Accueil Site Page 4

L’homme qui parlait au fleuve

0

Monsieur Nostalgie remonte la Loire en compagnie d’une bande-dessinée signée Étienne Davodeau


Aux beaux jours, on a des envies de Loire comme de vins de soif. De grimper sur le piton de Sancerre et d’enjamber ses ponts de pierre, de dégoupiller un flacon de sauvignon et d’assister à la parade nuptiale des grèbes huppés. Les bancs de sable nous appellent. L’esprit ligérien est le substrat des terres intérieures, son mirage et son au-delà. Très jeune, on nous a alertés sur sa dangerosité, ses tourbillons et ses remous, elle vous emporte et aucune force n’y résiste, nous prévenaient nos grands-parents. Les meilleurs nageurs y perdirent leur sang-froid. Très jeune, à des centaines de kilomètres de l’Océan et des plages de sable fin, durant ces étés caniculaires qui fendent les maisons, dans ces campagnes chauffées à blanc, l’air rempli des fraîches moissons, dans les éternuements et les pics de température, nous n’avons pu résister à son attrait. Innocents et suicidaires, nous avons plongé dans son lit.

La Loire ne porte pas sa sauvagerie sur ses traits, c’est pour mieux vous manger, mon enfant. D’un coup d’œil fainéant, on la trouverait même un peu indolente, elle charrie quelques morceaux de bois ; large et détendue, elle semble apaisée, presque indifférente au sort des Hommes. Elle rêvasse et laisse couler les temps infinis. Elle est là, depuis si longtemps. Quelques châteaux à la peau blanche lui servent de promontoires, d’éperons ostentatoires, elle s’en moque, elle vit sa vie, ne s’occupe que très occasionnellement de l’activité humaine qui l’entoure. Les princes et les rois qui se sont installés à ses pieds, restent ses servants. Elle est chez elle, sa seigneurie a creusé son sillon dans les entrailles de notre pays. Si on l’observe de plus près, cette nonchalance rurale est un leurre. Son calme, cette indifférence des aristocrates, est sa manière à elle, de ne pas tirer la couverture, on la croit absente, elle est turbulente ; on l’imagine somnolente, loin du tumulte de la mer, elle est caractérielle. Ses colères rappellent aux imprudents que c’est elle qui tient notre destin en main. Elle est maître de son territoire, nous ne sommes que d’accessoires figurants.

A lire aussi, du même auteur: Ça balance pas mal dans la comédie!

Aujourd’hui, depuis sa patrimonialisation, son inscription à l’UNESCO, ses breloques d’ancien combattant accrochées à ses berges, ses pistes cyclables et son tourisme naturaliste, elle est intouchable. Sa panthéonisation a été tardive, dans mon enfance, on ne la vénérait pas, elle faisait partie du paysage, on ne prenait pas l’apéro dessus, on naviguait peu, les barques à fond plat avaient quasiment disparu, on avait même oublié qu’elle était à l’origine d’une économie fluviale florissante, on y pêchait seulement quelques sandres ou perches. Les historiens et les promoteurs ne pouvaient décemment pas la laisser tranquille. Il fallait la commémorer et l’utiliser. Mais la Loire en a vu d’autres, des gesticulateurs et des activistes. Elle ne se laisse pas apprivoiser par le premier marchand venu. Dites-vous bien que nous serons toujours ses sujets, des disciples bien fébriles face à ses méandres et à ses chausse-trappes. Beaucoup d’écrivains, d’illustrateurs, de peintres ou de photographes ont tenté de se l’approprier, de capturer sa lumière, ses affaissements et ses fulgurances, recensant sa faune et sa flore exceptionnelles, s’engouffrant dans ses bras morts, l’érigeant en parangon de la biodiversité et en rempart contre les fossoyeurs climatiques. Étienne Davodeau, dans « Loire » parue aux éditions Futuropolis qui fête leurs 50 ans en 2024 – l’aventure éditoriale a même démarré en 1972 par l’ouverture de la librairie Futuropolis dans le XVème arrondissement par Étienne Robial et Florence Cestac – est certainement l’artiste qui s’est approché de plus près de son onde maléfique et libératrice.

A lire aussi, Jacques-Emile Miriel: Nabokov, le choc Lolita

Dans sa bande-dessinée, Agathe, une femme qui a été beaucoup aimée, convoque ses amants et amantes pour un ultime rendez-vous. L’histoire commence par un homme nu piégé par les courants et se poursuit dans une quête sur soi-même. Davodeau ne sublime pas le fleuve, n’essaye pas de tordre sa réalité, de le faire plus poétique ou angélique qu’il n’est. Il le restitue dans son entre-deux teinté d’un onirisme un peu inquiétant. Ses planches de nuit sont splendides. J’y ai retrouvé mes émois adolescents. Il fait dire à Louis, l’un de ses personnages : « Ça parle un fleuve ? ». Davodeau l’a fait parler.

Loire d’Étienne Davodeau – Futuropolis, 104 pages.

Loire

Price: 20,00 €

19 used & new available from 12,99 €

Monsieur Nostalgie

Price: 17,00 €

12 used & new available from 16,37 €


Brice Hortefeux sur l’immigration: «Je crois à la puissance publique!»

0

Son premier poste politique ? Chef de cabinet du maire de Neuilly, un certain Nicolas Sarkozy. Le député européen et conseiller régional d’Auvergne Brice Hortefeux répond aux questions de Philippe Bilger. Dégradation du climat politique, baisse de niveau, constance de l’engagement chez LR, immigration : un échange intéressant. Vidéo.


Le 11 avril j’ai « soumis à la question » Brice Hortefeux. Il me paraissait essentiel de projeter une lumière toute de curiosité et d’empathie sur cette personnalité d’expérience, de droite et dont la pensée, au-delà des caricatures, méritait d’être mieux connue.

Malgré une très riche et diverse carrière politique, avec notamment des fonctions ministérielles qui n’étaient pas de tout repos, Brice Hortefeux a été parfois réduit à son amitié constante et fidèle pour Nicolas Sarkozy.

A lire aussi: Jérôme Garcin: «J’ai toujours fait en sorte de ne pas abuser de mon pouvoir, je vous demande de me croire!»

Incontestable, elle ne doit pas dissimuler la finesse et la profondeur d’une réflexion, la vigueur et la lucidité d’une expérience émanant, l’une et l’autre, d’une personnalité valant bien plus que l’image développée par ses contempteurs compulsifs.


Causeur vous propose de visionner cet entretien, enregistré dans le studio de Fréquence Protestante (100.7 FM Paris).


Engagement à droite : « Je suis sensible depuis toujours à l’ordre et l’autorité »
« Le progrès nait de la confrontation des idées, voilà pourquoi je ne suis pas macroniste… »
« Le macronisme, cela ne marche pas, l’époque récente le montre »

Sur l’immigration : « Je crois à la puissance publique ! S’il y a impuissance, c’est qu’il y a une absence de volonté, une absence d’organisation ou une absence d’objectifs ! »
« Le Pacte européen sur l’immigration et l’asile présente des avancées, mais également beaucoup de failles »
« La délinquance générale était en diminution lors de mon départ du ministère de l’Intérieur »
« Le nombre de clandestins actuellement en France est le plus élevé que nous ayons jamais connu ! Quand j’étais ministre de l’Intérieur et de l’Immigration, on délivrait 185 000 titres de séjour, ce qui est déjà beaucoup d’ailleurs. Aujourd’hui, on est à 330 000. »
« On ne peut pas faire l’économie d’une évolution sur le sujet du droit du sol »
« Il faut modifier les conditions d’accès à la nationalité. Je ne suis pas allé assez loin (…) Une fois que la nationalité est délivrée, on ne peut plus rien faire. »

Sur l’élection présidentielle de 2007 : « Nicolas Sarkozy a incarné une rupture en 2007, c’est d’ailleurs ce qui l’a fait gagner. D’habitude, les candidats à l’élection présidentielle après De Gaulle avaient tous cherché à gagner les élections présidentielles au centre ; Nicolas Sarkozy a lui choisi au contraire d’être totalement disruptif. (…) Je me souviens qu’avec mon ami, le sénateur Claude Malhuret, également engagé aux côtés de Nicolas Sarkozy alors, on s’accrochait au bras de notre fauteuil quand Nicolas Sarkozy a commencé à évoquer l’identité nationale et d’autres concepts – peut-être pas sulfureux mais brulants… Finalement, c’est sans doute ce côté disruptif qui a fait gagner Nicolas Sarkozy. Il a pressenti que le sujet de l’identité devenait un sujet de plus en plus difficile, complexe, menacé… »
« La société a évolué très vite. Il n’est pas sûr qu’aujourd’hui le « travailler plus pour gagner plus » permette de gagner une élection. »

Sur ses expériences ministérielles : « Je suis un sarkozyste définitif. Je ne respecte pas beaucoup les politiques qui changent d’étiquette. »
« Aujourd’hui, les communicants sont les boussoles des ministres. Moi, ma boussole c’était ce que je ressentais et les consignes du président de la République, en liaison avec le Premier ministre. »
« La polémique « 
Quand y’ en a un, ça va c’est quand il y en a beaucoup que cela pose des problèmes » m’a personnellement blessé, même si juridiquement j’ai gagné car, poursuivi par le MRAP, c’est moi qui l’ai fait condamner ! »

Sur le RN et le scrutin européen de juin : « Au Parlement européen, le poids de la France est faible car nous sommes puissants là où c’est inutile (beaucoup de députés RN dans un groupe faible NDLR) et faibles là où cela le serait (peu de députés LR dans le premier groupe au parlement européen NDLR). (…) Si les Français veulent peser au niveau européen, il faut voter en réalité pour les Socialistes ou les Républicains ! »
« Je me méfie de ceux qui proposent des solutions simples à des problèmes compliqués. »
« Le RN est une formation qui tous les 10 ans change de convictions ! »

Quand le cheminot Portes déraille

Décidément, chez les cheminots d’extrême gauche de la SNCF, on est loin de la Bataille du rail, constate, accablé, le président d’Avocats sans frontières.


On connaissait déjà le triste exploit du sieur Tronche, cadre CGT qui, apercevant Éric Zemmour dans sa gare, lui demanda si son train partait pour Auschwitz… Il bénéficie, depuis lors, du soutien de sa patronne, la dame Binet, mais il devra en répondre dans le cadre du procès diligenté par votre serviteur avec l’aval de l’homme juif injurié.

Cette fois, c’est un autre cheminot qui a déraillé dangereusement, en la personne de Thomas Portes. Les faits sont accablants : Le Journal du dimanche du 21 mars révélait que ce député de la France Insoumise avait mis en danger la vie d’un jeune juif français en l’accusant mensongèrement. Samuel O. a en effet été contraint de porter plainte quand il a appris que l’élu, reprenant les fausses informations d’un journaliste militant palestinien, l’avait dénoncé nominativement sur le réseau social X (ex-Twitter), l’accusant d’avoir torturé des terroristes du Hamas capturés par Tsahal.

A lire aussi: Famine organisée à Gaza: mensonge de guerre

Or Samuel O., Français qui habite la banlieue de Lyon, n’a jamais été soldat en Israël, et ne s’est rendu brièvement dans ce pays qu’en août 2023 pour assister à un mariage…

Communiqué alambiqué

Depuis le mensonge du cheminot insoumis, la vie de Samuel O. est un enfer au regard des menaces de mort et du harcèlement antisémite qu’il subit en provenance des milieux islamistes. Le député dépité s’est fendu d’un communiqué alambiqué le 22 mars dans lequel il annonce, mais trop tard, avoir effacé ses mensonges dévastateurs. Pour tenter de sauver la face, il continue, dans le reste dans son message, de diligenter ses accusations contre Israël.

Mais le déraillement du cheminot ne s’est pas déroulé en rase campagne. Il s’inscrit au contraire dans le cadre de la campagne haineuse engagée contre Israël à un train d’enfer, qui ne pouvait que dérailler. Portes fait en effet partie du quarteron de députés d’extrême gauche les plus furieux contre l’État hébreu, avec Messieurs Guiraud, Caron et Dame Soudais. Quarteron dont les faiblesses pour le Hamas islamiste ne sont plus à démontrer.

Haine obsessive

Les juifs français en général et Samuel O. ou l’étudiante de Sciences Po en particulier sont les victimes collatérales de cette haine obsessive de la nation juive. L’utilisation obscène du terme « génocide » pour l’appliquer à la riposte de l’armée israélienne contre le Hamas à Gaza en constitue une manifestation jouissive à caractère pornographique. Je ne suis pas le plus mal placé pour savoir que cette propagande ne s’inscrit pas dans un cadre rationnel et historique, mais au contraire idéologique et hystérique.

A lire aussi: Laissez donc Mélenchon s’enfoncer dans l’impasse islamo-gauchiste!

Dans mon Journal de Guerre, j’écris le 10 octobre, au quatrième jour après le massacre : « Israël riposte par des bombardements massifs sur une zone urbaine. Comme les alliés sur la France occupée. Gaza assiégée. J’entends ici prendre date. Le Grand Pogrom commis par les islamo-nazis a trois jours et la vraie riposte d’Israël n’a pas encore commencé. Je ne donne pas encore trois jours pour qu’Israël soit nazifié et les Arabes de Palestine peints en martyrs génocidés. »

Nous y sommes, et je savais bien que le cheminot Portes serait dans le train des peintres du tableau obscène. Ils n’ont peint ainsi ni Mossoul ni Grozny. C’est tellement plus jouissif de peindre un juif en nazi.

Journal de guerre: C'est l'Occident qu'on assassine

Price: 19,50 €

25 used & new available from 9,76 €

«2024, c’est la France en pire! Les gilets jaunes avaient raison!»

0

Entretien avec Jean-Charles Aknin, un révolté qui rêve toujours que le mouvement des gilets jaunes connaisse un débouché politique…


Jean-Charles Aknin, retraité en 2021 de l’audiovisuel public, s’est engagé dès le 17 novembre 2018 auprès des gilets jaunes. Constatant l’absence de matière politique du mouvement, il a entamé en 2020 la rédaction d’un programme électoral en vue des élections présidentielles de 2022…

Il participe régulièrement à diverses rencontres de « résistants » et se consacre à l’écriture sur l’avenir de la société française. Il investit aussi le champ des réflexions politiques et philosophiques autour du droit, de l’État et de la citoyenneté dans le cadre de colloques hebdomadaires sur les réseaux. Il analyse pour Causeur le legs des gilets jaunes à la société française.


Causeur. En rétrospective, comment décrire le mouvement des gilets jaunes ?

Jean-Charles Aknin. Pour situer le mouvement des Gilets Jaunes, on le compare souvent à Mai 68, ce dernier étant une sorte d’étalon paroxystique des chambardements français. D’autres secousses, depuis Mai 68, ont jalonné l’histoire sociale du pays. Elles lui sont comparées soit à l’aune du nombre de manifestants mobilisés, soit à l’aune de la violence générée ou bien à celle de l’ambition militante des participants.

En ce qui concerne le nombre de manifestants, on a souvent cité les manifestations contre la réforme des retraites sous le gouvernement Juppé en 1995 ou les cortèges contre le CPE (Contrat Première Embauche) sous le gouvernement Villepin en 2006. Pour le niveau de violence, on retenait les émeutes des banlieues en 2005. Et pour l’ambition militante, on se souvenait des « Bonnets Rouges » en 2013, des « Nuits Debout » en 2016, apparentées aux actions du mouvement « Occupy Wall Street » aux Etats-Unis ou aux Indignés de « Podemos » en Espagne. Dans cette perspective, le mouvement des Gilets Jaunes représente un phénomène exceptionnel en ce qu’il coche, à lui seul, chacune des trois cases : nombre, violence (malgré lui) et ambition militante. De ce fait, il talonne, et dépasse à plusieurs titres, le paroxysmique Mai 68.

Six ans plus tard, reste au mouvement des Gilets Jaunes à être digéré par les analystes politiques, les sociologues et, pourquoi pas, par les psychologues, avant d’être relégué sur les étagères poussiéreuses des bibliothèques universitaires. Du moins, c’est ce que croient les fossoyeurs bien-pensants. C’est sans compter sur la dimension militante de cette mobilisation historique.

A cet égard, de quelle ampleur a été, selon vous, le mouvement des gilets jaunes, car on ne l’a jamais su exactement ?

On épiloguera peu sur le « nombre », donnée controversée, évidemment falsifiée par les autorités, qui ont suivi à la lettre le sketch bien connu des chiffres de la police versus chiffres des manifestants. En l’absence du soutien des syndicats, des partis politiques ou de tout autre corps constitué pour lesquels l’estimation habituelle de leurs « raz-de-marée » était la division par deux ou par trois, les préfectures ont pu à loisir sabrer le nombre des Gilets Jaunes par dix ! Pourtant ceux qui ont scruté et vécu cette période vous parleront, sans outrance et sans mauvaise foi, de trois millions de personnes mobilisées à travers toute la France, quand le ministère affichait risiblement un pic à 282 000 manifestants dans tout le pays. A ce propos, on peut aller consulter les archives du site « Le Nombre Jaune[1] ».

Et qu’en est-il du critère de la violence que vous avez évoqué ?

Il s’agit d’un critère qui embarque à lui tout seul toute la honte et toute la duplicité des autorités vis-à-vis de ses « administrés ». En ces temps de conflits internationaux, nous nous sommes familiarisés avec l’expression « attaque sous faux drapeau ». Gageons que beaucoup d’entre nous ont aujourd’hui compris qu’un État peut opérer de la même manière à l’encontre de manifestants, qu’il considère, dans le plus pur esprit républicain (ironie), comme des « ennemis de l’intérieur ». Pour preuve, qui a entendu parler d’arrestation de blacks blocs ? De procès de blacks blocs ? Personne. Qui étaient ces blacks blocs ultra-violents que personne n’a plus jamais revus depuis ? Où sont-ils passés ? La question reste sans réponse.

Les Gilets Jaunes, en revanche, ont eu droit à tout : infiltrations, provocations, violences policières extrêmes, armes de guerre et gazages systématiques, fake news d’État, mauvais traitements et partialité judiciaires… sans oublier les moins sanglantes mais pas moins iniques « arrestations préventives », un animal juridique des plus inconstitutionnels ! Avec les Gilets Jaunes tout était permis, jusqu’à les assimiler, au bout du bout, à des terroristes, et à les enfermer par milliers comme on embastille des prisonniers politiques. Pour ceux-là, on a trouvé des places de prisons !

On a souvent évoqué l’hétérogénéité des gilets jaunes. Qu’en pensez-vous ?

Du point de vue de la conscience politique, nous étions en présence d’au moins trois sortes de Gilets Jaunes. Attention ! il s’agit bien entendu d’une catégorisation grossière qui doit être nuancée :

1) Les Gilets Jaunes allergiques à toute structure politique, à toute hiérarchisation et à toute autorité d’une personne en capacité d’exercer un quelconque leadership ;

2) Les Gilets Jaunes déjà politisés, syndiqués ou adhérents de partis préexistants de droite ou de gauche ;

3) Les Gilets Jaunes bâtisseurs, ayant pour objectif de penser une autre société via une nouvelle Constitution, ou via un programme politique novateur.

Que sont-ils devenus ?

De ces trois profils, seul le dernier a gardé une certaine vivacité. Les premiers, rageux, en colère, blessés aussi, se sont éparpillés vers les marges des extrêmes, vers les confins de la France périphérique, déshérités autant que dégoûtés, participants des mouvements altermondialistes, survivalistes et pour la plupart abstentionnistes. Recentrés sur leur famille ou investis dans des croisades d’actions solidaires. Les seconds ont rejoint leur chapelle, non sans avoir participé des courants d’infiltration politique qui ont sapé une partie de la vigueur du mouvement. L’expérience montre que les camarades gauchistes ont été bien plus intrusifs que les « droitards », en général plus respectueux de la dynamique en cours. Les membres de la troisième catégorie persistent ça ou là. Ils ont monté des associations, des petits partis confidentiels, se réunissent en coalition et tentent de pratiquer un « œcuménisme » militant de bon aloi. Ils ont aussi édifié un corpus considérable à travers des sites didactiques, des essais politiques ou sociologiques, des magazines, des cycles de conférences, etc. Une sorte d’éducation populaire se construit et se répand de proche en proche.

Sur le plan de la personnalité, les gilets jaunes partageaient-ils des traits communs ?

Le Gilet Jaune est un hypersensible politique, à savoir un individu sensible à la chose politique. Quel que soit son niveau de connaissance, son intelligence, son éducation, il est concerné par le monde, par et pour les autres. Sinon, il ne se serait pas mobilisé ex-nihilo, soutenu par personne, promis à aucune carrière et à aucun bénéfice potentiel.

Le Gilet Jaune consacre son temps à la résistance, aux manifestations, à la présence sur le terrain. Certains peuplent les conférences, les rencontres et les festivals militants. Ils explorent les sujets polémiques, s’informent plus encore que nombre de journalistes, écoutent les lanceurs d’alerte. En cela, ils rejoignent fièrement la masse de plus en plus grande que les représentants de la bien-pensance, appellent avec morgue « complotistes », c’est-à-dire ceux à qui l’on reproche le b.a.-ba de l’hygiène intellectuelle : exercer son esprit critique. Force est de constater que le Gilet Jaune, en s’exposant à la répression de l’État, est, bien plus que nombre de Français, un citoyen capable de sacrifice.

L’inconnu fait peur, et pour les classes dirigeantes, sacrifice, désintéressement et abnégation sont des comportements si étranges que, pour ces gens-là, se battre avec cœur, courage et honneur en réclamant justice provoque une telle répugnance de leur part qu’il leur faut salir, réduire et anéantir ces « canards sans tête » (selon l’expression de l’inénarrable sénateur Claude Malhuret), ces populistes, ces racistes, ces antisémites d’extrême-droite. Et le pire : ils sont pauvres ! Mais le Gilet Jaune a les défauts de ses qualités : « à fond » sur tous les sujets, il ne hiérarchise pas les idées. Pour lui, c’est du « tout ou rien » justement parce qu’il est un hypersensible politique. Bien sûr, on ne peut pas et on ne doit pas généraliser à outrance ce profil, mais il faut reconnaître qu’une divergence de vues provoque chez un Gilet Jaune une amertume bien plus difficile à gérer du fait de sa conscience exacerbée de la gravité des sujets qu’il a investis.

DR

Comment expliquer l’échec tragique du mouvement ?

On se souvient que les premiers sondages annonçaient que 82 % de Français soutenaient le mouvement. Les coupes étaient pleines, débordaient même par-delà les vases habituellement noyés sous les factures, embourbés par l’injustice sociale endémique. Pour une fois, même les classes moyennes se ralliaient à l’expression de ras-le-bol des laissés-pour-compte. C’était une affaire de semaines, de mois avant que l’oligarchie néolibérale ne capitule. Mais les semaines, les mois, les années ont passé. Les Gilets Jaunes se sont fait casser la gueule, ont été calomniés, conspués et enfin rejetés.

Mais enfin, que s’est-il donc passé ?

A partir de l’épisode Gilets Jaunes, certains exégètes se sont exercés à exposer la recette d’une « révolution réussie », suggérant que ledit épisode recelait malgré tout quelques-uns des ingrédients nécessaires. Sans éprouver à fond la validité de ces théories, il me semble que deux de ces ingrédients ont hypothéqué le succès du mouvement.

Premier ingrédient : la sempiternelle mais concevable alliance des classes sociales, la transversalité de la lutte, la communion d’intérêts de classes, etc. Ce genre d’analyse, trivialement marxiste, n’est effectivement pas à éluder. Pour autant, le large soutien populaire initial suggérait que cette alliance, même de circonstance, était à portée de mobilisation. Outre le travail de sape des médias subventionnés, le non-ralliement des syndicats et des partis politiques a entravé puis brisé l’élan potentiel. Reste à explorer les raisons pour lesquelles les dirigeants (intéressés) de ces corps dits intermédiaires n’ont pas accompagné ce mouvement populaire massif !

Mais l’ingrédient essentiel qui a manqué aux Gilets Jaunes est certainement l’absence de projet politique. Je m’explique : le mode initial était un mode revendicatif. Mais revendiquer, c’est demander, et demander, c’est se placer en aval d’une autorité qui « cède » à la revendication. C’est le pouvoir qui donne, qui accorde. On ne révolutionne rien en position de vassal. Il manquait donc un projet politique, un objectif, un programme qui aurait permis, sinon de parler d’égal à égal, de laisser à penser que le rapport de force pouvait évoluer.

On se souvient que l’une des mesures-phare mise en avant par le mouvement était le RIC, le fameux Référendum d’Initiative Citoyenne ?

Un temps, ce rêve de Nouveau Monde et de Grand Soir s’est cristallisé dans le RIC. Le RIC avait l’avantage de satisfaire les trois catégories de Gilets jaunes que j’ai mentionnées : il ne présuppose pas de chef, il peut s’appliquer dans un espace politique préexistant, il est une amorce de construction politique. Bien qu’il se soit trouvé des fanatiques du RIC pour l’envisager comme seul et unique instrument de « gouvernance », le RIC n’a pas suffi à apporter la matière nécessaire à un projet politique global. Pour paraphraser Brel sur le mode « Quand on n’a que l’Amour pour convaincre un tambour », on peut dire : « Quand on n’a que le RIC pour combattre le FRIC… ». On connaît la suite. Le romantisme évidemment ne suffit pas.

Chemin faisant, nombre de « résistants » ont pris conscience de la lacune que représentait l’absence de projet politique et de la nécessité de la résorber. C’est alors qu’à côté du RIC, ont émergé les « projets constituants ». Une porte d’entrée tout à fait estimable quand il s’agit de « réparer » un système politique qui ne semble plus viable en l’état.

Pour mémoire, c’est à l’avantage de cette orientation que les LFI, profitant de leur antériorité sur le sujet (voir les déclarations de Mélenchon lors de la présidentielle 2017), ont glané quelques adhérents supplémentaires sans pour autant parvenir à déconstruire la dynamique intellectuelle des Gilets Jaunes, déterminés à ne pas tomber dans le piège de la bipolarité droite-gauche jugée, à raison, mortifère. Jamais, sans doute, autant de Constitutions n’ont été écrites en groupe ou individuellement durant les mois qui ont suivi le mouvement des Gilets Jaunes. Ce phénomène est une des conséquences les plus admirables de cette période. Des milliers de citoyens se sont penchés sur les ressorts de leur maison politique, sur l’État, sur l’ordre juridique, sur les contre-pouvoirs, sur le Contrat social, sur les droits fondamentaux, sur la morale sous-jacente de l’édifice républicain, sur la démocratie, sur ses qualités et sur ses faiblesses.

Mais théoriser la procédure de RIC, circonscrire des objets de RIC potentiels, réécrire des Constitutions ne vaut que pour préparer l’avenir… s’il advient un jour. C’était, en quelque sorte, mettre la charrue avant les bœufs. Car pour propulser une Constitution ou le RIC, il faut d’abord avoir pris le pouvoir par les urnes ou par la rue. Victoire électorale ou insurrection, voilà l’alternative ! La victoire électorale a malheureusement été empêchée par le boycott médiatique et le manque de moyens financiers. Quant à l’insurrection, elle est interdite et réprimée.

Tout cela en dit long sur le degré de démocratie en France ! Quoi qu’il en soit, la démarche cohérente est de procéder sans griller les étapes. On ne peut faire l’impasse sur l’écriture préalable d’un programme politique sérieux et convaincant avant de penser mettre en œuvre RIC ou Constituante.

Vous avez écrit ce programme. Quels domaines englobait-il ?

En 2020, j’ai misà la disposition de tous un programme, sur le site Concorde1711.com[2]. Il s’agit d’une somme de 250 pages qui est devenue une référence auprès de certains militants. Organisation politique, économie, politique sociale, santé, droit du travail, services publics, justice, police, enseignement, recherche, liberté d’expression et médias, culture, sport, numérique, défense nationale, politique étrangère… Tout ce qui relève de l’exercice politique dans la nation y est passé en revue. Chaque chapitre est introduit par un préambule qui décrit l’esprit, la philosophie ou les problématiques qui inspirent les dispositions qui y sont énoncées.

Le mouvement des gilets jaunes pourrait-il ressusciter dans le contexte actuel de 2024 ?

Depuis 2018, tout a empiré. On est passé du jaune soleil à la nuit sombre ! Quelle que soit la direction vers laquelle on se tourne, il n’y a pas un domaine où quoi que ce soit s’est amélioré. La régression est En Marche sur tous les fronts. L’énumération qui suit est nécessaire ; l’exercice consiste à trouver du positif derrière chaque item… Bonne chance ! Qu’en est-il en effet du pouvoir d’achat, des taxes, des impôts, des services publics, de l’hôpital, des retraites, de l’emploi, du logement, des finances publiques, du niveau scolaire, de la sécurité, de la laïcité, de l’agriculture, de l’énergie, de la production, de l’activité économique, de la balance commerciale, des dettes publique et privée, de l’inflation, de la vente à la découpe des entreprises, de la braderie des biens nationaux, des souverainetés économique, alimentaire, politique, diplomatique, militaire, etc ?

Tout va de mal en pis, même ce qui ne se chiffre pas – à savoir, les libertés publiques, le droit de manifester, le noyautage des médias, les censures diverses et variées, l’intimidation des associations ou des syndicats, le fichage et la généralisation des moyens de surveillance, l’affaissement artistique et culturel, la fragmentation organisée du tissu social, la corruption endémique[3] des élus et des hauts fonctionnaires, la collusion des juges avec l’exécutif, la disparition des contre-pouvoirs, la trahison des « élites », la dissolution de la démocratie dans les 49.3 et autres accommodements avec le Conseil constitutionnel…

L’événement sanitaire dit crise Covid, au-delà des privations de liberté, du non-respect de l’intégrité physique des personnes et de la soumission à un gigantesque jeu de Jacques-a-dit absurde, fut la révélation de l’état de servitude dans lequel la population française a été plongée. A cette occasion, quelle que soit la légitimité qu’ils accordent à ces mesures, les Français lucides ont compris, éprouvé, touché du QR-code et constaté le piège institutionnel dans lequel ils se sont laissé enfermer. Ils savent que cette nasse peut être réactivée arbitrairement à tout moment telle une épée de Damoclès. En témoignent le retour annoncé du QR-code pour les JO, les projets de Pass carbone et de Pass climatique, la menace d’une nouvelle pandémie, l’entrisme de l’OMS dans le champ légal des nations, etc…

Quant aux perspectives, elles ne sont pas plus réjouissantes : monnaie numérique de banque centrale, identité numérique, reconnaissance faciale, crédit social à la chinoise, nouvel ordre mondial, puçage intracorporel, saisie de l’épargne des Français en vertu de la directive européenne BRRD transposée en 2016 dans le droit français[4] (loi Sapin 2), atteinte au droit de propriété avec la séparation du bâti foncier et du terrain foncier, taxation des propriétés à hauteur de leur valeur locative, taxation des potagers, réglementation de la récupération des eaux de pluie…

L’idéal démocratique file entre nos doigts à mesure que les ambitions totalitaires de nos dirigeants nationaux et européens, qui s’inspirent de l’idéologie mortifère et déshumanisante du Forum économique mondial de Davos, s’introduisent par effraction dans notre intimité jusqu’à exiger de nous et de nos enfants des sexualités « idoines ». Semaine après semaine, les issues se bouchent. Les refuges sont compromis les uns après les autres. L’attaque des mondialistes est méthodique et massive.

Les Gilets Jaunes avaient raison. Tous ceux qui, depuis, ont pris conscience de la menace totalitaire mondialiste sont désormais à leurs côtés, mais la situation est arrivée à un point de non-retour. La destruction menée à une vitesse fulgurante par « En Marche » et ses alliés européistes semble inéluctable, au point que le dernier espoir des résistants éveillés sera de se vouer au chaos qui vient.

Mais que l’on ne se méprenne pas. Il ne s’agit pas d’une sortie par le bas, mais au contraire d’un espoir véritable, d’une bonne nouvelle car les résistants Gilets Jaunes en sont persuadés : l’effondrement est proche. La crise finale est annoncée par un nombre grandissant d’économistes. La régulation de l’inflation et des dettes par les taux est devenue insoluble. La pyramide de Ponzi de la haute finance est au bord de l’implosion. Même les banques centrales affichent désormais des pertes par milliards ; un comble pour des entités qui disposent de la planche à billets ! La tenaille se referme. Et, pour se convaincre de l’imminence de la chute du système, les orientations ineptes prises à Washington et à Bruxelles scient consciencieusement la branche sur laquelle les élites occidentales se croient à tort intouchables.

Le chaos sera peut-être une échappatoire. En effet, si les urnes ou la rue ne parviennent pas à ouvrir la voie des aspirations révolutionnaires des Gilets Jaunes, la chute de l’Empire reste une option possible et de plus en plus plausible. Qui de plus libre que quelqu’un qui n’a plus rien à perdre ? « Vous ne posséderez rien et vous serez heureux » dit le slogan en exergue du livre The Great Reset du gourou de Davos, Klaus Schwab. Ce faisant, ce personnage grotesque et ses affidés mondialistes, transhumanistes et malthusiens se tendent leur propre piège. Ceux qui ne possèdent rien et qui n’ont donc rien à perdre, seront là pour les prendre au mot. « Gilet Jaune un jour, Gilet Jaune toujours ! », disions-nous avec enthousiasme, persuadés que la marche révolutionnaire serait victorieuse. Je garde l’espoir qu’elle le sera bientôt avec ou sans le gilet jaune.


[1] https://www.facebook.com/lenombrejaune/

[2] https://concorde1711.com/

[3] https://www.giletsjaunes06.com/index.php/les-causes-du-mal/corruption/la-republique-exemplaire/534-les-casseroles-de-la-republique-exemplaire-de-macron

[4] Selon l’association « Contribuables associés » : « La directive BRRD ou DRRB en français, pour « directive sur le redressement et la résolution des banques ». Cette directive européenne transposée en droit français autorise une banque au bord de la faillite à ponctionner directement les comptes de ses clients. Jusqu’ici, les établissements bancaires en faillite se tournaient vers leurs actionnaires puis leurs créanciers. La BRRD autorise désormais les banques à mettre à contribution en troisième recours leurs clients disposant d’un compte sur lequel se trouve plus de 100 000 euros ». [https://www.touscontribuables.org/les-combats-de-contribuables-associes/les-impots-et-taxes/augmentation-des-impots/le-gouvernement-a-fait-passer-en-douce-une-directive-europeenne-qui-legalise-la-spoliation-de-votre-epargne]

«Télérama» furieux des fréquentations de Gilles Kepel

L’hebdo télé de la gauche bobo dézingue le politologue et ancien prof de fac Gilles Kepel: c’est le niveau zéro du journalisme.


« Sous son influence, le concept décrié de “djihad d’atmosphère” imprègne les débats. Expert de l’islam depuis les années 1980, Gilles Kepel fraye aujourd’hui avec les médias d’extrême droite et se dit chassé par les “wokistes” de l’université. Qu’est-il arrivé au brillant politologue ? » Ainsi est sous-titré un long article sur Gilles Kepel paru dans le Télérama n° 3873. En quelques mots, sournoisement, tout est dit. Les sous-entendus sont clairs : Gilles Kepel a été un brillant politologue mais maintenant c’est un suppôt de l’extrême droite un peu parano. Son tort ? Avoir travaillé pendant des décennies sur la religion coranique et être parvenu à la conclusion qu’un islam politique et radical, prosélyte, rigoureux et organisé, taraude notre société et met tout en œuvre pour voir advenir en France et en Europe un islam rigoriste via la charia.

L’article cite des chercheurs, d’anciens élèves, des collègues de Kepel dont nous ne saurons pas le nom. En effet, ces derniers, « craignant pour leur carrière, ont requis l’anonymat ». Inversion de la réalité : c’est la carrière de l’islamologue qui a été brisée. Ce dernier a d’abord vu sa chaire fermée par Richard Descoings à Sciences Po puis a été interdit d’enseignement à l’ENS fin 2022 sous des prétextes fallacieux dont celui d’un manque de financements pour sa chaire Moyen-Orient Méditerranée. Depuis, se désole le magazine télévisuel, « on lit davantage Kepel dans les colonnes du JDD sauce Bolloré ou chez les médias d’extrême droite Valeurs actuelles et Causeur ». S’il arrive à Kepel de préfacer des essais, ce sont des essais « prêtant à polémique », comme celui de « Florence Bergeaud-Blackler, une anthropologue prisée par l’extrême droite », laquelle a écrit un livre sur les Frères musulmans « à la méthodologie contestée ». Contestée par qui ? Mystère et boule gomme. On ne saura pas non plus qui se cache derrière « l’avis général » qui considère que Kepel « a déserté de longue date le champ de la recherche ». On ignorera de même qui est le brillant « chercheur » jugeant que le « djihadisme d’atmosphère » est un « concept au doigt mouillé, et surtout le marchepied parfait pour l’extrême droite ». En conclusion, Télérama note que Valeurs actuelles a déjà utilisé cette expression et que, nourris de la même sémantique supposément d’extrême droite, « le JDD évoque un “antisémitisme d’atmosphère” et la sociologue Nathalie Heinich dénonce désormais le wokisme comme un “totalitarisme d’atmosphère” ». Article écœurant de bout en bout.

A lire aussi: La passion triste du mea culpa, ça suffit!

On savait Télérama imprégné d’idéologie progressiste, européiste et immigrationniste. On percevait de plus en plus l’influence woke dans nombre de ses articles. Mais on n’imaginait pas y lire un jour un article aussi bâclé et consternant, torché avec des bruits de couloir, regorgeant de ces tics de langage répétitifs, de ces anathèmes contre une « extrême droite » fantasmée qui sont la marque de fabrique de Libération ou de Mediapart. On ne pouvait pas prévoir que les journalistes de ce magazine télévisuel allaient être à ce point déconnectés de la réalité qu’ils ne seraient même plus fichus de réaliser que le « djihadisme d’atmosphère » dont parle Kepel est à nos portes, dans nos rues, dans nos écoles. Quotidiennement, des événements qui relèvent de ce phénomène secouent la France : agressions au couteau contre les kouffars ;irruptions dans les églises au cri d’Allah Akbar ; police des mœurs coraniques dans les écoles et dans de nombreuses villes ; tentatives d’imposition du voile islamique et difficulté de plus en plus grande pour les jeunes filles d’origine arabe de s’habiller « à l’européenne » ; menaces sur les professeurs, les proviseurs, les commerçants, les chercheurs, les maires, via les réseaux sociaux ; nécessité de recourir de plus en plus souvent à une protection policière pour ces gens menacés de mort ; comportements de plus en plus violents de la part d’élèves et de parents musulmans radicalisés dans les écoles ; etc. Télérama ne voit pas le rapport avec l’islamisme – comme Le Monde et Le Nouvel Obs, qui font partie du même groupe de presse. Craignant qu’une trop grande subtilité analytique rebute leur lectorat composé pour l’essentiel de néo-bourgeois soixante-huitards, ces journaux vont au plus simple : ceux qui sont à la droite du centre-droit macroniste sont tous réactionnaires ou d’extrême droite. Ceux qui réfléchissent sur l’entrisme de l’islamisme dans la société française sont tous d’extrême droite. Ceux qui analysent l’influence néfaste du frérisme, du salafisme, du wahhabisme en Europe sont tous d’extrême droite. Enfin, ceux qui se rendent sur les plateaux de CNews ou donnent des interviews au JDD ou à Valeurs actuelles afin d’avertir sur les dangers d’une immigration massive issue essentiellement de pays musulmans sont tous d’extrême droite. Il nous tarde de lire le prochain papier de Télérama sur… Boualem Sansal, par exemple. 

Holocaustes: Israël, Gaza et la guerre contre l'Occident

Price: 20,00 €

14 used & new available from 17,05 €

 

La réapparition d’Alain Kan

0

L’Enfant veuf, unique roman d’Alain Kan, un récit resté caché du fantôme de la pop française, est finalement publié.


Whatever happened to Alain Z Kan ? Voici le titre prémonitoire d’un des albums d’un chanteur qui n’a jamais connu le succès, succès pourtant ardemment et furieusement désiré. Sorti en 1979, c’est certainement un de ses meilleurs.

Disparu le 14 avril 1990, il est déclaré mort en 2000

Mais en effet, le fait d’arme d’Alain Z Kan, l’acte qui a définitivement fait de lui un chanteur underground et culte, c’est sa disparition ! Le 14 avril 1990, il prend le métro à Châtelet et se volatilise. La bouche de métro du ventre de Paris, c’est son triangle des Bermudes…

A lire aussi: Ça balance pas mal dans la comédie!

Les éditons Séguier ont dégotté et édité son unique roman, une curiosité composée de fragments : L’enfant veuf, disponible dans la collection L’IndéFINIE. Mais remontons le temps, comme si nous avions entre les mains une caméra super 8… L’histoire commence au mitan des années 60. Dans une émission de télé figure un chanteur à minettes lambda : il s’agit d’Alain Kan, à l’époque fan de Bécaud au point d’en imiter certaines intonations.

Peu de temps après, suite à sa rencontre avec la chanteuse Dani, le voilà pilier du cabaret l’Alcazar. Il se construit un personnage à la Maurice Chevalier sous acides, canotier à l’appui. Il commence à assumer pleinement son homosexualité, la portant même en étendard. Et puis, il devient une sorte de « Bowie » français, mais personne n’y croit vraiment. Attifé comme Ziggy, il reprend les tubes de la star britannique en français. Le tout tient hélas de la parodie de MJC. Vient ensuite la période punk, où il fonde un groupe éphémère, Gazoline, duquel se dégageait une énergie certaine. Il y embarque Marie-France, notre transsexuelle nationale, sulfureuse jadis, populaire aujourd’hui. Et puis surgit enfin Alain Kan. Débarrassé de ses oripeaux, il sort en 1979 Whatever happened to Alain Z Kan, son album emblématique, vite censuré car comportant trop d’allusions au sexe, à la drogue et même au nazisme – il avait cette obsession commune à beaucoup de gays, de l’esthétique SS, ou plutôt SA. Inéluctablement, le succès n’étant jamais au rendez-vous, l’héroïne prenant toute la place dans sa vie, la descente aux enfers survient. Jusqu’à la disparition.

A lire aussi, du même auteur: Le retour de Jil Caplan

Un récit caché chez la veuve de Christophe

Et quid de L’enfant veuf dans tout ça ? C’est sa sœur Véronique Bevilacqua, gardienne du temple et veuve de Christophe, qui possédait ce roman inachevé. Le chanteur protéiforme fourmillait d’ailleurs de projets inachevés. « Les archives d’Alain Kan contiennent de nombreuses ébauches de projets de textes de chansons, mais il ambitionne aussi d’écrire pour le cinéma » explique Philippe Roizes qui préface le livre. Ce récit est à l’image de son auteur :  c’est un fouillis où fourmillent les références un peu attendues, Proust, Huysmans, Baudelaire, les classiques du romantisme rock’n’roll. On perçoit l’influence du Rose Poussière de Jean-Jacques Schuhl, ce cut up à la française où se télescopaient aussi les références chics. Mais n’est pas Schuhl qui veut… et les tentatives de Kan paraissent bien scolaires en comparaison ! Il s’agit bien sûr d’une histoire d’amour, les protagonistes se nomment Jules et Jim (cette obsession de la référence, encore…) et finissent par se confondre et se dissoudre dans une vie trop dissolue. Ce procédé est sûrement l’une des rares trouvailles intéressantes du livre. Cependant, ne soyons pas trop dure : un certain charme se dégage de ces fragments, notamment les extraits où Kan évoque son enfance, lui l’enfant veuf, c’est-à-dire celui qui grandit sans père. Dès l’adolescence, Kan avait la manie des interviews fictives, voici un extrait de l’une d’entre elles alors qu’il a 14 ans :
Ce que j’aime dans la vie ?
– La cuisine chinoise, la vitesse, les voitures de sport, le vent, le soleil, la mer, les filles blondes, les animaux et faire de la peinture. 
C’est cet Alain-là que nous avons envie d’aimer.

L'Enfant veuf - le manuscrit que l'on croyait perdu publié pour la première fois

Price: 21,00 €

10 used & new available from 13,00 €

«Transmania»: le plus gros «casse conceptuel» du siècle?

Un élu socialiste parisien est parvenu cette semaine à obtenir le retrait de l’affiche promotionnelle du nouvel essai de Dora Moutot et Marguerite Stern Transmania (Editions Magnus). Pourtant, à l’étranger, de nombreuses études accablantes sont sorties ces dernières semaines, qui démontrent les dérives de l’idéologie transgenre. Et les pays les plus en pointe dans la transition de genre ont tendance à faire marche arrière pour protéger les jeunes et les personnes fragiles. Jeremy Stubbs raconte.


Nous avons beau vivre dans une société qui est censée être le produit du Siècle des Lumières, régie à la fois par la raison et le dialogue démocratique, cette société est constamment menacée par les ténèbres de la déraison et de l’intolérance. Les militantes féministes Dora Moutot et Marguerite Stern viennent de publier Transmania. Enquête sur les dérives de l’idéologie transgenre, aux Éditions Magnus. Cet ouvrage est un excellent résumé des multiples critiques qu’on peut très raisonnablement et légitimement formuler à l’égard de l’idéologie transgenre et queer[1] et des militants souvent zélés qui la promeuvent. Transmania est documenté, fouillé et argumenté. Venant après la traduction française de l’enquête fondamentale d’Abigail Shrier, Dommages irréversibles (2021 pour l’édition originale en anglais) et La fabrique de l’enfant transgenre de Caroline Eliacheff et Céline Masson (2022), ainsi que de nombreux articles publiés dans Causeur, le titre de Moutot et Stern constitue une référence dont le public français a grand besoin pour mieux comprendre les risques et dérives attachés au mouvement transgenre et queer.

Les essayistes et militantes Dora Moutot et Marguerite Stern © Femelliste

Car les innovations sociétales et médicales que réclame ce mouvement menacent les droits durement acquis des femmes et poussent à la transformation radicale des corps humains – même ceux des plus jeunes – par des drogues aux effets plus qu’incertains et par des mutilations chirurgicales. On aurait pu donc espérer que Transmania relance le débat sur le phénomène trans. Ce qu’on a vu cette semaine, c’est plutôt une tentative pour invisibiliser le livre et discréditer les deux auteurs en les présentant comme des complotistes.

Ce qui est particulièrement troublant, c’est que cette manœuvre obscurantiste est le fait, non seulement d’énergumènes de la cause queer, mais aussi de politiques centristes ou conventionnels qui se montrent ainsi incapables de résister à la pression exercée par les extrémistes.

A lire aussi, du même auteur: L’Écosse contre le « monstre de la haine »

Comble de l’ironie, ces événements arrivent en France au moment où, dans d’autres pays plus durement touchés par les excès de la théorie du genre, des études scientifiques et des décisions prises par des dirigeants démocratiques signalent que le vent, qui a jusqu’ici généralement soufflé en faveur des militants, est en train de tourner.

A l’affiche – ou pas

Cette semaine donc, l’éditeur de Transmania a cherché à promouvoir le livre par une campagne d’affiches dans Paris et un petit nombre d’autres villes. Les affiches en question montrent la couverture du volume, accompagnée du slogan « Quand l’idéologie transgenre s’infiltre dans toutes les sphères de la société, ou l’histoire d’un des plus gros casses conceptuels du siècle ». Il s’agit d’une allusion à une thèse qui a été largement documentée : des ONG et des militants, dont les activités sont souvent subventionnées par des milliardaires favorables à la cause, ont réussi à imposer leur idéologie dans des forums et des institutions démocratiques, la fonction publique, l’éducation et le monde de l’entreprise. On peut être d’accord ou non avec cette thèse, mais elle mérite d’être débattue. Tel n’est pas l’avis du premier adjoint (PS) à la maire de Paris, Emmanuel Grégoire. Le 17 avril, ce dernier reposte sur X le tweet d’un drag queen montrant une photo de l’affiche en criant à la « HONTE » et demandant « Comment une publicité ouvertement TRANSPHOBE peut-elle être accepté [sic] à Paris ? ». Ce que militant commande, élu exécute. Dans son commentaire, Grégoire répète l’accusation de transphobie et annonce qu’il va saisir l’entreprise, J C Decaux, « pour demander le retrait de cette publicité ».

Comme c’est si souvent le cas, l’accusation de « transphobie » est instrumentalisée pour disqualifier l’autre et mettre fin à toute possibilité de débat. Dans une interview avec Le Parisien le même jour, l’édile avoue qu’il n’a pas lu le livre, mais précise que sa critique visait le slogan sur l’affiche, qu’il qualifie cette fois non seulement de « transphobe » mais aussi de « complotiste ». Ici, il a recours à une autre stratégie affectionnée par nos élites politiques, consistant à rejeter toute mise en question de leur vision du monde comme étant le fruit de quelque théorie du complot, théorie inventée ou propagée par les individus dont la méchanceté n’a d’égal que leur logique délirante… Seules les élites détiennent la Raison. Seules les élites sont raisonnables. La triste conclusion de l’affaire a été que les affiches ont dûment été retirées par JC Decaux. Mais le premier adjoint à la maire risque de ne pas avoir le dernier mot. Dans son tweet, il qualifie la transphobie – autrement dit, toute critique de l’idéologie trans – de « haine crasse ». Pourtant, c’est lui qui aura besoin de décrasser ses neurones, car toute une série d’études scientifiques et d’autres documents sont venus cette année étayer la thèse d’un « casse conceptuel ».

Le crépuscule d’une idéologie ?

C’est le 17 février qu’une des prétentions fondamentales des militants trans est battue en brèche par une étude finlandaise publiée dans le British Medical Journal. L’étude porte sur les cas de jeunes Finnois suivis par les chercheurs sur une période de plus de 20 ans, entre 1996 et 2019. Les militants trans, en véritables cultistes, ne reculent devant rien dans leurs tentatives pour convaincre les parents d’enfants souffrant de dysphorie de genre de permettre à ces derniers de faire une transition. Le stratagème le plus utilisé consiste à expliquer aux parents qu’il y a une forte probabilité que leur enfant, contrarié dans son désir de changer de genre, mette fin à ses jours. Or, la nouvelle étude, dont Causeur a déjà parlé, tend à montrer que, si le taux de suicide parmi les jeunes souffrant de dysphorie de genre est effectivement plus élevé que parmi les jeunes en général, cela peut être expliqué par le fait que la dysphorie de genre touche généralement des personnes souffrant déjà d’autres formes de fragilité psychologique. Si, statistiquement, on prend en compte cet aspect, les taux convergent. L’étude tend à montrer aussi que, dans les cas où la chirurgie de réassignation sexuelle est préconisée pour améliorer le « bien-être » du patient, cette démarche n’a aucun impact sur le risque de suicide par la suite. Le chantage par le suicide se révèle être un subterfuge des plus cyniques.

Dix jours plus tard, le 27 février, une étude néerlandaise portant sur plus de 2700 enfants appuie l’idée selon laquelle l’insatisfaction que peuvent ressentir des enfants et des adolescents par rapport à leur sexe biologique est, dans la majorité des cas, un phénomène transitoire qui disparait avec l’âge. Il n’y a donc aucun sens à préconiser que toute personne de moins de 18 ans souffrant apparemment de dysphorie de genre reçoive des bloqueurs de puberté et des hormones pour changer de sexe.

Les militants trans prétendent que ces bloqueurs de puberté n’ont aucun effet négatif à court ou à long terme sur ceux qui les prennent et que leur action est parfaitement réversible. Vrai ou faux ? C’est le 23 mars que la Mayo Clinic, un des hôpitaux les plus prestigieux aux États-Unis, prépublie une étude tendant à montrer que les bloqueurs de puberté ont des effets très dangereux sur la santé de l’individu et qui de plus ne sont pas réversibles. En particulier, on a relevé chez des garçons des cas inquiétants d’atrophie des testicules, ce qui réduit la possibilité qu’ils redeviennent fertiles en cessant de suivre ce « traitement ». Il y a aussi un risque augmenté de cancer.

A lire aussi: Marguerite Stern et Dora Moutot: «Le féminisme actuel a été parasité par l’idéologie transgenre et queer»

Un coup encore plus décisif est porté à l’idéologie trans et queer le 9 avril, date de la publication en Angleterre d’un rapport qui livre les conclusions de la plus grande enquête jamais conduite dans le domaine des soins transgenres. Surnommée « l’enquête Cass » (sans jeu de mots sur « casse »), elle a été présidée par Hilary Cass, ancienne présidente du Collège royal de pédiatrie. Commandée par le gouvernement en 2020, l’enquête a duré quatre ans et a porté sur tous les aspects de l’accueil et du traitement des cas de dysphorie du genre dans le Service de santé national (NHS) en Angleterre (l’Écosse et l’Irlande du Nord ont leur propre service de santé). La recommandation la plus importante est que, désormais, les enfants ayant des doutes sur leur sexe ou genre ne seront plus traités par des solutions médicales, mais par la psychothérapie. Le rapport affirme que les données justifiant le recours à des bloqueurs de puberté ou à des hormones pour masculiniser ou féminiser le corps sont totalement insuffisantes. La notion que les bloqueurs puissent avoir des effets positifs sur le « bien-être » des jeunes patients était fondée sur deux études néerlandaises datant de 2011 et 2014 et dont les conclusions ont été remises en question. Anticipant la publication du rapport, le NHS avait déjà annoncé la fin des bloqueurs de puberté pour les enfants (avec l’exception des essais cliniques), une décision saluée par le gouvernement de Rishi Sunak. Un projet de loi est actuellement débattu par le Parlement qui interdira l’accès des enfants à des hormones féminisantes ou masculinisantes.

Hilary Cass avait déjà préconisé la fermeture du Service de développement d’identité de genre (GIDS) à Londres, et cette institution a effectivement fermé ses portes le 1er avril. Elle sera remplacée par des centres régionaux, dont, dans un premier temps, un à Londres et un autre à Liverpool. Le GIDS n’a gardé aucune donnée sur le suivi des quelque 9000 jeunes qu’il avait soignés, et était ainsi incapable de justifier son approche par ses effets à long terme sur les patients.

Le rapport de Cass nie fermement que l’explosion, depuis une dizaine d’années, de cas de dysphorie de genre parmi les jeunes puisse être expliquée par une plus grande acceptation sociale du transgenrisme, favorisant plus de « coming out ». Comme dans l’étude finlandaise, Cass trouve que, comparée à la population générale, la cohorte des jeunes souffrant de dysphorie comporte une proportion très élevée de personnes souffrant d’autres traumatismes, souvent liés à la perte d’un parent, si ce n’est à la négligence ou à l’abus parentaux. Différentes formes de « neurodiversité » sont surreprésentées aussi. Dans une majorité des cas, il s’agit donc d’un diagnostic erroné, ou pour le moins orienté. Qui est-ce qui serait responsable de pareilles dérives scientifiques et thérapeutiques ? Il semblerait que trop de médecins aient oublié le serment d’Hippocrate.

Diafoirus honnête en comparaison

C’était en 2018 qu’un lanceur d’alerte, le psychiatre David Bell, avait publié son propre rapport, nourri par les témoignages de certains de ses collègues, sur les pratiques médicales douteuses des services du GIDS où lui-même travaillait.

L’institution a essayé de le discréditer et de minorer la portée de ses critiques, mais, avec le recul, on peut dire que c’était le premier clou dans le cercueil de l’approche promue par le GIDS et encore aujourd’hui par les militants du transgenrisme. Les jeunes patients étaient rapidement diagnostiqués avec la dysphorie de genre et mis sur une voie accélérée pour recevoir des « soins de transgenre », c’est-à-dire des bloqueurs et des hormones. Certains des enfants semblaient même avoir été « coachés » – soit par des activistes, soit par d’autres médecins – pour dire exactement ce qu’il fallait pour obtenir ces « soins ».

A lire aussi, Céline Pina: Victimes du réel, les militants «trans» rétifs à tout compromis

Or, le 4 mars de cette année, la fuite d’un ensemble de documents internes de l’Association professionnelle mondiale pour la santé des personnes transgenres (WPATH) a révélé les dérives professionnelles ayant cours au sein de cette institution. Cette dernière est responsable de la rédaction et la dissémination des « Standards de soin pour la santé des personnes transsexuelles, transgenres, et de genre non-conforme », censés définir les grandes lignes du traitement des patients dans tous les pays reconnaissant le transgenrisme. C’est donc avec une très grande inquiétude qu’on lit le catalogue de ces infractions ahurissantes à l’éthique médicale et à la notion de recherche scientifique. Des études sont conduites sans contrôles et sans randomisation. Des traitements sont improvisés. Bien que conscients des effets secondaires potentiellement incapacitants des hormones et d’autres drogues, beaucoup de membres de l’institution font preuve d’un manque total d’égards pour le bien-être à long terme de leurs patients. Et des patients ayant de graves problèmes de santé mentale, ou dans une situation de précarité matérielle, sont encouragés à consentir à des interventions aux conséquences irréversibles. Face à un tel cynisme, l’expression « casse conceptuel du siècle » semble presque une litote.

J. K. Rowling photographiée en 2016, à Londres. La créatrice d’Harry Potter est malmenée par des progressistes qui lui reprochent ses prises de position sur la théorie du genre © Nils Jorgensen/Shutters/SIPA

Le 10 avril, J. K. Rowling a salué la publication du rapport Cass dans une série de tweets qui sont un message très clair pour ceux qui, comme le premier adjoint à la maire de Paris, persistent à accuser les critiques de l’idéologie queer de « transphobie » et de « complotisme ». Des gens comme lui « ont désigné leurs adversaires comme étant d’extrême-droite pour avoir voulu s’assurer que des contrôles et des contre-pouvoirs adaptés sont en place avant que des gosses autistes, gays ou maltraités – des groupes surreprésentés dans les cliniques traitant la dysphorie de genre – ne se trouvent stérilisés, incapables d’orgasmes et malades pour le restant de leurs jours ».

A la longue, ceux qui se sont opposées au débat, à la science, et à la vie auront du sang sur leurs mains, sang qu’ils ne pourront jamais laver. Car, comme l’écrit Isidore Ducasse, plus connu sous le pseudonyme de comte de Lautréamont : « Toute l’eau de la mer ne suffirait pas à laver une tache de sang intellectuelle ».

Transmania: Enquête sur les dérives de l'idéologie transgenre

Price: 21,00 €

4 used & new available from 19,99 €


[1] Queer : terme qui désigne à la fois tous les genres possibles – et il y en a beaucoup, selon les idéologues – leurs différentes combinaisons et l’absence de genre.

Stop ou encore?

En 2015, l’Assemblée nationale du Québec, plus sensible que les autres législations nord-américaines à l’irrépressible pulsion de mort qui lézarde la civilisation occidentale, adoptait, dans l’approbation générale et en l’absence de toute opposition politique, une loi sur l’aide médicale à mourir. Pour éclairer notre débat national, notre correspondante nous raconte où en sont nos cousins, presque 10 ans après l’adoption de cette loi sur l’aide médicale à mourir.


Depuis 2015, cette question revient périodiquement dans l’actualité. Bien que cela n’ait rien d’étonnant dans une société portée par Thanatos (haine de soi, déclin de la natalité, appels à la décroissance, discours sur l’apocalypse climatique), le journal La Presse[1] mettait en lumière, récemment, le fait que les craintes des rares voix dissidentes par rapport à cette loi permettant à l’État de donner la mort par le biais de médecins étaient fondées : toujours on cherchera à en étendre le domaine d’application.

Pressés de trépasser ?

Quiconque, en 2015, osait s’inquiéter des dérives possibles de la loi « mourir dans la dignité » lorsqu’elle a été adoptée était vu comme un conservateur « intégriste catholique » délirant. Des garde-fous seraient mis en place, des lignes rouges ne seraient jamais dépassées. En effet, la loi prévoyait, dans sa forme originale, que plusieurs évaluations de la capacité de consentir du patient devaient être effectuées indépendamment, et que ce consentement puisse être donné par le patient avec lucidité au moment de procéder à l’injection finale. Le mort en devenir devait également être atteint d’une maladie incurable lui causant des souffrances physiques et psychiques le condamnant à un décès prévisible. À noter que les troubles mentaux étaient explicitement exclus des maladies donnant accès à l’aide médicale à mourir.

Sans surprise, toutefois, des groupes de pression se sont créés – des lobbys de la mort médicalement assistée – et ceux-ci font, depuis, des représentations médiatiques et politiques pour étendre le droit à l’injection létale. Il faudrait selon eux impérativement abattre les garde-fous qui réduisent l’accès à la mort par injection de midazolam. Puisqu’il s’agit de « mourir dans la dignité », qui cherche à appuyer sur la pédale de frein devient d’emblée un ennemi du genre humain. En 2020, c’est le garde-fou de la « mort prévisible » qui a été abattu.

On a d’abord cessé d’appliquer ce critère d’accessibilité, et on l’a ensuite complètement retiré de la loi en 2023. En 2021, parallèlement à cette évolution québécoise, le gouvernement fédéral canadien modifiait son code criminel afin de permettre deux voies d’accès à l’aide médicale à mourir : une pour les personnes dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible et une autre pour les personnes dont la mort naturelle est non raisonnablement prévisible[2]. Une personne pouvait désormais recevoir son injection létale dès lors que sa demande était acceptée, et n’était plus obligée d’attendre que sa mort devienne prévisible.

Consentez maintenant, mourrez plus tard

Récemment, c’est Helen Long du lobby Dying With Dignity Canada qui demandait à ce qu’un autre garde-fou tombe. Souhaitant ultimement à ce que l’on permette d’étendre l’accès à l’euthanasie aux personnes souffrant de troubles mentaux, faisant fi du fait que l’espoir était une condition sine qua non à la possibilité d’une thérapie, et déçue que le gouvernement fédéral ait décidé d’attendre trois ans avant de statuer sur cette question (probablement en y consentant), c’est en plaidant le droit aux personnes souffrant de démence de demander l’aide à mourir avant de perdre leur capacité à consentir, ce qu’on appelle une demande anticipée, qu’elle s’est illustrée dans les derniers jours. Aucun débat de société n’accompagnera cette demande, et aucune opposition vigoureuse ne sera prise au sérieux. Encore une fois : qui voudrait avoir l’odieuse idée de « priver de dignité » un autre être humain ? La rhétorique de la « mort digne » vient ici rendre impossible tout débat.

Pourtant, n’est-il pas essentiel de pouvoir consentir au moment de l’acte ? L’idée de consentir d’avance dans le cas de maladies telles que l’Alzheimer me terrifie. Une personne souffrant de démence n’est pas un légume. Elle a une conscience, une volonté et une valeur, même si elle a perdu une partie de ses capacités cognitives. Son souhait, au moment de la demande anticipée, peut avoir changé au moment de sa mise à mort. C’est en nous mettant dans la peau de quelqu’un qui ne voudrait plus mourir mais qui, étant dément et ayant formulé une demande anticipée, ne pourrait plus être pris au sérieux dans ses désirs au moment de l’acte que l’on comprend mieux l’absolue horreur du geste qui prend alors tous les airs d’une exécution.

Éclipse de la mort, éclipse de la vie

D’abord, l’expression « mourir dans la dignité » pose un problème majeur. La dignité est un sentiment de vie. On vit dignement car on a un pouvoir sur notre existence et ce que l’on en fait. Mais la mort est un état inaltérable, invariable. Après le dernier souffle, c’est l’inexorable processus de décomposition qui se met en branle. Les sphincters se relâchent, le regard devient vitreux et la bouche béate. Des spasmes post-mortem surviendront peut-être, puis la rigidité cadavérique s’installera pour plusieurs heures. La peau deviendra cireuse, livide, et empourprée aux endroits où s’accumulera le sang. Les viscères se distendront sous la pression des gaz émis par la putréfaction. Il n’y a là aucune dignité ni indignité à y avoir : que la froidure de l’immuable.

C’est au niveau de l’extinction de la vie que l’injection létale intervient. D’abord en en décidant du moment. L’être apeuré tend à soulager sa terreur en cherchant à contrôler tout ce qu’il peut se rattachant à l’objet de celle-ci, attitude paradoxale et contre-nature considérant que la mort constitue l’ultime abandon. Puis, ayant pris le contrôle, il se retrouve face à une nouvelle peur : l’inconnu. Souffrira-t-il ? Comment se sentira-t-il ? C’est là qu’intervient l’injection, constituée en fait par l’induction d’une sédation proche de l’anesthésie par le biais de calmants, puis par l’administration d’un agent paralysant qui engendrera l’arrêt de la respiration et, rapidement, l’arrêt cardiaque, processus qui aurait naturellement lieu de toute manière. L’essentiel de l’opération consiste, en fait, à cacher le processus du trépas par la sédation, processus qui reste, au fond, le même. C’est un voile appliqué sur le réel, et une tentative de se substituer au processus naturel. La putréfaction aura lieu, mais sera rapidement ralentie, et aseptisée, ou simplement stoppée, loin des regards, sur la table d’un embaumeur ou dans un four crématoire. Se mettre un masque face à nos peurs constitue-t-il, toutefois, un gain de dignité face à l’existence humaine ?

On avait promis aux Québécois, dans la loi, de garantir un accès prioritaire aux soins palliatifs en centre ou à domicile pour ceux qui désireraient emprunter cette voie plutôt que de hâter la survenue de leur agonie. Pourtant, une année après l’abolition du garde-fou que constituait le critère de la « mort raisonnablement prévisible » en 2021, le nombre de Québécois ayant reçu l’injection létale a bondi de 42%[3]. Mais d’où vient cet empressement à mourir et à faire mourir ? Comment se fait-il que presque personne ne s’en inquiète publiquement avec sérieux ? Cela devrait préoccuper gravement quiconque accorde encore à la vie quelque valeur.


[1] https://www.lapresse.ca/actualites/sante/2024-04-17/aide-medicale-a-mourir/un-groupe-demande-l-inclusion-des-patients-atteints-de-demence.php

[2] https://www.quebec.ca/sante/systeme-et-services-de-sante/soins-de-fin-de-vie/aide-medicale-a-mourir/exigences-requises

[3] https://www.lapresse.ca/actualites/sante/2023-10-26/aide-medicale-a-mourir-au-quebec/un-bond-de-42-la-ministre-s-interroge.php

Des psaumes contre des missiles?

Trois mensonges iraniens et une réplique israélienne…


Missiles contre psaumes, en hébreu: tehilim neged tilim.  Il y a des interprétations mystiques de l’échec des engins iraniens à entrainer des dommages à la population et aux installations israéliennes, en dehors d’une malheureuse enfant bédouine gravement blessée par un éclat de shrapnell.

Depuis la Shoah je pense qu’aucun Juif n’a le droit se prévaloir d’une intervention divine à un événement historique, mais le 14 avril 2024 a réactivé chez les anciens le souvenir du 5 juin 1967, premier jour de la guerre des Six Jours. 

Trois mensonges iraniens

Après avoir eu très peur, j’ai pensé aux hommes qui ont permis cet extraordinaire succès, les scientifiques, militaires, industriels, responsables du renseignement et de la sécurité. Et aussi à ces hommes politiques, qui, il y a une trentaine d’années, à la suite de l’échec des batteries de Patriots contre les Scud, des missiles balistiques primitifs, lors de la première guerre du golfe, avaient poussé, avec l’aide des Américains, les recherches sur le bouclier anti-missiles alors qu’une partie de l’Establishment militaire  considérait que cet objectif était  irréalisable et qu’il allait cannibaliser les autres crédits militaires. Il en a résulté le système Arrow (Hetz, la Flèche, en hébreu). Arrow 3 a intercepté les missiles balistiques iraniens avant même que ceux-ci ne retournent dans l’atmosphère.

Or, ce succès retentissant, s’il a rempli de joie les Israéliens, semble avoir également enthousiasmé les Iraniens, au moins les bassidji, c’est-à-dire les hommes de main du régime, qui constituent l’essentiel de ces foules que l’on voit à Téhéran manifester leur joie et leur volonté de détruire Israël, mais qui donnent une image biaisée de la société iranienne.

Cette joie commune aux Israéliens et à leurs pires ennemis, ce n’est pas quelque chose d’habituel, c’est le moins qu’on puisse dire. Nous sommes dans un monde de communication. Après un échec aussi monumental, le régime des mollahs a évidemment refusé de reconnaitre son humiliation, et le mensonge pour la bonne cause étant une arme recommandée de la taqiya chiite, il a proféré trois mensonges assortis d’une menace. 

  • 1er mensonge : nous étions dans notre droit, car l’attaque contre notre consulat à Damas était une scandaleuse violation des règles d’immunité diplomatique. L’Iran se préoccupe de ces règles la semaine même où la Cour Suprême argentine le rend responsable des attentats contre l’ambassade d’Israël en 1992 et le centre communautaire Amia en 1994.  Ce régime considère que la prise en otages dans leur ambassade des Américains en 1979 pendant 444 jours fut une opération particulièrement héroïque. Quant au consulat iranien, ses activités paraissent bien peu diplomatiques, puisque les victimes sont presque toutes des Gardiens de la Révolution et parmi eux le général Zahedi, qui aurait joué un rôle primordial dans la coordination avec le Hamas pour les massacres du 7 octobre…
  • 2e mensonge: nous nous sommes vengés car nous avons durement frappé les installations du régime sioniste. Ce mensonge ne mérite même pas de commentaires…
  • 3e mensonge: nous avons limité nos représailles, conformément à notre tradition humaniste et nous avons informé à l’avance nos frères turcs pour qu’ils préviennent l’ennemi.

Je pense que si Israël a besoin d’un renseignement provenant de la Turquie pour faire face à une menace iranienne, alors Israël est perdu. Les systèmes d’interception sont fondés sur un maillage positionnel satellitaire et des capteurs, infra-rouges notamment, d’une extrême précision, qui permettent en quelques secondes de repérer le lancement d’un missile, à charge ensuite aux systèmes informatiques de calculer sa trajectoire probable et de déclencher la riposte. L’information envoyée à la Turquie était alors superflue et les assurances données par l’Iran sonnent comme une manifestation de la duplicité du régime. 

Que l’Iran n’ait envoyé qu’une petite portion de son arsenal, constituée de pièces anciennes, alors que les moyens de défense israéliens et américains sont très coûteux, ce n’est qu’une partie de la réalité. Il y avait là, outre les drones et les missiles de croisière, plus de 120 missiles balistiques, ce qui est considérable, 60 tonnes de masses explosives et les Iraniens sont extrêmement déçus de leur échec, quelles que soient leurs rodomontades. Les engins ont été envoyés pour saturer les défenses israéliennes, pas pour les aguerrir en leur donnant la possibilité d’un test grandeur nature.

Quant à la menace des Iraniens, c’est : « l’affaire est close, mais si Israël réagit, notre réponse sera terrible ». On est habitué à ce discours, la menace iranienne la plus récente étant celle de posséder des missiles hypersoniques exceptionnellement efficaces, ces missiles dont la trajectoire est difficile à prévoir et la menace la plus alarmante, celle de l’arme nucléaire. Aux spécialistes israéliens d’évaluer ces menaces et aux décideurs de se méfier de la trop grande confiance qui proviendrait d’un succès tel que celui du 14 avril. 

Répliques

Tout a déjà été écrit sur les répliques possibles d’Israël qui paraissent inéluctables aux yeux de la plupart des experts.

Mais si une réplique a lieu, ce qui est très probable, ce ne sera pas forcément une opération militaire spectaculaire. Chacun, en dehors des va-t’en guerre et des mystiques, connait le fil vital avec les États-Unis, qui ont joué un rôle majeur dans la sécurisation d’Israël. Quoi qu’on pense du souci de Biden de ne pas impliquer son pays dans la guerre, de la responsabilité d’hommes favorables à l’Iran, tels Robert Malley, dans l’administration démocrate, de l’absurdité qu’il y avait en novembre 2023 à transférer à l’Iran 10 milliards de dollars bloqués jusque-là, on voit mal une offensive massive sans le soutien américain, d’autant plus qu’Israël ne semble pas disposer des facilités de ravitaillement en vol des F35 et des dernières bombes perforantes à très grande profondeur nécessaires contre les installations d’enrichissement d’uranium enfouies de Furdo et Natanz.  

Israël dispose en Iran d’un allié dans le peuple en lutte contre ses dirigeants. C’est le régime sanguinaire des mollahs qu’il faut détruire et pas le peuple iranien. La constatation a été faite depuis plus de quarante ans, mais à force de répression accrue en interne et d’habileté diplomatique en externe, le régime sanguinaire des mollahs et de leurs alliés militaires parait plus solide que jamais et le nucléaire lui servirait de bouclier à l’abri duquel il pourrait multiplier ses crimes. Mais les fissures sont certainement nombreuses…

Aujourd’hui, Israël n’en a pas fini avec les proxys de l’Iran. Le Hezbollah a transformé l’extrême nord du pays en zone inhabitée. Le Hamas vient de durcir sa position sur les otages en même temps qu’il se confirme que la plupart de ceux-ci sont morts. 

La réponse d’Israël à l’Iran passe aussi, peut-être plus que jamais, par la démonstration que l’Iran n’est pas capable de protéger les mouvements terroristes qui dépendent de lui. Ce travail n’est pas encore terminé…

Entre ciel et terre, une architecture du passage

0

« ANDREU », sans prénom, tel s’annonce, en lettres capitales immaculées, sur le fond noir et blanc d’une superbe photo pleine page, la couverture du bel ouvrage consacré à l’architecte des premiers terminaux de Roissy – un peu comme on dirait VITRUVE, MICHEL-ANGE ou LE BERNIN.  

Une rétrospective au Palais de Chaillot

C’est que Paul Andreu (1938-2018) n’est pas n’importe qui. Nom moins connu du grand public qu’un Jean Nouvel ou un Rudy Ricciotti, il a posé sa marque indélébile sur plusieurs projets d’immense envergure, tout au long du second XXᵉ siècle. Il n’a pas 30 ans quand, dans les années 60, Aéroport de Paris commande à ce brillant architecte-ingénieur polytechnicien bardé de diplômes la conception de cette « aérogare 1 de Paris-Nord », qui prendra nom plus tard de Roissy-Charles de Gaulle. Toujours en majesté à l’orée de l’immensité aéroportuaire, l’étrange fortin de béton brut pose sa soucoupe tapie au sol, tel un décor de film de science-fiction, ceinturée de ses sept satellites à partir desquels le passager prend son envol. Œuvre iconique s’il en est, le cercle et le carré fondant la poétique d’un imaginaire architectural nouant le ciel et la terre dans une savante minéralité dont les froides géométries s’adossent à une symbolique très méditée.  

A lire aussi, du même auteur: Ricardo Bofill, nos années béton

Scénographiée par l’agence NC (Nathalie Crinière) selon un parcours paradoxalement assez statique pour célébrer, dans cet espace en sous-sol du palais de Chaillot que les habitués du lieu baptisent « la cathédrale », un architecte du flux et de l’envol, cette rétrospective, mariant chronologie et thématique (commissaire, Stéphanie Quantin-Biancalani) dévoile de superbes carnets de dessins et autres esquisses, bon nombre de maquettes exemplaires, du mobilier, des plans, etc. sans compter photos et extraits de films qui restituent «  la cristallisation d’une pensée tectonique » sans égal.

Mise en tension

On se souvient qu’en 2004 s’effondrait le toit du Terminal E de Roissy : cette catastrophe aura durablement traumatisé cet « entrepreneur d’architecture », dont les Archi-Mémoires, parues en 2013, révèleront la personnalité singulière. Carrière fulgurante que celle de Paul Andreu : du tunnel sous la Manche (1985-1993) à l’Opéra de Pékin (1999-2007), des aéroports de Montpellier ou Bordeaux (1980-2002) à celui de Shanghai (1996-1999) ou de Kansai, au Japon (1987-1994), jusqu’à cet étrange Nuage qui depuis 1989 tend sa composition arachnéenne entre les bords de l’Arche de la Défense, ou encore cette Sea Sphere qui, abritant à Osaka un Musée maritime, flotte, pour citer Andreu lui-même, « mystérieusement à la limite du ciel et de l’eau »…

A lire aussi: Amal, un esprit libre — et mort

De ce destin hors normes, l’ouvrage publié en parallèle à l’exposition Paul Andreu. L’architecture est un art rend compte avec une grande élégance esthétique, mais aussi de très éclairantes contributions, telle celle de Yann Rocher, dont l’exposition Globe, il y a quelques années, avait marqué les esprits : « le vol en avion, écrit-il, est une expérience si pauvre du point de vue spatio-temporel, si ressemblante au tunnel (…) qu’elle doit être compensée par la richesse des espaces qui le précèdent et lui succèdent », assumant « que l’architecture ne soit que passage, dans une gamme d’épaisseurs allant du passage-miroir au passage-terrier. (…) Il s’agit bien de mettre en tension la terre et le ciel par l’architecture ».            


A voir : Exposition Paul Andreu, l’architecture est un art. Cité de l’architecture et du patrimoine. Paris. Jusqu’au 2 juin 2024. www.citedelarchitecture.fr

A lire : Catalogue Andreu. Cité de l’architecture et du patrimoine / Norma éditions, 2024

Andreu

Price: 42,00 €

3 used & new available from 35,00 €

Archi-mémoires: Entre l'art et la science, la création. (Sciences Humaines)

Price: 19,99 €

1 used & new available from 19,99 €

L’homme qui parlait au fleuve

0
Dessin d'Etienne Davodeau © Futuropolis Editions

Monsieur Nostalgie remonte la Loire en compagnie d’une bande-dessinée signée Étienne Davodeau


Aux beaux jours, on a des envies de Loire comme de vins de soif. De grimper sur le piton de Sancerre et d’enjamber ses ponts de pierre, de dégoupiller un flacon de sauvignon et d’assister à la parade nuptiale des grèbes huppés. Les bancs de sable nous appellent. L’esprit ligérien est le substrat des terres intérieures, son mirage et son au-delà. Très jeune, on nous a alertés sur sa dangerosité, ses tourbillons et ses remous, elle vous emporte et aucune force n’y résiste, nous prévenaient nos grands-parents. Les meilleurs nageurs y perdirent leur sang-froid. Très jeune, à des centaines de kilomètres de l’Océan et des plages de sable fin, durant ces étés caniculaires qui fendent les maisons, dans ces campagnes chauffées à blanc, l’air rempli des fraîches moissons, dans les éternuements et les pics de température, nous n’avons pu résister à son attrait. Innocents et suicidaires, nous avons plongé dans son lit.

La Loire ne porte pas sa sauvagerie sur ses traits, c’est pour mieux vous manger, mon enfant. D’un coup d’œil fainéant, on la trouverait même un peu indolente, elle charrie quelques morceaux de bois ; large et détendue, elle semble apaisée, presque indifférente au sort des Hommes. Elle rêvasse et laisse couler les temps infinis. Elle est là, depuis si longtemps. Quelques châteaux à la peau blanche lui servent de promontoires, d’éperons ostentatoires, elle s’en moque, elle vit sa vie, ne s’occupe que très occasionnellement de l’activité humaine qui l’entoure. Les princes et les rois qui se sont installés à ses pieds, restent ses servants. Elle est chez elle, sa seigneurie a creusé son sillon dans les entrailles de notre pays. Si on l’observe de plus près, cette nonchalance rurale est un leurre. Son calme, cette indifférence des aristocrates, est sa manière à elle, de ne pas tirer la couverture, on la croit absente, elle est turbulente ; on l’imagine somnolente, loin du tumulte de la mer, elle est caractérielle. Ses colères rappellent aux imprudents que c’est elle qui tient notre destin en main. Elle est maître de son territoire, nous ne sommes que d’accessoires figurants.

A lire aussi, du même auteur: Ça balance pas mal dans la comédie!

Aujourd’hui, depuis sa patrimonialisation, son inscription à l’UNESCO, ses breloques d’ancien combattant accrochées à ses berges, ses pistes cyclables et son tourisme naturaliste, elle est intouchable. Sa panthéonisation a été tardive, dans mon enfance, on ne la vénérait pas, elle faisait partie du paysage, on ne prenait pas l’apéro dessus, on naviguait peu, les barques à fond plat avaient quasiment disparu, on avait même oublié qu’elle était à l’origine d’une économie fluviale florissante, on y pêchait seulement quelques sandres ou perches. Les historiens et les promoteurs ne pouvaient décemment pas la laisser tranquille. Il fallait la commémorer et l’utiliser. Mais la Loire en a vu d’autres, des gesticulateurs et des activistes. Elle ne se laisse pas apprivoiser par le premier marchand venu. Dites-vous bien que nous serons toujours ses sujets, des disciples bien fébriles face à ses méandres et à ses chausse-trappes. Beaucoup d’écrivains, d’illustrateurs, de peintres ou de photographes ont tenté de se l’approprier, de capturer sa lumière, ses affaissements et ses fulgurances, recensant sa faune et sa flore exceptionnelles, s’engouffrant dans ses bras morts, l’érigeant en parangon de la biodiversité et en rempart contre les fossoyeurs climatiques. Étienne Davodeau, dans « Loire » parue aux éditions Futuropolis qui fête leurs 50 ans en 2024 – l’aventure éditoriale a même démarré en 1972 par l’ouverture de la librairie Futuropolis dans le XVème arrondissement par Étienne Robial et Florence Cestac – est certainement l’artiste qui s’est approché de plus près de son onde maléfique et libératrice.

A lire aussi, Jacques-Emile Miriel: Nabokov, le choc Lolita

Dans sa bande-dessinée, Agathe, une femme qui a été beaucoup aimée, convoque ses amants et amantes pour un ultime rendez-vous. L’histoire commence par un homme nu piégé par les courants et se poursuit dans une quête sur soi-même. Davodeau ne sublime pas le fleuve, n’essaye pas de tordre sa réalité, de le faire plus poétique ou angélique qu’il n’est. Il le restitue dans son entre-deux teinté d’un onirisme un peu inquiétant. Ses planches de nuit sont splendides. J’y ai retrouvé mes émois adolescents. Il fait dire à Louis, l’un de ses personnages : « Ça parle un fleuve ? ». Davodeau l’a fait parler.

Loire d’Étienne Davodeau – Futuropolis, 104 pages.

Loire

Price: 20,00 €

19 used & new available from 12,99 €

Monsieur Nostalgie

Price: 17,00 €

12 used & new available from 16,37 €


Brice Hortefeux sur l’immigration: «Je crois à la puissance publique!»

0
Les LR Laurent Wauquiez et Brice Hortefeux à Oullins-Pierre-Bénite (69), 27 mars 2024 © Bony/SIPA

Son premier poste politique ? Chef de cabinet du maire de Neuilly, un certain Nicolas Sarkozy. Le député européen et conseiller régional d’Auvergne Brice Hortefeux répond aux questions de Philippe Bilger. Dégradation du climat politique, baisse de niveau, constance de l’engagement chez LR, immigration : un échange intéressant. Vidéo.


Le 11 avril j’ai « soumis à la question » Brice Hortefeux. Il me paraissait essentiel de projeter une lumière toute de curiosité et d’empathie sur cette personnalité d’expérience, de droite et dont la pensée, au-delà des caricatures, méritait d’être mieux connue.

Malgré une très riche et diverse carrière politique, avec notamment des fonctions ministérielles qui n’étaient pas de tout repos, Brice Hortefeux a été parfois réduit à son amitié constante et fidèle pour Nicolas Sarkozy.

A lire aussi: Jérôme Garcin: «J’ai toujours fait en sorte de ne pas abuser de mon pouvoir, je vous demande de me croire!»

Incontestable, elle ne doit pas dissimuler la finesse et la profondeur d’une réflexion, la vigueur et la lucidité d’une expérience émanant, l’une et l’autre, d’une personnalité valant bien plus que l’image développée par ses contempteurs compulsifs.


Causeur vous propose de visionner cet entretien, enregistré dans le studio de Fréquence Protestante (100.7 FM Paris).


Engagement à droite : « Je suis sensible depuis toujours à l’ordre et l’autorité »
« Le progrès nait de la confrontation des idées, voilà pourquoi je ne suis pas macroniste… »
« Le macronisme, cela ne marche pas, l’époque récente le montre »

Sur l’immigration : « Je crois à la puissance publique ! S’il y a impuissance, c’est qu’il y a une absence de volonté, une absence d’organisation ou une absence d’objectifs ! »
« Le Pacte européen sur l’immigration et l’asile présente des avancées, mais également beaucoup de failles »
« La délinquance générale était en diminution lors de mon départ du ministère de l’Intérieur »
« Le nombre de clandestins actuellement en France est le plus élevé que nous ayons jamais connu ! Quand j’étais ministre de l’Intérieur et de l’Immigration, on délivrait 185 000 titres de séjour, ce qui est déjà beaucoup d’ailleurs. Aujourd’hui, on est à 330 000. »
« On ne peut pas faire l’économie d’une évolution sur le sujet du droit du sol »
« Il faut modifier les conditions d’accès à la nationalité. Je ne suis pas allé assez loin (…) Une fois que la nationalité est délivrée, on ne peut plus rien faire. »

Sur l’élection présidentielle de 2007 : « Nicolas Sarkozy a incarné une rupture en 2007, c’est d’ailleurs ce qui l’a fait gagner. D’habitude, les candidats à l’élection présidentielle après De Gaulle avaient tous cherché à gagner les élections présidentielles au centre ; Nicolas Sarkozy a lui choisi au contraire d’être totalement disruptif. (…) Je me souviens qu’avec mon ami, le sénateur Claude Malhuret, également engagé aux côtés de Nicolas Sarkozy alors, on s’accrochait au bras de notre fauteuil quand Nicolas Sarkozy a commencé à évoquer l’identité nationale et d’autres concepts – peut-être pas sulfureux mais brulants… Finalement, c’est sans doute ce côté disruptif qui a fait gagner Nicolas Sarkozy. Il a pressenti que le sujet de l’identité devenait un sujet de plus en plus difficile, complexe, menacé… »
« La société a évolué très vite. Il n’est pas sûr qu’aujourd’hui le « travailler plus pour gagner plus » permette de gagner une élection. »

Sur ses expériences ministérielles : « Je suis un sarkozyste définitif. Je ne respecte pas beaucoup les politiques qui changent d’étiquette. »
« Aujourd’hui, les communicants sont les boussoles des ministres. Moi, ma boussole c’était ce que je ressentais et les consignes du président de la République, en liaison avec le Premier ministre. »
« La polémique « 
Quand y’ en a un, ça va c’est quand il y en a beaucoup que cela pose des problèmes » m’a personnellement blessé, même si juridiquement j’ai gagné car, poursuivi par le MRAP, c’est moi qui l’ai fait condamner ! »

Sur le RN et le scrutin européen de juin : « Au Parlement européen, le poids de la France est faible car nous sommes puissants là où c’est inutile (beaucoup de députés RN dans un groupe faible NDLR) et faibles là où cela le serait (peu de députés LR dans le premier groupe au parlement européen NDLR). (…) Si les Français veulent peser au niveau européen, il faut voter en réalité pour les Socialistes ou les Républicains ! »
« Je me méfie de ceux qui proposent des solutions simples à des problèmes compliqués. »
« Le RN est une formation qui tous les 10 ans change de convictions ! »

Quand le cheminot Portes déraille

0
Le député de Seine-Saint-Denis Thomas Portes (extrème-gauche), Paris, 14 janvier 2024 © Chang Martin/SIPA

Décidément, chez les cheminots d’extrême gauche de la SNCF, on est loin de la Bataille du rail, constate, accablé, le président d’Avocats sans frontières.


On connaissait déjà le triste exploit du sieur Tronche, cadre CGT qui, apercevant Éric Zemmour dans sa gare, lui demanda si son train partait pour Auschwitz… Il bénéficie, depuis lors, du soutien de sa patronne, la dame Binet, mais il devra en répondre dans le cadre du procès diligenté par votre serviteur avec l’aval de l’homme juif injurié.

Cette fois, c’est un autre cheminot qui a déraillé dangereusement, en la personne de Thomas Portes. Les faits sont accablants : Le Journal du dimanche du 21 mars révélait que ce député de la France Insoumise avait mis en danger la vie d’un jeune juif français en l’accusant mensongèrement. Samuel O. a en effet été contraint de porter plainte quand il a appris que l’élu, reprenant les fausses informations d’un journaliste militant palestinien, l’avait dénoncé nominativement sur le réseau social X (ex-Twitter), l’accusant d’avoir torturé des terroristes du Hamas capturés par Tsahal.

A lire aussi: Famine organisée à Gaza: mensonge de guerre

Or Samuel O., Français qui habite la banlieue de Lyon, n’a jamais été soldat en Israël, et ne s’est rendu brièvement dans ce pays qu’en août 2023 pour assister à un mariage…

Communiqué alambiqué

Depuis le mensonge du cheminot insoumis, la vie de Samuel O. est un enfer au regard des menaces de mort et du harcèlement antisémite qu’il subit en provenance des milieux islamistes. Le député dépité s’est fendu d’un communiqué alambiqué le 22 mars dans lequel il annonce, mais trop tard, avoir effacé ses mensonges dévastateurs. Pour tenter de sauver la face, il continue, dans le reste dans son message, de diligenter ses accusations contre Israël.

Mais le déraillement du cheminot ne s’est pas déroulé en rase campagne. Il s’inscrit au contraire dans le cadre de la campagne haineuse engagée contre Israël à un train d’enfer, qui ne pouvait que dérailler. Portes fait en effet partie du quarteron de députés d’extrême gauche les plus furieux contre l’État hébreu, avec Messieurs Guiraud, Caron et Dame Soudais. Quarteron dont les faiblesses pour le Hamas islamiste ne sont plus à démontrer.

Haine obsessive

Les juifs français en général et Samuel O. ou l’étudiante de Sciences Po en particulier sont les victimes collatérales de cette haine obsessive de la nation juive. L’utilisation obscène du terme « génocide » pour l’appliquer à la riposte de l’armée israélienne contre le Hamas à Gaza en constitue une manifestation jouissive à caractère pornographique. Je ne suis pas le plus mal placé pour savoir que cette propagande ne s’inscrit pas dans un cadre rationnel et historique, mais au contraire idéologique et hystérique.

A lire aussi: Laissez donc Mélenchon s’enfoncer dans l’impasse islamo-gauchiste!

Dans mon Journal de Guerre, j’écris le 10 octobre, au quatrième jour après le massacre : « Israël riposte par des bombardements massifs sur une zone urbaine. Comme les alliés sur la France occupée. Gaza assiégée. J’entends ici prendre date. Le Grand Pogrom commis par les islamo-nazis a trois jours et la vraie riposte d’Israël n’a pas encore commencé. Je ne donne pas encore trois jours pour qu’Israël soit nazifié et les Arabes de Palestine peints en martyrs génocidés. »

Nous y sommes, et je savais bien que le cheminot Portes serait dans le train des peintres du tableau obscène. Ils n’ont peint ainsi ni Mossoul ni Grozny. C’est tellement plus jouissif de peindre un juif en nazi.

Journal de guerre: C'est l'Occident qu'on assassine

Price: 19,50 €

25 used & new available from 9,76 €

«2024, c’est la France en pire! Les gilets jaunes avaient raison!»

0
Le Niçois Jean-Charles Aknin, gilet jaune et ancien technicien à Radio France. DR.

Entretien avec Jean-Charles Aknin, un révolté qui rêve toujours que le mouvement des gilets jaunes connaisse un débouché politique…


Jean-Charles Aknin, retraité en 2021 de l’audiovisuel public, s’est engagé dès le 17 novembre 2018 auprès des gilets jaunes. Constatant l’absence de matière politique du mouvement, il a entamé en 2020 la rédaction d’un programme électoral en vue des élections présidentielles de 2022…

Il participe régulièrement à diverses rencontres de « résistants » et se consacre à l’écriture sur l’avenir de la société française. Il investit aussi le champ des réflexions politiques et philosophiques autour du droit, de l’État et de la citoyenneté dans le cadre de colloques hebdomadaires sur les réseaux. Il analyse pour Causeur le legs des gilets jaunes à la société française.


Causeur. En rétrospective, comment décrire le mouvement des gilets jaunes ?

Jean-Charles Aknin. Pour situer le mouvement des Gilets Jaunes, on le compare souvent à Mai 68, ce dernier étant une sorte d’étalon paroxystique des chambardements français. D’autres secousses, depuis Mai 68, ont jalonné l’histoire sociale du pays. Elles lui sont comparées soit à l’aune du nombre de manifestants mobilisés, soit à l’aune de la violence générée ou bien à celle de l’ambition militante des participants.

En ce qui concerne le nombre de manifestants, on a souvent cité les manifestations contre la réforme des retraites sous le gouvernement Juppé en 1995 ou les cortèges contre le CPE (Contrat Première Embauche) sous le gouvernement Villepin en 2006. Pour le niveau de violence, on retenait les émeutes des banlieues en 2005. Et pour l’ambition militante, on se souvenait des « Bonnets Rouges » en 2013, des « Nuits Debout » en 2016, apparentées aux actions du mouvement « Occupy Wall Street » aux Etats-Unis ou aux Indignés de « Podemos » en Espagne. Dans cette perspective, le mouvement des Gilets Jaunes représente un phénomène exceptionnel en ce qu’il coche, à lui seul, chacune des trois cases : nombre, violence (malgré lui) et ambition militante. De ce fait, il talonne, et dépasse à plusieurs titres, le paroxysmique Mai 68.

Six ans plus tard, reste au mouvement des Gilets Jaunes à être digéré par les analystes politiques, les sociologues et, pourquoi pas, par les psychologues, avant d’être relégué sur les étagères poussiéreuses des bibliothèques universitaires. Du moins, c’est ce que croient les fossoyeurs bien-pensants. C’est sans compter sur la dimension militante de cette mobilisation historique.

A cet égard, de quelle ampleur a été, selon vous, le mouvement des gilets jaunes, car on ne l’a jamais su exactement ?

On épiloguera peu sur le « nombre », donnée controversée, évidemment falsifiée par les autorités, qui ont suivi à la lettre le sketch bien connu des chiffres de la police versus chiffres des manifestants. En l’absence du soutien des syndicats, des partis politiques ou de tout autre corps constitué pour lesquels l’estimation habituelle de leurs « raz-de-marée » était la division par deux ou par trois, les préfectures ont pu à loisir sabrer le nombre des Gilets Jaunes par dix ! Pourtant ceux qui ont scruté et vécu cette période vous parleront, sans outrance et sans mauvaise foi, de trois millions de personnes mobilisées à travers toute la France, quand le ministère affichait risiblement un pic à 282 000 manifestants dans tout le pays. A ce propos, on peut aller consulter les archives du site « Le Nombre Jaune[1] ».

Et qu’en est-il du critère de la violence que vous avez évoqué ?

Il s’agit d’un critère qui embarque à lui tout seul toute la honte et toute la duplicité des autorités vis-à-vis de ses « administrés ». En ces temps de conflits internationaux, nous nous sommes familiarisés avec l’expression « attaque sous faux drapeau ». Gageons que beaucoup d’entre nous ont aujourd’hui compris qu’un État peut opérer de la même manière à l’encontre de manifestants, qu’il considère, dans le plus pur esprit républicain (ironie), comme des « ennemis de l’intérieur ». Pour preuve, qui a entendu parler d’arrestation de blacks blocs ? De procès de blacks blocs ? Personne. Qui étaient ces blacks blocs ultra-violents que personne n’a plus jamais revus depuis ? Où sont-ils passés ? La question reste sans réponse.

Les Gilets Jaunes, en revanche, ont eu droit à tout : infiltrations, provocations, violences policières extrêmes, armes de guerre et gazages systématiques, fake news d’État, mauvais traitements et partialité judiciaires… sans oublier les moins sanglantes mais pas moins iniques « arrestations préventives », un animal juridique des plus inconstitutionnels ! Avec les Gilets Jaunes tout était permis, jusqu’à les assimiler, au bout du bout, à des terroristes, et à les enfermer par milliers comme on embastille des prisonniers politiques. Pour ceux-là, on a trouvé des places de prisons !

On a souvent évoqué l’hétérogénéité des gilets jaunes. Qu’en pensez-vous ?

Du point de vue de la conscience politique, nous étions en présence d’au moins trois sortes de Gilets Jaunes. Attention ! il s’agit bien entendu d’une catégorisation grossière qui doit être nuancée :

1) Les Gilets Jaunes allergiques à toute structure politique, à toute hiérarchisation et à toute autorité d’une personne en capacité d’exercer un quelconque leadership ;

2) Les Gilets Jaunes déjà politisés, syndiqués ou adhérents de partis préexistants de droite ou de gauche ;

3) Les Gilets Jaunes bâtisseurs, ayant pour objectif de penser une autre société via une nouvelle Constitution, ou via un programme politique novateur.

Que sont-ils devenus ?

De ces trois profils, seul le dernier a gardé une certaine vivacité. Les premiers, rageux, en colère, blessés aussi, se sont éparpillés vers les marges des extrêmes, vers les confins de la France périphérique, déshérités autant que dégoûtés, participants des mouvements altermondialistes, survivalistes et pour la plupart abstentionnistes. Recentrés sur leur famille ou investis dans des croisades d’actions solidaires. Les seconds ont rejoint leur chapelle, non sans avoir participé des courants d’infiltration politique qui ont sapé une partie de la vigueur du mouvement. L’expérience montre que les camarades gauchistes ont été bien plus intrusifs que les « droitards », en général plus respectueux de la dynamique en cours. Les membres de la troisième catégorie persistent ça ou là. Ils ont monté des associations, des petits partis confidentiels, se réunissent en coalition et tentent de pratiquer un « œcuménisme » militant de bon aloi. Ils ont aussi édifié un corpus considérable à travers des sites didactiques, des essais politiques ou sociologiques, des magazines, des cycles de conférences, etc. Une sorte d’éducation populaire se construit et se répand de proche en proche.

Sur le plan de la personnalité, les gilets jaunes partageaient-ils des traits communs ?

Le Gilet Jaune est un hypersensible politique, à savoir un individu sensible à la chose politique. Quel que soit son niveau de connaissance, son intelligence, son éducation, il est concerné par le monde, par et pour les autres. Sinon, il ne se serait pas mobilisé ex-nihilo, soutenu par personne, promis à aucune carrière et à aucun bénéfice potentiel.

Le Gilet Jaune consacre son temps à la résistance, aux manifestations, à la présence sur le terrain. Certains peuplent les conférences, les rencontres et les festivals militants. Ils explorent les sujets polémiques, s’informent plus encore que nombre de journalistes, écoutent les lanceurs d’alerte. En cela, ils rejoignent fièrement la masse de plus en plus grande que les représentants de la bien-pensance, appellent avec morgue « complotistes », c’est-à-dire ceux à qui l’on reproche le b.a.-ba de l’hygiène intellectuelle : exercer son esprit critique. Force est de constater que le Gilet Jaune, en s’exposant à la répression de l’État, est, bien plus que nombre de Français, un citoyen capable de sacrifice.

L’inconnu fait peur, et pour les classes dirigeantes, sacrifice, désintéressement et abnégation sont des comportements si étranges que, pour ces gens-là, se battre avec cœur, courage et honneur en réclamant justice provoque une telle répugnance de leur part qu’il leur faut salir, réduire et anéantir ces « canards sans tête » (selon l’expression de l’inénarrable sénateur Claude Malhuret), ces populistes, ces racistes, ces antisémites d’extrême-droite. Et le pire : ils sont pauvres ! Mais le Gilet Jaune a les défauts de ses qualités : « à fond » sur tous les sujets, il ne hiérarchise pas les idées. Pour lui, c’est du « tout ou rien » justement parce qu’il est un hypersensible politique. Bien sûr, on ne peut pas et on ne doit pas généraliser à outrance ce profil, mais il faut reconnaître qu’une divergence de vues provoque chez un Gilet Jaune une amertume bien plus difficile à gérer du fait de sa conscience exacerbée de la gravité des sujets qu’il a investis.

DR

Comment expliquer l’échec tragique du mouvement ?

On se souvient que les premiers sondages annonçaient que 82 % de Français soutenaient le mouvement. Les coupes étaient pleines, débordaient même par-delà les vases habituellement noyés sous les factures, embourbés par l’injustice sociale endémique. Pour une fois, même les classes moyennes se ralliaient à l’expression de ras-le-bol des laissés-pour-compte. C’était une affaire de semaines, de mois avant que l’oligarchie néolibérale ne capitule. Mais les semaines, les mois, les années ont passé. Les Gilets Jaunes se sont fait casser la gueule, ont été calomniés, conspués et enfin rejetés.

Mais enfin, que s’est-il donc passé ?

A partir de l’épisode Gilets Jaunes, certains exégètes se sont exercés à exposer la recette d’une « révolution réussie », suggérant que ledit épisode recelait malgré tout quelques-uns des ingrédients nécessaires. Sans éprouver à fond la validité de ces théories, il me semble que deux de ces ingrédients ont hypothéqué le succès du mouvement.

Premier ingrédient : la sempiternelle mais concevable alliance des classes sociales, la transversalité de la lutte, la communion d’intérêts de classes, etc. Ce genre d’analyse, trivialement marxiste, n’est effectivement pas à éluder. Pour autant, le large soutien populaire initial suggérait que cette alliance, même de circonstance, était à portée de mobilisation. Outre le travail de sape des médias subventionnés, le non-ralliement des syndicats et des partis politiques a entravé puis brisé l’élan potentiel. Reste à explorer les raisons pour lesquelles les dirigeants (intéressés) de ces corps dits intermédiaires n’ont pas accompagné ce mouvement populaire massif !

Mais l’ingrédient essentiel qui a manqué aux Gilets Jaunes est certainement l’absence de projet politique. Je m’explique : le mode initial était un mode revendicatif. Mais revendiquer, c’est demander, et demander, c’est se placer en aval d’une autorité qui « cède » à la revendication. C’est le pouvoir qui donne, qui accorde. On ne révolutionne rien en position de vassal. Il manquait donc un projet politique, un objectif, un programme qui aurait permis, sinon de parler d’égal à égal, de laisser à penser que le rapport de force pouvait évoluer.

On se souvient que l’une des mesures-phare mise en avant par le mouvement était le RIC, le fameux Référendum d’Initiative Citoyenne ?

Un temps, ce rêve de Nouveau Monde et de Grand Soir s’est cristallisé dans le RIC. Le RIC avait l’avantage de satisfaire les trois catégories de Gilets jaunes que j’ai mentionnées : il ne présuppose pas de chef, il peut s’appliquer dans un espace politique préexistant, il est une amorce de construction politique. Bien qu’il se soit trouvé des fanatiques du RIC pour l’envisager comme seul et unique instrument de « gouvernance », le RIC n’a pas suffi à apporter la matière nécessaire à un projet politique global. Pour paraphraser Brel sur le mode « Quand on n’a que l’Amour pour convaincre un tambour », on peut dire : « Quand on n’a que le RIC pour combattre le FRIC… ». On connaît la suite. Le romantisme évidemment ne suffit pas.

Chemin faisant, nombre de « résistants » ont pris conscience de la lacune que représentait l’absence de projet politique et de la nécessité de la résorber. C’est alors qu’à côté du RIC, ont émergé les « projets constituants ». Une porte d’entrée tout à fait estimable quand il s’agit de « réparer » un système politique qui ne semble plus viable en l’état.

Pour mémoire, c’est à l’avantage de cette orientation que les LFI, profitant de leur antériorité sur le sujet (voir les déclarations de Mélenchon lors de la présidentielle 2017), ont glané quelques adhérents supplémentaires sans pour autant parvenir à déconstruire la dynamique intellectuelle des Gilets Jaunes, déterminés à ne pas tomber dans le piège de la bipolarité droite-gauche jugée, à raison, mortifère. Jamais, sans doute, autant de Constitutions n’ont été écrites en groupe ou individuellement durant les mois qui ont suivi le mouvement des Gilets Jaunes. Ce phénomène est une des conséquences les plus admirables de cette période. Des milliers de citoyens se sont penchés sur les ressorts de leur maison politique, sur l’État, sur l’ordre juridique, sur les contre-pouvoirs, sur le Contrat social, sur les droits fondamentaux, sur la morale sous-jacente de l’édifice républicain, sur la démocratie, sur ses qualités et sur ses faiblesses.

Mais théoriser la procédure de RIC, circonscrire des objets de RIC potentiels, réécrire des Constitutions ne vaut que pour préparer l’avenir… s’il advient un jour. C’était, en quelque sorte, mettre la charrue avant les bœufs. Car pour propulser une Constitution ou le RIC, il faut d’abord avoir pris le pouvoir par les urnes ou par la rue. Victoire électorale ou insurrection, voilà l’alternative ! La victoire électorale a malheureusement été empêchée par le boycott médiatique et le manque de moyens financiers. Quant à l’insurrection, elle est interdite et réprimée.

Tout cela en dit long sur le degré de démocratie en France ! Quoi qu’il en soit, la démarche cohérente est de procéder sans griller les étapes. On ne peut faire l’impasse sur l’écriture préalable d’un programme politique sérieux et convaincant avant de penser mettre en œuvre RIC ou Constituante.

Vous avez écrit ce programme. Quels domaines englobait-il ?

En 2020, j’ai misà la disposition de tous un programme, sur le site Concorde1711.com[2]. Il s’agit d’une somme de 250 pages qui est devenue une référence auprès de certains militants. Organisation politique, économie, politique sociale, santé, droit du travail, services publics, justice, police, enseignement, recherche, liberté d’expression et médias, culture, sport, numérique, défense nationale, politique étrangère… Tout ce qui relève de l’exercice politique dans la nation y est passé en revue. Chaque chapitre est introduit par un préambule qui décrit l’esprit, la philosophie ou les problématiques qui inspirent les dispositions qui y sont énoncées.

Le mouvement des gilets jaunes pourrait-il ressusciter dans le contexte actuel de 2024 ?

Depuis 2018, tout a empiré. On est passé du jaune soleil à la nuit sombre ! Quelle que soit la direction vers laquelle on se tourne, il n’y a pas un domaine où quoi que ce soit s’est amélioré. La régression est En Marche sur tous les fronts. L’énumération qui suit est nécessaire ; l’exercice consiste à trouver du positif derrière chaque item… Bonne chance ! Qu’en est-il en effet du pouvoir d’achat, des taxes, des impôts, des services publics, de l’hôpital, des retraites, de l’emploi, du logement, des finances publiques, du niveau scolaire, de la sécurité, de la laïcité, de l’agriculture, de l’énergie, de la production, de l’activité économique, de la balance commerciale, des dettes publique et privée, de l’inflation, de la vente à la découpe des entreprises, de la braderie des biens nationaux, des souverainetés économique, alimentaire, politique, diplomatique, militaire, etc ?

Tout va de mal en pis, même ce qui ne se chiffre pas – à savoir, les libertés publiques, le droit de manifester, le noyautage des médias, les censures diverses et variées, l’intimidation des associations ou des syndicats, le fichage et la généralisation des moyens de surveillance, l’affaissement artistique et culturel, la fragmentation organisée du tissu social, la corruption endémique[3] des élus et des hauts fonctionnaires, la collusion des juges avec l’exécutif, la disparition des contre-pouvoirs, la trahison des « élites », la dissolution de la démocratie dans les 49.3 et autres accommodements avec le Conseil constitutionnel…

L’événement sanitaire dit crise Covid, au-delà des privations de liberté, du non-respect de l’intégrité physique des personnes et de la soumission à un gigantesque jeu de Jacques-a-dit absurde, fut la révélation de l’état de servitude dans lequel la population française a été plongée. A cette occasion, quelle que soit la légitimité qu’ils accordent à ces mesures, les Français lucides ont compris, éprouvé, touché du QR-code et constaté le piège institutionnel dans lequel ils se sont laissé enfermer. Ils savent que cette nasse peut être réactivée arbitrairement à tout moment telle une épée de Damoclès. En témoignent le retour annoncé du QR-code pour les JO, les projets de Pass carbone et de Pass climatique, la menace d’une nouvelle pandémie, l’entrisme de l’OMS dans le champ légal des nations, etc…

Quant aux perspectives, elles ne sont pas plus réjouissantes : monnaie numérique de banque centrale, identité numérique, reconnaissance faciale, crédit social à la chinoise, nouvel ordre mondial, puçage intracorporel, saisie de l’épargne des Français en vertu de la directive européenne BRRD transposée en 2016 dans le droit français[4] (loi Sapin 2), atteinte au droit de propriété avec la séparation du bâti foncier et du terrain foncier, taxation des propriétés à hauteur de leur valeur locative, taxation des potagers, réglementation de la récupération des eaux de pluie…

L’idéal démocratique file entre nos doigts à mesure que les ambitions totalitaires de nos dirigeants nationaux et européens, qui s’inspirent de l’idéologie mortifère et déshumanisante du Forum économique mondial de Davos, s’introduisent par effraction dans notre intimité jusqu’à exiger de nous et de nos enfants des sexualités « idoines ». Semaine après semaine, les issues se bouchent. Les refuges sont compromis les uns après les autres. L’attaque des mondialistes est méthodique et massive.

Les Gilets Jaunes avaient raison. Tous ceux qui, depuis, ont pris conscience de la menace totalitaire mondialiste sont désormais à leurs côtés, mais la situation est arrivée à un point de non-retour. La destruction menée à une vitesse fulgurante par « En Marche » et ses alliés européistes semble inéluctable, au point que le dernier espoir des résistants éveillés sera de se vouer au chaos qui vient.

Mais que l’on ne se méprenne pas. Il ne s’agit pas d’une sortie par le bas, mais au contraire d’un espoir véritable, d’une bonne nouvelle car les résistants Gilets Jaunes en sont persuadés : l’effondrement est proche. La crise finale est annoncée par un nombre grandissant d’économistes. La régulation de l’inflation et des dettes par les taux est devenue insoluble. La pyramide de Ponzi de la haute finance est au bord de l’implosion. Même les banques centrales affichent désormais des pertes par milliards ; un comble pour des entités qui disposent de la planche à billets ! La tenaille se referme. Et, pour se convaincre de l’imminence de la chute du système, les orientations ineptes prises à Washington et à Bruxelles scient consciencieusement la branche sur laquelle les élites occidentales se croient à tort intouchables.

Le chaos sera peut-être une échappatoire. En effet, si les urnes ou la rue ne parviennent pas à ouvrir la voie des aspirations révolutionnaires des Gilets Jaunes, la chute de l’Empire reste une option possible et de plus en plus plausible. Qui de plus libre que quelqu’un qui n’a plus rien à perdre ? « Vous ne posséderez rien et vous serez heureux » dit le slogan en exergue du livre The Great Reset du gourou de Davos, Klaus Schwab. Ce faisant, ce personnage grotesque et ses affidés mondialistes, transhumanistes et malthusiens se tendent leur propre piège. Ceux qui ne possèdent rien et qui n’ont donc rien à perdre, seront là pour les prendre au mot. « Gilet Jaune un jour, Gilet Jaune toujours ! », disions-nous avec enthousiasme, persuadés que la marche révolutionnaire serait victorieuse. Je garde l’espoir qu’elle le sera bientôt avec ou sans le gilet jaune.


[1] https://www.facebook.com/lenombrejaune/

[2] https://concorde1711.com/

[3] https://www.giletsjaunes06.com/index.php/les-causes-du-mal/corruption/la-republique-exemplaire/534-les-casseroles-de-la-republique-exemplaire-de-macron

[4] Selon l’association « Contribuables associés » : « La directive BRRD ou DRRB en français, pour « directive sur le redressement et la résolution des banques ». Cette directive européenne transposée en droit français autorise une banque au bord de la faillite à ponctionner directement les comptes de ses clients. Jusqu’ici, les établissements bancaires en faillite se tournaient vers leurs actionnaires puis leurs créanciers. La BRRD autorise désormais les banques à mettre à contribution en troisième recours leurs clients disposant d’un compte sur lequel se trouve plus de 100 000 euros ». [https://www.touscontribuables.org/les-combats-de-contribuables-associes/les-impots-et-taxes/augmentation-des-impots/le-gouvernement-a-fait-passer-en-douce-une-directive-europeenne-qui-legalise-la-spoliation-de-votre-epargne]

«Télérama» furieux des fréquentations de Gilles Kepel

0
Gilles Kepel © Hannah Assouline

L’hebdo télé de la gauche bobo dézingue le politologue et ancien prof de fac Gilles Kepel: c’est le niveau zéro du journalisme.


« Sous son influence, le concept décrié de “djihad d’atmosphère” imprègne les débats. Expert de l’islam depuis les années 1980, Gilles Kepel fraye aujourd’hui avec les médias d’extrême droite et se dit chassé par les “wokistes” de l’université. Qu’est-il arrivé au brillant politologue ? » Ainsi est sous-titré un long article sur Gilles Kepel paru dans le Télérama n° 3873. En quelques mots, sournoisement, tout est dit. Les sous-entendus sont clairs : Gilles Kepel a été un brillant politologue mais maintenant c’est un suppôt de l’extrême droite un peu parano. Son tort ? Avoir travaillé pendant des décennies sur la religion coranique et être parvenu à la conclusion qu’un islam politique et radical, prosélyte, rigoureux et organisé, taraude notre société et met tout en œuvre pour voir advenir en France et en Europe un islam rigoriste via la charia.

L’article cite des chercheurs, d’anciens élèves, des collègues de Kepel dont nous ne saurons pas le nom. En effet, ces derniers, « craignant pour leur carrière, ont requis l’anonymat ». Inversion de la réalité : c’est la carrière de l’islamologue qui a été brisée. Ce dernier a d’abord vu sa chaire fermée par Richard Descoings à Sciences Po puis a été interdit d’enseignement à l’ENS fin 2022 sous des prétextes fallacieux dont celui d’un manque de financements pour sa chaire Moyen-Orient Méditerranée. Depuis, se désole le magazine télévisuel, « on lit davantage Kepel dans les colonnes du JDD sauce Bolloré ou chez les médias d’extrême droite Valeurs actuelles et Causeur ». S’il arrive à Kepel de préfacer des essais, ce sont des essais « prêtant à polémique », comme celui de « Florence Bergeaud-Blackler, une anthropologue prisée par l’extrême droite », laquelle a écrit un livre sur les Frères musulmans « à la méthodologie contestée ». Contestée par qui ? Mystère et boule gomme. On ne saura pas non plus qui se cache derrière « l’avis général » qui considère que Kepel « a déserté de longue date le champ de la recherche ». On ignorera de même qui est le brillant « chercheur » jugeant que le « djihadisme d’atmosphère » est un « concept au doigt mouillé, et surtout le marchepied parfait pour l’extrême droite ». En conclusion, Télérama note que Valeurs actuelles a déjà utilisé cette expression et que, nourris de la même sémantique supposément d’extrême droite, « le JDD évoque un “antisémitisme d’atmosphère” et la sociologue Nathalie Heinich dénonce désormais le wokisme comme un “totalitarisme d’atmosphère” ». Article écœurant de bout en bout.

A lire aussi: La passion triste du mea culpa, ça suffit!

On savait Télérama imprégné d’idéologie progressiste, européiste et immigrationniste. On percevait de plus en plus l’influence woke dans nombre de ses articles. Mais on n’imaginait pas y lire un jour un article aussi bâclé et consternant, torché avec des bruits de couloir, regorgeant de ces tics de langage répétitifs, de ces anathèmes contre une « extrême droite » fantasmée qui sont la marque de fabrique de Libération ou de Mediapart. On ne pouvait pas prévoir que les journalistes de ce magazine télévisuel allaient être à ce point déconnectés de la réalité qu’ils ne seraient même plus fichus de réaliser que le « djihadisme d’atmosphère » dont parle Kepel est à nos portes, dans nos rues, dans nos écoles. Quotidiennement, des événements qui relèvent de ce phénomène secouent la France : agressions au couteau contre les kouffars ;irruptions dans les églises au cri d’Allah Akbar ; police des mœurs coraniques dans les écoles et dans de nombreuses villes ; tentatives d’imposition du voile islamique et difficulté de plus en plus grande pour les jeunes filles d’origine arabe de s’habiller « à l’européenne » ; menaces sur les professeurs, les proviseurs, les commerçants, les chercheurs, les maires, via les réseaux sociaux ; nécessité de recourir de plus en plus souvent à une protection policière pour ces gens menacés de mort ; comportements de plus en plus violents de la part d’élèves et de parents musulmans radicalisés dans les écoles ; etc. Télérama ne voit pas le rapport avec l’islamisme – comme Le Monde et Le Nouvel Obs, qui font partie du même groupe de presse. Craignant qu’une trop grande subtilité analytique rebute leur lectorat composé pour l’essentiel de néo-bourgeois soixante-huitards, ces journaux vont au plus simple : ceux qui sont à la droite du centre-droit macroniste sont tous réactionnaires ou d’extrême droite. Ceux qui réfléchissent sur l’entrisme de l’islamisme dans la société française sont tous d’extrême droite. Ceux qui analysent l’influence néfaste du frérisme, du salafisme, du wahhabisme en Europe sont tous d’extrême droite. Enfin, ceux qui se rendent sur les plateaux de CNews ou donnent des interviews au JDD ou à Valeurs actuelles afin d’avertir sur les dangers d’une immigration massive issue essentiellement de pays musulmans sont tous d’extrême droite. Il nous tarde de lire le prochain papier de Télérama sur… Boualem Sansal, par exemple. 

Holocaustes: Israël, Gaza et la guerre contre l'Occident

Price: 20,00 €

14 used & new available from 17,05 €

 

La réapparition d’Alain Kan

0
Éditions Séguier

L’Enfant veuf, unique roman d’Alain Kan, un récit resté caché du fantôme de la pop française, est finalement publié.


Whatever happened to Alain Z Kan ? Voici le titre prémonitoire d’un des albums d’un chanteur qui n’a jamais connu le succès, succès pourtant ardemment et furieusement désiré. Sorti en 1979, c’est certainement un de ses meilleurs.

Disparu le 14 avril 1990, il est déclaré mort en 2000

Mais en effet, le fait d’arme d’Alain Z Kan, l’acte qui a définitivement fait de lui un chanteur underground et culte, c’est sa disparition ! Le 14 avril 1990, il prend le métro à Châtelet et se volatilise. La bouche de métro du ventre de Paris, c’est son triangle des Bermudes…

A lire aussi: Ça balance pas mal dans la comédie!

Les éditons Séguier ont dégotté et édité son unique roman, une curiosité composée de fragments : L’enfant veuf, disponible dans la collection L’IndéFINIE. Mais remontons le temps, comme si nous avions entre les mains une caméra super 8… L’histoire commence au mitan des années 60. Dans une émission de télé figure un chanteur à minettes lambda : il s’agit d’Alain Kan, à l’époque fan de Bécaud au point d’en imiter certaines intonations.

Peu de temps après, suite à sa rencontre avec la chanteuse Dani, le voilà pilier du cabaret l’Alcazar. Il se construit un personnage à la Maurice Chevalier sous acides, canotier à l’appui. Il commence à assumer pleinement son homosexualité, la portant même en étendard. Et puis, il devient une sorte de « Bowie » français, mais personne n’y croit vraiment. Attifé comme Ziggy, il reprend les tubes de la star britannique en français. Le tout tient hélas de la parodie de MJC. Vient ensuite la période punk, où il fonde un groupe éphémère, Gazoline, duquel se dégageait une énergie certaine. Il y embarque Marie-France, notre transsexuelle nationale, sulfureuse jadis, populaire aujourd’hui. Et puis surgit enfin Alain Kan. Débarrassé de ses oripeaux, il sort en 1979 Whatever happened to Alain Z Kan, son album emblématique, vite censuré car comportant trop d’allusions au sexe, à la drogue et même au nazisme – il avait cette obsession commune à beaucoup de gays, de l’esthétique SS, ou plutôt SA. Inéluctablement, le succès n’étant jamais au rendez-vous, l’héroïne prenant toute la place dans sa vie, la descente aux enfers survient. Jusqu’à la disparition.

A lire aussi, du même auteur: Le retour de Jil Caplan

Un récit caché chez la veuve de Christophe

Et quid de L’enfant veuf dans tout ça ? C’est sa sœur Véronique Bevilacqua, gardienne du temple et veuve de Christophe, qui possédait ce roman inachevé. Le chanteur protéiforme fourmillait d’ailleurs de projets inachevés. « Les archives d’Alain Kan contiennent de nombreuses ébauches de projets de textes de chansons, mais il ambitionne aussi d’écrire pour le cinéma » explique Philippe Roizes qui préface le livre. Ce récit est à l’image de son auteur :  c’est un fouillis où fourmillent les références un peu attendues, Proust, Huysmans, Baudelaire, les classiques du romantisme rock’n’roll. On perçoit l’influence du Rose Poussière de Jean-Jacques Schuhl, ce cut up à la française où se télescopaient aussi les références chics. Mais n’est pas Schuhl qui veut… et les tentatives de Kan paraissent bien scolaires en comparaison ! Il s’agit bien sûr d’une histoire d’amour, les protagonistes se nomment Jules et Jim (cette obsession de la référence, encore…) et finissent par se confondre et se dissoudre dans une vie trop dissolue. Ce procédé est sûrement l’une des rares trouvailles intéressantes du livre. Cependant, ne soyons pas trop dure : un certain charme se dégage de ces fragments, notamment les extraits où Kan évoque son enfance, lui l’enfant veuf, c’est-à-dire celui qui grandit sans père. Dès l’adolescence, Kan avait la manie des interviews fictives, voici un extrait de l’une d’entre elles alors qu’il a 14 ans :
Ce que j’aime dans la vie ?
– La cuisine chinoise, la vitesse, les voitures de sport, le vent, le soleil, la mer, les filles blondes, les animaux et faire de la peinture. 
C’est cet Alain-là que nous avons envie d’aimer.

L'Enfant veuf - le manuscrit que l'on croyait perdu publié pour la première fois

Price: 21,00 €

10 used & new available from 13,00 €

«Transmania»: le plus gros «casse conceptuel» du siècle?

0
DR.

Un élu socialiste parisien est parvenu cette semaine à obtenir le retrait de l’affiche promotionnelle du nouvel essai de Dora Moutot et Marguerite Stern Transmania (Editions Magnus). Pourtant, à l’étranger, de nombreuses études accablantes sont sorties ces dernières semaines, qui démontrent les dérives de l’idéologie transgenre. Et les pays les plus en pointe dans la transition de genre ont tendance à faire marche arrière pour protéger les jeunes et les personnes fragiles. Jeremy Stubbs raconte.


Nous avons beau vivre dans une société qui est censée être le produit du Siècle des Lumières, régie à la fois par la raison et le dialogue démocratique, cette société est constamment menacée par les ténèbres de la déraison et de l’intolérance. Les militantes féministes Dora Moutot et Marguerite Stern viennent de publier Transmania. Enquête sur les dérives de l’idéologie transgenre, aux Éditions Magnus. Cet ouvrage est un excellent résumé des multiples critiques qu’on peut très raisonnablement et légitimement formuler à l’égard de l’idéologie transgenre et queer[1] et des militants souvent zélés qui la promeuvent. Transmania est documenté, fouillé et argumenté. Venant après la traduction française de l’enquête fondamentale d’Abigail Shrier, Dommages irréversibles (2021 pour l’édition originale en anglais) et La fabrique de l’enfant transgenre de Caroline Eliacheff et Céline Masson (2022), ainsi que de nombreux articles publiés dans Causeur, le titre de Moutot et Stern constitue une référence dont le public français a grand besoin pour mieux comprendre les risques et dérives attachés au mouvement transgenre et queer.

Les essayistes et militantes Dora Moutot et Marguerite Stern © Femelliste

Car les innovations sociétales et médicales que réclame ce mouvement menacent les droits durement acquis des femmes et poussent à la transformation radicale des corps humains – même ceux des plus jeunes – par des drogues aux effets plus qu’incertains et par des mutilations chirurgicales. On aurait pu donc espérer que Transmania relance le débat sur le phénomène trans. Ce qu’on a vu cette semaine, c’est plutôt une tentative pour invisibiliser le livre et discréditer les deux auteurs en les présentant comme des complotistes.

Ce qui est particulièrement troublant, c’est que cette manœuvre obscurantiste est le fait, non seulement d’énergumènes de la cause queer, mais aussi de politiques centristes ou conventionnels qui se montrent ainsi incapables de résister à la pression exercée par les extrémistes.

A lire aussi, du même auteur: L’Écosse contre le « monstre de la haine »

Comble de l’ironie, ces événements arrivent en France au moment où, dans d’autres pays plus durement touchés par les excès de la théorie du genre, des études scientifiques et des décisions prises par des dirigeants démocratiques signalent que le vent, qui a jusqu’ici généralement soufflé en faveur des militants, est en train de tourner.

A l’affiche – ou pas

Cette semaine donc, l’éditeur de Transmania a cherché à promouvoir le livre par une campagne d’affiches dans Paris et un petit nombre d’autres villes. Les affiches en question montrent la couverture du volume, accompagnée du slogan « Quand l’idéologie transgenre s’infiltre dans toutes les sphères de la société, ou l’histoire d’un des plus gros casses conceptuels du siècle ». Il s’agit d’une allusion à une thèse qui a été largement documentée : des ONG et des militants, dont les activités sont souvent subventionnées par des milliardaires favorables à la cause, ont réussi à imposer leur idéologie dans des forums et des institutions démocratiques, la fonction publique, l’éducation et le monde de l’entreprise. On peut être d’accord ou non avec cette thèse, mais elle mérite d’être débattue. Tel n’est pas l’avis du premier adjoint (PS) à la maire de Paris, Emmanuel Grégoire. Le 17 avril, ce dernier reposte sur X le tweet d’un drag queen montrant une photo de l’affiche en criant à la « HONTE » et demandant « Comment une publicité ouvertement TRANSPHOBE peut-elle être accepté [sic] à Paris ? ». Ce que militant commande, élu exécute. Dans son commentaire, Grégoire répète l’accusation de transphobie et annonce qu’il va saisir l’entreprise, J C Decaux, « pour demander le retrait de cette publicité ».

Comme c’est si souvent le cas, l’accusation de « transphobie » est instrumentalisée pour disqualifier l’autre et mettre fin à toute possibilité de débat. Dans une interview avec Le Parisien le même jour, l’édile avoue qu’il n’a pas lu le livre, mais précise que sa critique visait le slogan sur l’affiche, qu’il qualifie cette fois non seulement de « transphobe » mais aussi de « complotiste ». Ici, il a recours à une autre stratégie affectionnée par nos élites politiques, consistant à rejeter toute mise en question de leur vision du monde comme étant le fruit de quelque théorie du complot, théorie inventée ou propagée par les individus dont la méchanceté n’a d’égal que leur logique délirante… Seules les élites détiennent la Raison. Seules les élites sont raisonnables. La triste conclusion de l’affaire a été que les affiches ont dûment été retirées par JC Decaux. Mais le premier adjoint à la maire risque de ne pas avoir le dernier mot. Dans son tweet, il qualifie la transphobie – autrement dit, toute critique de l’idéologie trans – de « haine crasse ». Pourtant, c’est lui qui aura besoin de décrasser ses neurones, car toute une série d’études scientifiques et d’autres documents sont venus cette année étayer la thèse d’un « casse conceptuel ».

Le crépuscule d’une idéologie ?

C’est le 17 février qu’une des prétentions fondamentales des militants trans est battue en brèche par une étude finlandaise publiée dans le British Medical Journal. L’étude porte sur les cas de jeunes Finnois suivis par les chercheurs sur une période de plus de 20 ans, entre 1996 et 2019. Les militants trans, en véritables cultistes, ne reculent devant rien dans leurs tentatives pour convaincre les parents d’enfants souffrant de dysphorie de genre de permettre à ces derniers de faire une transition. Le stratagème le plus utilisé consiste à expliquer aux parents qu’il y a une forte probabilité que leur enfant, contrarié dans son désir de changer de genre, mette fin à ses jours. Or, la nouvelle étude, dont Causeur a déjà parlé, tend à montrer que, si le taux de suicide parmi les jeunes souffrant de dysphorie de genre est effectivement plus élevé que parmi les jeunes en général, cela peut être expliqué par le fait que la dysphorie de genre touche généralement des personnes souffrant déjà d’autres formes de fragilité psychologique. Si, statistiquement, on prend en compte cet aspect, les taux convergent. L’étude tend à montrer aussi que, dans les cas où la chirurgie de réassignation sexuelle est préconisée pour améliorer le « bien-être » du patient, cette démarche n’a aucun impact sur le risque de suicide par la suite. Le chantage par le suicide se révèle être un subterfuge des plus cyniques.

Dix jours plus tard, le 27 février, une étude néerlandaise portant sur plus de 2700 enfants appuie l’idée selon laquelle l’insatisfaction que peuvent ressentir des enfants et des adolescents par rapport à leur sexe biologique est, dans la majorité des cas, un phénomène transitoire qui disparait avec l’âge. Il n’y a donc aucun sens à préconiser que toute personne de moins de 18 ans souffrant apparemment de dysphorie de genre reçoive des bloqueurs de puberté et des hormones pour changer de sexe.

Les militants trans prétendent que ces bloqueurs de puberté n’ont aucun effet négatif à court ou à long terme sur ceux qui les prennent et que leur action est parfaitement réversible. Vrai ou faux ? C’est le 23 mars que la Mayo Clinic, un des hôpitaux les plus prestigieux aux États-Unis, prépublie une étude tendant à montrer que les bloqueurs de puberté ont des effets très dangereux sur la santé de l’individu et qui de plus ne sont pas réversibles. En particulier, on a relevé chez des garçons des cas inquiétants d’atrophie des testicules, ce qui réduit la possibilité qu’ils redeviennent fertiles en cessant de suivre ce « traitement ». Il y a aussi un risque augmenté de cancer.

A lire aussi: Marguerite Stern et Dora Moutot: «Le féminisme actuel a été parasité par l’idéologie transgenre et queer»

Un coup encore plus décisif est porté à l’idéologie trans et queer le 9 avril, date de la publication en Angleterre d’un rapport qui livre les conclusions de la plus grande enquête jamais conduite dans le domaine des soins transgenres. Surnommée « l’enquête Cass » (sans jeu de mots sur « casse »), elle a été présidée par Hilary Cass, ancienne présidente du Collège royal de pédiatrie. Commandée par le gouvernement en 2020, l’enquête a duré quatre ans et a porté sur tous les aspects de l’accueil et du traitement des cas de dysphorie du genre dans le Service de santé national (NHS) en Angleterre (l’Écosse et l’Irlande du Nord ont leur propre service de santé). La recommandation la plus importante est que, désormais, les enfants ayant des doutes sur leur sexe ou genre ne seront plus traités par des solutions médicales, mais par la psychothérapie. Le rapport affirme que les données justifiant le recours à des bloqueurs de puberté ou à des hormones pour masculiniser ou féminiser le corps sont totalement insuffisantes. La notion que les bloqueurs puissent avoir des effets positifs sur le « bien-être » des jeunes patients était fondée sur deux études néerlandaises datant de 2011 et 2014 et dont les conclusions ont été remises en question. Anticipant la publication du rapport, le NHS avait déjà annoncé la fin des bloqueurs de puberté pour les enfants (avec l’exception des essais cliniques), une décision saluée par le gouvernement de Rishi Sunak. Un projet de loi est actuellement débattu par le Parlement qui interdira l’accès des enfants à des hormones féminisantes ou masculinisantes.

Hilary Cass avait déjà préconisé la fermeture du Service de développement d’identité de genre (GIDS) à Londres, et cette institution a effectivement fermé ses portes le 1er avril. Elle sera remplacée par des centres régionaux, dont, dans un premier temps, un à Londres et un autre à Liverpool. Le GIDS n’a gardé aucune donnée sur le suivi des quelque 9000 jeunes qu’il avait soignés, et était ainsi incapable de justifier son approche par ses effets à long terme sur les patients.

Le rapport de Cass nie fermement que l’explosion, depuis une dizaine d’années, de cas de dysphorie de genre parmi les jeunes puisse être expliquée par une plus grande acceptation sociale du transgenrisme, favorisant plus de « coming out ». Comme dans l’étude finlandaise, Cass trouve que, comparée à la population générale, la cohorte des jeunes souffrant de dysphorie comporte une proportion très élevée de personnes souffrant d’autres traumatismes, souvent liés à la perte d’un parent, si ce n’est à la négligence ou à l’abus parentaux. Différentes formes de « neurodiversité » sont surreprésentées aussi. Dans une majorité des cas, il s’agit donc d’un diagnostic erroné, ou pour le moins orienté. Qui est-ce qui serait responsable de pareilles dérives scientifiques et thérapeutiques ? Il semblerait que trop de médecins aient oublié le serment d’Hippocrate.

Diafoirus honnête en comparaison

C’était en 2018 qu’un lanceur d’alerte, le psychiatre David Bell, avait publié son propre rapport, nourri par les témoignages de certains de ses collègues, sur les pratiques médicales douteuses des services du GIDS où lui-même travaillait.

L’institution a essayé de le discréditer et de minorer la portée de ses critiques, mais, avec le recul, on peut dire que c’était le premier clou dans le cercueil de l’approche promue par le GIDS et encore aujourd’hui par les militants du transgenrisme. Les jeunes patients étaient rapidement diagnostiqués avec la dysphorie de genre et mis sur une voie accélérée pour recevoir des « soins de transgenre », c’est-à-dire des bloqueurs et des hormones. Certains des enfants semblaient même avoir été « coachés » – soit par des activistes, soit par d’autres médecins – pour dire exactement ce qu’il fallait pour obtenir ces « soins ».

A lire aussi, Céline Pina: Victimes du réel, les militants «trans» rétifs à tout compromis

Or, le 4 mars de cette année, la fuite d’un ensemble de documents internes de l’Association professionnelle mondiale pour la santé des personnes transgenres (WPATH) a révélé les dérives professionnelles ayant cours au sein de cette institution. Cette dernière est responsable de la rédaction et la dissémination des « Standards de soin pour la santé des personnes transsexuelles, transgenres, et de genre non-conforme », censés définir les grandes lignes du traitement des patients dans tous les pays reconnaissant le transgenrisme. C’est donc avec une très grande inquiétude qu’on lit le catalogue de ces infractions ahurissantes à l’éthique médicale et à la notion de recherche scientifique. Des études sont conduites sans contrôles et sans randomisation. Des traitements sont improvisés. Bien que conscients des effets secondaires potentiellement incapacitants des hormones et d’autres drogues, beaucoup de membres de l’institution font preuve d’un manque total d’égards pour le bien-être à long terme de leurs patients. Et des patients ayant de graves problèmes de santé mentale, ou dans une situation de précarité matérielle, sont encouragés à consentir à des interventions aux conséquences irréversibles. Face à un tel cynisme, l’expression « casse conceptuel du siècle » semble presque une litote.

J. K. Rowling photographiée en 2016, à Londres. La créatrice d’Harry Potter est malmenée par des progressistes qui lui reprochent ses prises de position sur la théorie du genre © Nils Jorgensen/Shutters/SIPA

Le 10 avril, J. K. Rowling a salué la publication du rapport Cass dans une série de tweets qui sont un message très clair pour ceux qui, comme le premier adjoint à la maire de Paris, persistent à accuser les critiques de l’idéologie queer de « transphobie » et de « complotisme ». Des gens comme lui « ont désigné leurs adversaires comme étant d’extrême-droite pour avoir voulu s’assurer que des contrôles et des contre-pouvoirs adaptés sont en place avant que des gosses autistes, gays ou maltraités – des groupes surreprésentés dans les cliniques traitant la dysphorie de genre – ne se trouvent stérilisés, incapables d’orgasmes et malades pour le restant de leurs jours ».

A la longue, ceux qui se sont opposées au débat, à la science, et à la vie auront du sang sur leurs mains, sang qu’ils ne pourront jamais laver. Car, comme l’écrit Isidore Ducasse, plus connu sous le pseudonyme de comte de Lautréamont : « Toute l’eau de la mer ne suffirait pas à laver une tache de sang intellectuelle ».

Transmania: Enquête sur les dérives de l'idéologie transgenre

Price: 21,00 €

4 used & new available from 19,99 €


[1] Queer : terme qui désigne à la fois tous les genres possibles – et il y en a beaucoup, selon les idéologues – leurs différentes combinaisons et l’absence de genre.

Stop ou encore?

0
La députée Véronique Hivon ouvre le dossier sur la fin de vie à l'Assemblée nationale du Québec, 12 juin 2013 © Jacques Boissinot/AP/SIPA

En 2015, l’Assemblée nationale du Québec, plus sensible que les autres législations nord-américaines à l’irrépressible pulsion de mort qui lézarde la civilisation occidentale, adoptait, dans l’approbation générale et en l’absence de toute opposition politique, une loi sur l’aide médicale à mourir. Pour éclairer notre débat national, notre correspondante nous raconte où en sont nos cousins, presque 10 ans après l’adoption de cette loi sur l’aide médicale à mourir.


Depuis 2015, cette question revient périodiquement dans l’actualité. Bien que cela n’ait rien d’étonnant dans une société portée par Thanatos (haine de soi, déclin de la natalité, appels à la décroissance, discours sur l’apocalypse climatique), le journal La Presse[1] mettait en lumière, récemment, le fait que les craintes des rares voix dissidentes par rapport à cette loi permettant à l’État de donner la mort par le biais de médecins étaient fondées : toujours on cherchera à en étendre le domaine d’application.

Pressés de trépasser ?

Quiconque, en 2015, osait s’inquiéter des dérives possibles de la loi « mourir dans la dignité » lorsqu’elle a été adoptée était vu comme un conservateur « intégriste catholique » délirant. Des garde-fous seraient mis en place, des lignes rouges ne seraient jamais dépassées. En effet, la loi prévoyait, dans sa forme originale, que plusieurs évaluations de la capacité de consentir du patient devaient être effectuées indépendamment, et que ce consentement puisse être donné par le patient avec lucidité au moment de procéder à l’injection finale. Le mort en devenir devait également être atteint d’une maladie incurable lui causant des souffrances physiques et psychiques le condamnant à un décès prévisible. À noter que les troubles mentaux étaient explicitement exclus des maladies donnant accès à l’aide médicale à mourir.

Sans surprise, toutefois, des groupes de pression se sont créés – des lobbys de la mort médicalement assistée – et ceux-ci font, depuis, des représentations médiatiques et politiques pour étendre le droit à l’injection létale. Il faudrait selon eux impérativement abattre les garde-fous qui réduisent l’accès à la mort par injection de midazolam. Puisqu’il s’agit de « mourir dans la dignité », qui cherche à appuyer sur la pédale de frein devient d’emblée un ennemi du genre humain. En 2020, c’est le garde-fou de la « mort prévisible » qui a été abattu.

On a d’abord cessé d’appliquer ce critère d’accessibilité, et on l’a ensuite complètement retiré de la loi en 2023. En 2021, parallèlement à cette évolution québécoise, le gouvernement fédéral canadien modifiait son code criminel afin de permettre deux voies d’accès à l’aide médicale à mourir : une pour les personnes dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible et une autre pour les personnes dont la mort naturelle est non raisonnablement prévisible[2]. Une personne pouvait désormais recevoir son injection létale dès lors que sa demande était acceptée, et n’était plus obligée d’attendre que sa mort devienne prévisible.

Consentez maintenant, mourrez plus tard

Récemment, c’est Helen Long du lobby Dying With Dignity Canada qui demandait à ce qu’un autre garde-fou tombe. Souhaitant ultimement à ce que l’on permette d’étendre l’accès à l’euthanasie aux personnes souffrant de troubles mentaux, faisant fi du fait que l’espoir était une condition sine qua non à la possibilité d’une thérapie, et déçue que le gouvernement fédéral ait décidé d’attendre trois ans avant de statuer sur cette question (probablement en y consentant), c’est en plaidant le droit aux personnes souffrant de démence de demander l’aide à mourir avant de perdre leur capacité à consentir, ce qu’on appelle une demande anticipée, qu’elle s’est illustrée dans les derniers jours. Aucun débat de société n’accompagnera cette demande, et aucune opposition vigoureuse ne sera prise au sérieux. Encore une fois : qui voudrait avoir l’odieuse idée de « priver de dignité » un autre être humain ? La rhétorique de la « mort digne » vient ici rendre impossible tout débat.

Pourtant, n’est-il pas essentiel de pouvoir consentir au moment de l’acte ? L’idée de consentir d’avance dans le cas de maladies telles que l’Alzheimer me terrifie. Une personne souffrant de démence n’est pas un légume. Elle a une conscience, une volonté et une valeur, même si elle a perdu une partie de ses capacités cognitives. Son souhait, au moment de la demande anticipée, peut avoir changé au moment de sa mise à mort. C’est en nous mettant dans la peau de quelqu’un qui ne voudrait plus mourir mais qui, étant dément et ayant formulé une demande anticipée, ne pourrait plus être pris au sérieux dans ses désirs au moment de l’acte que l’on comprend mieux l’absolue horreur du geste qui prend alors tous les airs d’une exécution.

Éclipse de la mort, éclipse de la vie

D’abord, l’expression « mourir dans la dignité » pose un problème majeur. La dignité est un sentiment de vie. On vit dignement car on a un pouvoir sur notre existence et ce que l’on en fait. Mais la mort est un état inaltérable, invariable. Après le dernier souffle, c’est l’inexorable processus de décomposition qui se met en branle. Les sphincters se relâchent, le regard devient vitreux et la bouche béate. Des spasmes post-mortem surviendront peut-être, puis la rigidité cadavérique s’installera pour plusieurs heures. La peau deviendra cireuse, livide, et empourprée aux endroits où s’accumulera le sang. Les viscères se distendront sous la pression des gaz émis par la putréfaction. Il n’y a là aucune dignité ni indignité à y avoir : que la froidure de l’immuable.

C’est au niveau de l’extinction de la vie que l’injection létale intervient. D’abord en en décidant du moment. L’être apeuré tend à soulager sa terreur en cherchant à contrôler tout ce qu’il peut se rattachant à l’objet de celle-ci, attitude paradoxale et contre-nature considérant que la mort constitue l’ultime abandon. Puis, ayant pris le contrôle, il se retrouve face à une nouvelle peur : l’inconnu. Souffrira-t-il ? Comment se sentira-t-il ? C’est là qu’intervient l’injection, constituée en fait par l’induction d’une sédation proche de l’anesthésie par le biais de calmants, puis par l’administration d’un agent paralysant qui engendrera l’arrêt de la respiration et, rapidement, l’arrêt cardiaque, processus qui aurait naturellement lieu de toute manière. L’essentiel de l’opération consiste, en fait, à cacher le processus du trépas par la sédation, processus qui reste, au fond, le même. C’est un voile appliqué sur le réel, et une tentative de se substituer au processus naturel. La putréfaction aura lieu, mais sera rapidement ralentie, et aseptisée, ou simplement stoppée, loin des regards, sur la table d’un embaumeur ou dans un four crématoire. Se mettre un masque face à nos peurs constitue-t-il, toutefois, un gain de dignité face à l’existence humaine ?

On avait promis aux Québécois, dans la loi, de garantir un accès prioritaire aux soins palliatifs en centre ou à domicile pour ceux qui désireraient emprunter cette voie plutôt que de hâter la survenue de leur agonie. Pourtant, une année après l’abolition du garde-fou que constituait le critère de la « mort raisonnablement prévisible » en 2021, le nombre de Québécois ayant reçu l’injection létale a bondi de 42%[3]. Mais d’où vient cet empressement à mourir et à faire mourir ? Comment se fait-il que presque personne ne s’en inquiète publiquement avec sérieux ? Cela devrait préoccuper gravement quiconque accorde encore à la vie quelque valeur.


[1] https://www.lapresse.ca/actualites/sante/2024-04-17/aide-medicale-a-mourir/un-groupe-demande-l-inclusion-des-patients-atteints-de-demence.php

[2] https://www.quebec.ca/sante/systeme-et-services-de-sante/soins-de-fin-de-vie/aide-medicale-a-mourir/exigences-requises

[3] https://www.lapresse.ca/actualites/sante/2023-10-26/aide-medicale-a-mourir-au-quebec/un-bond-de-42-la-ministre-s-interroge.php

Des psaumes contre des missiles?

0
Israéliens, Pessa'h, Jérusalem,19 avril 2024 © Debbie Hill /§ UPI/Newscom/SIPA

Trois mensonges iraniens et une réplique israélienne…


Missiles contre psaumes, en hébreu: tehilim neged tilim.  Il y a des interprétations mystiques de l’échec des engins iraniens à entrainer des dommages à la population et aux installations israéliennes, en dehors d’une malheureuse enfant bédouine gravement blessée par un éclat de shrapnell.

Depuis la Shoah je pense qu’aucun Juif n’a le droit se prévaloir d’une intervention divine à un événement historique, mais le 14 avril 2024 a réactivé chez les anciens le souvenir du 5 juin 1967, premier jour de la guerre des Six Jours. 

Trois mensonges iraniens

Après avoir eu très peur, j’ai pensé aux hommes qui ont permis cet extraordinaire succès, les scientifiques, militaires, industriels, responsables du renseignement et de la sécurité. Et aussi à ces hommes politiques, qui, il y a une trentaine d’années, à la suite de l’échec des batteries de Patriots contre les Scud, des missiles balistiques primitifs, lors de la première guerre du golfe, avaient poussé, avec l’aide des Américains, les recherches sur le bouclier anti-missiles alors qu’une partie de l’Establishment militaire  considérait que cet objectif était  irréalisable et qu’il allait cannibaliser les autres crédits militaires. Il en a résulté le système Arrow (Hetz, la Flèche, en hébreu). Arrow 3 a intercepté les missiles balistiques iraniens avant même que ceux-ci ne retournent dans l’atmosphère.

Or, ce succès retentissant, s’il a rempli de joie les Israéliens, semble avoir également enthousiasmé les Iraniens, au moins les bassidji, c’est-à-dire les hommes de main du régime, qui constituent l’essentiel de ces foules que l’on voit à Téhéran manifester leur joie et leur volonté de détruire Israël, mais qui donnent une image biaisée de la société iranienne.

Cette joie commune aux Israéliens et à leurs pires ennemis, ce n’est pas quelque chose d’habituel, c’est le moins qu’on puisse dire. Nous sommes dans un monde de communication. Après un échec aussi monumental, le régime des mollahs a évidemment refusé de reconnaitre son humiliation, et le mensonge pour la bonne cause étant une arme recommandée de la taqiya chiite, il a proféré trois mensonges assortis d’une menace. 

  • 1er mensonge : nous étions dans notre droit, car l’attaque contre notre consulat à Damas était une scandaleuse violation des règles d’immunité diplomatique. L’Iran se préoccupe de ces règles la semaine même où la Cour Suprême argentine le rend responsable des attentats contre l’ambassade d’Israël en 1992 et le centre communautaire Amia en 1994.  Ce régime considère que la prise en otages dans leur ambassade des Américains en 1979 pendant 444 jours fut une opération particulièrement héroïque. Quant au consulat iranien, ses activités paraissent bien peu diplomatiques, puisque les victimes sont presque toutes des Gardiens de la Révolution et parmi eux le général Zahedi, qui aurait joué un rôle primordial dans la coordination avec le Hamas pour les massacres du 7 octobre…
  • 2e mensonge: nous nous sommes vengés car nous avons durement frappé les installations du régime sioniste. Ce mensonge ne mérite même pas de commentaires…
  • 3e mensonge: nous avons limité nos représailles, conformément à notre tradition humaniste et nous avons informé à l’avance nos frères turcs pour qu’ils préviennent l’ennemi.

Je pense que si Israël a besoin d’un renseignement provenant de la Turquie pour faire face à une menace iranienne, alors Israël est perdu. Les systèmes d’interception sont fondés sur un maillage positionnel satellitaire et des capteurs, infra-rouges notamment, d’une extrême précision, qui permettent en quelques secondes de repérer le lancement d’un missile, à charge ensuite aux systèmes informatiques de calculer sa trajectoire probable et de déclencher la riposte. L’information envoyée à la Turquie était alors superflue et les assurances données par l’Iran sonnent comme une manifestation de la duplicité du régime. 

Que l’Iran n’ait envoyé qu’une petite portion de son arsenal, constituée de pièces anciennes, alors que les moyens de défense israéliens et américains sont très coûteux, ce n’est qu’une partie de la réalité. Il y avait là, outre les drones et les missiles de croisière, plus de 120 missiles balistiques, ce qui est considérable, 60 tonnes de masses explosives et les Iraniens sont extrêmement déçus de leur échec, quelles que soient leurs rodomontades. Les engins ont été envoyés pour saturer les défenses israéliennes, pas pour les aguerrir en leur donnant la possibilité d’un test grandeur nature.

Quant à la menace des Iraniens, c’est : « l’affaire est close, mais si Israël réagit, notre réponse sera terrible ». On est habitué à ce discours, la menace iranienne la plus récente étant celle de posséder des missiles hypersoniques exceptionnellement efficaces, ces missiles dont la trajectoire est difficile à prévoir et la menace la plus alarmante, celle de l’arme nucléaire. Aux spécialistes israéliens d’évaluer ces menaces et aux décideurs de se méfier de la trop grande confiance qui proviendrait d’un succès tel que celui du 14 avril. 

Répliques

Tout a déjà été écrit sur les répliques possibles d’Israël qui paraissent inéluctables aux yeux de la plupart des experts.

Mais si une réplique a lieu, ce qui est très probable, ce ne sera pas forcément une opération militaire spectaculaire. Chacun, en dehors des va-t’en guerre et des mystiques, connait le fil vital avec les États-Unis, qui ont joué un rôle majeur dans la sécurisation d’Israël. Quoi qu’on pense du souci de Biden de ne pas impliquer son pays dans la guerre, de la responsabilité d’hommes favorables à l’Iran, tels Robert Malley, dans l’administration démocrate, de l’absurdité qu’il y avait en novembre 2023 à transférer à l’Iran 10 milliards de dollars bloqués jusque-là, on voit mal une offensive massive sans le soutien américain, d’autant plus qu’Israël ne semble pas disposer des facilités de ravitaillement en vol des F35 et des dernières bombes perforantes à très grande profondeur nécessaires contre les installations d’enrichissement d’uranium enfouies de Furdo et Natanz.  

Israël dispose en Iran d’un allié dans le peuple en lutte contre ses dirigeants. C’est le régime sanguinaire des mollahs qu’il faut détruire et pas le peuple iranien. La constatation a été faite depuis plus de quarante ans, mais à force de répression accrue en interne et d’habileté diplomatique en externe, le régime sanguinaire des mollahs et de leurs alliés militaires parait plus solide que jamais et le nucléaire lui servirait de bouclier à l’abri duquel il pourrait multiplier ses crimes. Mais les fissures sont certainement nombreuses…

Aujourd’hui, Israël n’en a pas fini avec les proxys de l’Iran. Le Hezbollah a transformé l’extrême nord du pays en zone inhabitée. Le Hamas vient de durcir sa position sur les otages en même temps qu’il se confirme que la plupart de ceux-ci sont morts. 

La réponse d’Israël à l’Iran passe aussi, peut-être plus que jamais, par la démonstration que l’Iran n’est pas capable de protéger les mouvements terroristes qui dépendent de lui. Ce travail n’est pas encore terminé…

Entre ciel et terre, une architecture du passage

0
Musée maritime d'Osaka, Japon. DR.

« ANDREU », sans prénom, tel s’annonce, en lettres capitales immaculées, sur le fond noir et blanc d’une superbe photo pleine page, la couverture du bel ouvrage consacré à l’architecte des premiers terminaux de Roissy – un peu comme on dirait VITRUVE, MICHEL-ANGE ou LE BERNIN.  

Une rétrospective au Palais de Chaillot

C’est que Paul Andreu (1938-2018) n’est pas n’importe qui. Nom moins connu du grand public qu’un Jean Nouvel ou un Rudy Ricciotti, il a posé sa marque indélébile sur plusieurs projets d’immense envergure, tout au long du second XXᵉ siècle. Il n’a pas 30 ans quand, dans les années 60, Aéroport de Paris commande à ce brillant architecte-ingénieur polytechnicien bardé de diplômes la conception de cette « aérogare 1 de Paris-Nord », qui prendra nom plus tard de Roissy-Charles de Gaulle. Toujours en majesté à l’orée de l’immensité aéroportuaire, l’étrange fortin de béton brut pose sa soucoupe tapie au sol, tel un décor de film de science-fiction, ceinturée de ses sept satellites à partir desquels le passager prend son envol. Œuvre iconique s’il en est, le cercle et le carré fondant la poétique d’un imaginaire architectural nouant le ciel et la terre dans une savante minéralité dont les froides géométries s’adossent à une symbolique très méditée.  

A lire aussi, du même auteur: Ricardo Bofill, nos années béton

Scénographiée par l’agence NC (Nathalie Crinière) selon un parcours paradoxalement assez statique pour célébrer, dans cet espace en sous-sol du palais de Chaillot que les habitués du lieu baptisent « la cathédrale », un architecte du flux et de l’envol, cette rétrospective, mariant chronologie et thématique (commissaire, Stéphanie Quantin-Biancalani) dévoile de superbes carnets de dessins et autres esquisses, bon nombre de maquettes exemplaires, du mobilier, des plans, etc. sans compter photos et extraits de films qui restituent «  la cristallisation d’une pensée tectonique » sans égal.

Mise en tension

On se souvient qu’en 2004 s’effondrait le toit du Terminal E de Roissy : cette catastrophe aura durablement traumatisé cet « entrepreneur d’architecture », dont les Archi-Mémoires, parues en 2013, révèleront la personnalité singulière. Carrière fulgurante que celle de Paul Andreu : du tunnel sous la Manche (1985-1993) à l’Opéra de Pékin (1999-2007), des aéroports de Montpellier ou Bordeaux (1980-2002) à celui de Shanghai (1996-1999) ou de Kansai, au Japon (1987-1994), jusqu’à cet étrange Nuage qui depuis 1989 tend sa composition arachnéenne entre les bords de l’Arche de la Défense, ou encore cette Sea Sphere qui, abritant à Osaka un Musée maritime, flotte, pour citer Andreu lui-même, « mystérieusement à la limite du ciel et de l’eau »…

A lire aussi: Amal, un esprit libre — et mort

De ce destin hors normes, l’ouvrage publié en parallèle à l’exposition Paul Andreu. L’architecture est un art rend compte avec une grande élégance esthétique, mais aussi de très éclairantes contributions, telle celle de Yann Rocher, dont l’exposition Globe, il y a quelques années, avait marqué les esprits : « le vol en avion, écrit-il, est une expérience si pauvre du point de vue spatio-temporel, si ressemblante au tunnel (…) qu’elle doit être compensée par la richesse des espaces qui le précèdent et lui succèdent », assumant « que l’architecture ne soit que passage, dans une gamme d’épaisseurs allant du passage-miroir au passage-terrier. (…) Il s’agit bien de mettre en tension la terre et le ciel par l’architecture ».            


A voir : Exposition Paul Andreu, l’architecture est un art. Cité de l’architecture et du patrimoine. Paris. Jusqu’au 2 juin 2024. www.citedelarchitecture.fr

A lire : Catalogue Andreu. Cité de l’architecture et du patrimoine / Norma éditions, 2024

Andreu

Price: 42,00 €

3 used & new available from 35,00 €

Archi-mémoires: Entre l'art et la science, la création. (Sciences Humaines)

Price: 19,99 €

1 used & new available from 19,99 €