait « chauffé » ses troupes en éructant pendant une heure sur la prétendue élection volée n’y change rien : rien n’indique que Trump ait fomenté ou participé à l’insurrection. Il pourrait être difficile de l’inculper dans cette affaire.
Donald Trump doit encore faire face aux accusations d’avoir acheté le silence d’une actrice pornographique, Stormy Daniels, une enquête menée par le procureur Démocrate de New York, Alvin Bragg, qui a reçu indirectement par l’entremise d’un comité de campagne « Color of Change », 6 millions de dollars de l’Open Society de Georges Soros[2].
Donald Trump fait également face à des poursuites civiles pour coups et blessures et diffamation engagées par la chroniqueuse et ex-journaliste E. Jean Carroll (le viol n’ayant pas été retenu). Ces deux affaires pourraient se régler au civil moyennant des dédommagements importants mais qui rentrent dans les possibilités financières du milliardaire républicain.
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Reste, probablement, l’affaire la plus délicate, pour laquelle il vient d’être inculpé le 13 juin par un tribunal floridien à Miami et pour laquelle il est très vulnérable : avoir conservé des documents top secrets, déclassifiés ou pas, dans son somptueux manoir de Mar-a-Lago (Palm Beach, Floride). Cette série d’accusations fait suite à une perquisition menée par le FBI sur ordre du Procureur général Garland et approuvée aussi par un juge Démocrate, Bruce Reinhart.[3] Trump pourrait au minimum être inculpé pour obstruction de la justice car il avait préalablement reçu une citation à comparaître et l’a ignorée. Il fait face à 37 chefs d’inculpation dont celui d’avoir illégalement conservé des documents relatifs à des secrets nucléaires et des capacités de défense de pays alliés. En septembre 2021, au Bedminster Club, il aurait montré à un représentant de son comité d’action politique ne disposant pas d’autorisation (« clearance ») une carte d’état-major classifiée relative à une opération militaire. Comme Hillary Clinton dont les emails compromettants échangés sur une messagerie non-sécurisée lui avaient en partie coûté l’élection de 2016, Donald Trump pourrait se voir reprocher par de potentiels électeurs le fait de conserver des secrets d’État dans sa salle de bains surtout s’il a ordonné de les y cacher.
Des affaires qui galvanisent les plus radicaux des MAGA
Si cette avalanche de procès peut galvaniser les troupes Républicaines trumpistes (les MAGA) et lui assurer la victoire à la Primaire Républicaine au détriment de Ron DeSantis, elle peut également lui aliéner les électeurs centristes et indépendants lors de l’élection présidentielle de 2024. Si Trump arrive jusque-là ! Puisqu’il pourrait d’ici quelques mois être jugé et lourdement condamné (il risque la prison ferme) alors qu’il serait déjà nommé par les Républicains candidat à la présidentielle… Tenant compte des lenteurs de la justice, il pourrait même être entre-temps redevenu président des Etats-Unis !
Pour l’instant, en effet, un récent sondage Washington Post-ABC News a montré que 44% des personnes interrogées ont déclaré qu’elles voteraient « probablement » ou « certainement » pour M. Trump, tandis que 38% seulement ont déclaré la même chose pour M. Biden. Quelque 12% des personnes interrogées sont indécises[4]. Elles pourraient faire la différence en novembre 2024.
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[1] Interrogé par l’émission « American Thought Leaders », le 8 mai, sur Epoch TV. Il est l’auteur de Get Trump: The Threat to Civil Liberties, Due Process, and Our Constitutional Rule of Law (Hot Books, 2023).
[2] Les Républicains accusent le procureur Bragg d’être soutenu par Soros. La presse libérale affirme que seul Color of Change, qui soutient la campagne de Bragg en faveur d’une action pénale juste pour les Noirs, a reçu de l’argent. Soros n’a pas directement soutenu la campagne de Bragg.
[3] Breinhart a été donateur pour la campagne présidentielle de Barack Obama ET pour la Primaire républicaine de Jeb Bush. Avocat de certains clients de Jeffrey Epstein, il a subi en Floride une campagne à connotation antisémite.